Bébés CRISPR : Les inquiétudes se confirment

Bébés CRISPR : Les inquiétudes se confirment

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L’affaire des premiers bébés génétiquement modifiés par CRISPR-Cas9, nés en novembre 2018, ne cesse de se compléter d’informations alarmantes. Cette expérimentation a abouti à la naissance de deux fillettes, véritables cobayes de la technique qui les a créées.

Lors de son annonce, qui avait suscité une réprobation mondiale, le scientifique à l’origine de cette grave transgression, He Jiankui, expliquait avoir franchi cette ligne rouge car il poursuivait l’hypothèse de « rendre ces bébés résistants au VIH », en désactivant un gène, le gène CCR5. Ce gène code, notamment, pour un récepteur placé sur des cellules du système immunitaire (les lymphocytes). Or, le virus VIH utilise justement ce récepteur pour pénétrer ces cellules et les infecter.

Peu après, des voix se sont élevées pour dénoncer ce qui semble être les réelles intentions de cet apprenti-sorcier. Il souhaitait expérimenter l’impact de cette modification sur les facultés cognitives, car ce même gène CCR5 pourrait être impliqué dans les facultés d’apprentissage, ce qui n’est qu’une supposition.

Rapidement, et face au tollé mondial suscité, les revues scientifiques avaient refusé de publier l’étude, car le scientifique avait enfreint des règles éthiques et déontologiques. Si bien que ce document a été tenu relativement secret. Mais il semblerait que JAMA (Journal of the American Medical Association) soit actuellement en train de l’étudier, et l’aurait confié à de nombreux experts, y compris à George Church de la Harvard Medical School. Mais est-ce aux revues scientifiques de faire « la police » des transgressions éthiques ? Des experts ont demandé à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de se pencher sur ce grave problème. L’OMS a créé un groupe d’experts et élaboré l’idée d’une hotline pour signaler toute tentative de fabrication de bébés génétiquement modifiés.

Une journaliste de la MIT Technology Review a pu se procurer le document d’origine et l’a transmis à quelques experts. Leurs conclusions, présentées en 12 points, sont accablantes. Les questions soulevées sont multiples. Elles concernent, par exemple, la liberté et le consentement éclairé des parents ; n’ont-ils pas été contraints, tenus dans l’ignorance des enjeux, manipulés ? Mais aussi les données tenues secrètes, comme les noms des personnes impliquées (spécialistes de la fécondation in vitro, obstétriciens) ne sont pas mentionnés. Pourquoi ? Etaient-ils au courant de ce qu’ils faisaient ? Et bien entendu, ces experts dénoncent les nombreux biais scientifiques, une fraude à la réglementation de la procréation assistée etc.

Le document de He Jiankui démontrait déjà que ces embryons génétiquement modifiés étaient des « mosaïques », c’est-à-dire que d’autres mutations que celles ayant motivé l’expérience se sont produites à d’autres endroits du génome, de manière différente d’une cellule embryonnaire à l’autre, ce qui rend les conséquences imprévisibles.

Ces enfants, nés de bricolages procréatifs, sont pris en otage de leur mode de conception, et en payent le prix. Il est urgent de mettre un coup d’arrêt mondial à ces transgressions, qui ne sont même plus des essais sur l’homme, mais des essais d’homme.

En ouvrant la voie à la création d’embryons transgéniques pour la recherche, la loi bioéthique française alimenterait cette transgression. Il est encore temps pour les sénateurs, qui examineront cette loi en janvier 2020, de revenir sur cette mesure.

PMA post mortem : la CEDH refuse un transfert de gamètes

PMA post mortem : la CEDH refuse un transfert de gamètes

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Les juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont déclaré irrecevable la requête d’une mère souhaitant faire transférer les gamètes de son fils décédé pour effectuer une gestation par autrui (GPA) ou une procréation médicalement assistée (PMA) post-mortem en Israël. Ces pratiques sont autorisées dans ce pays.

Cette demande émanait de Dominique Petithory Lanzmann, veuve du réalisateur Claude Lanzmann ; elle souhaitait faire transférer en Israël les gamètes de son fils décédé en 2017 d’un cancer. Le jeune homme de 23 ans, qui risquait d’être rendu stérile par les traitements de chimiothérapie, avait consenti à les faire conserver dans le Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos) de l’hôpital Cochin, à Paris. Madame Lanzmann avançait le fait qu’elle désirait respecter la volonté de son fils d’être père. L’empêcher d’avoir accès aux gamètes de son fils constituait, selon elle, une atteinte à sa vie privée et familiale dans son droit à être grand-mère.

