[CP] Vincent Lambert – Réaction à la décision de reprise de la procédure collégiale

[CP] Vincent Lambert – Réaction à la décision de reprise de la procédure collégiale

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Alliance VITA exprime sa vive inquiétude à l’annonce de la décision de la Cour administrative d’appel de Nancy d’exiger la reprise de la procédure collégiale pouvant conduire à l’arrêt des soins et au décès de Vincent Lambert.

Alliance VITA estime que la reprise de la procédure collégiale doit impérativement intégrer l’option d’un transfert de Vincent Lambert vers un autre établissement mieux adapté à sa situation médicale. Compte tenu de l’évolution de son état réel depuis juillet 2015, il n’y a pas de raison de n’envisager que la seule option de fin des soins et de mort par arrêt d’alimentation et d’hydratation. 

L’équipe médicale du CHU de Reims avait pris la décision en juillet 2015 de suspendre cette procédure et de demander à la justice de nommer un tuteur pour cet homme qui ne peut plus s’exprimer. Cette orientation était sage, car elle laissait ouverte une réflexion sur l’avenir de Vincent Lambert. Une autre Cour d’appel, celle de Reims, doit se prononcer le 8 juillet prochain sur le choix des personnes les plus aptes à exercer cette tutelle.

 

Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA et auteur de La Bataille de l’euthanasie (Salvator) : « Le moindre des paradoxes, dans cette triste affaire, c’est qu’après avoir offert un surprenant porte-voix médiatique à un simple neveu qui conteste la position d’une mère, la justice cautionne cette requête d’un membre de la famille élargie. Le traitement infligé à Madame Vivianne Lambert est aux antipodes de celui dont bénéficiait Madame Marie Humbert, qui avait décidé de provoquer le décès de son fils en 2003, …

 

Prendre soin de son enfant, le protéger, demander pour lui une prise en charge adaptée, comment ne pas respecter une telle demande maternelle ? Et en quoi la poursuite de vie de Vincent Lambert est-elle à ce point gênante qu’il faille inventer une procédure pour y mettre un terme ? Bien des familles et bien des soignants concernés par la grande dépendance ressentent un malaise et une peur compréhensibles devant ces rebondissements judiciaires qui confirment l’arbitraire qui entoure cette situation douloureuse. L’apaisement devrait commencer par une prise en charge adaptée qui est refusée à Vincent. L’euthanasier, sans prononcer ce mot, alors par ailleurs qu’il ne peut donner son avis, serait une grave hypocrisie ouvrant la boîte de Pandore pour d’autres cas. Protéger les patients spécialement quand ils sont plus fragiles, et continuer à leur apporter les soins les plus adaptés est au contraire le propre de l’humanité véritable. »

[CP] GPA à l’Assemblée nationale : soutien aux PPL pour renforcer l’interdiction de la GPA

[CP] GPA à l’Assemblée nationale : soutien aux PPL pour renforcer l’interdiction de la GPA

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Alliance VITA soutient les deux propositions de loi* qui seront examinées le jeudi 16 juin à l’Assemblée nationale pour renforcer l’interdiction de la GPA en France, fragilisée depuis trois ans.

Alliance VITA a régulièrement exprimé son inquiétude ces derniers mois devant la fragilisation du principe d’interdiction de la GPA. La publication de la circulaire dite « Taubira » en janvier 2013 a d’abord facilité la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés de mère porteuse à l’étranger. Puis la CEDH a condamné la France en juin 2014 pour avoir refusé de transcrire des actes de filiation réalisés aux Etats-Unis à la suite d’une naissance par mère porteuse, et demandant dans ce cas que la filiation biologique paternelle puisse être prise en compte. La Cour de cassation a ensuite pris en compte en juillet 2015 cette décision de la CEDH, en autorisant désormais la retranscription de la filiation paternelle à l’état civil français, associée au nom de la mère qui a accouché, c’est-à-dire la mère porteuse, si elle est indiquée sur l’acte de naissance rédigé à l’étranger. Enfin, dans un des derniers jugements de la Cour d’appel de Rennes (7 mars 2016), seule la filiation paternelle a fait l’objet d’une retranscription à l’état civil français, alors que l’existence de la mère qui a accouché est totalement occultée.

