Y a-t-il une « double clause de conscience » pour l’IVG ?

Y a-t-il une « double clause de conscience » pour l’IVG ?

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Le Haut Conseil à l’Egalité entre femmes et hommes (HCEfh) a publié, le 17 janvier 2017, un bilan des mesures prises depuis 3 ans pour faciliter l’accès à l’IVG : sur les 35 recommandations émises par le HCE fin 2013, plus des deux tiers ont été mises en œuvre par le gouvernement.

Mais le HCEfh considère que l’avortement ne sera pas « un droit réel, à part entière » tant que les médecins bénéficieront d’une clause de conscience spécifique pour l’IVG. Dans le rapport, cet objectif est exprimé de la façon suivante :

« Supprimer de l’article L.2212-8 du Code de la santé publique la mention explicite de la clause de conscience formulée ainsi : « Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse », ainsi que pour les autres professionnel-le-s de santé mentionné-e-s dans le même article. La possibilité de recours à la « clause de conscience » est déjà accordée de manière générale à tout le personnel soignant pour l’ensemble des actes médicaux. »

La clause de conscience de l’article L2212-8 se situe dans la partie législative du code de la santé publique, celle qui contient les lois votées par le Parlement. Le second texte que le HCEfh considère comme une autre clause de conscience serait, par exemple pour le médecin, celui de l’article R.4127-47 qui dispose : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins.»

Cet article R.4127-47 fait partie de ce qu’on appelle « le code de déontologie » du médecin, ensemble de droits et devoirs correspondant à cette profession. Ceux-ci ont été insérés dans la partie réglementaire du code de la santé publique, celle qui contient les décrets et arrêtés ministériels publiés par le gouvernement.

D’après le HCEfh, il y aurait ainsi une « double clause de conscience », une spécifique à l’IVG et l’autre de nature générale. Les deux clauses auraient la même portée et concerneraient tout le personnel soignant. Et donc il y aurait une clause de trop (celle de l’article L2212-8 du code la santé publique), qu’il faudrait supprimer pour ne pas « stigmatiser » l’IVG par rapport aux autres actes médicaux.

Cet argument est fallacieux, et le HCEfh le sait très bien, pour au moins quatre raisons.

1° La clause générale existait avant la loi de 1975 sur l’avortement. Si donc le législateur a cru bon d’en introduire une spécifique à l’occasion du vote de cette loi, c’est bien qu’il fallait une protection supplémentaire pour le médecin, compte tenu de la portée de l’acte en cause. Refuser de supprimer une vie n’est pas la même chose que de refuser de prendre en charge un patient qui se présente, ou refuser de prescrire certains traitements médicaux.

2° La clause générale du médecin est de portée plus restreinte. Celle-ci commence par le principe suivant : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. » Ce principe limite le pouvoir d’appréciation du médecin dans au moins deux circonstances citées dans le texte, « le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité ». Ce cadre juridique est de fait plus restrictif et plus contraignant pour le médecin que l’affirmation solennelle selon laquelle « un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse ».

3° La clause générale n’est pas de nature législative, mais réglementaire. La différence est fondamentale. Une loi apporte une garantie de liberté bien meilleure qu’un décret ministériel. Une loi ne peut être modifiée que par une autre loi discutée au Parlement, avec des débats, des amendements, des votes, une censure possible du Conseil constitutionnel, etc. Un décret peut être modifié du jour au lendemain par le gouvernement, sans contrainte particulière auprès de l’opinion publique ou des élus. Si on supprime la clause de conscience de l’article L2212-8 du code de la santé publique, de nature législative, il ne restera plus que celle de l’article R.4127-47, de nature réglementaire, donc beaucoup moins protectrice.

4° La clause générale n’existe pas pour tous les autres personnels soignants. Certes, une clause générale similaire à celle du médecin existe pour des sages-femmes (article R.4127-328 du code de la santé publique), et depuis novembre dernier, pour la profession d’infirmier (article R.4312-12 du même code). Mais ces clauses générales, de nature réglementaire, comportent les mêmes limites et conditions que celle du médecin (voir analyses dans le 2° et le 3°). Par ailleurs, il existe d’autres professions qui pourraient être amenées à participer, de près ou de loin, à la réalisation d’une IVG, comme par exemple celle d’aide-soignant. Or la clause spécifique IVG dispose clairement que « Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse. »

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La demande du HCEfh de supprimer la clause de conscience spécifique pour l’IVG n’est donc pas recevable, car basée sur une analyse inexacte des textes en vigueur. Elle relève davantage d’une approche idéologique que d’une nécessité pratique : il n’existe pas de vrai problème d’accès à l’IVG pour un usage excessif de cette liberté.

