Euthanasie : Le sondage manipulateur de l’ADMD

Ca y est ! Comme chaque année ou presque, l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) vient de publier son sondage pour démontrer que l’immense majorité des Français veut une loi autorisant l’euthanasie.

Cette fois, le record national est battu : 96% des Français seraient pour cette légalisation, avec 54 % répondant « oui, absolument » et 42% « oui, dans certains cas ». Ils n’étaient que… 92% en octobre 2013, ou 94% en octobre 2010. Plus de 90% des citoyens votant POUR une mesure aussi radicale, année après année, c’est digne d’un scrutin à la soviétique, avant la chute du mur de Berlin ! Dans notre pays frondeur, avec notre tempérament de tribus gauloises toujours prêtes à se diviser, n’est-ce pas très surprenant, voire tout à fait suspect ? Voyez-vous une telle unanimité pour réformer l’assurance-chômage, baisser les allocations familiales, réformer les rythmes scolaires, supprimer les départements, arrêter le nucléaire, etc ?

En réalité, les Français ont à répondre à une question mal posée, à une forme de piège dialectique. Une question qui induit tellement la réponse que vous ne pouvez que dire oui, sauf à paraître complètement fou ou inconscient. Reprenons la question posée par l’IFOP, toujours la même depuis des années (c’est nous qui soulignons les mots clés) : « Certaines personnes souffrant de maladies insupportables et incurables demandent parfois aux médecins une euthanasie, c’est-à-dire qu’on mette fin à leur vie, sans souffrance. Selon vous, la loi française devrait-elle autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie de ces personnes atteintes de maladies insupportables et incurables, si elles le demandent ? » Donc nous avons d’un côté des « souffrances insupportables », et de l’autre une solution « sans souffrance ».

On répète l’opposition des situations extrêmes avec insistance, deux fois dans la même question : dites-moi, connaissez-vous beaucoup de personnes qui accepteraient de subir l’insupportable ? Par principe, si une situation ne peut être supportée, il faut y mettre fin immédiatement. Ce n’est pas 92 ou 96% des Français qui devraient répondre oui, mais 100% ! Nous sommes donc devant un choix truqué, une manipulation à visée idéologique qui retire toute valeur probante à ce sondage, comme à ceux des années précédentes.

La question est finalement du style : « Préférez-vous mourir d’une bonne crise cardiaque en quelques secondes sans vous en rendre compte, ou mourir d’une agression de 50 coups de couteau déclenchant une hémorragie interne et d’intenses souffrances pendant deux jours ? ». Ou encore, d’une façon plus générale pour ce genre d’opposition en blanc ou noir : « Préférez-vous être riche et en bonne santé ? Ou préférez-vous être pauvre et malade » ?  On ne peut que répondre oui à la première question !

En sens inverse, imaginons l’alternative suivante : « En fin de vie à l’hôpital, préférez-vous : a) être pris en charge par une équipe de soignants compétents, capables de soulager vos douleurs pour vous permettre de profiter au mieux de vos derniers jours avec vos proches, ou b) ne pas être pris en charge médicalement et que l’on vous euthanasie ?» Nous pouvons affirmer sans grand risque que la réponse a) obtiendrait une large majorité. D’ailleurs, d’autres sondages confirment  que les Français en général souhaitent des mesures qui les aident à mourir sans souffrir, mais dans un accompagnement fondé sur le respect de « l’interdit de tuer », le principe à la base de toute la confiance entre soignants et soignés.  Nous ne sommes plus au temps où l’on devait amputer une jambe sans anesthésie.