Ce revirement complet de jurisprudence fragilise considérablement l’effet dissuasif de l’interdiction de la GPA en France, puisque désormais la fraude à la loi, qui reste pourtant établie, n’a plus d’importance  ni de conséquences négatives.

Dans ce contexte, Alliance VITA est intervenue dans le cadre des auditions organisées par la Commission des lois, et a demandé un renforcement de la loi d’interdiction de la GPA.

Pour Tugdual Derville, Délégué général d’Alliance VITA : « Ces deux propositions de loi font d’abord figure de test de résistance pour l’opposition actuelle. Aura-t-elle le courage d’afficher aujourd’hui sa fermeté unanime devant la maltraitance originelle que constitue toute forme de GPA ? Ce pourrait être le signe précurseur d’un réveil éthique en perspective d’une alternance politique. Car, jusqu’à aujourd’hui, quand elle était au pouvoir, la droite a eu tendance à cautionner toutes les étapes de la dérive libertaire imposée par la gauche. Heureusement, au sein de cette dernière, les voix sont désormais nombreuses pour dénoncer la régression que constitue le système des mères porteuses. Le sujet déborde les clivages partisans…»

Caroline Roux, directrice de VITA International, le confirme : « Pour toute personne soucieuse d’éthique de l’engendrement, il est extrêmement préoccupant de voir ce « marché de la procréation » s’importer en France. Le recours aux mères porteuses constitue une grave atteinte aux droits de femmes et des enfants. La France abandonnerait ses fondements éthiques en cautionnant un marché ultralibéral de la procréation. C’est pourquoi les deux propositions de loi sortent du clivage politique droite-gauche : elles doivent recueillir l’assentiment de tous ceux qui sont attachés à la dignité humaine, aux droits des femmes et à la protection des enfants. Nous avons besoin d’un droit clair, c’est le cas de ce qui est proposé, et qui soit pleinement appliqué. Il est impératif que la règle de droit soit effective. »

Alliance VITA est également activement impliquée dans l’appel No Maternity Traffic, rassemblant plus de 100 000 signataires européens qui demandent l’interdiction internationale de la GPA. Cet appel vient d’être jugé admissible par le Conseil de l’Europe, qui l’a transmis pour prise en compte à la Commission des questions sociales dans le cadre du rapport en cours sur la problématique de la GPA et des Droits de l’Homme. Ce rapport, qui sera examiné lors de la session des 21 et 22 juin prochains, est à haut risque et nécessite que l’Etat français et ses élus parlementaires se mobilisent pour obtenir une condamnation explicite et universelle de la GPA.

*Rappel à propos des deux propositions de lois :

·        La première proposition de loi vise à rendre constitutionnel le principe de l’indisponibilité du corps humain.

·        La seconde proposition de loi vise à lutter contre le recours à une mère porteuse. Elle prévoit de renforcer les sanctions, principalement contre les intermédiaires qui favorisent le recours à une mère porteuse, et d’inscrire dans la loi qu’il ne peut y avoir de transcription d’un acte d’état civil étranger à la suite d’une GPA pratiquée à l’étranger. Elle engage aussi la France à proposer l’adoption d’une convention internationale contre la gestation et la procréation par autrui.

 


Lire le DECODEUR qui fait une analyse détaillée des deux propositions de loi :

https://www.alliancevita.org//2016/06/gpa-deputes-examen-deux-propositions-de-loi/

Pour en savoir plus sur l’audition à laquelle Alliance VITA a participé :

https://www.alliancevita.org//2016/06/gpa-audition-dalliance-vita-a-lassemblee-nationale/

Alliance VITA mobilisée contre la GPA en France et à l’international

Alliance VITA mobilisée contre la GPA en France et à l’international

Caroline Roux, Directrice de VITA International, était l’invitée de KTOTV le 14 juin 2016 pour parler de l’interdiction mondiale de la GPA au moment où deux évènements importants sont dans l’actualité :

– Le 16 juin, les députés français vont débattre de deux propositions de loi pour lutter contre la GPA visant à renforcer les moyens juridiques pour s’opposer plus efficacement à la gestation pour autrui, au niveau national et international.

– Les 21 et 22 juin, les parlementaires du Conseil de l’Europe vont examiner une nouvelle version d’un rapport controversé sur la GPA.