En réalité, non seulement il ne faut pas supprimer cette clause de conscience, mais il faudrait la renforcer : en effet, de nombreux cas de discrimination ont été constatés, pendant les études médicales ou à l’embauche, au détriment des jeunes qui ne souhaitent pas réaliser des avortements. De plus, une profession pourtant impliquée médicalement dans l’avortement en est privée : c’est celle des pharmaciens. En effet, les pharmaciens peuvent être contraints de participer directement aux avortements, avec l’obligation de fournir les produits pour les IVG médicamenteuses réalisées en ville par des médecins et par des sages-femmes. Il est paradoxal qu’un dentiste ou un orthopédiste bénéficie de cette clause de conscience en tant qu’auxiliaire médical, mais pas un pharmacien.

Il n’existe que trois clauses de conscience pour le personnel de santé : celle pour l’avortement, celle concernant la stérilisation (article L2123-1 du code de la santé publique), et celle visant la recherche sur les embryons humains (article L2151-7-1 du même code). A chaque fois, il s’agit d’actes graves portant atteinte de façon irréversible soit à la vie d’êtres humains déjà conçus, soit à l’intégrité du corps en supprimant la capacité de concevoir. C’est pourquoi il est légitime de reconnaître et protéger la liberté de conscience de ceux qui refusent d’accomplir de tels actes.

La liberté de conscience est un bien très précieux, protégée par la Constitution et les grands textes internationaux. Vouloir la remettre en cause dans le cas de l’IVG, c’est la fragiliser dans son principe même et ouvrir la porte à d’autres excès.

20 janvier 2017

Bilan démographique 2016 : fin de l’exception française ?

Bilan démographique 2016 : fin de l’exception française ?

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L’année 2016 a marqué une continuité dans l’inversion de tendance sur le plan démographique observée en 2015, avec une baisse des naissances (785 000 naissances, représentant une baisse de 14.000 naissances). L’indicateur de fécondité poursuit sa baisse à 1,93 enfant par femme (contre 1,96 enfant par femme en 2015 et 2 en 2014) ; la France s’installe ainsi sous la barre symbolique des 2 enfants par femme. Pour l’instant, elle reste en tête dans le palmarès européen des naissances, mais pour combien de temps encore ?

Quelles peuvent être les causes de cette baisse démographique ?

Hormis le nombre de femmes en âge d’avoir des enfants en légère baisse ces dernières années (dernières générations de « baby-boomers ») ainsi que la crise économique actuelle, il y a aussi, selon un sondage IFOP commandé par la Manif pour tous, les effets de la politique familiale « la politique familiale de ces dernières années est de nature à conduire les couples à renoncer à une nouvelle naissance ou à la différer ».

La bonne nouvelle de ce bilan démographique, c’est la diminution du nombre de décès en 2016, avec 587.000 morts au lieu de 600.000 en 2015 qui étaient dus notamment à un épisode de canicule et à une épidémie de grippe meurtrière.

Le solde naturel (différence entre les nombres de naissances et de décès) s’élève à 198.000 personnes, au plus bas depuis quarante ans.

L’espérance de vie, en baisse en 2015, repart à la hausse, avec une bonne nouvelle pour les hommes : l’écart entre les sexes se réduit, passant de 7,9 ans en 1996 à 6,1 ans en 2016. Mais cette augmentation de l’espérance de vie est aussi  le signe du vieillissement continu de la population. Les jeunes représentent désormais moins d’un quart de la population française, alors qu’un habitant sur cinq est âgé de plus de 65 ans. Il faut par ailleurs rappeler que la France est le pays européen qui compte le plus de centenaires.

L’Insee considère que le bilan démographique français n’a rien d’alarmant même si la France, comme les autres pays d’Europe, demeure en dessous du taux de renouvellement des générations qui se situe à 2,1. La France compte aujourd’hui près de 67 millions d’habitants et reste le second pays le plus peuplé après l’Allemagne.

