[CP] Recherche sur l’embryon : un grave basculement éthique sans justification scientifique

COMMUNIQUE DE PRESSE : Paris, le 16 juillet 2013

Alliance VITA dénonce le passage en force de la proposition de loi qui vise, sans réel débat préalable, à autoriser la recherche qui détruit l’embryon humain. Pour Alliance VITA, ce texte bouleverse les conditions de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, en supprimant l’interdiction de principe pour y substituer un cadre beaucoup plus large et flou. Cette discussion a eu lieu sans que les Français aient été préalablement consultés par des états généraux, comme le prévoit pourtant la loi bioéthique du 7 juillet 2011.

Pour le docteur Xavier Mirabel, président d’Alliance VITA : « Autoriser la recherche sur l’embryon est grave éthiquement car c’est chosifier l’ être humain à son premier stade. De plus il n’y a aucune raison scientifique à traiter l’embryon humain comme un cobaye de laboratoire. Le prix Nobel de médecine vient d’être décerné au japonais Shinya Yamanaka et au britannique John Gurdon pour leurs découvertes sur la reprogrammation nucléaire, qui est une technique éthique. En autorisant explicitement la recherche sur l’embryon conduisant à sa destruction, la proposition de loi bouleverse un principe bioéthique majeur qui confère à l’embryon humain une protection symbolique. Je rappelle que la recherche sur l’embryon n’a donné aucun résultat probant à ce jour, et que les autres pays se tournent vers les cellules souches reprogrammées (iPS). A titre d’exemple, la société américaine Geron, qui avait annoncé un essai clinique à base de cellules souches embryonnaires en 2009, a mis fin à ses recherches en 2011, faute de résultats probants ; en sens inverse, le Japon est en cours d’autorisation de recherche clinique à base de cellules iPS concernant une maladie de l’œil, ce qui constituerait une première mondiale très prometteuse. »

Alliance VITA demande au Parlement et au Gouvernement de privilégier les recherches éthiques et exige un moratoire sur la congélation des embryons humains. En son absence, il faut appliquer strictement la loi bioéthique, en limitant les dérogations trop largement accordées. VITA rappelle que la France reste en pleine contradiction avec les orientations européennes qui interdisent tout brevet sur l’embryon humain et la convention d’Oviedo qui, dans son article 18, exige une « protection adéquate » dont doivent bénéficier les embryons in vitro.

Alliance VITA, avec les autres associations partenaires du Collectif « Un de nous », demande l’arrêt des financements par l’Union européenne de la recherche sur l’embryon impliquant sa destruction, comme l’a demandé la Commission des affaires juridiques du Parlement européen dans le cadre de l’examen du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 ». Elle invite tous les citoyens européens soucieux d’une recherche éthique à signer l’initiative citoyenne européenne www.undenous.fr  qui demande l’arrêt du financement de ces recherches par les fonds européens. 760 000 citoyens européens dont 67 000 Français ont déjà signé en quelques semaines.

Recherche sur l’embryon : une loi ni utile, ni souhaitable

Recherche sur l’embryon : une loi ni utile, ni souhaitable

La proposition de loi n° 473 visant à autoriser la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires sous certaines conditions modifierait de façon importante la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Adoptée dans la nuit du 5 décembre 2012 en première lecture par le Sénat, elle est inscrite à l’ordre du jour de la séance publique de l’Assemblée nationale des 10 et 11 juillet 2013.

Cette loi bouleverse un principe éthique majeur qui protège l’embryon humain au nom de l’intégrité et de la non-marchandisation du corps humain. Car l’embryon est un être humain à son tout premier stade.

Plusieurs dispositions conduisent à une forte réduction des conditions qui encadrent la recherche :

  • l’objectif de permettre des « progrès médicaux majeurs » serait élargi à la notion floue de « finalité médicale » ;
  • l’exigence, inscrite dans la loi de bioéthique de 2011, que « les recherches alternatives à celles sur l’embryon humain et conformes à l’éthique [soient] favorisées », serait supprimée ;
  • les autorisations données par l’Agence de la Biomédecine (ABM) n’auraient plus besoin d’être motivées, et les ministres chargés de la santé et de la recherche n’auraient plus un droit de regard sur ces autorisations.

