PJL Bioéthique : Décryptage du vote en 2e lecture par la Commission spéciale de l’Assemblée nationale

PJL Bioéthique : Décryptage du vote en 2e lecture par la Commission spéciale de l’Assemblée nationale

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Alors que l’Etat d’urgence sanitaire n’était pas terminé, le gouvernement a décidé, le 16 juin dernier, de programmer en urgence l’examen du PJL de bioéthique par les députés en 2ème lecture pendant la session extraordinaire de juillet 2020.

L’examen du texte par la Commission spéciale de l’Assemblée nationale a eu lieu dès le 29 juin, bien que, d’après un sondage IFOP, 7 Français sur 10 considèrent que ce projet de loi devrait être suspendu ou retiré pour donner la priorité à la gestion des conséquences économiques et sociales de la pandémie, une grave crise multiforme qui n’en est qu’à ses débuts.

Les députés de la Commission ont complètement « détricoté » le texte révisé par les Sénateurs en 1ère lecture. Ils ont rétabli quasi intégralement la première version votée par l’Assemblée nationale, tout en introduisant de nouvelles transgressions majeures, contraires à la position du gouvernement qui a été le grand absent des arbitrages de cette seconde lecture.

Le remaniement ministériel a suspendu, puis décalé au 27 juillet, la poursuite de l’examen en séance de « ce texte de tous les dangers », selon l’expression même d’Emmanuel Macron. Le contexte actuel ne permet pas un examen dans de bonnes conditions, à la hauteur des enjeux immenses, alors même que de nombreuses dispositions nouvelles font peser de lourdes conséquences sur les générations futures.

2500 amendements ont été déposés sur le nouveau texte issu de la Commission.

 

Résumé des débats

Plusieurs députés ont dénoncé les conditions anormales du processus législatif : un examen à la hussarde, qui laisse peu de place au débat et entrave la mobilisation des citoyens, et des dérapages non contrôlés par l’exécutif. Au total les moyens de la médecine et des finances publiques, sont détournés, au mépris de tout principe de précaution.

Malgré la surprise générée par la reprise aussi rapide de l’examen de ce texte, 1200 amendements ont été déposés en deux semaines.

Evénement symbolique de ces débats débridés, un amendement, présenté par la rapporteur Coralie Dubost en dernière minute, réécrivait l’article 4 concernant le sujet hautement sensible de la filiation. Il a pris de court les députés qui ont obtenu de repousser l’examen de cet article de quelques heures pour déposer des amendements, sans pouvoir empêcher son vote qui aboutit à faire reconnaître artificiellement deux femmes comme « mères » d’un même enfant. La dissolution de la maternité est en marche.

 

Principales mesures adoptées

  • Surenchère pour une procréation toujours plus artificielle (articles 1,2,3,4) :

De manière très controversée, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a supprimé une mesure particulièrement protectrice des droits de l’enfant, introduite par le Sénat, qui affirmait que « nul n’a de droit à l’enfant ». Au contraire, L’AMP est définie comme « destinée à répondre à un « projet parental » (art. 1). Sur le fond, cette définition a une forte importance symbolique puisqu’elle fait clairement sortir l’AMP de la technique thérapeutique pour la faire rentrer dans le champ du « droit à » basé sur la « volonté » individuelle.

Grave revirement, l’adoption de la méthode dite ROPA (Réception de l’ovocyte du partenaire) : il s’agit d’un don dirigé d’une femme à une autre femme. Cette pratique escamote non seulement le père, réduit à un don de sperme, mais éclate aussi la maternité entre deux femmes : la donneuse d’ovocytes et la gestatrice, pour que deux femmes puissent revendiquer être mères du même enfant. Le Gouvernement s’est opposé à cette pratique en première lecture. Elle est en incohérence avec la loi actuelle et contredit aussi ce même projet de loi, car l’article 4  dispose que  «En cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation »

Cinq mesures supprimées par le Sénat ont été réintroduites.

