Euthanasie repoussée à l’Assemblée

 

Le 29 janvier 2015, à l’initiative du groupe socialiste, l’Assemblée nationale a refusé d’adopter une proposition de loi (PPL)  «visant à assurer aux patients le respect de leur choix de fin de vie », avec la légalisation de l’aide active à mourir, en d’autres termes l’euthanasie et le suicide assisté.

La motion de renvoi en commission a été adoptée par 25 votes pour, 20 contre et 11 abstentions. Ce texte avait déjà été rejeté lors de son examen en commission des affaires sociales, le matin même du « grand débat » sans vote organisé à l’Assemblée nationale, le 21 janvier dernier.

Son auteur et rapporteur, Mme Véronique Massonneau, avait appelé à être “à la hauteur de l’enjeu, des attentes” et à ne pas “se contenter d’un consensus mou qui ne satisfait personne”.

Lors de la présentation de sa PPL défendue unanimement par le groupe écologiste, Mme Massonneau a insisté sur le fait qu’un « consensus ne peut être l’alpha et l’oméga d’une réforme de société ». Lucide sur l’imminence du rejet du texte qu’elle défendait, elle a remercié par avance ceux qui ne manqueront pas de reprendre le flambeau « dans quelques semaines peut-être, même si le doute est là, dans quelques mois plus probablement ».

La ministre de la santé, Marisol Touraine, a rendu un hommage appuyé au travail de Mme Massonneau, précisant que le débat du 21 janvier fut un moment important et celui du jour sur ce texte « l’est tout autant », ainsi que ceux qui auront lieu à l’avenir sur d’autres textes. La ministre explique trouver des “points de convergence importants” entre les propositions Claeys-Leonetti et cette PPL.

Pour la ministre, les mots clés sont « dignité » et « autonomie », faisant siens les arguments de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) en évoquant que « chacun entend mourir dans la dignité »  et que « choisir les conditions de sa fin de vie, c’est notre ultime liberté ». Elle rappelle que le gouvernement soutient la proposition Claeys-Leonetti qui constitue une « avancée majeure » et un changement de perspective qui « correspondent à ce que Mme Massonneau appelle de ses vœux, même si elle souhaite aller plus loin ».

Pour la ministre de la santé, le rapport Claeys-Leonetti est un “point d’équilibre » : bien que le gouvernement ne soutienne pas ce texte de Véronique Massonneau, elle a précisé qu’ « Il ne s’agit en aucun cas de balayer d’un revers de la main ces propositions (…) ; les questions soulevées sont aujourd’hui portées au débat, et la fin d’examen de ce texte ne saurait sans doute les éteindre ».

Les députés radicaux de gauche ont globalement appuyé la démarche des écologistes. Leur chef de file Roger-Gérard Schwartzenberg en a profité pour fustiger la “tactique dilatoire” du gouvernement depuis deux ans. Cependant, Front de gauche, UDI, UMP et FN se sont montrés hostiles à toute légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté.  Xavier Breton a pointé  à plusieurs reprises « les ambiguïtés du gouvernement » en posant cette question restée sans réponse : « Le Gouvernement est-il pour ou contre le texte qui nous est proposé aujourd’hui ? »

Plaidoyer de Véronique Massoneau à l’Assemblée Nationale pour la proposition de la loi de “libre choix”

 

GPA : un avis CDEH controversé

GPA : un avis CDEH controversé

photo cedh

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu un arrêt, le 27 janvier 2015, dans une affaire de GPA qui condamne en partie le gouvernement italien. Dans cet arrêt, non définitif, elle estime qu’il y a eu violation de la vie privée du couple requérant, par la justice italienne qui a ordonné l’éloignement et la mise sous tutelle de l’enfant.

Cette affaire (Paradiso et Campanelli vs Italie n o 25358/12) concerne un couple italien marié qui a eu recours à un contrat de GPA en Russie. Agés respectivement de 56 ans pour la femme et 44 ans pour l’homme lors de la naissance de l’enfant le 27 février 2011 (un petit garçon), les deux conjoints avaient décidé de recourir à la gestation pour autrui après avoir vainement fait des tentatives de fécondation in vitro. Cette pratique est strictement interdite en Italie, ainsi que le recours au don de gamète dans le cadre de la procréation artificielle.

C’est lorsque le couple a fait une demande de transcription à l’état civil de l’acte de naissance russe, qui indiquait le couple requérant comme les parents génétiques de l’enfant, que la justice italienne a pressenti une fraude. Dans le cas d’espèce, le couple italien a eu recours à un don d’ovule et une mère porteuse : il a payé la somme de 49 000 euros via les services d’une société russe Rosjurconsulting. A noter, l’avocat qui représente les requérants auprès de la CEDH travaille pour cette société.