Les enjeux de cette recherche sont liés aux stocks d’embryons congelés, progressivement constitués à la suite de cycles de Fécondation in vitro (FIV) depuis 1994. Ces embryons surnuméraires, disponibles en grand nombre et peu coûteux, suscitent la convoitise des chercheurs. Malgré l’interdiction de principe, le dispositif de dérogation a permis à l’ABM d’autoriser plus de 70 protocoles de recherche depuis 2005.

Cette proposition de loi n’a fait l’objet d’aucun débat public, comme le prévoit pourtant l’article 46 de la loi du 7 juillet 2011, alors qu’elle pose des problèmes éthiques majeurs et que les recherches alternatives ne cessent de progresser. Par ailleurs, le rapport au Parlement sur les pistes de financement, notamment public, et de promotion de la recherche en France sur les cellules souches adultes et issues du cordon ombilical ainsi que sur les cellules souches pluripotentes induites (prévu à l’article 44), n’a toujours pas été remis par le Gouvernement.

 

I – La législation actuelle en France

 

  • La loi du 6 août 2004 a autorisé le don d’embryons congelés surnuméraires pour la recherche, avec l’assentiment des parents. Auparavant, les parents avaient seulement la possibilité de les transférer dans l’utérus maternel, de demander leur destruction ou de les donner à un autre couple. En contradiction avec le principe d’interdiction de recherche sur les embryons posé depuis les premières lois bioéthiques de 1994, une dérogation a été introduite dans cette loi pour une période de 5 ans, pour des recherches à visée thérapeutique, s’il n’existe pas de recherche alternative d’efficacité comparable.

     

 

  • La loi du 7 juillet 2011 a maintenu le principe d’interdiction de recherche sur l’embryon avec cependant l’élargissement des dérogations : sans limite de temps et dans un cadre plus large de recherche à visée « médicale », qui remplace la notion de « progrès thérapeutique majeur ». L’article 41 précise ainsi les nouvelles conditions :

    L’article L.2151-5 est ainsi rédigé :

    I.- La recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite.

    II. – Par dérogation au I, la recherche est autorisée si les conditions suivantes sont réunies :

    1° La pertinence scientifique du projet de recherche est établie ;

    2° La recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;

    3° Il est expressément établi qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d’une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ;

    4° Le projet de recherche et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Les recherches alternatives à celles sur l’embryon humain et conformes à l’éthique doivent être favorisées.

 

  • Une clause de conscience est reconnue à tout « chercheur, ingénieur, technicien ou auxiliaire de recherche, médecin ou auxiliaire médical » qui ne souhaite pas faire de recherche sur les embryons ou les cellules souches embryonnaires (article 53).

 

  • La loi prévoit également un encadrement pour le recueil des cellules souches issues de sang de cordon ombilical, pour inciter à son développement. Le choix retenu par la France est celui du recueil par des banques publiques allogéniques, c’est-à-dire pour une utilisation indifférenciée par les patients qui en ont besoin, sachant que le patient doit avoir une compatibilité immunitaire avec le donneur (article 19).

 

  • Dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, soit avant le 8 juillet 2012, le gouvernement devait remettre un rapport au Parlement sur les pistes de financement, notamment public, et de promotion de la recherche en France sur les cellules souches adultes et issues du cordon ombilical ainsi que sur les cellules souches pluripotentes induites (article 44).

 

  • Chaque année, l’Agence de la Biomédecine doit par ailleurs établir un rapport d’activité, rendu public, qu’elle adresse au Parlement, au Gouvernement et au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé. Ce rapport doit notamment comporter une « évaluation de l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, incluant un comparatif avec les recherches concernant les cellules souches adultes, les cellules pluripotentes induites et les cellules issues du sang de cordon, du cordon ombilical et du placenta, ainsi qu’un comparatif avec la recherche internationale » (article 50).

 

  • Enfin, toute réforme de cette loi doit être précédée d’un large débat public sous forme d’états généraux. L’article 46 dispose en effet :

    Le code de la santé publique est ainsi modifié : 1° Après l’article L. 1412-1, il est inséré un article L. 1412-1-1 ainsi rédigé :

    « Art. L. 1412-1-1. − Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Ceux-ci sont organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

    A la suite du débat public, le comité établit un rapport qu’il présente devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son évaluation » (…).

