Depuis mardi 21 janvier, le Sénat examine en séance le texte du Projet de loi relatif à la Bioéthique. 7 articles ont été examinés sur les 34. Entre tentatives d’améliorations et aggravations, l’économie du texte ne change pas fondamentalement.
L’article 1 du PJL Bioéthique : la « PMA sans père »
L’article 1 qui étend la PMA avec donneur aux femmes seules ou à deux, sans partenaire masculin, a été l’objet d’une longue discussion pour être finalement adopté avec des modifications notables déjà votées en commission spéciale pour certaines : le critère d’infertilité médicale a, en effet, été réintroduit en commission spéciale pour les couples composés d’un homme et d’une femme, assorti de la prise en charge par l’assurance maladie. En revanche, les sénateurs ont supprimé le remboursement de la PMA avec donneur pour les femmes seules ou en couple. La mention « nul n’a le droit à l’enfant » ajoutée à juste titre en amont de ce même article perd de son effectivité, avec l’adoption de la « PMA sans père ».
Dans ce contexte évolutif de la pratique de la PMA, des sénateurs ont plaidé en vain pour qu’une clause de conscience soit instaurée pour les médecins et personnels de santé qui ne souhaitent pas participer à sa pratique, quelles qu’en soient les raisons d’y recourir. De plus, la commission spéciale a supprimé la mesure d’instauration d’un plan national infertilité, introduite par les députés pour favoriser les recherches sur les causes de l’infertilité et leur prévention, au prétexte que cela ne relevait pas de la loi. L’infertilité étant un enjeu sanitaire majeur, cette focalisation sur la PMA alors que la moitié des couples qui y ont recours n’ont pas d’enfant, ne peut qu’interroger.
Les sénateurs sont, par contre, revenus en séance sur le double-don de gamètes pour l’interdire. De même, les sénateurs ont adopté un amendement du gouvernement, pour que seuls les centres à but non lucratif soient autorisés à accueillir, stocker et congeler les embryons. Cette mention avait été supprimée en commission spéciale et faisait courir le risque de marchandisation des êtres humains.
L’article 2 du PJL Bioéthique : l’autoconservation des gamètes
L’article 2 ouvrant l’autoconservation des ovocytes pour les femmes, sans critère médical, pour procréer plus tard par PMA a été rejeté par les sénateurs.
La levée de l’anonymat des donneurs de gamètes
La levée de l’anonymat du don de gamètes, autre mesure phare de ce texte, a, par contre, été fortement remise en cause en commission spéciale et confirmée en séance : le consentement du donneur à donner son identité n’interviendrait pas ab initio au moment du don, mais seulement de façon aléatoire, selon la volonté du donneur, au moment où l’enfant en ferait la demande, ce qui vide en partie l’effectivité de cette levée.
La filiation
Concernant les règles d’établissement de la filiation dans le cadre de PMA réalisées par des couples de femmes, le texte de loi a été également largement modifié. Si la commission spéciale n’avait pas touché au texte adopté par l’Assemblée nationale, les sénateurs ont, quant à eux, réécrit presque intégralement l’article en question. Le texte prévoyait originellement l’établissement d’une filiation par reconnaissance anticipée de deux « femmes ». Désormais, l’établissement de deux filiations maternelles ou paternelles à l’égard du même enfant est rendu impossible. Une distinction est opérée entre la femme qui accouche (automatiquement considérée comme mère de l’enfant) et l’autre femme (qui doit adopter l’enfant). Par ailleurs, les couples pacsés ou en concubinage peuvent désormais adopter, et la procédure d’adoption pour le deuxième conjoint serait facilitée.
La Gestation par Autrui (GPA)
La question de la Gestation par Autrui (GPA), qui avait été introduite en Commission spéciale, a été de nouveau évoquée. Si l’interdiction de la retranscription à l’état civil français des enfants nés de GPA à l’étranger a bien été maintenue (après avoir été adoptée par la Commission), un amendement de la rapporteur, Muriel Jourda, autorise en revanche la retranscription des jugements d’adoption, sans mention de l’injustice que constitue cette pratique. Pour rappel, une jurisprudence de la Cour de cassation avait récemment autorisé la retranscription automatique de ces actes de naissance, alors que la GPA constitue une fraude à la loi.
Les articles 5, 6 et 7, portant respectivement sur la greffe, le don de cellules souches hématopoïétiques et le consentement des personnes sous mesure de protection, ont été adoptés.
Le principe de précaution
En début de discussion, un amendement demandant d’inscrire un principe de précaution dans la loi a été rejeté. L’argumentation de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, est révélatrice « le principe de précaution est à la fois un système d’évaluation et la mise en place de mesures proportionnées et provisoires en cas d’atteinte grave et irréversible. Or en matière de bioéthique je pense que nous nous interrogerions à l’infini sur ce qui est une atteinte grave et irréversible, nous aurions ici une difficulté. » C’est justement ce qui mobilise tous ceux qui alertent sur ce texte et c’est aussi ce qui justifie notre opposition.
A noter que toutes ces nouvelles dispositions pourront être remises en cause par les députés en seconde lecture. Les débats se poursuivent à partir de mardi 28 janvier et le vote solennel aura lieu le 4 février.