CRISPR-Cas9, une nouvelle équipe chinoise annonce avoir modifié le génome d’embryons humains
Le 8 avril 2016 une nouvelle équipe chinoise, d’un hôpital affilié à l’Université médicale de Guangzhou, a publié un article dans le « Journal of Assisted Reproduction and Genetics » dans lequel elle décrit avoir utilisé la technique de CRISPR-Cas9 pour modifier le génome d’embryons humains.
C’est la deuxième publication de cet ordre, près d’un an après la première qui avait déjà été réalisée par une équipe chinoise et qui avait eu un écho mondial, tant cette transgression pose de sérieuses questions éthiques. Comme pour la première étude controversée, les embryons utilisés par l’équipe, appelés 3PN embryons, sont généralement considérés comme « non-viables ».
Ces nouvelles expériences ont été menées pour introduire une mutation dans le génome, et ainsi essayer de créer une forme spécifique de l’allèle du gène CCR5, appelée CCR5Δ32, capable de réduire la sensibilité humaine au VIH.
Les résultats de cette expérience semblent mitigés, comme l’a analysé l’américain Paul Knoepfler, spécialiste des cellules souches et éminent scientifique de l’Ecole de médecine Davis en Californie.
L’équipe chinoise rapporte n’avoir seulement pu induire la mutation que dans 10 à 15% des embryons mais, fait jugé positif, décrit également n’avoir pas observé d’ « effets hors-cibles », c’est-à-dire de modifications génétiques induites en des endroits du génome qui n’étaient pas souhaités. Par contre une autre sorte de mutation, appelée « Indel» a été observée dans 36 à 63% des cas. Ces mutations pouvant conduire à l’inactivation complète du gène CCR5 ou à la production d’une forme anormale de la protéine que traduit ce gène. CRISPR aurait conduit à cette « erreur » à cause de l’utilisation par les cellules d’un système de réparation d’ADN suite à la coupure par Cas9 appelée « jonction d’extrémités non homologue».
A noter que les auteurs n’ont pas séquencé l’ADN complet pour chercher des « effets hors-cibles » mais ont vérifié une douzaine de sites potentiels pour vérifier la présence de ces éventuels « effets secondaires » non souhaités.
Pour conclure au succès de la fabrication d’embryons génétiquement modifiés pour le gène CCR5Δ32 il faut que les deux allèles CCR5 soient modifiés. Or les auteurs n’ont pas trouvé d’embryons homozygotes pour CCR5Δ32. Egalement, ils ont observé la présence de mosaïcisme dans ces embryons : des cellules ont été modifiées, d’autres non.
Pour Paul Knoepfler, l’idée de créer un être humain génétiquement modifié et résistant au VIH pourrait également conduire à l’idée de modifier ex-vivo des cellules sanguines dans le cadre d’un projet de thérapie génique. Mais cette nouvelle étude chinoise démontre les très nombreux problèmes de ce type de recherche. Pour Paul Knoepfler, « ce papier ne renforce pas la possibilité que l’utilisation de CRISPR-Cas9 sur des embryons humains en vue de faire naître des enfants génétiquement modifiés puisse être suffisamment efficace pour être cliniquement réaliste ».
L’équipe chinoise conclut que son étude a des implications pour le développement de traitements thérapeutiques des troubles génétiques, et démontre qu’il reste encore à régler de nombreux problèmes techniques importants. Elle termine sa publication en préconisant d’éviter « toute application de modification du génome des cellules germinales humaines d’ici à ce qu’une évaluation et un examen rigoureux et approfondi sont entrepris par les institutions internationales de la recherche et de l’éthique ».