Le Sénat va débattre sur l'embryon

Le Sénat a programmé pour le lundi 15 octobre 2012 la discussion d’une proposition de loi visant à lever l’interdiction de la recherche sur l’embryon.

Ce texte, déposé par le radical de gauche Jacques Mézard, sera discuté à l’occasion d’une “niche parlementaire” du groupe RDSE.

Le Fil d’actus du 20 juin 2012 avait présenté cette proposition de loi et ses enjeux. Elle vise essentiellement à autoriser de façon explicite la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, alors qu’actuellement cette pratique est en principe interdite avec des exceptions limitées. Ce type de recherche pose en effet des questions éthiques graves quand elle aboutit à la destruction de l’embryon.

La commission des affaires sociales du Sénat examinera le texte le mercredi 3 octobre 2012.

Euthanasie belge : hausse & fraude

Euthanasie belge : hausse & fraude

Le nombre d’euthanasies déclarées en Belgique en 2010 et 2011 (2086 cas) a augmenté de 57% par rapport aux deux années précédentes, selon le rapport publié fin août par la commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, créée par la loi belge votée en 2002, tandis qu’une étude parue en juillet 2012 révèle d’importantes disparités entre Flandre et Wallonie ainsi que la persistance de fraudes.

Selon le dernier rapport de la commission de contrôle, le nombre d’euthanasies pour des pathologies n’entrainant pas un décès à brève échéance a doublé en 4 ans. Par ailleurs, seulement 10% des médecins pratiquant l’euthanasie consultent des médecins de soins palliatifs. Enfin, 58 personnes souffrant d’affections neuropsychiques, dont la maladie d’Alzheimer, ont été euthanasiées au cours de ces deux années : ces cas d’euthanasie soulèvent la question du consentement éclairé des patients dont la conscience peut être altérée.

D’autre part, l’étude publiée dans la revue Social Science&Medecine de juillet 2012 montre que les médecins flamands sont plus enclins à l’euthanasie. Conduite par des  chercheurs des universités de Vrije Universiteit Brussel et de Gand auprès de 480 médecins de Flandre et 305 médecins de Wallonie, l’enquête indique que depuis le vote de la loi, 51%  des médecins flamands interrogés sollicités par une demande d’euthanasie y ont accédé contre 38 % des médecins wallons. Par ailleurs, une proportion parfois forte d’euthanasies clandestines a été confirmée par les médecins eux-mêmes : si 73% des euthanasies pratiquées par les médecins flamands interrogées auraient été déclarées à la commission de contrôle, seulement 58 % de celles pratiquées par les médecins wallons l’auraient été. La légalisation de l’euthanasie n’a donc aucunement effacé sa pratique frauduleuse.

"Faire famille" : (im) posture ?