Aujourd’hui en France, pratiquement toutes les douleurs physiques peuvent être soulagées correctement, les cas de souffrances insupportables et inapaisables sont devenus extrêmement rares (le chiffre de 2000 cas par an, parfois évoqué, correspondrait à 0,003% des décès). Citons par exemple ce sondage Opinionway de janvier 2011, très éclairant. A la question sur « quelle est la priorité aujourd’hui en France ?», 60% répondent « Voter des crédits pour développer des soins palliatifs de qualité » (et même 73% des 60 ans et plus), contre 38% qui choisissent « Légaliser l’euthanasie » : il n’y a plus qu’un gros tiers des Français qui demandent une loi pour favoriser la piqûre létale ! Et ce même sondage pose une question encore plus précise, plus personnelle : « Imaginez que l’euthanasie soit légale en France et qu’un de vos proches soit gravement malade. Personnellement, préfériez-vous… ? Qu’il bénéficie de soins palliatifs de qualité (63% des réponses), ou qu’on opère sur lui une euthanasie, c’est-à-dire une injection mortelle (36% des réponses) ». Conclusion claire : ce dont la France a besoin, c’est d’un développement majeur des soins palliatifs, promis par François Hollande en juillet 2012 mais jamais mis en œuvre depuis.

La plupart des adhérents de l’ADMD, quand on discute sereinement avec eux, veulent surtout ne pas souffrir en fin de vie, et pensent que l’euthanasie est la seule façon d’éviter l’acharnement thérapeutique. Mais si on leur propose un bon accompagnement médical et humain, la demande d’euthanasie disparaît. Sont par contre très minoritaires, ceux qui veulent à tout prix que la société puisse les « suicider », même sans douleur insupportable, à l’heure qu’ils ont choisie en revendiquant leur droit à l’autonomie. C’est dire combien un immense travail de pédagogie est nécessaire pour bien définir et expliquer ce que l’on met sous le mot « euthanasie »… Ne nous laissons pas manipuler !

Vie contre dignité : le choix truqué

Vie contre dignité : le choix truqué

La situation de Vincent Lambert, cet homme de 38 ans tétraplégique depuis un grave accident de voiture en 2008 et hospitalisé à Reims, se révèle toujours plus douloureuse et complexe. Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 24 juin 2014, a jugé qu’il était légitime d’arrêter de l’alimenter et de l’hydrater – et donc de provoquer sa fin de vie -, considérant qu’il s’agissait d’un traitement disproportionné. Le jour-même, suite au recours en urgence des parents de Vincent, la  Cour Européenne des Droits de l’Homme  (CEDH) s’est emparée de l’affaire. Elle met actuellement en œuvre une procédure exceptionnelle pour rendre son jugement plus rapidement que d’habitude, ce qui prendra cependant plusieurs mois.

L’Etat français a déposé début septembre ses conclusions auprès de la Cour, qui reprend globalement l’argumentation du Conseil d’Etat. Ce 5 septembre, la sœur et le demi-frère de Vincent lancent dans la presse un appel particulièrement émouvant, un « appel du cœur et de la raison » pour le respect de la dignité et de la vie de Vincent. Ils expliquent son parcours, son manque actuel de soins, et pourquoi personne ne peut dire aujourd’hui s’il veut réellement mourir.

Dans ce contexte, d’autres membres de la famille de Vincent Lambert et des personnalités politiques ou médicales publient ce même jour une tribune plus juridique et politique. Ils adressent à la CEDH un ultimatum assez incroyable  : ils n’exigent rien de moins que l’Etat français fasse pression sur la CEDH, Cour de justice indépendante qui a autorité sur 47 Etats et plus de 800 millions d’habitants ; et si cette Cour n’obtempère pas, de passer outre sa compétence et « d’arrêter les traitements » de Vincent Lambert sans attendre, c’est-à-dire de mettre fin à sa vie.

On peut comprendre la logique de cette démarche. Elle est cohérente avec tout ce qui est entrepris par son médecin traitant à l’hôpital depuis sa première décision du 10 avril 2013, consistant à mettre en œuvre un « protocole de fin de vie » par arrêt d’alimentation et d’hydratation. Pour ceux qui considèrent que cette vie n’a plus de sens, il est urgent de stopper les recours juridiques et d’en finir au plus vite…

En réalité, cet ultimatum se révèle particulièrement choquant au niveau éthique.  Selon ses auteurs, il faut « mettre en balance » d’un côté le droit à la vie d’un être humain, et de l’autre côté son droit à la dignité. Sous-entendu, si on maintient en vie Vincent Lambert, ce serait contraire au respect de sa dignité. Il subirait des violations extrêmement graves, relevant notamment de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (cet article interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants).  Le seul fait de nourrir artificiellement un homme, parce qu’il ne peut plus s’alimenter par lui-même, pourrait-il donc être considéré comme de la torture ?