L’hôpital et l’Agence de biomédecine avaient tous les deux refusé sa requête, ce qui avait été validé par le Tribunal administratif de Paris en 2018.

A la suite de ce refus, la mère du défunt avait décidé de saisir le Conseil d’État qui s’était également prononcé contre sa demande au motif qu’ils ne pouvaient pas transférer des gamètes pour une opération illégale dans le pays d’origine, dans la mesure où .la PMA post-mortem était interdite en France.

La CEDH a ensuite été saisie par la requérante, après le rejet de sa demande par le Conseil d’État. La Cour a confirmé les décisions des juridictions françaises. Elle a affirmé que le fils de Madame Lanzmann n’avait jamais donné son consentement pour que sa mère fasse une PMA post-mortem, que cette pratique était bien interdite en France et que le refus de la PMA pour une personne souhaitant être grand-mère ne portait pas atteinte à l’article 8 de la CEDH qui proclame le respect de toute personne « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

Les juges ont estimé que cela détournait l’objectif de la PMA en France qui entend pallier une infertilité médicalement constatée au sein d’un couple.

Rappelons que le Projet de loi bioéthique actuellement en discussion en France maintient l’interdiction de la PMA post-mortem.

Bioéthique : ouverture de la PMA sans critère d’infertilité médicale

Bioéthique : ouverture de la PMA sans critère d’infertilité médicale

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Extrait de l’audition, devant les sénateurs, de Caroline Roux, déléguée générale adjointe d’Alliance VITA, en rapport avec le projet de loi bioéthique.

Alliance VITA a été fondée au moment des premières lois de bioéthique, fin 1993. Nous sommes très sensibles aux évolutions de cette loi pour que soit prise en compte la protection de la vie des plus fragiles, spécialement dans le domaine de la procréation, du handicap, et du traitement appliqué aux embryons humains.

La façon dont s’élaborent les lois bioéthiques depuis 1994 demande une véritable évaluation. Le législateur s’affranchit toujours plus de l’éthique, avec des digues qui ne cessent de s’effondrer, et ce sans évaluer les conséquences sociales et humanitaires.

A ce titre je vous livre deux constats :

1. Le parcours d’AMP demeure un véritable parcours du combattant

Il ne faut pas sous-estimer l’impact des traitements qui affectent physiquement et psychologiquement les femmes, mais aussi les hommes. Ces techniques ne sont qu’un palliatif et ne guérissent pas l’infertilité.

Certains couples qui suivent un parcours d’AMP nous expriment d’ailleurs leur souhait de pouvoir procréer le plus possible de manière autonome. Cette perspective doit nous mobiliser.

Bien sûr, nous sommes témoins de la joie des parents qui donnent naissance à des enfants tant espérés. Mais nous sommes également témoins de l’impasse et de la souffrance de certains couples face au devenir de leurs embryons surnuméraires qu’ils n’avaient pas anticipé.

2. La multiplication des tests et la pratique du diagnostic prénatal rend de plus en plus anxiogènes les grossesses

L’annonce d’un risque de handicap, avéré ou pas, provoque un véritable tsunami émotionnel et relationnel pour la mère et le couple. Le temps et le soutien des familles est alors plus que nécessaire pour envisager les prises en charge possibles, sans être sous la pression de propositions d’IMG qui peuvent détourner de véritables thérapies qui seraient possibles dans certains cas, ou d’un véritable accompagnement pour accueillir et soigner ces enfants.

Or, ce projet de loi ne va pas en ce sens et est en totale rupture avec les précédentes lois.

En ce qui concerne l’AMP, cette loi entend supprimer le critère d’infertilité médicale pour y avoir recours. Les couples infertiles sont les grands oubliés de cette loi. C’est un véritable changement de paradigme qui conduit à des injustices et des reculs en cascade.

