LCI, Interview de Tugdual Derville et Claude Goasguen

Au lendemain de la manifestation du 21 avril, organisé par La MANIF POUR TOUS, Tugdual Derville était l’invité de LCI avec Claude Goasguen.

« Nous travaillons pour la paix sociale. Nous ne travaillons pas contre des adversaires, nous ne travaillons pas non plus avec ou contre des partis politiques. Nous sommes là pour rappeler que nous sommes tous nés d’un homme et d’une femme, que ce repère de l’engendrement est absolument majeur dans toutes nos histoires personnelles. »

Sédation et directives anticipées : proposition de loi Leonetti

Sédation et directives anticipées : proposition de loi Leonetti

Proposition de loi Leonetti : Sédation et directives anticipées

 

A l’occasion de l’examen le 25 avril 2013 de la PPL n°754,  visant à renforcer les droits des patients en fin de vie, Alliance VITA souhaite apporter une analyse de ce texte.

La loi n°2005-370 du 22 avril 2005 a permis une grande avancée dans la prise en compte des conditions de fin de vie en France. Elle explicite les modalités de limitation ou d’arrêt des traitements et de développement des soins palliatifs, en écartant clairement l’euthanasie. Cette loi a depuis inspiré de nombreux pays dans une approche humaniste et respectueuse de la dignité des personnes, sans se donner le droit de provoquer la mort des patients.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de la loi de 2005 ; elle prend en compte les analyses du rapport de la Commission de réflexion sur la fin de vie,  rapport remis par le Professeur Didier Sicard au président de la République le 18 décembre 2012. Comme le souligne l’exposé des motifs de la proposition de loi, « opposé à la légalisation de l’euthanasie, le rapport souligne cependant ‘l’impératif du respect de la parole du malade et de son autonomie ‘. »

Cependant, la notion d’autonomie nécessite un éclairage spécifique sous peine de rupture du pacte de solidarité sur lequel repose la relation de soins dans notre société, en particulier si elle conduit à « l’affirmation sans limite d’une liberté individuelle ».

Comme le souligne le philosophe Jacques Ricot, « Aux yeux du législateur, la dyssimétrie reste constitutive de la relation de soins, mais cela n’induit pas une relation de domination. Cette relation unit toujours un être vulnérable et un soignant dans une alliance thérapeutique. Par conséquent, l’insistance, nouvelle et justifiée, sur la place privilégiée du soigné dans le processus de décision n’a pas aboli, loin s’en faut, l’obligation de bienfaisance qui reste au fondement de l’éthique médicale. »

Cette proposition de loi vise donc à clarifier la prise en compte des patients et de leurs souhaits dans les décisions qui concernent d’une part la sédation et d’autre part les directives anticipées.

 

I. La reconnaissance de la demande explicite par le patient de traitements à visée sédative.

Article 1er de la PPL n°754

Après l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :« Art. L. 1110-5-1. – Toute personne en état d’exprimer sa volonté et atteinte en phase terminale d’une affection grave et incurable, dont les traitements et les soins palliatifs ne suffisent plus à soulager la douleur physique ou la souffrance psychique, est en droit de demander à son médecin traitant l’administration d’un traitement à visée sédative, y compris si ce traitement peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie selon les règles définies à l’article L. 1110-5.

« La mise en œuvre du traitement sédatif est décidée de manière collégiale. La demande formulée par le malade et les conclusions de la réunion collégiale sont inscrits dans le dossier médical. »

 

1.1 Définition de la sédation

La sédation consiste en « la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté par le patient ».

Recommandations de la Haute Autorité de Santé 2009

La sédation peut être appliquée de façon intermittente, transitoire ou continue.

Comme pour tout traitement, la loi actuelle précise que le consentement et/ou les directives anticipées du patient doivent être recherchés ou, s’il est hors d’état de s’exprimer, que la personne de confiance ou à défaut les proches doivent être consultés.