Plus profondément, cette opposition entre « droit à la vie » et « droit à la dignité » a quelque chose  d’inacceptable pour une société soucieuse des plus fragiles. Toute personne humaine est digne, quelle que soit sa situation et son état de santé, jusqu’à la dernière minute de sa vie. Affirmer que respecter la dignité de Vincent Lambert nécessite de le faire mourir, alors qu’en réalité nul ne sait ce qu’il pense aujourd’hui, est d’une grande violence. Cette conception relativiste de la dignité est aussi la porte ouverte à tous les excès pour les milliers de personnes qui vivent depuis des années dans un état similaire.

Pourquoi un tel acharnement de certains membres de la famille à obtenir la mort de Vincent Lambert ? Des responsables politiques ou des médecins, même de soins palliatifs, ont-ils un intérêt particulier à exiger l’arrêt d’alimentation et d’hydratation d’une personne qui ne leur a rien demandé ? Pour mémoire, Vincent Lambert n’est pas en fin de vie, il est lourdement handicapé depuis plusieurs années. Peut-on vouloir à ce point le bien d’une personne malgré elle, quand ce prétendu « bien » consiste à mettre fin à sa vie ?

Le fond du problème soulevé par la situation éminemment complexe de Vincent Lambert, c’est le statut de l’alimentation pour les personnes qui ne peuvent se nourrir elles-mêmes. Que ce soit considéré comme un soin (au même titre que la toilette, le lit propre et la chambre chauffée) ou comme un traitement (parce que nécessitant une légère intervention, le plus souvent médicale, de rares fois chirurgicale), l’enjeu est finalement le même : arrêter volontairement d’alimenter une personne qui n’est pas en fin de vie relève d’une volonté euthanasique. Ce qui va sans dire va mieux en le disant.

L’appel exceptionnel lancé aujourd’hui par la sœur et le demi-frère de Vincent mérite au contraire d’être entendu. Ils demandent qu’un réel projet de vie et des soins appropriés lui soient procurés, comme en bénéficient au quotidien les 1700 autres personnes vivant des situations comparables en France. Il en va de l’honneur de la France et de sa conception des Droits de l’Homme.

Modèles familiaux : si tout se vaut, rien ne vaut.

Depuis qu’elle est ministre de la Famille, Mme Bertinotti a fondé toute sa politique sur une conviction : la société a beaucoup évolué ; à côté des familles dites classiques, il existe maintenant des familles monoparentales, recomposées, homoparentales… Elle considère que les Français « choisissent leur modèle familial » (c’est son expression), et donc peu importe la façon de « faire famille » : l’Etat doit prendre en compte cette diversité et traiter de la même façon, au nom de l’égalité des droits, tous les « modèles familiaux ».

C’est cette vision de la société qu’elle n’a cessé de promouvoir pendant les mois de débat sur le mariage homosexuel et l’homoparentalité. C’est la même conviction qui l’habite pour préparer le projet de loi sur la famille prévu pour début 2014.

Bien sûr, il faut aider et protéger toutes les familles, quels que soient leur forme et les accidents de la vie à leur origine. Des mesures pour améliorer leur vie au quotidien sont toujours nécessaires. Mais est-ce légitime de considérer comme des « modèles » familiaux toutes les formes d’organisation de vie en famille, en les mettant sur le même plan, sans en valoriser aucune ?