Le 5 mai 2011, le couple a été inculpé, dans un premier temps, pour « altération d’état civil » et infraction à la loi sur l’adoption. Une demande de procédure d’adoptabilité puis une mise sous curatelle a été requise par le ministère public. Une enquête a ensuite établi que l’homme n’avait finalement aucun lien biologique avec le bébé, d’autres gamètes ayant été utilisés au cours de la procédure de fertilisation. Le 20 octobre 2011, le tribunal décida d’éloigner l’enfant des requérants : le tribunal pour mineurs avait conclu que leurs capacités affectives et éducatives pouvaient être remises en cause, étant donné ces fraudes avérées. L’enfant fut alors placé dans un foyer d’accueil, puis dans une famille d’accueil en janvier 2013.

Sans se prononcer sur la légitimité de l’interdiction de la GPA, les juges de Strasbourg ont néanmoins considéré qu’il y a eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, et que les autorités avaient pris une décision extrême en retirant cet enfant qui avait déjà eu une relation de vie avec le couple, mesure habituellement réservée à des cas où l’enfant se trouve en danger : « La Cour n’est pas convaincue du caractère adéquat des éléments sur lesquels les autorités se sont appuyées pour conclure que l’enfant devait être pris en charge par les services sociaux ».

La CEDH condamne le gouvernement italien à verser 30 000 euros au couple requérant, au titre de préjudice moral et des frais juridiques engagés. Pour autant, elle ne demande pas à l’Italie de faire machine arrière en remettant l’enfant aux requérants, au nom de l’intérêt de celui-ci, qui a certainement développé des liens affectifs avec la famille qui l’accueille depuis deux ans.

A noter, au contraire de celui rendu contre la France, que cet arrêt ne concerne pas la transcription dans l’état civil de l’acte de naissance russe. La CEDH a rejeté la requête de transcription du couple italien, au motif qu’il n’avait pas épuisé toutes les voies de recours internes. Le gouvernement italien a 3 mois pour faire appel de cet arrêt.

Cette décision est inquiétante pour plusieurs raisons, notamment :

1- Elle met en lumière la dérive de l’appréciation de la « vie familiale » par la CEDH. Se présenter comme des parents, à partir d’un acte de naissance frauduleux et quelques semaines de garde de l’enfant, suffit-il à justifier une reconnaissance de « vie familiale » ?

2- L’intérêt de l’enfant est comme « mis en balance » avec l’intérêt du couple requérant, en dehors de toute référence juridique liée aux droits de l’enfant. Comment se fait-il que la Cour ne tire aucune conséquence du trafic de gamètes, de l’exploitation des femmes et de la privation de filiation pour les enfants nés de GPA, qui se cachent derrière ce cas particulier ?

Face à la majorité (5 contre 2) des juges en faveur de la décision, les juges Raimondi et Spano ont fait part de leur opinion dissidente : « La cour devrait à notre avis faire preuve de retenue, et se limiter à vérifier si l’évaluation des juges nationaux est entachée d’arbitraire (…). En outre, la position de la majorité revient, en substance, à nier la légitimité du choix de l’État de ne pas reconnaitre d’effet à la gestation pour autrui. S’il suffit de créer illégalement un lien avec l’enfant à l’étranger pour que les autorités nationales soient obligées de reconnaître l’existence d’une « vie familiale », il est évident que la liberté des États de ne pas reconnaître d’effet juridique à la gestation pour autrui, liberté pourtant reconnue par la jurisprudence de la Cour (…), est réduite à néant. »

Alliance VITA soutient, avec d’autres ONG internationales, l’appel pour la prohibition universelle de la gestation pour autrui, lancé le 20 novembre dernier à l’occasion de la Journée Internationale des droits de l’enfant : www.nomaternitytraffic.eu

Décodeur n°41 : « Le débat sur la fin de vie à l’Assemblée nationale le 21 janvier 2015 »

Décodeur n°41 : « Le débat sur la fin de vie à l’Assemblée nationale le 21 janvier 2015 »

Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité législative : « Le débat sur la fin de vie à l’Assemblée nationale le 21 janvier 2015 »

 

L’EVENEMENT

Le mercredi 21 janvier 2015 s’est tenu à l’Assemblée nationale un débat sur la fin de vie, faisant suite à la remise du rapport des députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) au président de la République le 12 décembre 2014. Ce débat sans vote devait permettre aux députés de se positionner sur les enjeux de la fin de vie et sur l’opportunité ou non de modifier la loi du 22 avril 2005 (dite loi Leonetti).