 

chiffres embryons

II – Les recherches alternatives à la recherche sur l’embryon

 

  • Les cellules souches adultes et, parmi elles, les cellules issues de sang de cordon et placentaire

    Le Rapport de la mission d’information parlementaire de révision des lois de bioéthique (20 janvier 2010) fait état des thérapies existantes à partir des cellules de sang de cordon : « Certaines cellules souches adultes ont prouvé depuis plus de trente ans leur potentiel thérapeutique. Ainsi, chaque année, plus de 3.000 malades traités pour des hémopathies malignes, pour des tumeurs solides ou pour contrer les effets de chimiothérapies sur la moëlle osseuse, bénéficient de thérapies recourant aux cellules souches hématopoïétiques issues de la moëlle osseuse ou du sang périphérique. Depuis les essais cliniques du docteur Éliane Gluckman, en 1989, on sait utiliser les cellules du sang placentaire. (…) Le prélèvement de ces cellules ne présente pas de difficultés techniques. (…) D’autres indications de thérapies à partir de cellules souches issues du sang placentaire sont envisageables selon le docteur Gluckman. (…) Le laboratoire de recherche du centre de transfusion sanguine des armées de Percy travaille sur les cellules souches mésenchymateuses afin d’améliorer la production en culture d’épiderme pour les grands brûlés ».

 

  • La reprogrammation des cellules souches humaines adultes (IPS)

    La découverte des techniques de reprogrammation des cellules somatiques (cellules iPS – découvertes en 2007) a réorienté la recherche, bien que posant encore des problèmes à résoudre. Cette voie est reconnue comme prometteuse par la communauté scientifique : le prix Nobel de médecine a été attribué à l’automne 2012 au biologiste britannique John Gurdon et au médecin et chercheur japonais Shinya Yamanaka, pour leurs recherches sur la reprogrammation nucléaire.

    Au Japon, l’autorisation du premier essai clinique utilisant des cellules reprogrammées pour traiter une maladie de l’œil, la dégénérescence maculaire liée à l’âge qui affecte la vision de près de 30 % des plus de 55 ans dans le monde, est prévu pour ce mois-ci. Le 26 juin dernier, le Ministère de la santé a donné son accord pour la mise en place de ces essais : l’équipe de la professeure Masayo Takahashi, qui est en charge du projet, devrait recevoir l’autorisation officielle de poursuivre ses études mi-juillet. Les premières transplantations pourraient alors avoir lieu après l’été 2014. (source : http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/73414.htm)

    Le 3 juillet 2012, la revue scientifique Nature publiait une étude de chercheurs japonais ayant réussi à créer un foie humain “fonctionnel” à partir de cellules souches pluripotentes induites (iPS), tout en spécifiant que les applications ne seraient envisageables que dans plusieurs années.

Les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires n’ont donné quant à elles aucun résultat probant à ce jour.

 

 

III – Les principales questions éthiques posées par la recherche sur l’embryon

 

  • La destruction des embryons

    L’utilisation des embryons pour la recherche conduit à leur destruction. En effet, pour obtenir des cellules souches embryonnaires, les embryons sont disloqués et mis dans un milieu de culture synthétique.

 

  • Des conflits d’intérêt

    La « course aux annonces » cache des conflits d’intérêt majeurs au sein de la communauté scientifique.

    Cette précipitation ne respecte pas les malades, qui vivent souvent des situations dramatiques, en faisant naître chez eux de faux espoirs à court terme.A titre d’exemple, par son annonce de juillet 2010, la firme de biotechnologie Geron Corporation semblait faire espérer une thérapie aux personnes paralysées à la suite d’une lésion de la moelle épinière, traduite par certains comme le premier traitement à base de cellules souches embryonnaires humaines. Or, il ne s’agissait en réalité que d’un essai clinique sur moins de 10 personnes pour évaluer la tolérance du patient à des cellules dérivées de cellules souches embryonnaires. Le 15 novembre 2011, Geron a annoncé qu’elle avait mis fin à cet essai clinique en raison de son coût, préférant se concentrer sur d’autres programmes de recherche plus prometteurs. Le même type de publicité a été fait ensuite en novembre 2010 par la société Advanced Cell Technologie, pour un essai clinique concernant une pathologie oculaire.