  • L’abandon du critère de l’infertilité pour l’accès à l’AMP, ouvrant l’accès à cette technique aux couples formés d’un homme et d’une femme, de deux femmes, ou toute femme non mariée. C’est une mesure que le Sénat avait modifié en limitant le remboursement par l’assurance maladie aux couples homme femme infertiles.
  • L’auto-conservation ovocytaire, sans raison médicale, pour « procréer plus tard par PMA ».
  • Le double don de gamètes (spermatozoïdes et ovocytes issus de donneurs) pour concevoir in vitro un embryon.
  • La levée de l’anonymat pour les donneurs de gamètes. Les députés ont rétabli la levée réelle de l’anonymat à la demande de l’enfant à sa majorité. Le Sénat avait remis cela en cause, pour faire primer la volonté du donneur qui pourrait décider, ou non, de divulguer son identité au moment où l’enfant en ferait la demande, ce qui vidait la levée de l’anonymat de son effectivité.
  • Le bouleversement des règles de la filiation, qui implique que deux femmes peuvent être reconnues « mères » de l’enfant. Une légère nuance a été apportée par rapport à la première version adoptée par les députés en première lecture pour tenir compte de la forte réprobation induite par le fait de ne plus reconnaître comme mère celle qui a accouché. Le texte prévoit donc que la femme qui a accouché soit reconnue de facto mère quand la seconde le serait, par reconnaissance anticipée, devant notaire, de l’enfant faite par les deux femmes au moment du consentement à l’AMP. Cependant, les règles de la filiation demeurent profondément bouleversées. Pourtant, les sénateurs avaient tenté d’atténuer cette disposition, en prévoyant que l’autre femme, qui n’avait pas accouché, puisse procéder à l’adoption de l’enfant.

Au total, ce texte aboutit à une technicisation accrue de la procréation, au détriment de la lutte contre l’infertilité.

En première lecture, l’Assemblée nationale avait voté l’article 2 bis, qui instaurait un plan de lutte contre l’infertilité englobant la prévention et la recherche sur les causes d’infertilité, notamment comportementales et environnementales. Le Sénat l’avait supprimé, mais la Commission spéciale l’a réintroduite.

D’autre part, concernant la Gestation par Autrui (GPA), le Sénat avait introduit des mesures, pour éviter les fraudes à la loi dans la retranscription d’actes de naissance d’enfants nés à l’étranger, mais la Commission est revenue sur ces mesures. Alors qu’il existe un consensus transpartisan pour interdire la GPA, l’urgence est que la France s’engage à agir pour son abolition au niveau international.

  • Vers une instrumentalisation croissante de l’embryon humain (articles 14, 15, 16, 17)

Ce projet de loi dérégule le régime encadrant la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh). Il prévoit que la recherche utilisant les CSEh passe d’un régime de demande d’autorisation à celui de simple déclaration.

Tout est fait pour faciliter le travail administratif de quelques chercheurs. On banalise l’instrumentalisation de cellules qui ne sont en rien des cellules comme les autres, et dont le prélèvement conduit à supprimer un embryon. Cette banalisation de l’utilisation des cellules embryonnaires humaines (CSEh), est d’autant plus contestable qu’elles sont susceptibles d’être utilisées dans le cadre de nouvelles recherches transgressives : gamètes artificiels, chimères. Par ailleurs, est supprimée l’exigence d’une absence de recherche alternative. Ce projet de loi ouvre aussi à l’encadrement de la recherche sur les cellules souches adultes reprogrammées (IPS), les soumettant, comme les CSEh, à simple déclaration.

Cinq lignes rouges sont franchies :

  • “Cultiver” l’embryon jusqu’à 14 jours: La commission est revenue au délai de 14 jours alors que le Sénat avait voté une dérogation pour une recherche jusqu’à 21 jours, un stade de développement très avancé, notamment concernant la mise en place du système nerveux. Jusque-là, le délai de 7 jours avait été retenu : cette instrumentalisation accrue de l’embryon risque d’induire de nouvelles formes d’exploitation de l’embryon humain à des fins commerciales.
  • Créer des gamètes artificiels : les députés, comme les sénateurs, ont validé ces manipulations à haut risque à partir de cellules souche embryonnaires, mais aussi à partir de cellules IPS, aboutissant à créer des gamètes à partir de cellules somatiques. La commission spéciale de l’Assemblée a supprimé un garde-fou introduit par le Sénat qui consistait à interdire que ces gamètes soient fécondés, invoquant que c’était redondant avec l’interdiction de créer des embryons pour la recherche. Aujourd’hui limitée à la recherche, la création de gamètes artificiels ouvre dans le futur à des possibilités de bricolages procréatifs insensés.
  • Créer des embryons transgéniques et des embryons chimères: ces expérimentations rejetées par le Sénat ont été réintroduites dans le texte par la commission spéciale. Autoriser la modification génétique des embryons humains (art 17) ouvre à la tentation de passer ensuite à des essais visant à faire naître des enfants génétiquement modifiés. Avec la possibilité d’expérimenter la création d’embryons animaux dans lesquels seraient intégrées des cellules humaines, qu’elles soient embryonnaires (art 14) ou adultes reprogrammées, IPS, (art 15), on brise symboliquement la frontière homme-animal. C’est une rupture anthropologique majeure.
  • Déréguler la recherche à partir des cellules souches embryonnaires.