Cela renvoie à une question-clé : qu’est-ce qu’un modèle ? N’est-ce pas ce qui est montré en exemple ? Un modèle possède des qualités supérieures qui en font une référence à imiter, un standard à reproduire, un idéal à atteindre. Le modèle, dans l’industrie comme dans les arts, l’économie ou la politique, c’est la forme la plus parfaite ou achevée d’une réalité donnée.

Le modèle pour vivre en famille, l’histoire et le bon sens en donnent la description : il est fondé sur la complémentarité des sexes, la filiation et l’éducation des enfants par leurs parents, et pour cela l’engagement stable et public de ces parents (mariage civil). Cette « recette » n’est pas une garantie de réussite, loin s’en faut, mais s’en éloigner multiplie les difficultés et les risques d’échec.

Croit-on vraiment que les Français érigent en modèle, en exemple à suivre, les organisations familiales qui visent à réparer ou compenser l’échec d’une union précédente ? Croit-on que beaucoup de personnes souhaitent à priori, comme « modèle choisi », vivre dans une famille monoparentale, recomposée ou homoparentale ? Il est clair que non, surtout si on se place du point de vue de l’enfant.Trois enfants sur quatre vivent avec leurs deux parents : n’est-ce pas la situation que l’on peut souhaiter pour tous ?

Aucun adulte n’aspire à se séparer de l’être qu’il aime, il suffit de voir les drames conjugaux, les violences et les suicides à longueur de faits divers. Quelle femme aspirerait à élever seule un enfant ? Elle sait trop bien la somme de difficultés quotidiennes, matérielles et éducatives, qu’elle va rencontrer. Et si l’on « recompose » une famille avec un beau-père ou une belle-mère, des demi-frères et des demi-sœurs, n’est-ce pas justement pour chercher à reconstituer le modèle « père-mère-enfants » ?

De même, aucun enfant n’aspire à voir ses parents se déchirer et se séparer : les dégâts psychologiques, éducatifs, scolaires chez nombre d’entre eux après un divorce sont désormais attestés (voir par exemple le livre d’Agathe Fourgnaud, Le jour où mes parents ont divorcé : des adultes témoignent). Tout enfant adoptable, quand on l’interroge, n’aspire-t-il pas à être confié à un père et une mère, et non pas à un couple composé de deux hommes ou deux femmes ?

En réalité, Mme Bertinotti fait une confusion dramatique entre les personnes d’une part, et les formes d’organisations familiales d’autre part. Toutes les personnes se valent, elles ont une égale dignité, et il n’y a pas de hiérarchie à établir entre elles. Il faut d’ailleurs saluer le mérite et le courage des parents – bien souvent des femmes seules – qui éduquent des enfants avec efficacité sans bénéficier de la structure idéale.

Par contre, toutes les organisations familiales ne sont pas équivalentes : elles ne favorisent pas toutes de la même manière l’épanouissement et le bonheur de ses membres. Si le « modèle classique » n’est pas une garantie de succès conjugal et de bonheur familial, les autres formes d’organisations familiales le sont encore moins.

Si tout se vaut, rien ne vaut. Si la société n’a plus de « modèle de vie en famille », si les lois de l’Etat mettent tout sur le même plan, ce sont les adultes et les enfants les plus faibles qui en subissent les conséquences ; car ce sont eux qui souffrent le plus du manque de stabilité, de filiation clairement établie, d’équilibre familial et éducatif.

Le seul problème, c’est qu’on ne le mesurera vraiment que dans plusieurs générations…

Parlement européen : vote symbolique et basculement de civilisation

Ce qui vient de se passer au Parlement européen est significatif d’une évolution culturelle profonde, et il me semble important de bien saisir la portée d’un évènement dont les médias n’ont pratiquement pas parlé.

Mardi 22 octobre 2013, arrive en discussion plénière à Strasbourg une proposition de résolution préparée de longue date par la « commission des droits de la femme et de l’égalité des genres ». Le texte vise à faire la promotion, en Europe et dans le monde, des « droits sexuels et génésiques » (au passage, ces expressions révèlent que l’Europe est déjà très imprégnée du vocabulaire « Gender » qui se déploie dans les instances internationales depuis 10 ou 15 ans).