Le débat sur le mariage avec adoption pour les personnes de même sexe dérive souvent sur les incompétences “des autres” en matière d’éducation. Reviennent périodiquement les arguments suivants : “Il vaut mieux pour un enfant être élevé par deux personnes de même sexe qui s’aiment que par un couple homme-femme qui se déchire ; un célibataire peut adopter, il n’est pas considéré comme un mauvais parent*, alors pourquoi pas deux personnes de même sexe ; certains couples ne méritent pas d’avoir des enfants car ils s’en occupent mal.”
Il faudrait comparer ce qui est comparable : un couple qui se déchire puis divorce vaut bien deux personnes homosexuelles en procès pour l’adoption et la garde d’un enfant après séparation. Ne soyons pas faussement naïfs, la vie commune des personnes homosexuelles n’est pas exempte de difficultés qui ont des conséquences sur la durée et la stabilité de leurs couples. Dans les conflits des adultes, celui qui paie le prix fort est toujours l’enfant.
Enfin, les procès d’intention ne sont pas des arguments. La vie réserve des surprises, et des personnes qui ne s’y attendent pas peuvent se retrouver père ou mère de substitution (un oncle, une sœur, des grands parents, un beau-parent, un tuteur désigné…) pour le meilleur ou le pire. De fait, le législateur a déjà prévu le pire et les procédures de protection de l’enfant existent.
Dans le projet de loi, ce qui est en jeu n’est pas la capacité à élever un enfant, mais la nature de la relation familiale, la posture de parent.
La posture d’un éducateur est liée à son statut.
L’enfant a besoin de savoir qui est la personne qui s’occupe de lui et pourquoi. Les enseignants, le personnel éducatif doivent trouver la juste proximité et la saine distance avec chaque élève dont ils ont la charge. La question est plus délicate encore pour les beaux-parents dans les familles qui restent décomposées aux yeux des enfants : comment prendre sa juste place avec une attitude aimante, avec une incontournable autorité, mais discrétion pour laisser la place aux parents. On sait maintenant que les parents adoptifs ne doivent pas mentir sur l’histoire personnelle de l’enfant accueilli. À propos de la juste posture des parents “traditionnels”** envers leurs enfants, la bibliographie est abondante ! Et la meilleure relation est toujours établie sur les bases de la vérité.
Aussi est-il légitime de se demander qu’elle peut être la posture juste pour le “parent 2”, le co-père ou la co-mère. La difficulté surgit dès que l’on se demande comment l’enfant appellera ses “parents” : par le même mot ? Par les prénoms avec abandon de toute référence à la maternité et à la paternité ? Avec des petits noms inventés qui n’auront aucune portée symbolique universelle ?
Cette question de la posture est d’autant plus pertinente dans le cadre d’une légalisation du « mariage pour tous » : la République affirmera à l’enfant qu’il est le fruit légitime de deux hommes ou de deux femmes. Et parallèlement, l’école de la République lui enseignera dès la maternelle qu’il est venu au monde par la rencontre d’un ovule féminin et d’un spermatozoïde masculin. Quelles seront les conséquences de ces révélations contradictoires ? Comment parler vrai à l’enfant ? Quelle sera la place faite au(x) parent(s) biologique(s) ? Questions cruciales quand on sait que l’enfant a besoin de connaitre son origine biologique pour se structurer.
Une tentation de notre temps est de favoriser les droits de l’adulte tout-puissant, au détriment du plus faible, l’enfant. Une autre tentation, dialectique, est d’opposer l’hétérosexuel nanti de droits à l’homosexuel démuni. C’est une manipulation car, juridiquement, l’hétérosexuel n’est pas sujet de droit comme l’explique Sylviane Agacinski. Cependant, pour cette philosophe, l’égalité du droit à l’adoption est un absolu ; elle propose donc un statut de beau-parent, qui fait de l’enfant une personne que l’on “possède”. Or, pour l’instant encore, le mariage civil reconnaît et protège la famille parce qu’elle est vérité de relation : père, mère, fratrie. Ces relations ne sont pas construites par la loi, au contraire, la loi par l’institution du mariage reconnaît ces relations comme fondatrices de la société. Avec le “mariage pour tous” la loi ne sera plus au service de la famille, mais elle “fera” la famille, comme l’explique si bien notre ministre madame Bertinotti dans un entretien accordé au magazine Têtu du 29 août 2012. La famille ne sera plus relation, mais relative. Bref, elle n’existera plus, au profit de communautés de personnes. Les enfants comme les adultes auront du mal à s’y retrouver…
Heureusement, on peut imaginer, avec un brin d’ironie, que la solution égalitaire existera bientôt grâce aux progrès de la PMA et la mise au point de la super-couveuse. Les couples ne se reproduiront plus naturellement. Leurs gamètes prélevés seront anonymes et triés. Pour tous, la même origine : le fond d’un tube à essai. Les enfants ne diront plus jamais papa ou maman. On a déjà lu ça quelque part : une société parfaite, le meilleur des mondes.
* L’adoption par les célibataires a été admise après la guerre, en raison du grand nombre d’orphelins. Depuis, le contexte social a changé, ce principe peut être remis en question dans l’intérêt des jeunes enfants adoptables.
* * Si la loi est votée, le sens des mots sera radicalement transformé ; cette évolution du langage ni naturelle ni spontanée sera nécessaire, donc autoritaire.