  • Intensification de l’AMP avec tiers donneur, très minoritaire : moins de 5% des enfants nés par AMP chaque année. Cette pratique n’a rien d’anodin pour les couples, ni pour les enfants qui sont demandeurs aujourd’hui de lever l’anonymat des donneurs. Cependant, la levée de l’anonymat ne supprimera pas l’injustice d’une filiation éclatée et peut se révéler une bombe à retardement. C’est également une porte ouverte au marché de la procréation pour acquérir les gamètes. Au contraire, cela devrait inciter la recherche pour éviter le plus possible ce recours, en se concentrant en particulier sur les causes d’infertilité masculine.
  • Injustices pour les enfants, privés volontairement de toute origine avec la mesure de double don de gamètes, privés pour certains totalement de père par l’AMP avec tiers donneur pour des femmes sans partenaire masculin et sans infertilité médicale ;
  • Défaite pour les femmes, à qui on proposerait une emprise médicale croissante avec la congélation ovocytaire, fausse promesse d’une assurance maternité : 3 femmes sur 4 n’auraient pas d’enfant à l’issue.
  • Détournement de la mission de la médecine et de l’assurance maladie.

Sur quels critères les médecins pourraient refuser l’AMP ? Rien n’est dit dans la loi. Ce projet de loi est une atteinte sans précédent à la déontologie médicale. Comment prétendre avec ces glissements interdire la GPA et les mères porteuses à terme ?

C’est dire si le législateur doit prendre la mesure de sa responsabilité, car la souffrance ou le désir de certains ne peut être le seul critère de discernement quand il s’agit de l’intérêt des enfants. Il n’est pas là pour céder aux modes et aux pressions de quelques uns mais pour servir l’intérêt de tous.

Cette fuite en avant n’a rien de bioéthique et fait l’impasse sur 3 enjeux fondamentaux :

  • La lutte contre l’infertilité
  • La lutte contre l’eugénisme et une réelle prise en compte du handicap
  • La protection de l’intégrité de l’espèce humaine.
PJL Bioéthique : les enjeux de la recherche sur l’embryon

PJL Bioéthique : les enjeux de la recherche sur l’embryon

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Extrait de l’audition, devant les sénateurs, de Blanche Streb, directrice de la formation et de la recherche d’Alliance VITA, en rapport avec le projet de loi bioéthique.

On ne peut plus raisonner aujourd’hui comme si l’embryon humain évoluait dans deux domaines distincts : d’un côté celui de la procréation assistée, et de l’autre celui de la recherche, dans lequel ces mêmes cellules sont instrumentalisées, détruites, mises en culture, intégrées à des protocoles de recherche ou des thérapies innovantes. Ces domaines, ces enjeux, se percutent désormais. Et se percuteront de plus en plus. Pourquoi ? Car nous sommes lancés dans une dynamique internationale d’une surenchère technicienne dans le domaine de la procréation artificielle et des biotechnologies, qui visent à contourner les importants problèmes d’infertilité. Il y a là d’immenses marchés à prendre.

Bébés génétiquement modifiés et gamètes artificiels

Vous le savez, à nos portes, les premiers bébés génétiquement modifiés sont déjà nés, pas seulement cette naissance contestée avec CRISPR, mais de manière déjà beaucoup plus fréquentes, de nombreux enfants sont déjà nés de la technique dite de “FIV-3 parents“.

Ces techniques sont désormais ouvertes, puisque le projet de loi, dans son article 17, ouvre la porte aux embryons transgéniques, dans le cadre de la recherche. L’étape suivante – nommons-la clairement, car quand une technique est déjà là, le basculement qu’elle contient aussi – l’étape suivante, contestée aussi, est celle de la thérapie embryonnaire. L’autre démonstration de cette dynamique, est celle de l’ouverture à la recherche sur les gamètes artificiels (articles 14 et 15).

Derrière ces perspectives, c’est la question du bébé à tout prix, à n’importe quel prix, qu’importe si ce prix à payer le sera par l’enfant à naître lui-même. Tout cela dans un contexte totalement contradictoire : on passe de plus en plus l’embryon et le fœtus au crible. On discute de l’extension du diagnostic pré-implantatoire, y compris pour des pathologies qui ne sont pas héréditaires. Les débats ont démontré la pression existante sur ce sujet. Tout cela, dans une dynamique de contrôle qualité de l’embryon, derrière une illusion qui s’installe : celle qu’il faudrait en passer par la technique pour faire un enfant.