 

  • L’embryon humain comme cobaye « gratuit »

    Un des intérêts mis en avant est de pouvoir tester de nouveaux médicaments (criblage pharmaceutique) ou réaliser des recherches sans passer par les tests sur les animaux qui, eux, sont onéreux et nécessitent une formation et des installations spécifiques. Ainsi, par exemple, des embryons écartés lors de DPI (diagnostic pré-implantatoire), parce que porteurs de gènes de maladies héréditaires, sont actuellement objets de recherche.

 

  • L’animal mieux protégé que l’être humain

    Depuis le 1er février 2013, les contraintes de la recherche sur animal ont été renforcées avec la transposition en droit interne de la Directive 2010-63-UE. Le décret n° 2013-118 du 1er février 2013 protège les animaux y compris avant leur naissance, jusqu’à un stade très précoce, pour leur éviter « d’éprouver de la douleur, de la souffrance ou de l’angoisse ou de subir des dommages durables ». Il insiste sur le remplacement par « d’autres méthodes expérimentales », chaque fois que possible, pour diminuer le nombre d’animaux concernés.

    Comme les exigences éthiques et matérielles de la recherche sur l’animal sont de plus en plus grandes, la tentation est réelle de se reporter sur l’embryon humain, car sa protection fait l’objet d’une réglementation beaucoup moins précise et contraignante.

 

IV – La recherche sur l’embryon contestée au niveau européen

 

  • La Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine, dite Convention d’Oviedo, a été ratifiée par la France le 13 décembre 2011 (application au 1er avril 2012). Cette convention du Conseil de l’Europe, adoptée en 1997, définit un certain nombre de règles éthiques fondées sur le respect de la personne humaine, la non-commercialisation du corps humain et le consentement éclairé des patients. L’article 18 concerne spécifiquement la recherche sur les embryons in vitro, insistant sur la « protection adéquate » dont ils doivent bénéficier.

 

  • Un jugement de la Cour européenne de justice du 18 octobre 2011, qui est contraignant à l’égard des 28 Etats-membres, bannit la brevetabilité des technologies de recherche qui s’appuient sur les cellules souches, elles-mêmes obtenues au moyen de la destruction d’embryons humains.

    La Cour européenne de justice a reconnu la nullité du brevet du professeur allemand Brüstle, car elle a estimé que la destruction d’un embryon humain, nécessaire dans le processus de production des cellules précurseurs neurales pour lesquelles il avait déposé ce brevet, ne respectait pas la dignité humaine de cet embryon. Son objectif, le traitement hypothétique de maladies neurodégénératives, n’a pas justifié aux yeux de la Cour de porter atteinte à la dignité de l’être humain en mettant fin à sa vie. Les seules techniques brevetables, et qui donc pourraient faire l’objet d’une utilisation commerciale, seraient les techniques qui viseraient à soigner l’embryon humain.

    La Cour a donné de l’embryon une définition large et claire : «  Tout ovule humain doit, dès le stade de sa fécondation, être considéré comme un embryon humain dès lors que cette fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain ». Constitue donc aussi un embryon humain «  tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été implanté, et tout ovule humain non fécondé induit à se diviser et à se développer par voie de parthénogénèse ». Autrement dit, même produit de façon artificielle, un être humain reste un être humain, dès le début de la conception.

 

  • Les financements controversés de la recherche sur l’embryon : l’Union Européenne a consacré environ 50 millions d’euros, dans la période 2007-2013, au financement de programmes impliquant la recherche sur l’embryon.Cette décision avait créé de fortes polémiques en 2007. Une partie des Etats membres de l’Union Européenne interdisent les recherches qui conduisent à détruire des embryons humains. Pourtant ceux-ci les subventionnent malgré eux indirectement, puisqu’une partie de leur contribution financière est affectée à d’autres pays où ces recherches sont légales. Cette incohérence rend encore plus illégitime l’utilisation du budget européen pour ces actions controversées. Actuellement, l’enjeu est le renouvellement de ce budget très contesté, qui fait partie du Programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » chargé de définir les budgets recherche pour la période 2014 – 2020.