Voir aussi le texte de l’audition de Caroline Roux à l’Assemblée nationale, le 1er juin

Décodeur n° 47 : « GPA : les députés examinent deux propositions de loi »

L’EVENEMENT Le 16 juin prochain, les députés vont débattre de deux propositions de loi (PPL) qui visent à renforcer les moyens juridiques pour s’opposer plus efficacement à la gestation pour autrui (GPA).

Ces textes sont examinés le même jour, dans le cadre d’une « niche parlementaire » (temps réservé à chaque groupe parlementaire pour faire examiner les textes de son choix). La Commission des lois s’est réunie le 8 juin dernier et a voté le rejet de leur contenu. Mais chaque texte sera néanmoins débattu en séance publique le 16 juin, avec une discussion de tous les amendements et un vote article par article. Le vote sur l’ensemble du texte aura lieu le 21 juin.


Mise à jour après les débats du 16 juin à l’Assemblée nationale” Les députés ont débattu des deux PPL pendant quatre heures, d’abord dans une discussion générale commune, puis dans un examen spécifique. Une motion de rejet préalable avait été déposée sur chacune des PPL (une telle motion consiste à affirmer qu’il n’y a pas lieu à délibérer, et son adoption entraîne le rejet du texte). Mais la motion concernant la PPL de Philippe Gosselin n’a recueilli que 41 voix en sa faveur (45 contre), et celle sur la PPL de Valérie Boyer que 36 voix favorables (45 contre) : ces motions de rejet préalable n’ont donc pas été adoptées, ce qui a permis de poursuivre le débat sur chaque article et amendement. Le gouvernement a cependant usé d’artifices de procédure pour éviter l’adoption des PPL, les députés de l’opposition étant de fait plus nombreux dans l’hémicycle : recours à la réserve des votes (ceux-ci n’ayant alors lieu qu’à la fin de l’examen de l’ensemble du texte) et recours au vote bloqué (il n’y a plus de vote article par article, mais un seul vote sur l’ensemble du texte et au moment où le gouvernement le souhaite). Ce vote global aura lieu mardi 21 juin, au moment où les députés de la majorité sont censés être plus nombreux que ceux de l’opposition.


 

LE CHIFFRE :

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c’est le nombre de jours qui se sont écoulés depuis la promesse de Manuel Valls d’agir au niveau international pour lutter contre la GPA, et que rien n’a été fait ! En effet, le Premier ministre s’était clairement engagé le 2 octobre 2014 : « À la demande du président de la République, Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, prendra dans les semaines qui viennent des initiatives pour trouver le cadre approprié. C’est une action de long terme. » Près de deux ans plus tard, aucune démarche n’a été entreprise par l’Etat français, comme l’a souligné Valérie Boyer au cours des échanges en commission des lois, et après avoir interrogé les ministères les plus concernés (Justice, Affaires étrangères, Familles-Enfance-Droits des femmes).

LE CONTENU DES PROPOSITIONS DE LOI

Lors de la réunion de la commission des lois qui a examiné ces textes le 8 juin dernier, M. Gosselin a introduit les débats en rappelant que Mme Boyer et lui-même ont « travaillé en commun et procédé ensemble aux auditions nécessaires à l’élaboration de ces deux propositions de loi, qui constituent les deux étages d’une fusée destinée à affermir le principe de l’interdiction de la gestation pour autrui, alors que celui-ci semble de plus en plus menacé  ». En effet, comme le souligne Mme Boyer dans l’exposé des motifs de sa PPL, « demander l’interdiction d’une pratique tout en reconnaissant ses effets est intenable à terme ».