Le texte demeure inchangé sur les recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. Elles peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon conçu in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation.

  • Intensification de la sélection prénatale : articles 19, 20, 21

La Commission spéciale a voté l’autorisation de deux pratiques à forte portée eugénique :

  • Autorisation du DPI-A (art 19 bis). C’est l’élargissement du diagnostic préimplantatoire (DPI) à la recherche d’aneuploïdie (anomalies sur le nombre des chromosomes) dont la trisomie, sur les embryons conçus in vitro. Ce tri des embryons serait ouvert, à titre expérimental, pour 3 ans. Le gouvernement s’y était fermement opposé en première lecture, du temps de Madame Buzyn. Cette question est centrale, puisque cela aboutirait à multiplier le recours à cette pratique (moins de 200 enfants naissent chaque année après DPI) et à accroître l’eugénisme : la sélection d’embryons s’élargirait à des critères non héréditaires, et donc imprévisibles, une porte ouverte vers de nombreux autres tris.
  • Renforcement du bébé médicament (art.19 bis A). Le bébé médicament, que l’on appelle aussi DPI-HLA, a été autorisé, à titre expérimental, en 2004. Cette pratique consiste à effectuer une double sélection d’embryons obtenus par fécondation in vitro : d’une part, pour sélectionner les embryons indemnes de la maladie d’un membre d’une fratrie et, d’autre part, pour choisir parmi ceux-ci les embryons génétiquement compatibles avec lui, afin notamment de greffer les cellules souches de cordon ombilical prélevées sur le nouveau-né à son aîné malade. La constitution de stocks de cellules de sang de cordon, offrant une grande variété de typage, décidée lors de la dernière loi de bioéthique, avait comme objectif notamment d’éviter cette pratique. Hautement controversée au niveau de l’éthique, elle n’est plus pratiquée depuis 2014, raison pour laquelle les députés avaient adopté sa suppression en première lecture. Le Sénat l’avait réintroduite en première lecture et la Commission spéciale, l’aggrave, en autorisant plusieurs tentatives de fécondation in vitro et de tris d’embryons si un embryon HLA compatible n’a pas pu être sélectionné.

Par ailleurs, le texte revu par la commission a confirmé plusieurs mesures prévues dans le texte initial qui intensifient la pression vers toujours plus de sélection prénatale :

  • suppression de la proposition d’un délai de réflexion d’une semaine pour avoir recours à une IMG ;
  • alignement de la clause de conscience des médecins concernant l’IMG à celle de l’IVG qui oblige à référer la patiente à un autre médecin ;
  • délégation de la révision des critères du DPN à des autorités administratives sans contrôle du législateur ;
  • modification des pratiques du diagnostic prénatal, au fil des nouvelles découvertes en génétique.

Avec la possibilité de modifier, « au fil des nouvelles découvertes en génétique », les pratiques du diagnostic prénatal, on s’oriente vers une intensification du passage au crible prénatal. Nos mentalités et notre société risquent de se fermer de plus en plus à l’accueil de la vulnérabilité, qui est aussi le consentement au réel.

 

Conclusion

Les deux assemblées ont refusé les amendements demandant d’inscrire un principe de précaution dans la loi, alors que ce même principe a aujourd’hui valeur constitutionnelle quand il s’agit de l’environnement. L’argumentation de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, devant le Sénat en février dernier était révélatrice :

« le principe de précaution est à la fois un système d’évaluation et la mise en place de mesures proportionnées et provisoires en cas d’atteinte grave et irréversible. Or, en matière de bioéthique, je pense que si nous nous interrogerions à l’infini sur ce qui est une atteinte grave et irréversible, nous aurions ici une difficulté. »

C’est justement ce qui mobilise tous ceux qui alertent sur ce texte et c’est aussi ce qui justifie notre opposition.

Pour aller plus loin

 

  • Communiqués

 

  • Autres décryptages du PJL bioéthique

[CP] PJL Bioéthique :  Arrêtons de faire n’importe quoi !