[CP] Une loi éthiquement inacceptable et scientifiquement injustifiée

COMMUNIQUE DE PRESSE : Paris, le 11 juillet 2013

Quatre associations* françaises réunies sous le label européen Un de nous interpellent les députés pour défendre la dignité de tout être humain vivant contre toute recherche conduisant à sa destruction. Elles dénoncent la manière dont le destin des embryons humains congelés est soumis au vote de l’Assemblée nationale, en catimini et sans débat. Un de nous a collecté en quelques semaines plus de 730 000 signatures de citoyens européens, dont 65 000 en France, pour protéger l’embryon humain.

« Non à la vivisection des embryons humains » – « Embryons disséqués, humanité défigurée » : par une scénographie spectaculaire, le collectif Un de nous a manifesté le 11 juillet, au moment même des débats et aux abords immédiats de l’Assemblée nationale contre l’injustice subie par les embryons livrés à des processus d’expérimentation qui conduisent à leur destruction. Loin d’être un sujet purement scientifique et technique, la recherche sur l’embryon est avant tout un sujet éthique et éminemment politique. Cette loi bouleverse un principe fondamental de notre société qui protège l’embryon humain au nom de l’intégrité et de la non-marchandisation du corps humain. De plus elle est scientifiquement injustifiable : des avancées majeures confirment l’inutilité de la recherche sur l’embryon. Au-delà des cellules souches adultes et de sang de cordon qui permettent déjà de soigner, les cellules reprogrammées dites iPS** sont très prometteuses. En particulier, après l’annonce du gouvernement japonais au printemps dernier d’un investissement massif sur les cellules reprogrammées, des essais cliniques seront autorisés mi-juillet.

Alors que la communauté scientifique internationale concentre aujourd’hui ses efforts humains et financiers sur ces nouvelles techniques éthiques et efficaces, comment comprendre que la France persiste dans une voie qui va non seulement à l’encontre de l’éthique et du bien commun, mais également à contresens des évolutions scientifiques ? Pour le collectif Un de nous, les efforts européens et nationaux en faveur du respect de l’animal qui rendent les recherches sur l’animal contraignantes et coûteuses, ne doivent pas se faire au détriment de l’embryon humain.

Les quatre associations du collectif Un de Nous se sont engagées :

1/ à contester la proposition de loi française, soutenue par le gouvernement et sans faire appel au processus participatif des Etats-Généraux, d’autoriser explicitement la recherche sur l’embryon avec des conditions plus laxistes que les dérogations accordées par la loi bioéthique de 2011.

2/ à rassembler le maximum de signatures, dans le cadre de l’initiative européenne citoyenne contestant le financement par l’Union Européenne de la recherche sur l’embryon humain (Objectif pour l’Union Européenne : 1 million de signatures dûment enregistrées en octobre 2013).

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*Alliance VITA, la Fondation Jérôme Lejeune, la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques et le Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine.

**Induced Pluripotent Stem Cells : cellules découvertes par le Pr Yamanaka ce qui lui a valu le Prix Nobel de Médecine 2012

Décodeur n°32 : Avis du CCNE sur la Fin de vie

Décodeur n°32 : Avis du CCNE sur la Fin de vie

Le décryptage d’Alliance VITA sur l’avis du CCNE sur la Fin de vie : 

 

L’EVENEMENT

Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) a rendu public le 1er  juillet 2013 son avis sur les trois questions que le Gouvernement lui avait posées à la suite du rapport de la mission Sicard :

  • Le suicide assisté
  • La pratique de la sédation
  • Les directives anticipées

La saisine du CCNE est à situer dans le cadre des consultations demandées par François Hollande, en vue de mettre en œuvre sa Proposition n°21 formulée dans son projet présidentiel en avril 2012 : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

François Hollande a déclaré, lors d’une visite ce 1er juillet à Lorient, qu’il proposerait « sans doute à la fin de l’année » un projet de loi qui prendra appui sur le débat public que le CCNE appelle de ses vœux pour prolonger la réflexion nationale.