 

 

LE CHIFFRE

19 députés seulement se sont exprimés lors de ce débat public, dont la durée n’a pas dépassé 2h30. A la suite du discours introductif du Premier ministre et de celui des deux rapporteurs, ces députés issus des différents groupes parlementaires se sont exprimés en leur nom personnel, sans engager leur parti respectif.

 

LE RESUME DES DEBATS

Les interventions des différents députés, dont une synthèse figure en annexe, mettent bien en lumière les enjeux et les dangers d’une nouvelle loi sur la fin de vie.

 

1. L’illusion d’un consensus apparent

Le Premier ministre Manuel Valls s’était engagé depuis des mois, en accord avec François Hollande, à ne traiter la question de la fin de vie « qu’en cas de consensus entre tous les parlementaires ». En réalité, au-delà d’une attitude générale assez bienveillante à l’égard de la proposition de loi Claeys-Leonetti, les désaccords de fond sont clairement apparus lors de ce débat, en particulier :

   – sur la nécessité ou non de modifier la loi Leonetti de 2005,
   – sur le risque d’ « euthanasie masquée » déjà présente dans la proposition de loi, dénoncé par certains, réfuté par d’autres,
   – sur la volonté, clairement exprimée par beaucoup, de profiter du vote de la proposition de loi pour aller plus loin vers l’euthanasie et le suicide assisté.

Devant toutes ces divergences, la ministre de la santé Marisol Touraine s’est mise en retrait des engagements précédents du gouvernement, en déclarant en conclusion du débat qu’il n’était pas indispensable de « sacraliser le consensus ». Juste avant elle, la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, insistait davantage encore : « la recherche du consensus n’est pas une fin en soi, rien n’interdit d’aller au-delà ».

 

2. La réalité : une véritable surenchère

Au vu de ce débat, la surenchère semble désormais inévitable. La proposition de loi, qui sera vraisemblablement débattue par les parlementaires à partir du mois de mars, fera sans aucun doute l’objet d’amendements explicitement euthanasiques. Cette volonté a été évoquée clairement par plusieurs députés de la majorité : Bernard Roman, Jean-Louis Touraine, Francois de Rugy, Véronique Massonneau, Olivier Falorni, Roger-Gérard Schwartzenberg.

Le Premier ministre s’est lui-même situé dans cette perspective en conclusion de son discours (voir ci-après notre « Coup de gueule »). Et à la fin des débats, la ministre de la Santé a apporté un soutien explicite à la proposition de loi de Mme Massonneau, qui sera débattue le 29 janvier prochain et qui vise à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté en France.

 

 

3. Les graves ambiguïtés de la « sédation profonde et continue jusqu’au décès »

Au moins 6 orateurs ont partagé leurs inquiétudes et dénoncé les risques de dérives euthanasiques de cette nouvelle forme de sédation, qui figure au centre de la proposition de loi Claeys-Leonetti : Xavier Breton, Bernard Debré, Philippe Gosselin, Jean-Frédéric Poisson, François de Mazières, Marion Maréchal-Le Pen.

Ces mises en garde ont été relayées dans une tribune que 23 députés ou sénateurs ont co-signée le jour même du débat à l’Assemblée nationale. Ces parlementaires ont alerté avec force sur « la réalité de ce texte qui s’aventure sur la pente glissante d’un droit à la mort ». Ils demandent à ce que « la loi respecte l’esprit du vote parlementaire unanime de la loi Leonetti de 2005 » qui exprimait clairement « qu’un soin ne doit pas être administré dans la volonté de tuer » et que « le législateur doit garantir l’interdit fondateur pour toute société que constituerait un droit à la mort ».

Les signataires de cette tribune sont :

Bruno Nestor Azerot, Véronique Besse, Jérôme Bignon, Valérie Boyer, Xavier Breton, Philippe Cochet, Marie Christine Dalloz, François de Mazieres, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Pierre Decool, Nicolas Dhuicq, Valérie Duby-Muller, Jean-Christophe Fromantin, Philippe Gosselin, Patrick Hetzel, Marc Le Fur, Gilles Lurton, Hervé Mariton, Yannick Moreau, Jean-Frédéric Poisson, Frédéric Reiss, Bruno Retailleau et Jacques Lamblin. (A noter que Bruno Nestor Azerot est membre du groupe Gauche démocrate et républicaine, et Bruno Retailleau est président du groupe UMP du Sénat). 

 

4. Les dangers des « directives anticipées contraignantes »

Plusieurs députés ont vivement exprimé leurs inquiétudes sur cette préconisation du texte Claeys-Leonetti de rendre « contraignantes » les directrices anticipées, c’est-à-dire de les imposer au corps médical, tout en n’incluant pas de clause d’objection de conscience pour les soignants.

