Le décodeur n°4 – 16 février 2011
Alliance VITA : le nouveau nom de l’Alliance pour les Droits de la Vie
L’actualité du débat bioéthique vue par l’Alliance pour les Droits de la Vie
L’événement
Le projet de loi Bioéthique a été adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale, le 15 février 2011.
C’est la première étape du processus législatif, qui va se poursuivre par l’examen du texte au Sénat en principe d’ici la fin du printemps. Il devrait revenir en seconde lecture, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, avant une concertation finale des deux chambres pour aboutir à un texte commun.
Les mesures qui viennent d’être votées ne sont donc pas définitives et peuvent évoluer.
La citation
« Tous les progrès techniques n’entraînent pas forcément des progrès humains ».
Jacques Ellul, La Technique ou l’enjeu du siècle.
Cité par Noël Mamère au cours de son intervention pour les explications de vote de son groupe politique, tout en regrettant paradoxalement l’interdiction de la gestation pour autrui ou l’accès à l’assistance médicale à la procréation pour les personnes célibataires ou homosexuelles.
Le chiffre
272 voix pour (216 contre, 59 abstentions) : tel est le résultat du vote du projet de loi à l’Assemblée nationale.
Les groupes UMP et Nouveau centre ont appelé à voter pour. Le groupe socialiste a appelé à voter contre. Le groupe GDR (Gauche démocratique et républicaine) était partagé.
Au total, les députés qui ont voté contre se répartissent en deux camps opposés :
– à gauche ils souhaitent davantage « d’avancées » (les dérives),
– à droite et au centre, ils contestent les transgressions avalisées.
Par ailleurs, la trentaine d’abstentionnistes de droite manifeste aussi une forte défiance par rapport à un texte voté finalement avec un faible score.
Le résultat du débat
1-Un résultat paradoxal
– D’un côté, le texte confirme les principes de non marchandisation du corps humain, de gratuité du don de ses produits, de la protection de l’embryon et du respect de la dignité et trois points positifs peuvent être relevés :
o une prise de conscience nouvelle à propos de l’eugénisme, surtout à cause de la systématisation de l’IMG en cas de handicap décelé ;
o l’affirmation que l’embryon n’est pas un produit comme un autre : sa manipulation est toujours considérée comme une transgression ; des mesures favorisent les recherches sur les cellules souches du sang de cordon et placentaire, qui ne posent pas de problèmes éthiques ;
o la volonté d’éviter un « droit à l’enfant » : l’assistance médicale à la procréation est réservées aux situations d’infertilité constatée médicalement.
– D’un autre côté, le texte cautionne cinq nouvelles dérives éthiques :
o un dépistage accru du handicap au cours de la grossesse,
o l’extension des dérogations en matière de recherche sur l’embryon,
o l’accès de l’assistance médicale à la procréation pour des couples non stables au même titre que les couples mariés (par la suppression de la condition de deux années de vie commune).
o refus de reconnaitre aux personnes nées de don de gamète le droit d’accéder à leurs origines biologiques ;
o ouverture de la possibilité de donner leurs gamètes aux personnes qui n’ont jamais procréé.
Ces deux derniers points contribuent à banaliser les dons de gamètes.
En l’état, la nouvelle loi bioéthique s’éloigne davantage de l’éthique.
2-Les évolutions
Diagnostic prénatal
– Les sages-femmes pourront désormais prescrire les examens prénataux, et plus seulement les médecins.
– Le bébé du double espoir (ou bébé-médicament ou bébé-sauveur) autorisé à titre expérimental en 2004 est « définitivement » légalisé.
– Plusieurs mesures « atténuatives » ont été adoptées visant à rééquilibrer l’information faites aux femmes et aux couples pour que l’interruption médicale de grossesse ne soit pas la seule issue d’un diagnostic avéré de handicap ou de malformation :
o Certes, les examens prénataux devront désormais être proposés « à toute femme enceinte » mais « lorsque les conditions médicales le nécessitent » et non pas systématiquement ;
o Une liste d’associations spécialisées et agréés dans l’accompagnement des patients atteints de l’affection suspectée et de leur famille doit être proposée ;
o Un délai de réflexion d’une semaine est proposé avant de décider d’interrompre ou de poursuivre la grossesse;
o Un rapport doit être remis par le gouvernement dans un délai de un an sur les pistes de financement, notamment public et de promotion de recherche médicale pour le traitement de la trisomie 21.
Assistante médicale à la procréation (AMP)
– La condition de deux ans de vie commune pour les couples non mariés a été supprimée, pour accéder à l’AMP ;
– le don de gamètes sera possible pour les hommes ou les femmes même s’ils n’ont pas été parents auparavant ; la promotion du don de gamète sera incluse dans l’ensemble des « dons de vie » (sang, plaquette, moelle osseuse, organe en vue de greffe).
– la congélation ultra rapide d’ovocytes est autorisée et les nouvelles techniques visant à améliorer l’AMP sont soumises à des critères d’efficacité et de reproductibilité (derrière cette mesure se cache la « fabrication » d’embryons uniquement destinés à tester ces techniques.
– Le transfert post-mortem d’un embryon congelé, c’est-à-dire après le décès du père, a été adopté contre l’avis du gouvernement qui s’opposait à ce que l’on puisse donner naissance délibérément à un enfant orphelin (mais l’insémination post-mortem reste proscrite).
De nouvelles mesures ont été néanmoins adoptées pour renforcer la recherche sur les causes de la stérilité et éviter un recours aux techniques d’AMP et privilégier les pratiques qui permettent de limiter le nombre d’embryons congelés.
Recherche sur l’embryon
– L’interdiction de la recherche sur l’embryon est assortie de dérogations élargies (passage du critère de « progrès thérapeutique majeur » à celui de « progrès médical majeur ») sans limite de temps.
– L’exercice d’une clause de conscience est accordé aux chercheurs et au personnel médical concernés par des recherches sur l’embryon.
– Le rôle des parlementaires dans le contrôle des activités de l’Agence de la biomédecine est renforcé.
3-Perspectives
Lors de l’examen du texte au Sénat, nous travaillerons pour que le projet soit rééquilibré dans le sens des recherches éthiques, et soit davantage protecteur des droits de l’enfant et de tout être humain contre l’instrumentalisation.
Nous devrons par ailleurs rester mobilisés pour maintenir dans le texte les ajouts positifs obtenus par amendements et éviter deux transgressions majeures (gestation pour autrui ou mères porteuses et accès à la fécondation in vitro pour les personnes célibataires ou homosexuelles).
Le coup politique
Juste avant le vote, le député Alain Claeys a évoqué les « 50 députés » du « groupe RPR » qui, « en janvier 2002 », avaient voté pour l’autorisation de la recherche sur l’embryon: « il y avait Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé, Philippe Séguin, Roselyne Bachelot, Christian Jacob et monsieur le président Bernard Accoyer… »
L’énumération est « de bonne guerre ». On peut y déceler la versatilité les politiques, ou leur capacité à changer, même dans le bon sens. Dans tout les cas, c’est une invitation à rester mobilisés.
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Annexes
Notre communiqué de presse du 15 février 2011 « Dérives éthiques », et la dépêche AFP.
Notre communiqué de presse du 11 février 2011 «Tous génétiquement incorrects»
Le lien avec le site de l’Assemblée nationale donne accès au dossier sur les débats et le vote