Le Dr Bonnemaison reste radié de l’Ordre des médecins

Le Dr Bonnemaison reste radié de l’Ordre des médecins

bonnemaison

Ce  24 juin 2016, la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a rejeté la requête du Dr Bonnemaison de révision de sa radiation du tableau de l’Ordre. Il avait demandé la levée de cette sanction à l’issue de son procès en Cour d’assises d’Angers, en octobre 2015, où il avait été condamné à deux ans de prison avec sursis, un verdict qui n’avait été que partiellement rassurant.

Dans sa décision, la Chambre disciplinaire de l’Ordre estime que « dans deux cas au moins l’ex-urgentiste bayonnais Bonnemaison a délibérément et de sa propre et seule initiative provoqué la mort de patients ».

Il avait été radié le 15 avril 2014, car l’Ordre des médecins, chargé de veiller au respect des règles de la déontologie médicale fixées par le Code de la santé publique, avait estimé que le médecin avait provoqué délibérément la mort de ses patients, et que la gravité de ces actes justifiait cette radiation qui lui interdit d’exercer la médecine. Cette sanction avait été confirmée par le Conseil d’État, dont le rapporteur public avait rappelé lors de l’audience publique : qu’« en aucune circonstance, et quelle que soit la difficulté de sa tâche, le médecin n’a le droit de tuer. »

Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA et un des porte-parole de Soulager mais pas tuer :

« C’est la confiance entre les soignants et les soignés qui doit être prioritairement protégée par l’Ordre des médecins. Car l’affaire Bonnemaison a profondément fragilisé des personnes âgées ou dépendantes qui ont confié leur trouble aux écoutants de notre service SOS fin de vie. Les manifestations de soutien à Nicolas Bonnemaison leur ont fait comprendre que protéger la carrière d’un médecin était, pour certains soignants, plus important que protéger la vie de ses patients. Il ne s’agit surtout pas d’en rajouter sur les graves difficultés personnelles de Nicolas Bonnemaison, que nous connaissons tous, mais de manifester à quel point toute personne fragile doit pouvoir compter sur la société pour qu’aucun soignant ne s’autorise à lui administrer la mort. »

CRISPR-Cas9 et thérapie génique : un premier essai clinique approuvé

CRISPR-Cas9 et thérapie génique : un premier essai clinique approuvé

crispr-cas9 et thérapie génique : 1er essai clinique approuvé

Le 21 Juin, le Comité consultatif de l’Institut National américain de la Santé (NIH) a approuvé le lancement d’un premier essai clinique utilisant la technique CRISPR-Cas9 sur l’homme, dans un protocole de thérapie génique à visée anticancéreuse. 

L’essai inclura 18 patients souffrant de mélanome malin, de sarcome (cancer des tissus mous comme le muscle), ou de myélome multiple (cancer de la moëlle osseuse). Il vise à modifier génétiquement des cellules immunitaires, appelées lymphocytes T, pour qu’elles combattent plus efficacement les cellules cancéreuses. Concrètement, ces cellules seront prélevées chez les malades, modifiées puis réinjectées.

Mais au cours de ces modifications [i] réalisées in-vitro, il est probable que toutes les cellules ne seront pas, totalement ou en partie, modifiées par CRISPR-Cas9 ; ou parfois même, l’ADN pourrait être modifié à un mauvais endroit (effet appelé « off-target, c’est-à-dire « hors-cible »). Avec cet essai clinique, il s’agit donc surtout de tester l’innocuité de ce type de traitement innovant.

Première mondiale :

Il s’agit du premier essai clinique approuvé dans le monde avec CRISPR-Cas9. Editas médecine, basée à Cambridge dans le Massachusetts, a également annoncé prévoir de demander au comité en 2017 une approbation pour des essais cliniques sur l’homme avec CRISPR-Cas9 pour traiter une forme rare de cécité.

Cet essai clinique doit encore être formellement approuvé par les comités d’éthique des hôpitaux concernés ainsi que par l’agence sanitaire américaine, la FDA (Food and Drug Administration).

Les perspectives thérapeutiques que laissent entrevoir la technique CRISPR-Cas9 suscitent un espoir réel, notamment pour le traitement de certaines formes de cancer.

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[i] Plusieurs types de modifications sont prévus. L’une vise à intégrer un nouveau gène, pour que les cellules expriment un récepteur capable de mieux cibler les cellules tumorales afin de les éliminer. L’autre prévoit de modifier l’ADN pour supprimer l’expression d’une protéine, naturellement présente dans les cellules T, qui peut interférer avec ce processus. Le troisième vise à supprimer le gène codant pour une protéine qui identifie les cellules T comme étant des cellules immunitaires, pour éviter que les cellules cancéreuses ne les reconnaissent et ne les désactivent.

