Europe et bioéthique : "Tropisme économique et ambivalence éthique"

Europe et bioéthique : "Tropisme économique et ambivalence éthique"

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Tugdual Derville, Délégué général d’Alliance VITA, a été interrogé parmi neuf personnalités sur son regard sur l’Europe.

« La construction européenne, idée magnifique, souffre d’un tropisme économique auquel tout semble se subordonner.

Au nom du principe de libre circulation des biens et des personnes, et en l’absence de règles éthiques universellement reconnues, le droit européen se cantonne à garantir une forme de tourisme procréatif, voire « de la mort » : de la vente d’ovocytes en Espagne aux « bébés Thalys » en passant par l’euthanasie, chacun va vers le moins-disant éthique selon ses aspirations ou son mode de vie.

En ce sens, l’Europe se montre souvent ambivalente. Elle ne protège pas contre la gestation pour autrui (GPA), alors que la France apparaît comme un îlot de résistance à l’utilitarisme anglo-saxon. De même, si nous en appelons à la Cour européenne des droits de l’homme pour défendre l’être humain, nous sommes souvent amenés à contester ses décisions qui ne protègent pas à nos yeux les plus faibles. »

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Embryons in vitro : toujours plus loin ?

Embryons in vitro : toujours plus loin ?

embryon

 

Une équipe internationale de chercheurs vient d’annoncer qu’elle a réussi à « cultiver » des embryons humains pendant 13 jours, alors que le précédent délai maximal atteint était de neuf jours. Ils ont pu être maintenus vivants, grâce notamment à un milieu nutritif artificiel riche et mimant celui présent dans l’utérus humain,  au-delà du stade auquel ils se seraient naturellement implantés dans l’utérus maternel.

Ces travaux ont été publiés dans deux revues britanniques, Nature et Nature Cell Biology le 4 mai 2016. Pour le Professeur Zernicka-Goetz de l’université de Cambridge, ce nouveau délai « permet en fait de comprendre pour la première fois les premières étapes de notre développement au moment de l’implantation de l’embryon, au moment où il se réorganise pour former le futur corps humain ».

Puis ces embryons ont été volontairement détruits, afin d’arrêter l’expérience pour respecter la limite des 14 jours de recherche sur l’embryon actuellement en vigueur dans de nombreux pays. Cette limite de 14 jours est souvent retenue parce qu’elle marque le moment où l’individualité d’un embryon est assurée, car il ne peut plus se diviser en jumeaux. C’est également à ce stade que se forme la «ligne primitive», qui commence à distinguer la tête de l’embryon de sa queue.

Cette nouvelle a suscité de nombreuses réactions. La question de prolonger cette limite des 14 jours est posée, et d’ores et déjà débattue par la communauté scientifique. Prolonger de deux jours (soit 16 jours) la limite fixée au développement de l’embryon in vitro permettrait d’étudier la troisième étape de formation de l’embryon appelée «gastrulation». C’est la période du développement au cours de laquelle se mettent en place les 3 feuillets fondamentaux (ou primitifs) de l’embryon qui donneront l’ensemble des tissus et organes de ce nouvel être humain.

Pour le Professeur Zernicka-Goetz : « Cette nouvelle technique nous donne une opportunité unique de mieux comprendre notre propre développement pendant les stades cruciaux (tout premiers jours de la vie) et ce qui se passe par exemple lors d’une fausse-couche ». Mais cette responsable de la partie des travaux menée en Grande-Bretagne a précisé qu’ « il ne nous appartient pas de décider maintenant si nous devons le faire ou non. La réglementation est utile, nous devons y adhérer, elle devrait être fixée par la communauté, au sens large ».

Trois des chercheurs impliqués dans ces travaux, Insoo Hyun de la Case Western Reserve University dans l’Ohio, Amy Wilkerson de l’Université Rockefeller de New York, et Josephine Johnston au Centre Hastings à New York, ont appelé au réexamen de cette « règle » des 14 jours, et à des débats internationaux pour modifier les lois et les politiques de recherche.

Pour Allan Pacey, professeur à l’université britannique de Sheffield : « Cela pourrait révolutionner notre compréhension du développement de l’embryon à un stade précoce ». Robin Lovell-Badge de l’Institut britannique Francis Crick s’interroge : « Proposer de repousser la limite de 14 jours ouvrirait-il la boîte de Pandore ou serait-ce une mine d’informations? (…) Si la décision retenue est de ne pas allonger ce délai, je pourrai vivre avec ça, et je suppose que de nombreux scientifiques le pourront ». Par contre, pour Azim Surani, directeur de recherche de l’Institut Gurdon de Cambridge, en faveur du réexamen de la règle : « Pour moi, permettre la culture au-delà de 14 jours était justifié, même bien avant ces publications ».