 

LE CHIFFRE

 40 membres composent le CCNE, qui a vocation à représenter les différents courants de pensée et les experts concernés par la bioéthique. Dans la réalité, les pouvoirs publics ont la haute main sur les nominations :

  • Le président du CCNE et cinq personnalités appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles sont désignés par le Président de la République.
  • Dix-neuf personnalités qualifiées, choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d’éthique, sont désignées essentiellement par les ministres du Gouvernement.
  • Quinze personnalités appartenant au secteur de la recherche sont choisies par les organismes médicaux ou scientifiques relevant presque tous du secteur public.

 

LE RESUME DE L’AVIS n° 121 du CCNE

Le CCNE a mené une réflexion approfondie sur les trois questions posées, en les situant dans un cadre plus vaste d’analyses et de propositions pour améliorer les  conditions de la fin de vie en France.  Il considère qu’il faut poursuivre ce travail par « un véritable débat public national sur la fin de vie et la mort volontaire », en organisant des états généraux tels que prévus par la loi bioéthique du 7 juillet 2011.

1)    Le suicide assisté

a)     La législation actuelle

La personne qui tente de se suicider, par un acte personnel volontaire,  n’est plus pénalisée en France depuis deux siècles. Mais la « provocation au suicide » est réprimée par trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (article 223-13 du Code pénal). La « non-assistance à personne en danger » est punie encore plus sévèrement : cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (article 223-6 du Code pénal).

D’une façon générale, la société tout entière est mobilisée contre le suicide et consacre d’importants moyens financiers et humains pour :

  • prévenir le suicide des personnes considérées comme fragiles (parmi les catégories-cibles : personnes dépressives, jeunes, homosexuelles, détenues, âgées) ;
  • réagir immédiatement à tout acte suicidaire (pompiers, police, hôpitaux…) ;
  • accompagner les personnes qui ont fait une tentative de suicide pour leur « redonner goût à la vie » (services médicaux et sociaux, services d’écoute, psychologues, famille, etc.).

La prévention du suicide doit devenir une Grande Cause Nationale, selon le Conseil  Economique, Social et Environnemental (CESE), dans un important avis rendu en février 2013.

b)     Le rapport Sicard

Dans ses conclusions remises le 18 décembre 2012, la mission dirigée par le Professeur Didier Sicard ne recommande pas d’introduire le suicide assisté en France : « Pour la commission, l’assistance au suicide ne peut en aucun cas être une solution proposée comme une alternative à l’absence constatée de soins palliatifs ou d’un réel accompagnement ».

Mais pour tenir compte de certaines demandes très rares, le rapport a donné des orientations au Gouvernement, si celui-ci prenait la responsabilité de légiférer sur ce sujet.

c)     L’avis du CCNE

Face à la volonté de mourir exprimée par un malade en fin de vie ou une personne gravement handicapée, on distingue habituellement deux cas de figure :

  • le suicide assisté, qui consiste à donner les moyens à une personne de se suicider elle-même, comme par exemple en Suisse ou en Oregon (Etats Unis) ;
  • l’euthanasie, où l’acte de tuer est accompli par un tiers, souvent membre du corps médical. Seuls les trois pays du Benelux ont légalisé cette pratique : Pays-Bas, Belgique, Luxembourg.

Le CCNE opère des distinctions encore plus subtiles, notamment entre « suicide assisté » et « assistance au suicide ». Mais quelle que soit la forme ou la méthode utilisée, la majorité des membres du CCNE considère qu’il ne faut légaliser aucune de ces pratiques.

Après une longue réflexion et une analyse des dérives à l’étranger, le CCNE considère que l’interdit de tuer doit rester un principe fondateur dans notre société, pour garantir la solidité de la confiance entre soignants et soignés.

La distinction entre « laisser mourir » et « faire mourir », même si elle devient floue dans certaines circonstances, reste essentielle pour le discernement des médecins confrontés à des fins de vie difficiles.

2)    La sédation

a)     La législation actuelle

La sédation est un acte médical qui consiste à endormir un patient pour supprimer sa souffrance physique ou psychique. Dans son principe, la sédation est réversible, temporaire ou continue, mais on ne meurt pas d’une sédation en tant que telle. Une définition précise a été donnée par la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), reprise officiellement par la Haute Autorité de Santé (HAS).

b)     Sédation terminale et sédation en phase terminale

Sédation terminale : l’expression sous-entend aujourd’hui une volonté non seulement d’endormir, mais aussi d’accélérer la survenue de la mort dans un délai rapide.