Les robots humanoïdes en passe de devenir des "personnes électroniques" ?

Les robots humanoïdes en passe de devenir des "personnes électroniques" ?

robot

Le 31 mai 2016, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a présenté un projet de motion proposant que les robots soient considérés comme des « personnes électroniques ». Le texte concerne les robots capables de « prendre des décisions autonomes de manière intelligente » ou « d’interagir de manière indépendante avec les tiers ».

Pour la rapporteur du texte, l’eurodéputée luxembourgeoise Mady Delvaux : « L’humanité se trouve à l’aube d’une ère où les robots, les algorithmes intelligents, les androïdes et les autres formes d’intelligence artificielle, de plus en plus sophistiqués, semblent être sur le point de déclencher une nouvelle révolution industrielle ».

D’un point de vue juridique, chacun est responsable de ses actions dans la mesure où il en est le maître. Mais dans le cas du robot, qui est responsable de ses actes ? Est-ce le constructeur, le concepteur des algorithmes, le vendeur ou le propriétaire ? Dans la mesure où l’intelligence artificielle du robot dépasserait les capacités d’un être humain, peut-on imputer la responsabilité de ses actes à ses constructeurs ?

D’après le rapport européen, ces robots autonomes ont une part de responsabilité. Selon le rapport Delvaux, « Plus un robot est autonome, moins il peut être considéré comme un simple outil contrôlé par un autre acteur. (…) Il y a lieu d’adopter de nouvelles règles permettant d’imputer (totalement ou partiellement) à une machine ses actes ou son inaction ». Ainsi, le Parlement européen pourrait proposer « la création d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques dotées de droits et de devoirs bien précis, y compris celui de réparer tout dommage causé à un tiers ».

D’après ce projet, les robots les plus performants devront se doter de polices d’assurance pour encadrer leurs interactions avec la société et permettre de gérer les dommages éventuels.

De plus, ces robots devront être immatriculés afin de pouvoir identifier facilement le propriétaire. « Le robot doit être reconnaissable: il lui faut un numéro d’immatriculation, un nom et un capital, un peu comme pour une personne morale. Car si le robot cause un dommage, il faut prévoir les recours contre lui », explique Alain Bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris et expert du droit des technologies, notamment de l’informatique.

Ce projet de résolution préconise l’ouverture d’une « agence européenne de la robotique et de l’intelligence artificielle » pour administrer tout cela.

CRISPR-Cas9 : « Human Gene Editing », une nouvelle étape annoncée

CRISPR-Cas9 : « Human Gene Editing », une nouvelle étape annoncée

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L’Académie des Sciences et l’Académie de Médecine américaines ont lancé en 2015 le « Human Gene Editing», une initiative pour travailler sur les problématiques liées aux nouvelles techniques de modification du génome.

La prochaine rencontre aura lieu à Washington le 12 juillet prochain. Une partie des travaux seront consacrés à la modification du génome des cellules germinales, abordant les questions éthiques, morales et de politique publique. Plusieurs personnalités sont impliquées dans ces communications, dont le Dr Francis Collins, directeur de l’Institut National de Santé américain (National Institutes of Health, NIH).

Cette initiative internationale s’est organisée en plusieurs étapes.

« Human Gene Editing » a démarré par un colloque international de réflexion qui s’est tenu à Washington en décembre 2015. Co-organisé avec l’Académie des Sciences chinoise et la Royal Society du Royaume Uni, il portait sur les questions scientifiques, éthiques et de gouvernance liées à la recherche utilisant les techniques de modification du génome humain. 

Puis un comité international multidisciplinaire a été créé pour mener des études approfondies sur les fondements scientifiques de ces techniques de génie génétique, sur leur potentielle utilisation en recherche biomédicale et médecine – y compris sur la lignée germinale humaine – et leurs implications cliniques, éthiques, juridiques et sociales. Ce comité d’experts, majoritairement américains, a commencé son processus de collecte d’informations lors du premier sommet de Washington. Il lui appartient désormais également de réaliser une veille scientifique ajustée au développement rapide de ces techniques, de centraliser les informations émanant de la littérature ou de colloques, américains ou étrangers, pour solliciter une large participation de chercheurs, cliniciens, décideurs ainsi que du grand public. Ce comité doit publier un rapport avant fin 2016, rapport qui tiendra compte de la position officielle de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Médecine américaines.

Ce comité international multidisciplinaire a organisé un deuxième sommet à Washington le 11 février 2016. Puis s’est tenu le 29 avril 2016 le troisième sommet à Paris, à l’Académie Nationale de Médecine, focalisé sur la politique et les principes de gouvernance sous-jacents à la modification du génome humain. L’une des tables rondes était consacrée aux applications potentielles pour les cellules germinales : gamètes et embryons humains.