1. La proposition de loi de Valérie Boyer

Ce texte contient 4 articles qui concernent les infractions pénales liées à la GPA, les conséquences en droit civil et la politique internationale.    

a) Mesures en droit pénal

A l’heure actuelle, la GPA n’est mentionnée dans notre code pénal qu’à l’article 227-12, qui concerne principalement l’abandon d’enfant en vue de son adoption. Le troisième alinéa de cet article ne vise d’ailleurs pas les parents d’intention ou la mère porteuse, mais seulement les intermédiaires : « Est puni [d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende] le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. » La proposition de loi (par ses articles 1 et 2) retire cette phrase de l’article 227-12 du code pénal pour en faire un article autonome plus important, l’article 227-12-1, introduisant les sanctions renforcées suivantes :

  • Pour l’infraction qui était contenue dans l’article 227-12, c’est-à-dire visant les intermédiaires qui organisent la mise en œuvre de la GPA, les sanctions sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende. De plus, « lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double.
  • Deux infractions secondaires sont introduites : « La provocation, même non suivie d’effet, à l’une des infractions prévues au présent article, ou le fait de présenter l’une de ces infractions sous un jour favorable est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.» Le fait de présenter une infraction sous un jour favorable fait référence à la législation sur les drogues, qui sanctionne de façon autonome cette incitation à commettre l’acte illégal.
  • Il était également envisagé, dans la version initiale de la PPL, de créer une nouvelle infraction, visant plus largement « le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la naissance d’un enfant par le recours à une mère porteuse», punie de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Dans un amendement présenté lors de la discussion en commission des lois le 8 juin, cette infraction n’était plus retenue.

Ce même article 227-12-1 contient un 4ème paragraphe qui vise à régler un problème complexe de territorialité de la loi pénale française. Les infractions ici en cause constituent des délits, puisque punis par des peines inférieures à 10 ans de prison. Or, si la loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français à l’étranger, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit d’un délit. Celui-ci ne peut être poursuivi en France qu’à une double condition : que l’Etat où le délit a été commis sanctionne également l’infraction (la réciprocité d’incrimination prévue à l’article 113-6 du code pénal) et que ce délit fasse l’objet d’une dénonciation officielle de la part de cet Etat. Ainsi, à l’heure actuelle, si la GPA commandée par un Français est réalisée dans un pays où celle-ci est licite (par exemple, aux Etats-Unis ou en Grèce), la justice française ne peut pas poursuivre les auteurs de l’infraction. Le droit actuel est donc largement inefficace. La PPL supprime ce verrou pour que les délits de GPA puissent désormais être poursuivis en France, comme c’est le cas pour d’autres délits qui concernent les mineurs, notamment les cas de tourisme sexuel.

    b) Mesures en droit civil

L’article 3 de la PPL vise à insérer dans le code civil un article 47-1 qui concerne les conséquences de la GPA sur les actes d’état-civil et la filiation en général. Dans sa version d’origine, l’article prévoyait de façon très large la nullité des actes étrangers établis dans le cadre d’une GPA. Par amendement en commission des lois le 8 juin, une version différente a été proposée, en distinguant plus clairement deux aspects :

  • Les actes de l’état civil établis dans un pays étranger gardent leur force probante, selon les principes de l’article 47 du code civil, même en cas de GPA.
  • La transcription de ces actes à l’état civil français est par contre impossible, s’ils sont le résultats d’une convention de GPA.

Il n’est en effet pas nécessaire de réaliser cette transcription pour que les enfants nés de GPA puissent mener une vie privée et familiale normale en France. Ils ne sont nullement des « fantômes de la République », comme certains ont voulu le faire croire, et peuvent vivre avec leurs parents sans problème majeur (scolarisation, activités extérieures, prestations sociales, soins médicaux, etc). L’exposé des motifs de cet amendement donne à cet égard des précisions importantes : « Il faut rappeler que ces enfants peuvent vivre au quotidien normalement en utilisant les actes de l’état civil étrangers et accéder aux mêmes protections et prestations que n’importe quel autre enfant. Les parents jouissent à leur égard de toutes les prérogatives de l’autorité parentale. Quant à la nationalité, ces enfants (…) disposent généralement de la nationalité du pays dans lequel ils sont nés. Ils peuvent acquérir la nationalité française sur le fondement de l’article 21‑12 du code civil [exigence de 5 ans d’éducation en France]. (…) S’agissant de la vocation successorale, le ministère de la Justice reconnaît que l’acte étranger valide et non contesté produit ses effets à l’égard des parties, la preuve de la qualité d’héritier pouvant être apportée par tout moyen, en l’espèce sur le fondement de l’acte d’état civil étranger.    

