Une tribune de 146 scientifiques, médecins et chercheurs est parue dans Le Monde du 30 mars 2017, mettant en cause, nommément et avec virulence, la Fondation Jérôme-Lejeune, première institution de recherche sur la Trisomie 21 et sur les déficiences intellectuelles d’origine génétique, s’indignant en particulier de ses procédures judiciaires contre des autorisations de recherche sur l’embryon.
La Fondation Jérôme Lejeune a contesté la légalité de certaines autorisations, délivrées par l’agence de biomédecine (ABM), qui ne respectaient pas le cadre de la loi de 2011. Le tribunal administratif de Paris avait fait annuler cinq autorisations de recherche en 2015.
Dans ses éléments de réponse à ces accusations, la Fondation Jérôme Lejeune précise que cette pétition a été lancée « peu après la requête qu’elle a menée contre une autorisation de l’ABM autorisant des travaux de recherche sur une nouvelle technique de FIV dite « à 3 parents » . Cette nouvelle technique comporte une phase de clonage (transfert de noyau), la création d’un embryon pour la recherche et une modification du génome de l’être humain ainsi fabriqué. Il est légitime de s’interroger sur cette triple violation de la loi de bioéthique et des normes internationales en vigueur ».
Dans la liste des pétitionnaires, on retrouve des militants de longue date pour l’utilisation de l’embryon humain comme matériau de recherche. Par exemple Marc Peschanski, directeur scientifique d’I-Stem qui travaille sur les cellules souches embryonnaires, et auteur d’une recherche embryonnaire dont l’autorisation avait été jugée illégale par le Conseil d’Etat en 2014. Mais aussi Pierre Jouannet, rapporteur pour l’Académie de médecine d’un rapport controversé sur la modification du génome d’embryons humains, dans lequel il recommande le développement de la recherche utilisant les technologies permettant la modification ciblée du génome, y compris sur les cellules germinales et l’embryon humain. Ou encore le Dr Francois Olivennes, gynécologue, qui ne cache pas être favorable à l’ouverture en France de la PMA étendue à des femmes célibataires ou en couple de même sexe, ainsi que de la Gestation pour Autrui.
Egalement signataire, le professeur René Frydman, qui vient d’être mis en cause et convoqué devant son Conseil de l’ordre des médecins des Hauts-de-Seine, département où il exerce en tant que gynécologue obstétricien. En effet, dans une tribune du 17 mars 2016, également publiée dans Le Monde, le gynécologue signait un manifeste, avec 130 médecins et biologistes de la reproduction, où il demandait l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes célibataires et aux couples homosexuels. Dans cette tribune, les signataires reconnaissaient avoir transgressé la loi française : « Nous, médecins, avons aidé des couples homosexuels à avoir un enfant même si la loi l’interdit ». Le Pr. Frydman demandait également le développement du don d’ovocytes ainsi que la mise en place de l’analyse génétique des embryons avant transfert dans l’utérus en élargissant la possibilité de diagnostic préimplantatoire (DPI) pour toute fécondation in vitro. Peu de temps après, une proposition de loi faisant référence à ce manifeste militant a été déposée par le député Jean-Yves Le Déaut, visant à élargir les indications du diagnostic préimplantatoire (DPI).
Étonnée de cette revendication publique d’une action illégale qui peut valoir à son auteur 5 ans de prison et 75000 euros d’amende, une association lyonnaise a mis en cause devant le Conseil de l’ordre du Rhône quatre gynécologues lyonnais signataires de la pétition. Convoqués pour une conciliation le 25 octobre 2017, les médecins ont démenti avoir pratiqué tout acte illégal et expliqué « que l’accroche journalistique ne leur a jamais été soumise et qu’ils la rejettent ».
En janvier 2017, le professeur René Frydman a renouvelé ce manifeste par la sortie d’un livre, avec la liste des signataires, « Le Droit de choisir. Manifeste des médecins et biologistes de la procréation médicale assistée ». La conciliation s’est tenue le 22 mars cette fois avec le Conseil de l’ordre des Hauts de Seine, à l’issue de laquelle le professeur Frydman a signé un procès-verbal dans lequel il reconnait « être opposé à laisser entendre par une accroche journalistique, y compris celle du Monde publiée le 17 mars 2016, que des médecins signataires auraient transgressé la loi, qu’à sa connaissance aucun acte illégal n’a été réalisé ».
Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA
« Derrière ces démarches protestataires de chercheurs, il faut peut-être déceler leur frustration, car la France ne s’aligne pas encore complètement sur l’utilitarisme anglo-saxon. C’est son honneur. Or, un double risque se confirme. Risque d’une « éthique sans citoyens » d’abord : durant le quinquennat qui s’achève, d’importants principes bioéthiques ont été abandonnés sans que les pouvoirs publics n’organisent les états généraux prévus par la loi. Risque d’une « science sans conscience » ensuite : d’éminents spécialistes revendiquent tour à tour de transgresser la loi, puis de la changer, puis de faire taire ceux qui s’opposent à leurs dérives éthiques. Mais quel serait le sens d’une bioéthique de caste, d’entre soi, sans débat contradictoire, allant jusqu’à contester la légitimité d’actions en justice effectuées en toute légalité pour contrer des pratiques illégales ?
Pour défendre l’embryon humain, nous en appelons à la science véritable, celle qui n’en finit pas de découvrir qu’il est un être humain vivant, et non pas au scientisme qui décrète sans preuve qu’il mérite d’être traité comme du matériau de laboratoire, au prix du déni de son identité, de son unicité et de sa vitalité. »