On est dans un phénomène qui s’emballe, vers le glissement vers le “DPI pour tous” et le “DPI pour tout”. Il nous faut une grande vigilance,

Derrière tout cela, se dessine un véritable projet de société : celui de l’enfant accueilli sans condition, versus l’enfant programmé, bricolé.

Modification du régime qui encadre l’embryon

Passer à une simple déclaration pour les CSEh (cellules souches embryonnaires humaines) banalise toujours plus l’instrumentalisation de l’embryon humain. Cela élimine la nécessité de prouver qu’il n’y a pas d’alternatives à ces cellules. Cela pousse indirectement à la consommation d’embryon humain.

D’un côté, on fragilise toujours plus l’encadrement de l’embryon et des cellules souches embryonnaires CSEh, et de l’autre on ouvre à toujours plus de transgressions : comme les utiliser pour tenter de produire des gamètes artificiels et pour créer des chimères homme-animal, perspectives présentes dans ce projet de loi. Ce changement de cadre n’a qu’un seul objectif : faciliter le travail administratif de quelques chercheurs, regroupés en société savante pour appuyer sur cette loi bioéthique.

Cela nous questionne. Allons-nous entendre d’autres types de chercheurs, travaillant aussi sur des thérapies et des perspectives de médecine régénératrice, mais utilisant d’autres types de ressources ne présentant pas les mêmes problématiques éthiques ? Sont-ils invités pour présenter leurs travaux, leurs succès, leurs besoins ?

Perspective du développement de l’embryon humain jusqu’à 14 jours in vitro

C’est un stade de développement très avancé, où il y a l’apparition des premières ébauches du système nerveux central. L’implantation se fait avant le 7ème jour. Ce stade de culture permet de récupérer des cellules différenciées (par exemple, des cellules de foie, des cellules de la rétine). Le message envoyé est quand même celui-ci : des cellules issues d’êtres humains au commencement de leur vie pourraient servir à soigner d’autres êtres humains.

Sur ce point-là, comme sur d’autres, ce projet de loi envisage cela car quelques pays commencent à savoir le faire. Alors, « au cas où », autorisons-le. C’est, au fond, cela qui est assez nouveau dans ce projet de loi, dans plusieurs articles, « autorisons-le », ça servira peut-être à quelque chose, et on verra plus tard les conséquences, après la loi le déluge…

Si c’est la faisabilité technique qui ordonne la loi bioéthique : il n’y aura plus de limites. L’argument massue est celui de la compétitivité vis-à-vis de l’étranger et les perspectives des bénéfices à tirer. Est-ce que la compétitivité est un argument recevable quand on parle de bioéthique ?

Oui, il y a des perspectives, des bénéfices, y compris financiers, à instrumentaliser l’embryon humain, est-ce à dire que la bioéthique à la française doit vendre son âme au plus offrant ?

Il y a vraiment mise en souffrance de deux principes structurants, fondateurs de la loi bioéthique : celui de la protection de l’intégrité de l’espèce humaine (à cause de l’article 17 de ce PJL notamment) et celui de l’article 16 du Code civil, rappelons-le « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »

Plus personne ne conteste qu’un embryon humain est un être humain, et qu’il n’y a nul autre point de l’espace et du temps qui définisse le point de départ de toute nouvelle vie humaine, que celui de la fécondation. L’embryon humain nous crie son humanité, et la manière dont il est convoité dans la PMA en est la plus forte démonstration. Il est déjà l’être humain qu’il deviendra et ce n’est pas perdre son étiquette de projet parental qui modifie quoi que ce soit dans sa nature.

Nous devons réfléchir ensemble à encourager la science, qui s’honore quand elle se met pleinement au service de l’homme, sans jamais le réduire à un objet

Euthanasie au Canada : controverses autour de l’élargissement de la loi

Euthanasie au Canada : controverses autour de l’élargissement de la loi

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A peine quatre ans après la légalisation de l’euthanasie au Québec, son élargissement est déjà revendiqué en des termes très controversés.

« Pourrions-nous, pour des raisons environnementales, sociales et économiques, décider que nous voulons recevoir l’aide à mourir pour ne pas constituer un fardeau pour notre famille et la société en général ? » s’interroge Luc Ferrandez, ex-politicien. Terrible question qui en dit long sur les glissements potentiels de la loi.

« Je me demande comment ne pas voir dans cette simple possibilité le basculement de notre société dans un univers démentiel. » répond le philosophe Bock-Côté dans une tribune à lire.