 

 1.2 Des situations exceptionnelles

«Les situations dans lesquelles la question d’une sédation se pose sont exceptionnelles, singulières et complexes. Elles sont d’autant plus rares que l’évaluation et le traitement des symptômes ont été mis en place de façon rigoureuse et précoce. Dans la pratique, deux catégories de situation se distinguent:

– les situations à risque vital immédiat en phase terminale ;

– les symptômes réfractaires en phase terminale ou palliative.

Dans les situations à risque vital immédiat, la sédation a pour but de soulager la personne malade de la pénibilité et l’effroi générés par ces situations. En phase terminale, la sédation est alors un geste d’urgence pouvant influer sur le moment de la mort (précipiter ou retarder). Le médecin prescripteur assume la responsabilité de cette décision avec la part d’incertitude qu’elle comporte. Dans la mesure du possible, la prescription de la sédation doit être une prescription anticipée. » Recommandations de la Haute Autorité de Santé 2009.

 

1.3 Les questions éthiques spécifiques liées à la sédation en phase terminale

L’altération du processus cognitif

La question se pose de priver une personne de sa conscience et de toute communication, la rendant dépendante dans un état de grande vulnérabilité. C’est pourquoi ce soin de soulagement doit être réservé à des situations exceptionnelles, en suivant les recommandations émises en 2009 par la Haute Autorité de la Santé.

Le risque euthanasique

Dans l’article « Questions éthiques associées à la pratique de la sédation en phase terminale », Jean-Claude Fondras et  Suzanne Rameix  analysent la frontière entre sédation et euthanasie.

« Comment juger si une sédation profonde, continue jusqu’au décès, est sédative ou euthanasique ? Les critères le plus souvent retenus pour la validité éthique d’une décision de sédation sont l’intention du prescripteur, le respect de l’autonomie du patient et le principe de proportionnalité.

L’intention d’une personne étant partiellement inaccessible aux autres et, parfois, à la personne elle-même, la valeur morale de la décision est plus facilement mise en évidence par l’examen de l’action et de son contexte que par les explications avancées. De fait, un traitement sédatif, titré, réversible est matériellement et objectivement discernable d’une injection volontairement létale : dans ce cas, nul besoin d’analyser les intentions puisque les données factuelles suffisent à différencier les actes.

Il n’en reste pas moins que, devant des effets secondaires problématiques (« abréger la vie » du patient ou porter atteinte à son autonomie), la détermination de la véritable intention —au sens de l’objectif fixé par le prescripteur— et de sa légitimité reste un point crucial»

Les auteurs précisent que la sédation profonde et continue constitue une décision particulièrement lourde qui appelle à la réserver aux malades qui présentent un pronostic vital de courte durée,  de quelques heures à quelques jours.

———————————————

Portée de la proposition de loi concernant la sédation

 

La proposition de loi permet de sécuriser les patients en précisant leur capacité à être à l’origine de la demande d’une sédation en phase terminale, au cas où leur situation le nécessite et que ce traitement ne serait pas proposé.

 

Elle requiert la collégialité pour décider de la mise en œuvre du traitement à visée sédative, lorsque qu’il est demandé par le patient. Cette concertation vise à éclairer la proportionnalité de la décision médicale et à apporter un garde-fou aux risques éthiques inhérents à cette pratique. Néanmoins, le consensus n’est pas une garantie, en soi, du bien-fondé de la décision de sédation comme le soulignent les recommandations de la Haute Autorité de Santé.

 

Elle clarifie l’objectif du traitement à visée sédative en précisant que « ce traitement peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie » mais sans que ce soit l’intention première.

 

Toutefois la mention de « soins palliatifs » de l’article 1 parait superflue et source de mauvaise interprétation sur ce qu’ils sont. Comme le souligne la Société Française d’accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) dans son analyse du rapport Sicard, la sédation fait partie de la médecine palliative et s’inscrit dans une démarche de soins de soulagement. Cela contribuerait à la nécessaire pédagogie sur ces soins dont on sait qu’ils sont encore mal compris et mal connus de nos concitoyens.