Le Nuffield Council on Bioethics annonce vouloir organiser une réunion dans l’année pour discuter de cette possibilité de changer la limite. Considérant qu’une initiative pour modifier cette limite soulève d’importantes questions, son président Johnathon Montgomery a déclaré : “Le Conseil a l’intention de réunir des participants ayant différents points de vue sur la recherche sur l’embryon dans le but d’évaluer si, 25 ans après, il peut y avoir des raisons convaincantes pour ré-examiner cette limite légale, ou si les raisons ayant posé ce choix restent valides ».

Ces embryons se sont donc développés sans aucun contact avec des cellules maternelles. Or, après la fécondation, dans un processus naturel, l’œuf fécondé s’implante habituellement dans la paroi utérine maternelle vers le 6ème jour après la fécondation. Dans les centres de PMA, les embryons sont implantés avant le 7ème jour.

De nombreuses questions se posent, notamment celle-ci : ces embryons étudiés in vitro présentent-ils un développement parfaitement similaire à celui des embryons développés dans l’utérus d’une femme ? En effet, le processus « naturel » est freiné, car les embryons se sont développés sans pouvoir s’implanter et réaliser les interactions avec la muqueuse maternelle.

C’est pourquoi Henry Greely, professeur de génétique à l’école de médecine américaine, s’interroge sur l’intérêt de maintenir en vie plus longtemps des embryons in vitro pour obtenir « des précisions sur le développement humain précoce », alors que l’on n’a « pas d’informations détaillées » sur l’embryon dans l’utérus au tout début de la grossesse.« Nous pourrions peut-être (…) étudier les causes potentielles de l’autisme et trouver pourquoi des produits chimiques dans l’environnement peuvent affecter le développement de l’embryon », estime cependant le Dr Donovan de l’Université de Californie.

Ce travail de recherche concerne aussi le développement et l’utilisation des cellules souches embryonnaires.  Si les stades de développement in vitro s’allongent, il est possible d’imaginer modifier génétiquement des tissus plus différenciés (par exemple, en utilisant CRISPR-Cas9) sans rendre ces modifications héréditaires.

Cette première, en relançant le débat sur la limite au delà de laquelle l’expérimentation sur embryon est interdite, fait naître de nouvelles pressions pour étendre l’instrumentalisation de l’être humain conçu in-vitro hors du corps de la femme.

Bébés prématurés : prendre soin de ces plus fragiles

Bébés prématurés : prendre soin de ces plus fragiles

Un nouveau groupe d’études « Prématurité et nouveau-nés vulnérables »  vient d’être très récemment créé à l’Assemblée Nationale. Il est présidé par la députée Isabelle Le Callennec. Ce groupe doit auditionner les acteurs de la prise en charge des nouveau-nés vulnérables et de leurs familles et travailler sur une proposition de loi.

L’association « Sos Préma » organise une campagne d’information et de mobilisation. Afin d’interpeller les députés sur la dure réalité de la prématurité, l’association SOS Préma leur a déjà adressé une carte postale illustrée par la photo de Louise, un bébé né à seulement 5 mois et demi de grossesse.  Au verso de cette carte, les députés ont pu découvrir l’histoire de ce bébé né avant terme. Et grâce à une « lettre citoyenne interactive », l’association propose aux citoyens d’inviter le député de leur circonscription à intégrer ce groupe d’études.

Les causes de naissance prématurée sont multiples, et en France, environ 60 000 bébés naissent avant terme chaque année.  La prématurité concerne 7,4 % des naissances en 2010 contre 5,9 % en 1995, ce qui représente 22 % d’augmentation en 15 ans, selon l’association SOS Prema.

Cette importante augmentation trouve quelques explications, notamment le développement de la procréation médicalement assistée qui favorise les grossesses multiples et donc les naissances prématurées. En cause également, le mode de vie des femmes : fatigue liée au travail, stress, tabagisme, mauvaise alimentation, etc. Egalement, les progrès de la science et la surveillance accrue des grossesses : «On analyse maintenant que l’enfant est mal pour x ou y raison, ou que la femme est mal à ce moment-là, donc on sort l’enfant plus tôt parce qu’on estime qu’il grandira mieux à l’extérieur. Il faut que l’accueil des équipes soignantes suive les progrès de la science», a souligné la directrice de SOS Prema, interviewée sur France Info.