La perspective de modifier l’ADN des embryons ou des gamètes humains soulève des enjeux éthiques d’une importance majeure. Alliance VITA a lancé une campagne nationale d’information et de mobilisation, Stop Bébé OGM, et demande à la France de s’impliquer dans le débat international pour obtenir un moratoire de l’utilisation de ces techniques de génie génétique sur les cellules germinales.

 

Signez l’appel Stop Bébé OGM

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Pour en savoir plus :

Notexpert Alliance VITA

Sondage d’Alliance VITA : Les Français et la technique du CRISPR-Cas9

CRISPR-Cas9 : trois spécialistes livrent leur avis

CRISPR-Cas9 : trois spécialistes livrent leur avis

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En France, plusieurs institutions se penchent sur les questions éthiques soulevées par la technique de modification du génome CRISPR-Cas9. Dans la revue Science et Santé de juin 2016 éditée par l’Inserm, trois spécialistes livrent leur point de vue scientifique, éthique et réglementaire.

Jean-Claude Ameisen, président du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), partage des remarques personnelles. Pour lui, « des applications possibles de la technique CRISPR-Cas9 posent des problèmes éthiques », en particulier la thérapie génique qui a donné lieu à des réflexions internationales et à la Convention d’Oviedo. « Un moratoire sur ce type de traitement » lui semble « nécessaire, au moins par sécurité », bien que « la recherche doit, elle, être encouragée ».

Pour Carine Giovannangeli, biologiste moléculaire[i], « il s’agit d’une véritable révolution technologique et scientifique qui devrait faire massivement progresser la compréhension des mécanismes biologiques fondamentaux du vivant, la thérapie génique ou les biotechnologies. Pour éviter les dérives, le respect des bonnes pratiques et des réglementations en vigueur est indispensable. De plus, la technique n’est pas infaillible,  elle ne doit pas encore être utilisée pour transmettre une modification à la descendance humaine ». Mais pour elle, « les recherches doivent porter sur une grande diversité de systèmes, sans exclure les cellules germinales ».

Pour Agnès Saint-Raymond, responsable du Programme Design Board de l’Agence européenne des médicaments, « les essais menés en Chine et aux États-Unis contre le VIH et la bêta-thalassémie montrent que tout n’est pas encore maîtrisé, même si les recherches avancent vite ». Elle explique qu’« en Europe, certains pays autorisent la création d’embryons pour la recherche, tels le Royaume-Uni ou la Belgique, qui n’ont pas signé la Convention d’Oviedo. L’Institut Francis Crick, à Londres, vient de lancer des recherches génétiques sur la fertilité et l’implantation de l’embryon. Parmi les pays qui s’interdisent de modifier les cellules germinales, certains, comme la France, réalisent des recherches sur des embryons sans projets parentaux. La Commission européenne est donc réticente à financer toute recherche génétique sur l’embryon tant les divergences sont profondes. Reste que le train a déjà quitté la gare : le débat n’est plus de savoir s’il faut un moratoire sur cette technique prometteuse. Les bonnes pratiques et l’évaluation du rapport efficacité/sécurité guident toute autorisation. Et les principes éthiques doivent éclairer plutôt que contraindre. Pour certains parents, transmettre une maladie génétique à leurs enfants est une très lourde charge. Y aurait-il un intérêt médical à l’éviter, en intervenant sur les cellules germinales ? Dans un contexte incertain, modifier l’espèce semble très aventureux, mais le débat n’appartient pas aux seuls médecins : la société civile tout entière doit pouvoir y participer ! »

Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA et porteur de l’appel Stop Bébé OGM, commente ces réflexions :

« Nous constatons que de nombreux spécialistes s’accordent sur la gravité des risques liés à la modification du génome de l’embryon ou des gamètes humains. Pour autant, ils se montrent singulièrement timorés quand il s’agit d’encadrer la recherche sur l’embryon. De telles recherches constituent pourtant la première étape d’un glissement accéléré vers des pratiques eugéniques et transhumanistes. Il faut être lucide : si les techniques se perfectionnent, et montrent dans l’avenir que des embryons ainsi modifiés sont viables, on voudra faire naître des bébés OGM. Ils seront alors les cobayes à vie de la technique qui les aura fabriqués. La France doit être à l’avant-garde éthique, comme elle l’est encore, au plan mondial, quand elle défend la non-marchandisation du corps humain et de ses produits. L’encadrement éthique des techniques de recherche sur l’embryon et les gamètes doit faire l’objet d’une action internationale où notre pays peut être en pointe. »

Pour aller plus loin

Tribune « Humbles face à l’embryon » de Tugdual Derville

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[i] De l’unité 1154 Inserm/ CNRS – Muséum national d’histoire naturelle, Structure et instabilité des génomes.