———————————————

II. Une évolution des directives anticipées

Article 2 de la PPL n°754

L’article L. 1111-11 du même code est ainsi modifié :

I. – Après le mot : « limitation », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « , de l’arrêt de traitement ou de l’administration d’un traitement à visée sédative. »

II. – Le deuxième alinéa est complété par la phrase suivante :

« Lorsque les directives anticipées sont rédigées sous la forme d’un projet de soins validé à la fois par le patient et par le médecin, et éventuellement visé par la personne de confiance, elles s’imposent au médecin. Les décisions résultant de ces directives anticipées sont prises de manière collégiale, et doivent être inscrites dans le dossier médical du patient. »

III. – Après l’avant-dernier alinéa, sont insérés les deux alinéas suivants :

« Les directives anticipées n’ont pas d’effet contraignant en cas d’urgence vitale immédiate et dans un contexte de pathologie psychiatrique.

« Les directives anticipées du patient sont insérées dans son dossier médical et sa carte Vitale.»

 

2.1 Définition des directives anticipées

Article L. 1111-11 du code de la santé publique.

« Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. A condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, le médecin en tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement la concernant. »

 

2.2 Un très faible nombre de directives anticipées.

Le rapport Sicard souligne que «  les directives anticipées n’ont été rédigées que par un nombre infime de personnes en fin de vie » en se référant à l’étude de l’INED publiée en 2012 qui révèle que « seules 2,5% des personnes décédées en avaient rédigé ».

Les raisons repérées par la mission Sicard sont diverses, allant du manque total de publicité à la volonté de certaines personnes de ne pas s’en saisir. C’est ce que révèle une étude conduite à l’hôpital Cochin publiée en 2011 concernant des personnes âgées de plus de 75 ans : « 83% des personnes ne voulaient pas s’en saisir, 42% parce que c’était trop tôt, trop compliqué, ou déjà confié aux proches (en situation réelle leurs directives anticipées seraient différentes), 36% car ils percevaient les directives anticipées comme inutiles voire dangereuses, et 22% refusaient d’anticiper ou de parler de ce sujet. »

A noter que dans un certain nombre de cas, ces directives sont l’aboutissement d’une démarche militante qu’il convient d’interroger pour que ces dispositions ne s’inscrivent pas dans une rupture de confiance entre soignants et soignés mais, au contraire, soient un instrument pour renforcer cette confiance.

Le rapport relève : « En revanche, il semble évident que ces directives apparaissent comme essentielles quand, dans une famille, une personne est touchée par une maladie particulièrement grave et que l’entourage découvre alors la non prise en compte de ces directives. »

 

 2.3 La complexité de l’établissement de directives anticipées

L’article L.1111-4 du code de la santé publique explicite le sens de la relation de soins : « Toute personne prend avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ».

Le rapport Sicard décrit avec pertinence la complexité des directives anticipées, tout en cherchant à concilier le respect de la volonté des patients : « la question reste toujours plus complexe qu’elle ne le semble. Souvent, quelques malades souhaitent, à juste titre, au moment même de l’accident ou au cours d’une maladie grave, que leurs directives anticipées soient oubliées ou méconnues. En effet, des sursauts de volonté de vivre peuvent toujours se substituer à un renoncement anticipé. De la même façon, les médecins souhaitent garder la liberté de leur jugement et il est vrai que dans certains cas rares, un traitement simple peut venir à bout rapidement d’une situation jugée particulièrement désespérée par le malade lui-même. »

Les auteurs du rapport aboutissent à cette conclusion : « Les directives anticipées ne résolvent donc pas la maitrise du choix, elles en sont un élément important et il semblerait nécessaire de leur conférer un pouvoir contraignant plus fort et facilement disponible. » Dans cette perspective, ils préconisent la possibilité d’élaborer un document plus précis et plus contraignant dans certaines situations : « En cas de maladie grave diagnostiquée, ou en cas d’intervention chirurgicale pouvant comporter un risque majeur, un autre document de volontés concernant spécifiquement les traitements de fin de vie, devrait être proposé en sus du premier, notamment dans le cadre d’un dialogue avec l’équipe médicale et soignante. »

C’est cette capacité de dialogue qui pourrait être plus clairement instituée, alliant la mission des soignants (qui ne sont pas des simples prestataires de service mais dont la mission est orientée vers le soin et le soulagement des patients) et la capacité des personnes à maîtriser leur vie.