Au moment de passer au vote, cette proposition de résolution fait alors l’objet d’un débat court mais animé. Un député demande d’emblée le renvoi en commission, considérant qu’il n’y a pas de position majoritaire sur ce texte controversé. Il demande ainsi que le texte ne soit pas soumis au vote, mais qu’il soit retravaillé dans la commission compétente, ce qui prendra sans doute plusieurs mois. S’en suit plusieurs rebondissements de procédure : la présidente de séance refuse au départ de faire voter sur la motion de renvoi en commission, puis commence à faire voter un amendement, puis se ravise et fait voter sur cette motion de renvoi à main levée ; devant l’incertitude du résultat, elle  décide de procéder à un vote électronique, qui donne 351 voix pour le renvoi en commission et 319 voix contre. Le président de la commission concernée et la rapporteure du texte sont furieux, étant auparavant persuadés que leur résolution serait votée sans difficulté.

Comment expliquer ce revirement ? D’abord à cause du contenu du texte, qui traitait en majorité de sujets qui ne relèvent pas de la compétence de l’Union européenne. Au sein du Parlement européen, certaines minorités actives cherchent à obtenir des prises de position en leur faveur, qui serviront ensuite pour faire pression sur les Etats et obtenir des lois qui leur conviennent. C’est le cas de la promotion systématique de l’avortement, avec le paradoxe de la condamnation par ailleurs (résolution du 8 octobre 2013 sur le généricide : les femmes manquantes ?) des pays qui pratiquent l’avortement sélectif des fœtus féminins. C’est aussi le cas  de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes homosexuelles, question si controversée en France depuis un an : il faudrait ainsi inviter « les Etats membres à permettre également aux femmes célibataires et lesbiennes de bénéficier de traitements de fertilité et de services de procréation médicalement assistée » (§8). Autre exemple : « l’éducation sexuelle doit inclure des informations non discriminatoires et donner une image positive des personnes LGBTI, afin de soutenir et de protéger effectivement les droits des personnes LGTBI » (§53). Une majorité de parlementaires européens a valablement considéré que ce n’était pas le rôle de l’Europe d’aller dans ce sens.

Mais il y a plus, en particulier pour la France. A mon sens, cet épisode est significatif de l’évolution culturelle qui prend de l’ampleur depuis la « réforme de civilisation » de Mme Taubira. De très nombreux citoyens refusent désormais de subir passivement des évolutions sociétales qui ne leur conviennent pas. Alertés par diverses associations, ils ont appris très tardivement le contenu de la proposition de résolution. Eux qui d’habitude se contentent de soupirer ou maugréer, pensant qu’il n’y a rien à faire, se sont alors mobilisés en quelques jours, en particulier pour écrire à leurs députés et attirer leur attention sur les dangers du texte européen. Ils leur ont dit qu’ils tiendraient compte de leur position à Strasbourg, quand il s’agira de voter pour les élections du Parlement européen le 25 mai 2014. Nul doute que des députés se sont sentis confortés pour défendre leurs convictions profondes, ou pour approfondir un sujet dont ils n’avaient peut-être pas mesuré toute l’importance !

Le vrai « basculement de civilisation », il est sans doute là. Il mettra des années à s’affirmer pleinement, comme les idées de mai 1968 ont aussi mis une ou deux générations pour imprégner toute la société, en positif comme en négatif. Aujourd’hui, une majorité de Français ne se retrouve pas dans les excès condamnables d’une conception trop libérale-libertaire de la société. Mais ce qui a changé en un an, c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir rester passifs. Ils veulent promouvoir un « vivre ensemble » qui valorise mieux le respect dû à l’enfant, la complémentarité homme-femme, la solidité des familles, l’attention aux plus fragiles du début à la fin de vie, la solidarité effective avec les personnes isolées en précarité… ces valeurs qui donnent tout son sens au mot le plus oublié de notre devise républicaine, le mot fraternité.