  • Le rapport Sicard suggère la « décision d’un geste létal » (c’est à dire qui provoque la mort) ou un « geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de la mort ».
  • L’Ordre national des médecins, par une initiative inattendue,  a pris position le 8 février 2013 en faveur d’« une sédation adaptée, profonde et terminale ». Dans ce projet, « le médecin peut (…) se récuser en excipant la clause de conscience » (pourquoi une clause de conscience, si ce n’est parce qu’il y a volonté de mettre fin à la vie ?) ; par ailleurs, « l’interdit fondamental de donner délibérément la mort à autrui (…) ne saurait être transgressé par un médecin agissant seul » (donc à l’inverse, on pourrait donner la mort sur la base d’une décision collégiale ?).
  • Fait assez exceptionnel, l’Académie de médecine a réagi le 28 février au texte de ses confrères : « dès lors que l’on parle de sédation terminale, le but n’est plus de soulager et d’accompagner le patient, mais de lui donner la mort ».

–        Sédation en phase terminale : l’expression concerne la sédation dans les derniers jours ou les dernières semaines de la vie, sans volonté de provoquer la mort, même si les produits utilisés peuvent avoir comme conséquence indirecte un décès plus rapide (mais dans un délai impossible à mesurer précisément).

c)     L’avis du CCNE

En phase terminale d’une maladie grave et incurable, « le CCNE estime qu’un patient doit pouvoir, s’il le demande, obtenir une sédation continue jusqu’à son décès. Il s’agirait d’un droit nouveau qui viendrait s’ajouter au droit de refuser tout traitement. »

En dehors des situations de fin de vie (patient gravement handicapé par exemple), la médecine devrait accompagner la personne qui « demande d’arrêter tout traitement susceptible de contribuer au maintien des fonctions vitales », avec une sédation appropriée.

En distinguant ces deux cas de figure, mais en concluant apparemment au même « droit à la sédation », l’ambiguïté demeure forte sur la question de l’alimentation et de l’hydratation : si on les considère comme un traitement que le patient a le droit d’interrompre, la sédation profonde (que le CCNE légitime) devient en réalité un acte à visée euthanasique.

 

3)    Les directives anticipées

a)     La législation actuelle

Toute personne a la possibilité de rédiger des consignes, appelées « directives anticipées », pour exprimer ses souhaits relatifs à sa fin de vie (article L1111-11 du Code de la santé): par exemple, ne pas subir d’acharnement thérapeutique, ne pas être réanimée dans telle circonstance, mourir chez soi, etc. Ces directives doivent dater de moins de trois ans. Le médecin est tenu d’en prendre connaissance et de les suivre dans toute la mesure du possible, sans y être formellement obligé.

b)     Le rapport Sicard

Il propose de mieux distinguer deux sortes de directives anticipées :

  • Un premier document de portée générale, que tout adulte pourrait écrire quel que soit son état de santé, à réactualiser régulièrement.
  • Un second document, concernant spécifiquement les traitements en fin de vie, serait à rédiger en cas de maladie grave diagnostiquée, ou avant une opération chirurgicale pouvant comporter un risque majeur. Cosigné par le malade et son médecin traitant, il serait plus engageant pour l’équipe médicale.

c)     L’avis du CCNE

Dans la même perspective, le CCNE distingue des « déclarations anticipées de volonté » (comparables aux consignes actuelles) et les véritables « directives anticipées » : ces dernières seraient mieux préparées avec le corps médical et auraient valeur obligatoire, sauf cas exceptionnels qui donneraient lieu à une décision motivée versée au dossier médical du malade.

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Dans ce débat complexe et évolutif,  il faut noter que Jean Leonetti a voulu apporter sa contribution. Le député des Alpes-Maritimes est à l’origine de la grande loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie votée à l’unanimité du Parlement, et l’auteur de plusieurs rapports qui ont déjà abouti à des aménagements progressifs de cette législation. Il a déposé une proposition de loi le 27 février 2013 qui a été débattue à l’Assemblée nationale le 25 avril dernier : le texte a été renvoyé en commission dans l’attente des conclusions du CCNE.