 ———————————————

Portée de la proposition de loi concernant les directives anticipées

 

La proposition de loi propose une formulation qui rendrait les directives anticipées plus contraignantes, à partir du moment où elles sont rédigées en situation réelle de projet de soins, et discutées avec un médecin.

 

Cette disposition pourrait apporter un progrès en obligeant au dialogue qui peut manquer dans certaines situations.

 

L’article 2 dispose que les directives ainsi rédigées « s’imposent » au médecin et que les décisions résultant de ces directives doivent être prises de manière collégiale. La loi actuelle en fait un élément dont le médecin tient compte dans sa décision. Cette nouvelle formulation est plus exigeante. 

  • Cependant si le médecin doit impérieusement intégrer ces directives dans la décision de mise en œuvre, cela ne le dispense pas de vérifier que la situation du patient correspond bien à ce qui était prévu. Autrement dit, comme l’écrit Jacques Ricot dans le livre Ethique du soin ultime : « (…) on ne peut pas mettre exactement sur le même plan un consentement contemporain de l’acte médical et un consentement anticipé, ne serait-ce que parce que la situation objective peut ne pas correspondre à ce qui était initialement envisagé et que la dynamique de l’échange est rompu. »
  • Il est également important de rappeler que si une meilleure prise en compte des directives  peut contribuer à améliorer la confiance des patients avec les soignants, les décisions qui en découlent ne peuvent aller à l’encontre de la déontologie, des bonnes pratiques médicales et du respect de la conscience professionnelle du soignant.

———————————————

loi leonetti

En savoir plus sur la législation Fin de vie en France.

Décodeur N°27 : Mariage et adoption homosexuels

Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité du projet de loi : « Mariage/Adoption pour les couples de personnes de même sexe »

 

L’EVENEMENT

L’Assemblée nationale a examiné en seconde lecture le projet de loi sur le mariage et l’adoption pour les couples de personnes de même sexe.

Les 18 articles qui restaient à examiner ont été adoptés entre le mercredi 17 et le vendredi 19 avril 2013 à l’aube, dans un climat de plus en plus tendu. 17 autres articles avaient été votés à l’identique par le Sénat, et donc n’étaient plus en discussion. Chaque article a été voté « conforme », c’est-à-dire dans les mêmes termes que ceux votés au Sénat ; il n’y aura donc pas de seconde lecture au Sénat.

L’ensemble du texte fera l’objet d’un scrutin public mardi 23 avril. S’il est voté, ce qui ne fait guère de doute, le projet de loi sera considéré comme définitivement adopté.

Le Conseil constitutionnel devrait être saisi rapidement, à la demande de l’opposition. Sa décision pourrait être rendue entre le 20 et le 25 mai prochain.

 

 

LE CHIFFRE

25 heures en théorie, moins de 20 heures en réalité : c’est le peu de temps consacré à la discussion du projet de loi en seconde lecture, le groupe socialiste renonçant même à utiliser son temps pour raccourcir au maximum les débats.

L’examen du texte en première lecture avait duré plus de 110 heures (cf Décodeur n° 20). Cette fois-ci, le Gouvernement a eu recours au « temps programmé », technique introduite en 2009 pour affecter une durée maximale à la discussion d’un texte. L’opposition a dénoncé ce procédé, une grande partie de ses amendements ne pouvant plus être examinés correctement.

 

 

LE RÉSUME DU DEBAT

 

1)      Une ambiance de plus en plus dégradée

Durant ces deux jours de discussion, les débats se sont déroulés dans une tension croissante, avec de nombreux incidents de séance, certains parlant même d’ « exaspération mutuelle » : d’un côté, l’opposition accusant la majorité de multiplier les manœuvres de procédure, de vouloir passer en force et d’être sourde à ses arguments et aux appels de la rue ; de l’autre côté, la majorité rongeant son frein dans un silence imposé par les consignes du gouvernement d’ « en finir au plus vite ».