c) Mesures de droit international L’article 4 de la PPL vise à promouvoir une « convention internationale spécifique sur l’interdiction de la gestation et de la procréation par autrui ». Il s’agit, par la demande d’un rapport demandé au Gouvernement, d’inciter celui-ci à prendre de réelles initiatives dans ce but, puisque rien n’a été fait depuis les promesses d’octobre 2014 (voir « Le Chiffre »). Pourtant la question est étudiée et débattue depuis de nombreux mois au sein de plusieurs instances internationales, européennes ou mondiales. Le Parlement européen a voté une résolution en décembre 2015, à une forte majorité et toute tendance politique confondue, afin de condamner la GPA sous toutes ses formes. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est également saisie l’an dernier d’un rapport sur « les Droits de l’homme et les questions éthiques liées à la gestation pour autrui ». Celui-ci est actuellement en débat au sein de la Commission des questions sociales et son contenu reste très controversé. Après un premier rapport qui entendait encadrer la GPA et qui a été rejeté le 15 mars 2016, un nouveau rapport doit être examiné le 22 juin prochain à Strasbourg, sans que le rapporteur dont on soupçonne un conflit d’intérêt n’ait été écarté. La Conférence de La Haye de droit international privé – organisation intergouvernementale mondiale regroupant 79 Etats – s’était également donnée la mission, depuis 2011, d’étudier les conséquences de la GPA sur le statut des personnes. Son groupe d’experts sur la Filiation / Maternité de substitution étudie notamment les questions de filiation des enfants, quand ils sont l’objet d’un contrat entre des adultes de pays différents. Le dernier rapport de ce groupe de travail, lors d’une réunion en février 2016, a constaté une quasi-impossibilité d’aboutir à des positions communes, tant les problèmes sont multiples et les positions opposées.

2. La proposition de loi de Philippe Gosselin

Ce texte ne contient qu’un article très court, introduisant à l’article 1er de la Constitution française la phrase suivante : « La République française, fidèle à ses valeurs humanistes, assure et garantit le respect du principe d’indisponibilité du corps humain. » Le principe d’indisponibilité du corps humain signifie essentiellement que le corps n’est pas une marchandise, qu’il ne peut se vendre ou s’acheter. Les dérogations sont très strictes, elles concernent par exemple le don du sang ou le don d’organes. L’objectif de la PPL est de donner un « poids » juridique plus important à ce principe : jusqu’à présent, il n’est considéré par la jurisprudence que comme un « principe d’ordre public », ce qui est moins contraignant qu’un « principe à valeur constitutionnelle », lui-même ayant moins de force que la Constitution elle-même. Dans la hiérarchie des normes en droit français, ces distinctions sont importantes car une règle donnée doit toujours respecter les règles de niveau supérieur. L’indisponibilité du corps humain a été indirectement reconnue par le législateur lors des premières lois de bioéthique de 1994, au même titre que le principe de non-patrimonialité du corps humain, de ses éléments et de ses produits, ou que les principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain. Tous ces principes tendent à assurer le respect du principe de dignité de la personne humaine, qui lui a une valeur constitutionnelle en référence à l’alinéa 1er du Préambule de la constitution de 1946 (qui fait partie de ce qu’on appelle le bloc de constitutionnalité).