Jean Leonetti propose de créer un droit à un « traitement à visée sédative » et d’aller plus loin dans le caractère contraignant des directives (voir notre note analysant de façon approfondie ces propositions, en annexe). L’avis du CCNE va dans le même sens.

 

NOTRE COUP DE CŒUR

 

Le bilan des expériences étrangères, qui fait l’objet d’une longue annexe à la fin du rapport du CCNE, recense les principales dérives qu’il est essentiel de connaître quand on débat de l’euthanasie ou du suicide assisté.

Ces analyses rejoignent en tout point celles réalisées depuis plusieurs années par Alliance VITA dans ses notes et dossiers sur les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse.

 

NOTRE COUP DE GUEULE

François Hollande ne sort toujours pas de l’ambiguïté : malgré deux rapports très clairs (celui du Professeur Sicard et celui du CCNE) contre la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté en France, le Président ne veut pas en prendre acte officiellement.

Alors qu’il avait annoncé qu’un projet de loi serait présenté au Parlement en juin 2013, le chef de l’Etat vient de le repousser à fin 2013 au plus tôt : au terme des états généraux proposés par le CCNE,  il y aurait « un projet de loi qui complètera, améliorera la loi Leonetti », ce qui laisse encore la porte ouverte à toutes les hypothèses.

 

Une grande vigilance s’impose dans les mois à venir, y compris dans le suivi des propositions de loi (deux ont été déposées en juin 2013, une au Sénat, une à l’Assemblée nationale) qui visent à introduire l’euthanasie ou le suicide assisté en catimini, dans le cadre d’une « niche parlementaire ».

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN

avis du ccne sur la fin de vie

[CP] Alliance VITA salue l’avis du CCNE contre le suicide assisté et l’euthanasie

COMMUNIQUE DE PRESSE : Paris, le 1er juillet 2013

Alliance VITA salue l’avis du CCNE contre le suicide assisté et l’euthanasie et met en garde contre l’interprétation euthanasique de la loi.

Alliance VITA salue le travail approfondi conduit par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) pour assurer un accompagnement de la fin de vie humain et solidaire, laissant sa place à la parole du patient, tout en continuant sur la voie de la loi actuelle, qui proscrit l’acharnement thérapeutique et interdit de provoquer la mort.

En se prononçant clairement contre le suicide assisté et l’euthanasie, le CCNE confirme que ces actes ne doivent jamais être encouragés par la société, où toute personne, même affaiblie par l’âge, la maladie ou le handicap, a sa place. Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA et auteur de La Bataille de l’euthanasie : « Nous partageons avec le CCNE le constat que le suicide est toujours dramatique et violent. L’idée même du suicide médicalement assisté véhicule un message d’exclusion pour les personnes les plus vulnérables. Nous demandons la mise en place d’une politique spécifique de prévention du suicide des personnes âgées et malades car notre société doit avoir à cœur de protéger spécialement de cet acte les personnes fragiles et dépendantes.» Par ailleurs, le CCNE semble cautionner une interprétation extensive de la loi Leonetti allant jusqu’à affirmer un droit à la sédation terminale en complément d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation à visée euthanasique.

Le docteur Xavier Mirabel, président d’Alliance VITA, précise : « Depuis plusieurs années, nous contestons cette façon indirecte de provoquer des euthanasies, avec des pratiques qui ont eu tendance à se développer dans les services hospitaliers. Non seulement ces euthanasies ne respectent pas l’éthique soignante en décidant de provoquer la mort par dénutrition, mais elles conduisent les partisans de l’injection létale à parler d’hypocrisie de la loi. Pour nous, si la « sédation en phase terminale » est une pratique légitime, lorsqu’elle devient le seul moyen de soulager le patient, il ne faut pas la confondre avec une « sédation terminale » qui vise à accompagner certains arrêts d’alimentation et d’hydratation à visée euthanasique. »

Alliance VITA participera activement au débat public sur la fin de vie qui pourrait être organisé dans les mois qui viennent. Elle conduira des actions spécifiques en faveur d’une prévention du suicide et de la diffusion d’une éthique médicale ajustée en ce qui concerne l’alimentation, l’hydratation et la sédation.