GPA : la CEDH condamne à nouveau la France

GPA : la CEDH condamne à nouveau la France

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La Cour européenne des Droits de l’Homme vient à nouveau de condamner la France, dans l’affaire Laborie c. France, pour avoir refusé la transcription à l’état civil des actes de naissance de jumeaux nés en Ukraine par gestation pour le compte d’autrui (GPA).

La CEDH, comme dans les 4 précédentes affaires similaires sur lesquelles elle s’est prononcée en 2014 et 2016, ne considère pas qu’il y a eu violation de la vie familiale, mais manquement au droit des jumeaux à leur vie privée.

Dans son arrêt, la Cour mentionne avoir pris note du revirement de la Cour de Cassation française, suite à sa décision dans l’affaire Mennesson-Labassée, donnant la possibilité d’établir un lien de filiation avec le père génétique par voie de la reconnaissance de paternité.

Comme Alliance VITA l’avait déjà souligné lors de la première décision dans l’Affaire Mennesson : «Ces décisions risquent de remettre en cause le droit français et de fragiliser toute dissuasion au tourisme de la procréation. Elles demeurent bancales pour l’enfant à qui l’on reconnaît la seule filiation biologique paternelle alors que le processus de procréation fait voler en éclat le lien biologique maternel. C’est le principe même de cette pratique qui doit être remis en cause.. ».

En matière de GPA, une autre décision très attendue sera rendue mardi 24 janvier concernant l’affaire Paradiso, pour laquelle le gouvernement italien avait fait appel. Elle concerne la prise en charge par les services sociaux italiens d’un enfant de neuf mois né en Russie à la suite d’un contrat de gestation par autrui (GPA), conclu par un couple dont il fut ultérieurement établi qu’il n’avait aucun lien biologique avec l’enfant.

[CP] IVG : Pourquoi le HCE ignore-t-il la pression abortive qui pèse sur les femmes ?

[CP] IVG : Pourquoi le HCE ignore-t-il la pression abortive qui pèse sur les femmes ?

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Alliance VITA a pris connaissance du rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) qui recommande de faciliter encore plus l’IVG sans aucune proposition pour aider les femmes à l’éviter.

Alliance VITA dénonce l’état d’esprit à sens unique qui transparaît dans ces préconisations qui se retournent contre les femmes en interdisant toute liberté d’expression à propos de l’avortement. Le HCE révèle notamment son idéologie en recommandant de supprimer toute clause de conscience des personnels de santé. Il soutient également l’extension du délit d’entrave à l’IVG, qui vise ceux qui ne se résignent pas à la banalisation de l’avortement.

Pour Caroline Roux, coordinatrice des services d’écoute d’Alliance VITA :

« Il est temps de sortir des idées reçues pour regarder la réalité de ce que vivent les femmes. Peut-on continuer de biaiser tout débat sur l’avortement par l’affirmation de l’IVG comme élément fondamental de l’égalité entre les femmes et les hommes ? Faut-il rappeler que l’IVG est en réalité un acte qui s’impose souvent aux femmes à contrecœur tandis que les hommes n’ont pas à le vivre ? Nous constatons d’ailleurs, en accompagnant des femmes qui se posent la question de poursuivre une grossesse, que ce sont souvent les hommes qui font pression pour l’avortement. L’IVG devient alors une véritable violence faite aux femmes confrontées à des grossesses inattendues, une violence totalement passée sous silence par le HCE. Promouvoir la véritable égalité, ce serait aider les femmes à éviter l’IVG, acte qui n’est jamais vécu de gaieté de cœur. Il y a une place pour une véritable prévention de l’IVG par une information plus équilibrée ouvrant les femmes à d’autres horizons que l’avortement quand elles le souhaitent. Et il est essentiel également de s’engager dans une prévention de l’IVG à destination des hommes pour lever les malentendus grandissants entre les femmes et les hommes sur l’IVG. »

Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA s’interroge :

