La loi sur la fin de vie du 2 février 2016 soumise au Conseil constitutionnel

La loi sur la fin de vie du 2 février 2016 soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil d’Etat a validé le 3 mars dernier une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soumise par une association à propos de la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie, et plus spécialement la procédure collégiale en cas de sédation terminale.

L’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébrolésés (UNAFTC) est à l’origine de cette initiative inattendue. Fin 2015, cette association a déposé devant le Conseil d’Etat un recours en annulation du décret du 3 août 2016 pris en application de la loi Claeys-Leonetti. Ce décret modifie le code de déontologie médicale concernant la procédure collégiale à suivre en cas de « sédation profonde et continue jusqu’au décès », notamment lorsque le patient ne peut plus s’exprimer.

La question prioritaire de constitutionnalité

A l’appui de cette requête, l’UNAFTC a demandé de « renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution » de trois articles du code de la santé publique qui ont été modifiés par la loi Claeys-Leonetti. C’est cette procédure très particulière qu’on appelle une QPC : on demande au Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une procédure judiciaire qui nécessite d’interpréter une loi, de vérifier si tel ou tel article de cette loi est conforme à notre Constitution. S’il ne l’est pas, il est annulé par le Conseil constitutionnel, avec les mêmes effets que lorsque celui-ci annule, à la demande de 60 députés ou sénateurs, tout ou partie d’une loi après son vote au Parlement et avant sa publication au Journal Officiel.

L’argument de l’UNAFTC est le suivant : la procédure collégiale est définie par un décret (rédigé par le gouvernement), et non par la loi elle-même (votée par le Parlement). Or ce décret ne garantit « ni le caractère collégial de la décision de limitation ou d’arrêt des traitements (…), ni l’exercice d’un recours suspensif contre une telle décision ». La procédure collégiale touche pourtant à des droits fondamentaux, dont le droit à la vie, puisqu’elle est susceptible d’aboutir à la mort d’un patient. Un tel pouvoir relève de la compétence du Parlement (article 34 de la Constitution) et non d’un ministre. Donc les articles de la loi du 2 février 2016 qui évoquent cette procédure collégiale ne sont pas conformes à la Constitution.

Le Conseil d’Etat, qui joue sur ce point le rôle de « filtre » pour vérifier si la QPC est légitime ou pas, a considéré que l’association avait raison de poser cette question et qu’il fallait la transmettre au Conseil constitutionnel. Il faut donc maintenant attendre la décision du juge constitutionnel, et d’ici là, la procédure de base pour faire annuler le décret du 3 août 2016 par le Conseil d’Etat est mise en attente.

La position de l’UNAFTC pour défendre les personnes qui ne peuvent plus s’exprimer

L’UNAFTC a été partie prenante dans la première procédure concernant Vincent Lambert, lorsque l’hôpital de Reims avait décidé de mettre en œuvre un « protocole de fin de vie ». Devant le Conseil d’Etat, en juin 2014, cette association a vigoureusement plaidé pour que la décision n’appartienne pas au seul médecin, à l’issue de la procédure collégiale pouvant aboutir à l’arrêt des traitements d’un patient incapable de s’exprimer.

Par la suite, au cours des débats sur la proposition de la loi Claeys-Leonetti, l’UNAFTC a défendu cette position avec persévérance. Elle a notamment écrit au président de la République en janvier 2015, puis lancé une pétition dans laquelle elle affirmait : « La loi doit protéger les plus vulnérables dont on ne connaît pas la volonté. Cela passe par un processus de décision qui ne soit pas dans la main du seul médecin, la volonté du patient devant être recherchée auprès de ceux qui l’aiment et le connaissent. (…) Si la loi ne sécurise pas le processus de décision, le risque sera grand de voir poussées vers la sortie, y compris par compassion ou sous la pression d’une certaine rationalité économique, des personnes dont la vie apparaîtra vide de sens (personnes en état végétatif ou pauci-relationnel aujourd’hui, mais aussi, demain, malades d’Alzheimer, personnes polyhandicapées…). »