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pjl bioéthique assemblée nationale

 

Alliance VITA dénonce le passage en force de la loi bioéthique programmé à partir du 27 juillet au mépris du travail parlementaire.

Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA :

« La programmation, la toute dernière semaine de juillet, du projet de loi bioéthique à l’Assemblée nationale est d’une folle indécence. Le Président de la République trahit les Français, en renonçant à sa promesse d’un débat serein. Il a laissé, en plein remaniement, les manettes de ce débat aux députés les plus transgressifs de sa majorité, dans la logique de sa nomination de Jean-Louis Touraine comme rapporteur du projet de loi.

Résultat, après avoir jeté aux orties les contributions qu’il avait sollicitées au cours des états généraux et des auditions à l’Elysée, il a laissé voter, dans une commission spéciale désertée par ses ministres, de nouvelles dispositions jusqu’alors bloquées par son gouvernement. Comment peut-il en même temps contenter une micro niche électorale au mépris de l’intérêt des plus fragiles et réclamer l’unité de la nation pour aborder une crise sanitaire et économique sans précédent ? »

Les députés ont abouti, en commission spéciale, à un texte comportant de graves transgressions éthiques, votant la dissolution de la maternité par la technique de la FIV à deux mères (ROPA), le tri accru des embryons visant l’exclusion des personnes trisomiques (DPI-A), en plus de la légalisation d’une PMA sans père détournant la médecine et l’argent de la sécurité sociale, et de la création d’embryons chimères homme animal et d’embryons humains transgéniques.

Arrêtons de faire n’importe quoi ! Alliance VITA demande au premier ministre de reporter ce débat et, en tout état de cause, au gouvernement de résister aux quelques députés qui agissent en lobbyistes masqués derrière leur écharpe parlementaire.

Pour aller plus loin 

Bioéthique : que cache la « ROPA » ?

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ropa loi bioéthique
Les députés de la commission spéciale de l’Assemblée nationale ont adopté, en seconde lecture, un amendement du député et rapporteur Jean-Louis Touraine (LREM) sur la légalisation de la ROPA, disposition à laquelle le Gouvernement est opposé.

Il s’agit en réalité d’un sigle (Réception d’ovocyte de la partenaire) inventé de toute pièce par ses promoteurs pour désigner le don d’ovocyte dirigé d’une femme à une autre femme. Cette pratique aboutit, pour l’enfant qui en naît, , non seulement à faire disparaître le père, mais aussi à éclater la maternité entre deux femmes, la donneuse d’ovocytes et la gestatrice, au prix de brouiller encore plus la filiation des enfants.

 

[CP] Remaniement : Alliance VITA appelle à reporter le projet de loi bioéthique

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loi bioethique assemblee nationale

En réaction à l’annonce de la suspension du processus législatif sur le projet de loi bioéthique, Alliance VITA dénonce les graves transgressions ajoutées en 2ème lecture par la Commission spéciale de l’Assemblée nationale.

Les députés les plus transgressifs ont réussi à faire passer, en commission, l’extension du DPI aux anomalies chromosomiques comme la trisomie 21 ainsi que la légalisation de la ROPA, disposition à laquelle le Gouvernement s’était jusqu’ici opposé. Il s’agit en réalité d’un sigle masqué pour désigner le don d’ovocyte dirigé d’une femme à une autre femme. Cette pratique, non contente d’escamoter le père, éclate la maternité entre deux femmes, la donneuse d’ovocytes et la gestatrice, au prix de brouiller encore plus la filiation des enfants

Par ailleurs, avec le soutien du gouvernement, ont été réinstaurées des dispositions controversées comme :

  • la fabrication d’embryons chimères homme-animal par adjonction de cellules souches issues d’embryons humains à des embryons d’animaux ;
  • la légalisation de la fabrication d’embryons transgéniques ;
  • le procédé du bébé médicament qui suppose un double tri des embryons en vue de faire naître un enfant sélectionné pour utiliser ses cellules dans l’objectif de soigner un frère ou une sœur ;
  • le financement par la sécurité sociale d’enfants privés de père sans mobile d’infertilité médicale, avec un bouleversement complet des règles de filiation.