Aujourd’hui, trois enfants sur quatre qui décèdent sont des prématurés.

Euthanasie aux Pays-Bas toujours en hausse

Euthanasie aux Pays-Bas toujours en hausse

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Le rapport annuel des comités régionaux de surveillance de l’euthanasie aux Pays-Bas en 2015 a été publié la semaine dernière. Ce rapport révèle que 5.516 personnes sont décédées à la suite d’une euthanasie ou d’un suicide assisté, soit 4 % des 147.010 décès comptabilisés pour cette année.

Depuis sa légalisation en 2001, alors que les Pays-Bas étaient le premier pays à dépénaliser cette pratique, le nombre d’euthanasies n’a cessé de croître. Alors qu’on comptait 1.800 euthanasies en 2003, ce nombre est passé à 3.136 en 2010 (+74%) et à 5.516 en 2015, soit une augmentation de 76% par rapport à 2010 et de 206% par rapport à 2003 !

Le rapport note une « augmentation significative des déclarations d’euthanasies de patients atteints de démence ou de troubles psychiatriques », avec 165 cas contre 122 en 2014.

Une autre étude, publiée par JAMA Psychiatry, recense, entre 2011 et 2014, 66 cas de suicides assistés qui concernaient essentiellement des patients souffrant de maladies psychiatriques. Le diagnostic le plus courant était la dépression (55 % des cas).

Un rapport, étudiant le cas des personnes se considérant « fatiguées de vivre » a été remis au gouvernement, en février dernier, concluant qu’il ne fallait pas étendre l’euthanasie à ce type de situation.

Par ailleurs, alors que l’euthanasie aux Pays-Bas peut déjà être pratiquée sur des enfants mineurs à partir de 12 ans, le Ministre de la Santé hollandais vient de commanditer une étude afin d’étudier la possibilité d’étendre cette loi aux enfants de 1 à 12 ans (les enfants de moins d’un an peuvent déjà être euthanasiés avec le consentement de leurs parents).

Toutes ces « extensions » de la loi, présentes ou à venir, montrent les graves dérives liées au développement de la mentalité euthanasique dans ce pays.

Partage des données de santé : une plateforme de consultation

Partage des données de santé : une plateforme de consultation

big data

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé le 22 avril le lancement d’un sondage en ligne dont le but affiché est de « faciliter l’exploitation et le partage des données de santé, dans le respect de la vie privée, pour tout acteur porteur d’un projet d’intérêt public ». Les internautes peuvent ainsi donner leur avis sur l’exploitation de leurs données personnelles dans le domaine médical (Big Data).

La loi Santé, votée en décembre 2015, prévoyait la création d’un « Système National des Données de Santé » (SNDS), une plateforme d’information partiellement « ouverte », c’est-à-dire mise à disposition du public (open data). Cette énorme base doit rassembler les données du système national d’information inter-régime de l’Assurance maladie (Sniiram) et du programme de médicalisation des systèmes d’information des hôpitaux (PMSI). Cela concerne donc de très nombreuses données, dont celles issues de l’assurance maladie et des organismes d’assurance maladie complémentaires, sur les hospitalisations, les causes de décès etc. ; ce qui représente, chaque année, 1,2 milliard de feuilles de soins, 500 millions d’actes médicaux et 11 millions d’hospitalisations.

L’actuel Sniiram est une base médico-administrative qui renferme tous les historiques des remboursements de soins. Pour la Cour des comptes, elle est un trésor « sans équivalent en Europe au regard du nombre de personnes concernées et de la diversité des données disponibles ». Dans un rapport commandé par l’Assemblée nationale et publié sur le site Acteurs publics, cette même Cour fustige le verrouillage actuel des données de santé gérées par l’assurance maladie, tout en dénonçant des failles de sécurité. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a peur qu’on puisse identifier les personnes derrière ces données “anonymisées”.

Depuis quelques années, nous assistons à une véritable explosion d’objets connectés qui permettent de fournir des données sur nos habitudes et notre condition physique : par exemple, les bracelets enregistrant le rythme cardiaque ou les lentilles connectées enregistrant le taux de glucose dans le sang pour les diabétiques. Grâce aux « big data », chacun pourrait être en mesure de comparer ses propres données avec celles d’autres utilisateurs afin de se situer par rapport au reste de la population (ce qu’on appelle « quantified self » ou « auto-mesure de soi »). Ces données intéressent de plus en plus les professionnels qui interviennent dans le domaine médical.