 

2)      Les motions de procédure

Comme lors de la première lecture (cf Décodeur n° 16), deux motions ont été présentées avant l’examen des articles. Débattues rapidement, elles ont été logiquement rejetées :

–          Une « motion de rejet préalable »  (qui vise à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles, ou de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer)  a été défendue par Christian Jacob, président du groupe UMP, député de Seine-et-Marne. Elle a été rejetée par 236 voix contre et 122 pour.

–          Une « motion de renvoi en commission » (qui demande à suspendre le débat public et à revenir en commission des lois pour approfondir la discussion) a ensuite été présentée par Hervé Mariton, député de la Drôme. Elle été également rejetée par 215 voix contre et 86 pour.

 

3)      L’examen des articles restant en discussion

Aucun amendement de l’opposition n’a été adopté : l’objectif du Gouvernement était de ne pas toucher au texte issu du Sénat, de façon à obtenir un vote conforme sur l’ensemble du texte et ainsi mettre fin au plus vite à la discussion parlementaire.

Les débats les plus importants, parmi les 18 articles discutés, ont concerné :

– Le contrôle du maire par le procureur de la République, pour s’assurer de la légalité des actes d’état-civil (article 1er bis A).

La formule en cause est apparemment sans grande importance, car le procureur assume déjà cette mission depuis longtemps auprès des officiers de l’état civil. Les députés de l’opposition ont exprimé leur crainte que ce contrôle vise en réalité à brider la liberté de conscience des maires et adjoints : pourront-ils, sans risque de sanctions, ne pas célébrer de mariage entre personnes de même sexe ? Le président de la République avait lui-même évoqué cette possibilité le 20 novembre dernier, devant le Congrès des maires de France.

– Le maintien des termes « père/mère » ou « mari/femme » dans le Code civil (article 4). La formulation retenue est celle du Sénat, afin de mettre sur un pied d’égalité tous les couples  mariés, qu’ils soient de sexe différent ou de même sexe.

Le Code civil serait complété ainsi : « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion du titre VII du livre premier du présent code [NDR : celui qui concerne la filiation], que les époux ou les parents soient de même sexe ou de sexe différent. »

L’opposition a fortement insisté sur l’ambiguïté et les risques de dérives  de ce nouveau principe, pour satisfaire les exigences d’une toute petite minorité. Pour mémoire, il y a environ 23 millions de couples mariés, et seulement 100 000 couples homosexuels (dont vraisemblablement quelques milliers seulement voudront se marier).

– Le droit, délégué au Gouvernement, de prendre par ordonnance (article 4bis) toutes les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble de la législation française aux conséquences de cette loi. Ce « toilettage » concernerait pas moins de 14 Codes et de multiples autres textes législatifs, avec des milliers d’articles à passer en revue. L’opposition a dénoncé cette délégation de pouvoir extrêmement large, dont personne ne sait aujourd’hui à quoi elle aboutira exactement.

A noter : L’ordonnance doit être prise dans un délai de 6 mois. Un projet de loi de ratification (de cette ordonnance) sera ensuite examiné par le Parlement, en principe au 4ième trimestre 2013.

– L’introduction d’un droit, pour le salarié, de refuser d’être muté à l’étranger en raison de son orientation sexuelle (article 16bis). Plusieurs députés ont souligné le paradoxe qu’il faudrait alors faire son « coming-out », c’est-à-dire révéler publiquement son homosexualité,  pour bénéficier de cette protection supplémentaire : celle de ne pas être sanctionné pour refus de mobilité dans un Etat incriminant l’homosexualité.

 

 

 

NOTRE COUP DE COEUR

 

« Cette loi sera réécrite si l’opposition actuelle revient au pouvoir en 2017 ». C’est l’engagement pris par de nombreux orateurs de l’opposition tout au long des débats. Il s’agirait essentiellement de revenir sur les dispositions concernant la filiation et l’adoption, et bien sûr celles qui sont attendues sur la PMA.