Plaidoyer pour la liberté de conscience des maires

Plaidoyer pour la liberté de conscience des maires

 

Cela n’a pas tardé. Le débat est lancé, les médias se saisissent de la question, les passions se déchainent…

L’enjeu est à la fois simple et complexe : un maire peut-il refuser de marier un couple homosexuel, maintenant que la loi Taubira est votée ?

Le maire de la petite ville basque d’Arcangues, Monsieur Colo, est le premier à entrer dans l’œil du cyclone. En refusant de marier deux hommes de sa commune (comme ses adjoints), il devient d’emblée le symbole de la résistance à cette loi qu’il considère « illégitime ». Et en deux jours, le petit désaccord local est devenu une affaire d’Etat.

On comprend la colère et la détermination des promoteurs de la loi en cause : « si on lâche, c’est la porte ouverte à tous les abus ! ». D’où des rappels à l’ordre immédiats, de la Préfecture, du député local, du lobby LGBT, du Parti socialiste, du Ministre de l’intérieur… C’est à qui utilisera les mots les plus durs, les injonctions les plus définitives.

Il est vrai que les maires sont déjà nombreux à contester cette nouvelle loi. D’après le Collectif des maires pour l’enfance, près de 15 000 maires refuseraient de marier deux personnes de même sexe, au nom de leurs convictions personnelles. Cela fait beaucoup de conflits en perspective, des centaines de procédures judiciaires à monter, des pétitions relancées, des manifestations qui recommencent… De nouveau l’agitation en France !

Maintenant, prenons un peu de recul. Le président de la République avait lui-même reconnu la légitimité de cette démarche, avant de se raviser sur l’injection de l’Inter-LGBT, le principal lobby homosexuel. Dans son discours devant l’Association des maires de France, le 15 novembre dernier, il avait déclaré : « Des possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies, et il y a toujours la liberté de conscience. (…) La loi s’applique pour tous, dans le respect néanmoins de la liberté de conscience ».

La liberté de conscience se situe en effet au-dessus des lois : elle n’a pas besoin d’être officiellement reconnue pour être mise en œuvre. Elle existe « en soi », indépendamment des lois humaines. Sa légitimité, c’est qu’il existe des principes fondamentaux de la vie en société qu’une simple loi contingente ne peut contredire. Depuis Sophocle (« Je n’ai pas cru que tes édits puissent l’emporter sur les lois non-écrites et immuables des dieux », Antigone à Créon) jusqu’à Einstein (« Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si l’Etat te le demande »), tous les grands penseurs placent la conscience humaine au-dessus des lois injustes.

Aujourd’hui, le sujet en cause touche une valeur fondamentale (le mariage est reconnu comme l’union d’un homme et d’une femme, depuis la nuit des temps dans toutes les civilisations) et la protection des plus faibles (l’enfant a le droit d’être conçu et élevé par un père et une mère) : la liberté de conscience des maires est donc tout à fait mise à l’épreuve, et nul ne peut les contraindre à renier leurs convictions.

On peut même aller plus loin. Il serait légitime de leur reconnaitre un droit à l’objection de conscience, comme d’autres professions lorsqu’elles sont confrontées à des conflits de valeur essentiels.

Ce droit est organisé par la loi avec la possibilité d’exercer une « clause de conscience ». Celle-ci est reconnue quand il s’agit de vie et de mort (refus de porter les armes du temps du service militaire, avortement, recherche sur l’embryon), mais pas seulement : les journalistes et les avocats en ont une quand leur liberté de conscience risque d’être mise en cause. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour le maire vis à vis du mariage homosexuel ?

Alors, on a envie de dire : « Monsieur le président de la République, soyez cohérent. Ce que vous avez d’emblée reconnu comme une évidence, dans un premier élan de votre pensée, il est nécessaire de l’organiser pour que la paix civile soit respectée. Exigez de votre gouvernement qu’il respecte la liberté de conscience des maires et de son conseil municipal, et trouvez des solutions supplémentaires auprès d’autres fonctionnaires ou d’autres mairies. ».