« Comment le HCE, qui prétend défendre la cause des femmes, peut-il se réjouir de la suppression du critère de détresse et du délai de réflexion pour avoir recours à l’IVG ? Nous le constatons dans notre écoute des femmes, ces deux critères ont longtemps constitué le dernier rempart protecteur de la pression abortive qu’elles subissent. Le soutien du HCE au projet gouvernemental de l’instauration au forceps d’un nouveau délit d’entrave, livre davantage les femmes à la pression abortive. Pourquoi intimider ceux qui proposent une alternative à l’IVG aux femmes découvrant une grossesse inattendue ? Dans ce domaine, l’instauration d’une police de la pensée relève du déni du réel : dans tout avortement subi, c’est le destin d’une autre vie humaine qui est scellé. Cela ne sera jamais anodin, ni pour les femmes, ni pour la société. C’est pourquoi la politique de prévention de l’IVG ne doit pas hésiter à assumer comme objectif d’aider les femmes à l’éviter. »

 

Alliance VITA plaide pour une véritable politique de prévention de l’avortement.

L’association a lancé, en novembre dernier, une campagne inédite de sensibilisation et de prévention de l’IVG à destination des hommes sur des malentendus qui persistent sur la sexualité, la contraception et la grossesse. Ils expliquent beaucoup des avortements subis par les femmes à contrecœur, et qui pourraient être évités : http://levonslesmalentendus.alliancevita.org/

Alors qu’un nouveau délit d’entrave à l’IVG, imposé par le gouvernement en urgence et sans véritable débat, devrait être voté très prochainement, Alliance VITA soutient La Marche pour la vie qui aura lieu dimanche 22 janvier à Paris.

L’infécondité des Européennes en hausse

L’infécondité des Européennes en hausse

Comme le révèle une étude de l’Ined (Institut national d’études démographiques) parue le 11 janvier 2017, la proportion du nombre de femmes sans enfant ne cesse d’augmenter en Europe puisqu’une Européenne sur 7 n’a pas d’enfant. On parle d’infécondité pour décrire une femme qui ne met pas d’enfant au monde, volontairement ou non.

Dans toute l’Europe, les couples sans enfant sont de plus en plus nombreux. Les chercheurs expliquent ainsi ce phénomène : « la plupart des évolutions économiques et culturelles de la deuxième moitié du XXe siècle semblent également avoir éloigné les femmes et les hommes de la parentalité ».

L’Ined fait remonter ses études à l’après Première Guerre mondiale, époque où bon nombre de femmes se retrouvent célibataires à cause des décès entraînés par la guerre. Chez les femmes nées entre 1900 et 1910, l’infécondité est alors très forte : 17 à 25% d’entre elles n’ont pas d’enfant. Après la deuxième guerre mondiale, il y a un boom des mariages et des naissances, une pression sociale incitant à avoir des enfants, seule une femme sur dix née au début des années 40 en moyenne reste sans enfant.

L’évolution de la fécondité en Europe varie ensuite selon les régions.

Jusqu’aux années 60 en Europe de l’Ouest, on revient à des taux semblables à ceux du début du siècle, pour des raisons à la fois sociétales et économiques : montée de l’individualisme, plus grande tolérance envers les façons de vivre non conventionnelles, contraception plus efficace, début de vie en couple et arrivée des enfants plus tardifs, plus grande stabilité de l’emploi. L’infécondité se stabilise ensuite au début des années 70, “probablement grâce à une conciliation plus facile entre travail et famille“.

En Europe du Centre et de l’Est, le schéma est semblable quoiqu’un peu décalé dans le temps en raison d’une plus forte pression sociale poussant à avoir des enfants. Mais dès les années 60, l’infécondité augmente aussi. En cause : “La transition brutale vers le capitalisme, les nouvelles incertitudes du marché de l’emploi mais aussi la progression des études supérieures et les nouvelles opportunités de carrière“, écrivent les chercheurs de l’Institut.

L’infécondité augmente de façon encore plus importante dans les pays du sud de l’Europe: 20% des femmes nées au début des années 70 en Grèce sont sans enfant. En Italie, la situation est encore plus préoccupante : le taux de fécondité est l’un des plus bas du monde avec 1,37 enfant par femme (25% des Italiennes n’ont pas d’enfant et 25% n’en ont qu’un seul), une véritable démographie de temps de guerre pour le pays le plus âgé du monde après le Japon ! Les raisons principales sont le taux de chômage élevé, ainsi que des politiques familiales peu développées. Les chercheurs estiment, d’après leurs analyses, que l’infécondité va encore progresser dans ces pays.

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