LE CONTEXTE ET LES ENJEUX

    a) Le cadre juridique prohibant la GPA fortement ébranlé Au cours des débats en Commission des lois le 8 juin dernier, les deux rapporteurs – Valérie Boyer et Philippe Gosselin – ont rappelé à plusieurs reprises les raisons de leur initiative parlementaire. En effet, le cadre légal censé dissuader la pratique de la GPA, toujours interdite en France, a été fortement fragilisé depuis trois ans. La circulaire dite « Taubira » du 25 janvier 2013, destinée aux greffiers des tribunaux d’instance, a d’abord facilité la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés de mère porteuse à l’étranger. Puis la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dans deux arrêts du 26 juin 2014, a condamné la France pour avoir refusé de transcrire des actes de filiation réalisés aux Etats-Unis à la suite de naissances par mère porteuse. La CEDH a en effet considéré qu’« interdire totalement l’établissement du lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques, nés d’une GPA à l’étranger, est contraire au droit des enfants au respect de leur vie privée ». Elle demandait donc à la France de reconnaître légalement la filiation biologique liant l’enfant et l’un ou les deux parents commanditaires. L’Etat français a refusé de faire appel de ces arrêts, renonçant ainsi à défendre sa législation pourtant cohérente. La Cour de cassation a ensuite pris en compte cette décision, dans le cadre de deux arrêts du 3 juillet 2015, en autorisant la retranscription de la filiation paternelle à l’état civil français, associée au nom de la mère qui a accouché, c’est-à-dire la mère porteuse. La Cour d’appel de Rennes, suite à des appels sur des jugements du Tribunal de grande instance de Nantes (compétent parce que le service central d’état civil des français nés à l’étranger est localisé à Nantes) applique désormais ces règles. Jusqu’à présent, les demandes d’inscription d’actes sur lesquelles figuraient la « mère d’intention » ont été rejetées en totalité. Mais un récent jugement du 7 mars 2016 a autorisé, pour la première fois, la transcription partielle de l’acte de naissance concernant la filiation paternelle. La fraude à la loi, qui empêchait auparavant toute retranscription des actes de naissance étrangers sur l’état civil français, est donc devenue sans effet : ce revirement complet de jurisprudence fragilise considérablement l’effet dissuasif de l’interdiction de la GPA en France.      b) Les principaux débats en Commission des lois le 8 juin Alors que ces débats auraient pu dépasser les clivages traditionnels, tant les enjeux pour le droit des femmes et des enfants sont importants, ils se sont révélés en grande partie partisans, avec des postures convenues selon le groupe politique d’appartenance. La majorité présidentielle s’oppose à la pratique de la GPA, mais n’a pas voulu soutenir les mesures proposées dans les PPL. Il est important de rappeler qu’une proposition de loi du député Jean Leonetti avait déjà été débattue en 2014. Elle visait à renforcer les sanctions à l’encontre des agences commerciales qui font la promotion de la GPA et introduisait des sanctions pour ceux qui ont recours à cette pratique illicite ou font des démarches auprès d’agences organisant la GPA. Elle fut rejetée par la majorité de gauche, objectant que ces mesures n’étaient pas appropriées et affirmant que le droit français était suffisant. Pour le gouvernement et la majorité présidentielle, la réponse devait être recherchée avec les pays étrangers pratiquant la GPA (voir ci-dessus, « Mesures de droit international »). Les députés de tout bord présents à la Commission ont condamné l’instrumentalisation des mères porteuses, se disant fermement opposés à la gestation pour le compte d’autrui, à deux exceptions près. D’une part, Olivier Dussopt (groupe socialiste) a déclaré qu’à titre personnel il avait la conviction que la GPA peut s’inscrire dans une éthique du don quand c’est « gratuit ». D’autre part, Serge Coronado (écologiste, non-inscrit) s’est dit s’inscrire dans une « tradition très libérale » où le consentement libre et éclairé doit être la base d’une société démocratique, et donc « au nom de quoi pourrions-nous interdire ces dispositions, et au nom de quoi peut-on balayer le consentement ? » Le député Dominique Potier (groupe socialiste) s’est en sens inverse interrogé sur les conséquences de « l’ultralibéralisme de notre monde » et a affirmé partager cette condamnation de la GPA : « Il y va de la protection de la fragilité et de la dignité humaine, de la non-marchandisation du corps. Sur ces champs, nous devons développer une nouvelle éthique et poser des limites. Etre républicain aujourd’hui, être de gauche, n’est-ce pas, au nom de la dignité humaine, poser à nouveau des limites, non pas contre la vie, mais au nom même de la vie ? » Contrairement à ce qui avait prévalu dans les débats il y a quelques années, il a été cependant reconnu que les enfants nés après des pratiques de GPA à l’étranger n’étaient pas des « fantômes de la République », dans la mesure où les actes de naissance établis à l’étranger sont reconnus par l’Etat français. En conclusion de ces débats, Valérie Boyer a rappelé les mots de Lacordaire « Entre le fort et le faible […], c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».     c) Le statut de l’enfant au cœur des enjeux Les divergences entre les groupes politiques ont principalement concerné le statut des enfants nés de GPA à l’étranger et présents sur le sol français, pour savoir si ce mode de conception – illégal en France – devait avoir ou non des conséquences sur leur état civil. En réalité, on ne peut invoquer l’intérêt de l’enfant sans aborder le réel préjudice qui lui est fait, en lui imposant une maternité éclatée entre deux, voire trois femmes : la donneuse d’ovocyte, la mère porteuse, l’éducatrice. Il peut même n’y avoir aucune référence maternelle, dans le cas où le commanditaire est un homme. Dans de rares cas, l’éducatrice est en même temps la donneuse d’ovocyte ; ou bien la mère porteuse reste la mère biologique, dont l’enfant sera séparé à la naissance. Dans tous les cas de figure, on aboutit à une filiation doublement brouillée, biologiquement et juridiquement, en plus du préjudice pour l’enfant d’avoir dû subir une rupture maternelle à la naissance de manière préméditée et d’avoir été cédé contre rémunération ou dédommagement financier. La décision de la CEDH et son interprétation par la Cour de cassation aboutissent donc à une grave incohérence : il est exigé de préserver le lien biologique, paternel en l’occurrence, alors que le processus de procréation fait voler en éclat le lien biologique maternel(voir l’analyse détaillée dans la note de No Maternity Traffic de septembre 2015 : Maternité de substitution et Droits de l’Homme).