Il faut cependant avoir bien conscience que l’abrogation complète de la loi sera extrêmement difficile, et qu’en tout état de cause il ne sera pas possible d’effacer de l’état civil les mariages et les adoptions qui auront eu lieu entretemps.

L’heure n’est donc pas à se projeter dans une hypothétique révision, mais à continuer de s’opposer à cette loi qui bouleverse des valeurs fondamentales et qui provoque une fracture profonde dans la société (une majorité de Français étant désormais clairement contre ce texte).

 

 

NOTRE COUP DE GUEULE

 

« Il ne suffit pas d’accoucher pour devenir mère » : Mme Bertinotti, Ministre de la famille. « On leur raconte leur histoire, comment ils ont été fabriqués » : témoignage d’un couple d’hommes élevant deux enfants, cité par Mme Pochon, député de Seine-St-Denis.

Plusieurs déclarations de ce type, ces derniers jours à l’Assemblée nationale, illustrent mieux que de longs discours l’esprit du projet de loi et le choc culturel qu’il sous-tend, imprégné de l’idéologie du Gender qui se déploie de plus en plus dans notre société.

[CP] « Ignorer un mouvement social historique est une faute politique »

Porte-parole de La Manif Pour Tous et Délégué général d’Alliance VITA, Tugdual Derville réagit à la façon dont le pouvoir en place traite le mouvement social historique opposé à la loi Taubira.

« Après avoir ignoré, dévalorisé et minimisé le plus grand mouvement social ayant surgi depuis plusieurs dizaines d’années dans notre pays, jusqu’à écarter la pétition la plus importante jamais réunie dans le cadre de la démocratie participative, le gouvernement vient à présent de changer de ton vis-à-vis de La Manif Pour Tous. Elle est soudain dénigrée avec, comme « éléments de langage », la haine, la violence et l’homophobie. C’est une caricature particulièrement injuste et dangereuse, alors que l’objectif même de nos manifestations est la paix sociale, au service du plus vulnérable, et que nos marches immenses ont été reconnues comme particulièrement dignes. J’appelle les manifestants à enraciner la pérennité de notre mouvement dans la non-violence intérieure, une attitude sincère irrépressible, c’est-à-dire impossible à réprimer. Nous constatons par ailleurs l’émergence du mouvement indépendant des Veilleurs, qui semble être lui aussi fondé sur la résistance passive et l’intériorisation des enjeux, résolument non violente.

La Manif Pour Tous n’a rien à voir avec les groupuscules extrémistes utilisés par le gouvernement pour la dénigrer ; elle n’a rien à voir non plus avec les agressions insupportables dont les personnes homosexuelles peuvent être victimes. Rappelons que, en tête de nos banderoles, la fraternité des opposants à la loi Taubira se vit indépendamment des orientations sexuelles. En accusant notre mouvement d’homophobie au seul motif qu’il s’oppose au « mariage » entre personnes de même sexe assorti de la possibilité d’adopter des enfants, le gouvernement jette de l’huile sur le feu et alimente la peur, comme s’il y avait des millions de dangereux homophobes prêts à descendre dans la rue. La lutte contre l’homophobie se dévoie en changeant la définition de ce qu’elle représente : l’homophobie est, en réalité, la haine, les injures, et les discriminations injustes liées à l’orientation sexuelle. La simple opposition à ce projet de loi ne saurait honnêtement être taxée d’homophobie.

En méprisant notre immense mouvement et en refusant de prendre en compte son ampleur et ses perspectives à long terme, le gouvernement commet une faute politique. Il ne réalise pas que nous agissons au-delà des clivages partisans. Et qu’il devra un jour, ne serait-ce qu’à l’occasion des prochaines échéances électorales, dialoguer avec nous, pour mieux servir le bien commun.

La question que nous posons ne peut être balayée du bras : « Quels sont les repères anthropologiques précieux pour tous, à reconnaitre pour qu’ils soient protégés et transmis aux générations futures ? » L’émergence de l’écologie humaine répond à cette question nouvelle, face à d’immenses défis techniques et culturels qui appellent une nouvelle solidarité.

