Au Canada, le Parlement a voté vendredi 17 juin 2016 une loi sur l’aide médicale à mourir, légalisant l’euthanasie et le suicide assisté de manière très large, ce qui inquiète les défenseurs des personnes vulnérables.
Sous le vocable d’aide médicale à mourir, c’est bien l’euthanasie et le suicide assisté qui sont légalisés de manière très large, contrairement à ce qu’annoncent la plupart des médias français.
Un arrêt de la Cour suprême du pays – affaire Carter c. Canada, 6 février 2015 – a estimé que les articles du Code criminel interdisant le suicide assisté et l’euthanasie violaient la Charte des droits et libertés, et étaient donc inconstitutionnels. En conséquence de cette décision, complètement inverse de celle prise en 1993, il a donné un an au gouvernement pour revoir sa législation, délai prolongé de 6 mois début 2016.
Le gouvernement aurait pu faire campagne contre cet arrêt, mais il a décidé de légiférer et de déposer son projet de loi C-14 sur l’aide active à mourir le 14 avril dernier. Cette loi fédérale intervient alors que la province du Québec avait légiféré sur l’euthanasie en 2015, après de fortes controverses.
L’article 241.1 de la nouvelle loi donne la définition suivante de l’aide médicale à mourir. « Selon le cas, le fait pour un médecin ou un infirmier praticien :
a) d’administrer à une personne, à la demande de celle-ci, une substance qui cause sa mort;
b) de prescrire ou de fournir une substance à une personne, à la demande de celle-ci, afin qu’elle se l’administre et cause ainsi sa mort. »
Sont impliqués également les pharmaciens qui doivent délivrer les prescriptions de produit létal.
D’autre part, il est prévu que d’autres personnes peuvent intervenir. Selon l’article 227(2) : « Ne participe pas à un homicide coupable la personne qui fait quelque chose en vue d’aider un médecin ou un infirmier praticien à fournir l’aide médicale à mourir (…)».
Les critères d’admissibilité sont larges et fortement subjectifs, d’autant que le médecin ou l’infirmier qui les invoque peut en avoir « une croyance erronée » sans pour autant qu’ils soient condamnables, selon l’article 227(3).
Selon l’article 241.2, qui définit ces critères, il faut au préalable que la personne ait au moins 18 ans et qu’elle soit « affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables ». Cette expression signifie notamment que « sa maladie, son affection, son handicap ou le déclin avancé et irréversible de ses capacités lui cause des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables », et que « sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie. »
Outre l’avis d’un second médecin ou infirmier praticien, un délai de 10 jours est nécessaire entre la demande écrite d’une personne et la mise en œuvre de l’euthanasie ou du suicide assisté. Ce délai peut être raccourci, à la seule appréciation du personnel médical, si « la mort de la personne ou la perte de sa capacité à fournir un consentement éclairé est imminente ». En cas d’incapacité à dater et signer sa demande « un tiers qui est âgé d’au moins dix-huit ans et qui comprend la nature de la demande d’aide médicale à mourir peut le faire expressément à sa place, en sa présence et selon ses directives. »
Une « précision » a été apportée à la fin de cet article 241.2, introduisant une clause de conscience ainsi rédigée : « Il est entendu que le présent article n’a pas pour effet d’obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l’aide médicale à mourir ».
Il est apparu au cours des débats et au vu du contenu de la loi, qu’il ne s’agit que d’une étape et que très vite l’euthanasie des mineurs ou encore des personnes atteintes de maladies mentales sera examinée. En effet, l’article 9.1 dispose que « Le ministre de la Justice et le ministre de la Santé lancent, au plus tard cent quatre-vingts jours après la date de sanction de la présente loi, un ou des examens indépendants des questions portant sur les demandes d’aide médicale à mourir faites par les mineurs matures, les demandes anticipées et les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. »
Contrairement aux dispositions légales aux Pays-Bas ou en Belgique, aucune commission de contrôle a priori ou a posteriori n’est mise en place. Il est simplement prévu qu’après quatre années de mise en œuvre, un comité parlementaire devra examiner les dispositions de la loi ainsi que la situation des soins palliatifs au Canada. Ce comité remettra un rapport « comportant les modifications, s’il en est, qu’il recommande d’y apporter. »