Besançon, un anesthésiste mis en examen pour sept empoisonnements

Besançon, un anesthésiste mis en examen pour sept empoisonnements


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Le 6 mars 2017, un médecin anesthésiste de 45 ans a été mis en examen : il est soupçonné d’avoir empoisonné avec préméditation sept patients entre 2008 et 2017, dont deux mortellement, à la clinique Saint-Vincent et à la polyclinique de Franche-Comté à Besançon.
Des « incidents inexpliqués » survenus lors d’interventions le 11 et le 20 janvier 2017 ont amené la direction de la clinique Saint-Vincent à déposer plainte contre X. Une plainte similaire avait été déposée après trois arrêts cardiaques « récupérés » par la polyclinique de Franche-Comté à Besançon, où le médecin avait exercé durant une courte période en 2009. Cette dernière explique que « les circonstances de ces événements graves ont donné lieu à une enquête médicale interne » et que l’établissement avait à l’époque averti l’Agence régionale de Santé, avant de déposer plainte contre X.
Les sept patients âgés de 37 à 53 ans n’avaient pas de « prédispositions particulières ». Pour la vice-procureure de la République, ces empoisonnements ne sont pas « un accident » ; elle parle « d’indices graves et concordants » et « de faits gravissimes ». Les analyses toxicologiques sur les patients décédés, explique-t-elle, « ont permis de retrouver de fortes quantités de potassium ou d’anesthésique, à doses létales ». La nature et les doses introduites « sciemment » dans ces poches de perfusion, « là où normalement, elles n’ont pas lieu d’être », indiquent qu’il « ne pouvait s’agir que d’actes volontaires de nature à entraîner la mort des patients ». Les victimes décédées des suites d’un arrêt cardiaque en 2008  et 2016 – l’homme de 53 ans opéré pour les reins et la femme de 51 ans traitée pour une fracture – ne semblaient présenter « ni dispositions » à l’accident, ni « fragilités particulières ». La vice-procureure ajoute également que « ce dossier va nécessiter un certain nombre d’expertises et on n’est pas à l’abri de voir le nombre de victimes s’élargir ».
Le médecin anesthésiste conteste « fondamentalement tout empoisonnement que ce soit. Il dit passer sa vie à réanimer les gens, pas à les tuer », a rapporté son avocat.
En attendant la suite des investigations, le médecin anesthésiste a été laissé en liberté provisoire sous contrôle judiciaire, également interdit d’exercer sa profession et dans l’obligation de verser une caution de 60.000 euros. Le parquet, qui réclamait sa mise en détention provisoire, a annoncé qu’il ferait appel du placement sous contrôle judiciaire.
 

La petite Marwa : Xavier Mirabel sur KTO

Le docteur Xavier Mirabel, médecin cancérologue et conseiller médical d’Alliance VITA, a réagi, sur KTO, à la décision du Conseil d’état, en date du 8 mars 2017, qui a ordonné la poursuite des soins de la petite Marwa.

 

Verbatim extrait de l’émission :

On voit bien toutes les détresses qui s’installent aujourd’hui autour de ces questions éthiques de fin de vie, surtout quand il y a un affrontement entre médecine et famille par le biais de médias et de justice interposés, alors que la seule façon d’avancer dans des situations aussi difficiles serait de garder ces questions dans l’intimité et de chercher un chemin de compréhension mutuelle. On voit bien qu’on est face à des incompréhensions majeures.”

Le Conseil d’Etat ordonne la poursuite des soins de la petite Marwa

Le Conseil d’Etat ordonne la poursuite des soins de la petite Marwa

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Le 8 mars 2017, le Conseil d’Etat a rejeté l’appel des médecins de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et confirme l’injonction de reprendre les soins de la petite Marwa âgée de 16 mois, hospitalisée à Marseille suite à une infection virale foudroyante depuis septembre 2016.

Il s’agit d’une décision définitive, contre laquelle aucun recours n’est possible.

Le 9 février dernier, les médecins de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM) avaient saisi le Conseil d’Etat suite au premier verdict du Tribunal administratif de Marseille rendu le 7 février 2017 qui avait ordonné à l’hôpital de la Timone de ne pas arrêter les soins de la petite Marwa (respirateur et alimentation/hydratation artificielles).

Suite à une réunion collégiale, les médecins à l’unanimité avaient estimé, le 4 novembre dernier, devoir arrêter les traitements de l’enfant au regard du caractère irréversible de ses lésions neurologiques ainsi que de son état de conscience difficile à évaluer et probablement fortement altéré.