Tugdual Derville, Délégué général de l’association, réagit :

« Nous dénonçons ces dérapages, non contrôlés par l’exécutif, qui détournent les moyens de la médecine et des finances publiques, au mépris de tout principe de précaution, faisant peser sur les générations futures de lourdes conséquences. Le débat bioéthique doit être reporté afin que l’énergie politique soit prioritairement mise en œuvre sur les sujets imposés par cette pandémie, qui n’est pas achevée, et ses lourdes conséquences économiques et sociales, plutôt que de céder aux revendications individualistes. L’enjeu est de vraiment protéger les plus fragiles, à commencer par les personnes âgées, les personnes handicapées et les enfants. »

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Pour aller plus loin :

Principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

 

Réaction d’Alliance VITA au vote du PJL en 1ère lecture au Sénat

 

Décryptage du PJL voté en 1ère lecture à l’Assemblée nationale
Projet de loi bioéthique à l’Assemblée nationale : Tugdual Derville, invité de RCF le 30 juin 2020

Projet de loi bioéthique à l’Assemblée nationale : Tugdual Derville, invité de RCF le 30 juin 2020

Tugdual Derville était l’invité de RCF, le 30 juin 2020, pour parler du projet de loi bioéthique qui revient en deuxième lecture à l’Assemblée nationale – en commission spéciale bioéthique depuis le 29 juin et en session plénière à partir du 3 juillet. 

Quelques verbatim extraits de l’émission :

Le contexte est difficile. En semi-confinement, cela empêche largement le débat démocratique. En commission spéciale, les députés ont pris des positions, sans même la présence des ministres. Il y a quelque chose d’indécent quand on voit les enjeux auxquels les Français sont confrontés. (…) Et on nous met en urgence, au début de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale ce débat, comme s’il fallait passer en force, alors qu’un sondage avec Marchons Enfants ! a montré que seulement 1% des Français estiment que ce projet de loi est prioritaire.

Le projet demeure extrêmement transgressif, même de plus en plus transgressif et les Français vont subir quelque chose dont ils ne mesurent pas à quel point, même en termes d’écologie, de respect des fondamentaux de notre identité d’être humain, la France va très loin dans les nouvelles transgressions.”

Il y a un paradoxe entre la tenue des états généraux de la bioéthique et la façon dont tout a été mis tout de suite à la poubelle, parce que cette façon dont la consultation a abouti ne plaisait pas à ceux qui promeuvent les transgressions nouvelles.”

Ce slogan ‘Solidaire des plus fragiles’, qui est la ligne de base d’Alliance Vita, a été promu au plus haut sommet de l’État, pendant tout le confinement, la période la plus dure du Covid, ces repères-là, qui sont les plus essentiels pour solidifier la société, sont attaqués directement.”

Cette loi va à l’encontre des plus fragiles sur 3 points : d’abord, c’est une forme de dérégulation de l’accès à la procréation médicalement assistée. Les députés ont supprimé la mention ‘Nul n’a le droit à l’enfant’. Une pression individualiste vise à donner des enfants à ceux qui le demandent. Deuxièmement, il y a une instrumentalisation croissante de l’embryon humain : l’embryon est considéré comme une chose. Cette façon de considérer l’embryon humain est un marqueur de civilisation. Et enfin, l’intensification de l’eugénisme, avec l’aggravation de l’IMG et l’augmentation du diagnostic pré-implantatoire : on va vers le fantasme d’un enfant parfait.

Nous pensons qu’il n’est pas légitime d’escamoter totalement une des dimensions qui fait l’humanité (masculin-féminin). En cassant les repères généalogiques, on atomise la société, on la rend encore plus individualiste et les plus fragiles en font toujours les frais.”

A Alliance VITA, ce qui nous garde d’une forme d’agressivité, c’est la rencontre avec les personnes. Ce sont les services d’aide, où nous recevons les personnes qui se confient à nous, pour des sujets liés au tout début de la vie ou à la fin de la vie. Et là, nous voyons en réel les souffrances induites par nos dérives sociales : on voit la réalité d’enfants qui souffrent d’avoir été privés délibérément d’une part de leur histoire, on voit la réalité de femmes qui souffrent d’avoir cru que telle ou telle transgression leur apporterait le bonheur alors qu’elle leur a apporté souvent bien des peines. Sans juger ces personnes et en les accompagnant, on se console, en entendant les personnes dire ce qu’elles vivent vraiment, qui est tellement différent des idéologues qui les poussent à n’importe quoi.

Le sens de l’histoire que nous voulons construire c’est l’humanisation du regard de l’homme sur l’homme.”