COUP DE COEUR

No Maternity Traffic, un collectif fondé à l’initiative d’associations nationales et européennes agissant pour le respect de l’enfance, des femmes, de la dignité et des droits humains, a lancé une pétition qui demande au Conseil de l’Europe de s’engager pour l’interdiction effective de la gestation pour autrui. Cette pétition, qui a rassemblé près de 110 000 signataires européens, a été déclarée admissible par le Bureau de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 26 mai 2016. Elle est donc transmise à la Commission des questions sociales pour qu’elle soit prise en compte dans le cadre du rapport en cours de préparation sur « les Droits de l’homme et les questions éthiques liées à la gestation pour autrui ». Le rapport en question a fait l’objet de nombreuses controverses car il propose seulement d’encadrer la GPA, ce qui laisse entendre qu’il faudrait en accepter le principe. Examiné à nouveau les 21 et 22 juin prochain, il reste à haut risque et nécessite que l’Etat français et ses élus parlementaires se mobilisent pour obtenir une condamnation explicite et universelle de la GPA.

COUP DE GUEULE

Des sociétés étrangères, notamment américaines, agissent sur le sol français pour promouvoir et organiser des GPA à l’étranger pour des commanditaires français, alors même que cette pratique est interdite dans notre pays. Les prestations de ces agences commerciales concernent la mise en relation avec des mères porteuses à l’étranger, l’achat d’ovocytes, l’organisation du transfert de gamètes, la gestion des contrats et des procédures administratives, le rapatriement du bébé, le paiement, etc. L’association Juristes pour l’enfance (JPE) a porté plainte en 2014 contre deux de ces sociétés américaines, Extraordinary Conception et Circle Surrogacy. Alors que les faits dénoncés et contraires à la loi sont clairement démontrés, ces plaintes n’ont donné lieu à aucune poursuite et ont été classée sans suite. JPE a été obligée de se constituer partie civile, de manière à forcer les poursuites en provoquant la saisine d’un juge d’instruction. Il est inacceptable que ces sociétés poursuivent ces activités illégales en toute impunité sur le sol français. Le gouvernement et la justice de notre pays ne peuvent rester plus longtemps dans un immobilisme complice.

 

>> En savoir plus :

Humbles face à l’embryon

Humbles face à l’embryon

Dans une tribune du journal La Croix du lundi 13 juin 2016, Tugdual Derville récapitule la façon dont l’embryon humain est devenu, étape par étape, l’objet des plus grandes convoitises. Expérimentations in vitro, clonage, CRISPR-Cas9… L’embryon transgénique menace désormais l’humanité de dénaturation. Le délégué général d’Alliance VITA plaide pour un engagement biopolitique déterminé de la France contre l’utilitarisme anglo-saxon qui ne cesse d’amplifier la chosification de l’embryon humain.

« L’embryon humain est plus que jamais objet de convoitise. En mettant le doigt sur le tout début de la vie, certains chercheurs sont déterminés à la maîtriser pour la transformer, quitte à changer le destin de l’humanité. C’est l’intention ouvertement assumée par les transhumanistes.