Le juge des référés du Conseil d’Etat a estimé, quant à lui, que poursuivre les traitements ne relevait pas d’une « obstination déraisonnable », condition que pose la loi pour arrêter des soins. Il s’est basé sur deux éléments pour rendre son jugement :

  • « l’amélioration de l’état de la conscience de l’enfant » dont « l’évolution future reste encore incertaine ». De même que le Tribunal administratif de Marseille l’avait fait remarquer, le juge des référés a déclaré que trop peu de temps s’était écoulé pour évaluer les conséquences des lésions neurologiques de l’enfant.
  • « l’avis des parents revêt une importance particulière », « faute de pouvoir rechercher quelle aurait été la volonté de l’enfant ». Or, les parents se sont fermement opposés à l’arrêt des traitements pour leur enfant.

Même si la petite Marwa restera vraisemblablement lourdement handicapée, les parents se réjouissent de la décision : « c’est un grand soulagement pour toute la famille ». Ce sont eux qui avaient saisi, dans un premier temps, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille le 9 novembre 2016 suite à la décision des médecins d’arrêt des soins. Réclamant pour leur fille une « chance de vivre », ils ont lancé début novembre une pétition sur change.org qui recueille maintenant plus de 287 360 signataires.

C’est la 2e fois que le Conseil d’Etat se prononce sur un cas de ce genre. En effet, il s’est prononcé sur le cas de Vincent Lambert en juin 2014, et avait jugé que la décision prise le 11 janvier 2014 « d’arrêter l’alimentation et l’hydratation artificielles de M. Vincent Lambert n’était pas illégale ». Le Conseil s’était appuyé sur des expertises dont les conclusions avaient mis en évidence une dégradation de l’état de conscience du patient, l’irréversibilité des lésions cérébrales et le mauvais pronostic clinique. Avait été également pris en compte le témoignage de l’épouse de M. Lambert, confirmé par l’un des frères, affirmant que Vincent Lambert avait exprimé le souhait de ne pas être maintenu artificiellement en vie dans l’hypothèse où il se trouverait dans un état de grande dépendance.

[CP] Rencontre citoyenne Fin de vie : appel à la vigilance

[CP] Rencontre citoyenne Fin de vie : appel à la vigilance

parlonfindevie

Alors que ce soir, dans le cadre de la campagne nationale d’information sur la fin de vie, une première « rencontre citoyenne » est organisée à Bordeaux, Alliance VITA appelle à la vigilance sur la façon dont est appliquée la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.

Alliance VITA alerte en particulier sur la confusion entretenue autour de la sédation profonde et continue jusqu’au décès et l’expression des directives anticipées, telles qu’elles sont présentées dans la campagne d’information menée par le gouvernement.

Certains témoignages, notamment ceux reçus par son service d’écoute SOS fin de vie, confirment les risques de dérives liées à une interprétation euthanasique de cette nouvelle loi, avec :

– le droit à “une sédation profonde et continue jusqu’au décès” présenté comme un prétendu « droit à dormir avant de mourir ».

– les “directives anticipées contraignantes” confuses pouvant conduire à des actes contraires à la déontologie médicale sous la pression de l’émotion.

Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA et initiateur du site <u>SOS Fin de vie</u> :

« Cette campagne, qui résume la question de la fin de vie à la promotion d’un droit à la sédation terminale et des directives anticipées contraignantes, confirme nos inquiétudes, surtout quand elle est animée par une personnalité qui n’a pas fait mystère de son souhait de mélanger l’euthanasie aux soins palliatifs.

Plutôt que d’entretenir la confusion sur les objectifs des soins palliatifs, il est urgent de leur assurer un financement décent sans les dénaturer. Chaque situation que nous accompagnons avec SOS fin de vie témoigne que les personnes concernées n’ont besoin ni de slogans réducteurs ni de recettes toute faites, mais d’un accompagnement au quotidien et de réseaux de solidarité répondant à leurs besoins réels. »

Afin de lever toute ambiguïté sur les dérives d’interprétation, Alliance VITA a choisi d’éditer un guide des directives anticipéesinspiré des retours d’expérience de son service d’écoute SOS fin de vie, et avec l’aide de son réseau de soignants.