Tugdual Derville participera à la prochaine grande manifestation, dimanche 21 avril 2013 à Paris.

Mariage pour tous : Chat avec Tugdual Derville sur lemonde.fr

Extraits choisis du Chat avec Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita et porte-parole de la “Manif pour tous”, sur le site du MONDE.FR

Thème du débat : Quelle est la stratégie de la “Manif pour tous” ?

 

Marc : A quoi sert-il de manifester puisque tout semble plié désormais?

Tugdual Derville : Rien n’est jamais plié dans la vie et notre mouvement social, qui est historique par son ampleur, par son ton et aussi sa vitesse de développement, ouvre des perspectives très nouvelles dans la vie publique de notre pays.

Yi Kiu :  La loi étant sur le point d’être votée, une fois que ce sera chose faite, quand comptez-vous arrêter ce mouvement ?

Tugdual Derville : Un mouvement social, par essence, c’est spontané et multiple. (…) La question n’est pas tant de s’arrêter que de prévoir les modes de déploiement de ce grand mouvement social.

TRL :  Les Francais ont voté sur la base d’un programme clair en faveur du mariage pour tous. Les élus du peuple votent/ont voté en faveur de ce texte. Il y a eu des centaines d’heures de débats au Parlement. Comment votre mouvement peut-il arguer que Hollande est un dictateur, qu’il existe un “déni de démocratie”? Êtes-vous contre le choix du peuple? Êtes-vous contre la démocratie?

Tugdual Derville : C’est une question riche. Personnellement, je ne vois pas M. Hollande comme un dictateur mais comme le président de tous les Français. J’attends de lui qu’il agisse en homme d’Etat. Je crois qu’il a déjà renoncé à un nombre important de ses promesses électorales ; dans les domaines économique ou social, devant la réalité. Cette mesure numéro 31 avait été très peu débattue pendant la campagne. La question de la démocratie mérite d’être posée. Et nos manifestations s’inscrivent justement dans la chance qu’elles nous donnent de manifester et de nous exprimer librement. A mes yeux, cette démocratie est blessée à double titre. Par le projet, par le fond même d’un texte qui conduirait à priver certains enfants de références parternelle ou maternelle, alors que c’est un droit inaliénable de l’être humain. Sur la forme, nous avons été traités comme des sous-citoyens, notamment avec le rejet de la plus grande pétition jamais organisée en France par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui, d’une certaine manière, à tuer toute idée de démocratie participative. Il demeure parfaitement démocratique de contester l’injustice des lois même votées, et c’est d’ailleurs l’objet des toutes nouvelles lois que d’en effacer des anciennes.

Pierre : Ne pensez-vous pas que les propos (“Hollande veut du sang” de Frigide Barjot entre autres) de la part de votre camp vous rendent responsables des débordements et violences de ces dernières semaines ?

Tugdual Derville : Ses propos ont été corrigés heureusement. Et ils signifiaient une forme de colère. Pour ma part, je récuse fermement tout amalgame entre notre mouvement et tout type de violence. Je pense qu’il faut récuser plus fortement encore la façon dont certaines personnes ont appelé carrément à des bombes sur le trajet de nos manifestations, avec retweet de M. Pierre Bergé. Ce qui me semble être la force de notre mouvement, c’est la non-violence intérieure. C’est celle qu’exprime désormais dans la rue le mouvement naissant des “veilleurs”. Je constate que le pouvoir utilise désormais comme élément de langage pour nous décrire les mots de “violence” et de “haine” qui sont aux antipodes de ce que nous vivons comme fraternisation derrière nos banderoles.

ClementD :  Vous sentez vous responsable de la montée d’homophobie en France?

Tugdual Derville : (…) J’ai discuté sur France Culture, lundi dernier, avec la présidente de SOS Homophobie, qui a clairement exprimé que non seulement, le seul fait de s’opposer au mariage entre personnes de même sexe assorti du droit d’adopter des enfants, était homophobe, mais que les personnes homosexuelles qui manifestent avec “Manif pour tous” sont également homophobes.