Trisomie 21 : nouveau test allemand

Trisomie 21 : nouveau test allemand

Un nouveau test permet désormais de dépister la trisomie 21 par une simple prise de sang chez la femme enceinte. Le laboratoire allemand LifeCodexx, qui a lancé fin août sa commercialisation dans quatre pays (Allemagne, Suisse, Autriche, Liechtenstein) sous le nom de “Praena Test”, espère bien en vendre rapidement dans l’ensemble des pays européens.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), puis la Haute Autorité de santé (HAS) vont devoir se prononcer sur l’intérêt de l’introduction de ce dispositif en France, d’un point de vue de l’efficacité médicale et sur le plan économique (1250 euros l’unité).

Les réactions sont déjà nombreuses, allant de l’espoir de supprimer l’amniocentèse à la crainte d’une dérive eugéniste de plus en plus forte, par IMG ou même IVG puisque le test est possible dès la douzième semaine de grossesse.

Saisi par le Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF), le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) aura également à donner son avis dans les mois à venir.

Rappelons qu’en France, 96% des fœtus diagnostiqués trisomiques font l’objet d’une interruption médicale de grossesse, ce qui pose la question fondamentale du regard de la société sur l’accueil du handicap avant la naissance.

CEDH : l’Italie forcée au DPI ?

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu un arrêt, le 28 août 2012, condamnant l’Italie pour sa législation qui interdit le diagnostic préimplantatoire (DPI) sur un embryon. L’argument principal de cet arrêt repose sur l’incohérence de la législation italienne entre le DPI -interdit- et l’avortement thérapeutique -autorisé-. La décision, prise malgré l’absence de recours préalable devant la justice italienne, est susceptible de renvoi devant la Grande Chambre de la CEDH pour réexamen.

L’affaire concerne un couple italien, Rosetta Costa et Walter Palvan : porteurs sains de la mucoviscidose, ils souhaitaient avoir recours au DPI pour avoir un enfant non porteur de la pathologie [1. Rappelons que la technique du DPI conduit à dépister des maladies génétiques sur des embryons obtenus par fécondation in vitro, puis à sélectionner ceux qui sont indemnes de la maladie pour les réimplanter dans l’utérus de la mère. Les embryons porteurs de la pathologie sont détruits à l’issue du dépistage]. Après avoir donné naissance en 2006 à une fille atteinte de cette maladie, ils ont eu recours à une interruption médicale de grossesse en 2010 sur un fœtus également malade. Ils considèrent donc que l’interdiction du DPI en Italie porte atteinte à leur « droit au respect de la vie familiale » énoncé à l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Le gouvernement italien a justifié son refus du DPI par un triple motif : le souci de protéger la santé de la femme et de l’enfant ; la liberté de conscience des professions médicales ; la volonté d’éviter les risques de dérives eugéniques.

Dans son arrêt, la Cour européenne souligne l’incohérence de la loi italienne : d’un côté, en interdisant le DPI, elle rend impossible l’implantation limitée aux seuls embryons non affectés par la maladie ; mais par ailleurs, elle autorise de procéder à une IMG (interruption médicale de grossesse) lorsqu’un examen prénatal révèle que le fœtus est atteint par la pathologie ».

Si l’Italie est condamnée à verser 15 000 euros au couple pour dommage moral, la Cour a en revanche rejeté le grief de la discrimination par rapport à des couples en situation comparable, puisque le DPI est interdit à tous les couples. De même, la Cour ne soutient pas que l’interdiction du DPI soit, en soi, contraire à la Convention européenne des Droits de l’Homme [2. Trois pays interdisent le DPI en Europe : l’Italie, l’Autriche et la Suisse].

L’ECJL (European Council for Law and Justice), qui est intervenu auprès de la Cour dans cette affaire, déclare dans un communiqué,: « Quoi que l’on puisse penser de la cohérence interne de la législation italienne, dès lors que l’interdiction du D.P.I n’est pas en soi contraire à la Convention, on ne voit pas comment cette « incohérence » autoriserait la Section à se substituer au législateur national et aux juridictions nationales en leur imposant son propre arbitrage éthique, et à énoncer ce qu’il faut bien se résoudre à reconnaître comme un véritable « droit à l’eugénisme ».