Trois étapes ont accéléré ce processus. En 1978, la fécondation artificielle hors du corps maternel a ouvert le champ des possibles. En 1996, l’irruption du clonage des mammifères a fait entrevoir la possibilité d’une rupture radicale entre la procréation et l’altérité sexuelle. Monumentale transgression, la tentation de cloner l’homme n’est pas éteinte, et nul ne sait ce qui se passe dans le secret de certains laboratoires. Désormais, la découverte très novatrice du CRISPR-Cas9 relance les fantasmes. Il ne s’agirait plus de dupliquer l’homme en laboratoire – en le « reproduisant » plutôt que de procréer à deux – mais de le refaçonner, en modifiant son code génétique.

Comme toujours, le mobile thérapeutique est avancé. Mais s’il faut récuser en bloc toute forme de clonage humain, il en va autrement de l’usage du CRISPR-Cas9 sur l’homme. Cette technique peut relever du pire comme du meilleur. Appliqué aux personnes souffrant de certaines maladies, ce « ciseau génétique » pourrait en effet les soulager ou les guérir. Même si cette perspective n’est ni immédiate, ni garantie, ce sont des pistes de recherche qu’on peut soutenir.

Tout autre est l’application de la même technique aux embryons ou aux gamètes : elle introduirait une modification irréversible de l’ensemble du génome d’un être humain… La fabrication d’embryons transgéniques est pourtant déjà revendiquée par des chercheurs chinois. Autorisée en Grande-Bretagne, elle inquiète jusqu’aux deux découvreuses du CRISPR-Cas9. C’est en réalité une transgression inédite, aux conséquences abyssales.

Rappelons d’abord que cette perspective a été ouverte par la possibilité de traiter des embryons – êtres humains vivants – en matériau de laboratoire, comme si la disparition d’un « projet parental » pouvait leur conférer le statut de chose. Légaliser une recherche qui détruit l’embryon constitue la rupture originelle qui a favorisé l’instrumentalisation de la vie.

La loi française a autorisé cette dérive par étapes de plus en plus laxistes. Elle vient, subrepticement, de l’aggraver sans aucun débat : un amendement à la loi Santé, au libellé particulièrement flou, permet désormais que les gamètes ou les embryons humains conçus in vitro soient objets de recherches biomédicales « en vue de faire naître un enfant »… Glissement vers une nouvelle forme d’eugénisme ?

Avec le CRISPR-Cas9, un pas de plus peut donc être franchi, par l’intrusion des chercheurs au cœur de l’ADN, au stade le plus précoce de l’existence humaine. On argue que ces embryons génétiquement modifiés seront détruits… D’une part, traiter un être humain comme un cobaye est, en soi, inacceptable ; d’autre part la technique du pied dans la porte et des petits pas est bien connue : quand les expérimentations auront avancé, la tentation de légaliser l’implantation d’un embryon transgénique corrigé d’une anomalie génétique sera irrépressible… Ces bébés OGM, cobayes à vie de la manipulation de leurs gènes, transmettraient aux générations futures ces mutations dont nous ignorons la réelle portée. Faut-il souligner à quel point la science génétique tâtonne ? Les interactions entre les gènes sont mal connues. En toucher une partie risque de déstabiliser tout l’ensemble.

Nous sommes tous concernés. La profanation du « sanctuaire de la vie humaine » peut induire une catastrophe d’écologie humaine de plus grande ampleur que toutes celles qui ont jalonné notre histoire.

Plus l’Homme est puissant, plus sa capacité d’autodestruction est grande. Les exemples d’apprentis-sorciers fourmillent. Il y a de quoi appeler les scientifiques à la sagesse, et à l’humilité, et inciter les politiques à se saisir sans plus tarder de ces sujets. Une régulation biopolitique des velléités scientistes est une urgence. L’appel citoyen que nous avons lancé avec Alliance VITA, Stop Bébé OGM, demande au président de la République de s’engager pour un moratoire de l’usage du CRISPR-Cas9 sur l’embryon et les cellules germinales. Face aux intérêts financiers en jeu, notre pays récuse encore la marchandisation du corps. Cette exception bioéthique française mérite d’être saluée. La France est bien placée pour résister à l’utilitarisme anglo-saxon, en faisant valoir sa conception universelle de la dignité humaine, sans exclure l’embryon . »