Maurice :  L’UMP doit-elle s’engager fermement à abroger cette loi en cas de victoire en 2017 ?

Tugdual Derville :Oui, mais c’est très complexe avec ce type de loi. Imaginez revenir en arrière car on tromperait les personnes qui se seraient mariées ou des enfants qui aurait été adoptés entre-temps. C’est pour cette raison que notre mobilisation est si tenace. Ensuite, je tiens à préciser que nous sommes ni les faire-valoir d’une majorité actuelle qui semble avoir fait de ce sujet un enjeu symbolique dont les observateurs peuvent reconnaître que cela masque une forme d’impuissance dans les autres domaines, ni les faire-valoir de l’opposition: que des parlementaires courageux et experts s’impliquent fortement, c’est tout à leur honneur, mais nous savons aussi que c’est le ministre de l’éducation nationale du précédent gouvernement qui a cautionné l’arrivée de la théorie du genre dans les écoles. Notre mouvement devra continuer d’être libre de tous les partis. Sa force, c’est aussi qu’il est irrécupérable.

NolC :  Vous parliez des suites du mouvement, pensez-vous qu’il serait possible que vous présentiez des listes aux prochaines échéances électorales ?

Tugdual Derville :  Personnellement, je vois davantage l’émergence d’un courant d’écologie humaine qui a une dimension métapolitique, c’est-à-dire intéressant pour tous les partis. (…) Notre mouvement n’est ni de droite ni de gauche, mais il pose une question nouvelle qui a la même portée que la question posée quand l’écologie environnementale est née. Du fait de l’évolution de la puissance de l’homme, elle s’est interrogée sur la planète que l’humanité était en train de léguer aux générations futures. Nous, nous demandons que l’on s’interroge sur le patrimoine commun à toute humanité qu’il faut reconnaître, protéger et transmettre aux générations futures.

Visiteur :  Pourquoi tant de ferveur pour une réforme qui donne des droits à une part importante de la population sans en enlever aucun?

Tugdual Derville : (…) Tout se passe comme si dans un immeuble, les habitants du rez-de-chaussée disaient: nous allons enlever tous les murs pour vivre dans une sorte de loft et ça ne regarde que nous. Les locataires du dessus protesteraient immédiatement en soulignant qu’on est en train d’enlever les murs porteurs et les poutres maîtresses. Celles qui fondent toute la société. (…) Et la procréation artificielle, que ce soit par insémination artificielle pour les femmes, ou gestation pour autrui pous les hommes, ce sont les autres appartements du même immeuble. Les premiers enfants, qui feront l’objet d’une revendication d’adoption, sont ceux qui auront été procréés artificiellement. On voit déjà les sociétés américaines proposer leurs services pour 100 000 dollars l’enfant.

nAth :  Échangez-vous avec les anciens opposants au mariage homosexuel des pays ayant déjà ouvert le mariage aux couples homosexuels ? Quel est leur bilan après quelques années de mariage pour tous ?

Tugdual Derville : En Hollande, nous avons découvert que le promoteur de la loi réclame désormais l’ouverture d’un mariage à trois ou quatre. En avouant que c’est un sujet difficile. (…) Il ne s’agit pas pour nous de dire que ce serait la fin du monde, mais dire que c’est le moment de réfléchir en profondeur à ce qu’est un homme, ce qu’est une femme, et les besoins spécifiques de l’enfant. Quand Mme Taubira a dit hier “l’enfantement ne fait pas la mère”, nous voudrions un vrai débat approfondi, alors que les sciences sociales ne cessent d’approfondir la question très riche des interactions entre une femme et l’être humain qu’elle porte, qui ont des impacts psychiques de plus en plus incontestables. Avant de basculer vers un système qui s’apparente aux droits à l’enfant, totalement dissociés de l’altérité sexuelle, il faudrait poser honnêtement toutes ces questions.

>> Lire l’intégralité du chat sur le site Monde.fr