De même, leur validité sans limite de durée a été contestée, car la volonté du patient peut évoluer au cours du temps ou à la suite d’une forte dégradation de son état de santé. Ces risques ont été soulignés notamment par l’ancienne ministre Michèle Delaunay et le Professeur Bernard Debré, mais aussi par Xavier Breton et Jean-Frédéric Poisson.

 

5. La question de la dignité et les risques d’exclusion des plus fragiles

Peut-on définir, qualifier ou quantifier la dignité humaine, pour considérer que certaines personnes « ne seraient plus dignes » et donc que leur vie doit prendre fin ? Ce risque de glisser vers une société excluant les personnes les plus fragiles, qu’elles soient ou non en fin de vie, a été mis en lumière par plusieurs orateurs. Le rapport vise expressément, par exemple, les personnes en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel.

Le député Jean-Louis Touraine évoque même des situations qu’il faudrait associer à cette réflexion, telles que les personnes souffrant de dégénérescence cérébrale ou les bébés prématurés admis en réanimation néonatale.

 

 

6. Le seul vrai consensus : un grand plan en faveur des soins palliatifs et la formation du corps médical

La nécessité de valoriser une réelle culture palliative et de lutter contre les inégalités territoriales a été demandée par la quasi-totalité des députés. Le développement des soins palliatifs partout en France, évoqué également par le Premier ministre avec la promesse d’un nouveau plan triennal, figure donc comme le seul véritable objet de consensus politique et sociétal. La formation des soignants a aussi été pointée comme une urgence et une exigence nationale.

 

NOTRE COUP DE COEUR

Quelques heures avant le débat parlementaire sur la fin de vie, des chaînes de solidarité et de vigilance se sont constituées partout en France : 55 villes au total ont participé à la mobilisation lancée par le Collectif ”Soulager mais pas tuer” rassemblant plusieurs associations. A Paris, devant l’Assemble nationale, ce sont plus de 400 personnes qui se sont mobilisées.

Parrainé par Philippe Pozzo di Borgo, à l’origine du film Intouchables, le Collectif a voulu rappeler que la protection de la vie des personnes les plus fragiles nécessite la solidarité de tous. Au total, ce sont quelque 150 porte-parole (soignants, usagers de la santé, personnes âgées ou handicapées) qui ont témoigné lors de ces rassemblements.

 

 

NOTRE COUP DE GUEULE

 

Le Premier ministre a conclu son intervention en considérant que ce débat n’est qu’une étape, et qu’une ou plusieurs propositions de loi seront examinées prochainement pour « avancer, conformément à la volonté du Gouvernement, vers la consécration d’un droit nouveau : celui de mourir dans la dignité ».
 
Reprenant ainsi les termes mêmes de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité), association militant explicitement pour la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, Manuel Valls ne cache plus son objectif et sa détermination, quitte à avancer « par paliers progressifs », comme il l’a clairement expliqué le 16 décembre dernier devant les députés socialistes.
 

 

*****

 

 

EXTRAITS SIGNIFICATIFS DES PRISES DE PAROLE DES DEPUTES

 

a) Les deux députés rédacteurs du rapport et de la proposition de loi

Jean Leonetti, s’exprimant en premier juste après le Premier ministre, considère que ce débat est « un conflit opposant des valeurs fondamentales pour notre pays : une éthique de l’autonomie ayant pour référence la liberté et la défense de l’individu contre le groupe, et une éthique de la vulnérabilité, qui fait primer la solidarité et les valeurs collectives. » 

Il insiste sur les efforts considérables que les soins palliatifs ont encore à faire dans notre pays. Il cite également les dérives observées en Belgique, pays qui a légalisé l’euthanasie et « où les morts données à des malades qui n’ont pas demandé à mourir sont trois fois plus nombreuses en Belgique qu’en France. » Selon le rapporteur, la sédation profonde est un droit qui lui parait légitime, celui de « dormir avant de mourir, pour ne pas souffrir. »

Alain Claeys considère, comme beaucoup de ses collègues, que la loi Leonetti « est mal connue et a été mal appliquée ». Selon lui, « c’est du sentiment d’abandon qu’est né dans notre société le besoin légitime de faire appliquer jusqu’au bout sa volonté », et donc la première étape serait de « faire évoluer le rapport à la mort et, par là même, aux soins palliatifs, de l’ensemble des équipes de soins ». 

La situation des patients en état dit « végétatif » est évoquée par le rapporteur qui précise, au sujet de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, « qu’ils pourraient également bénéficier de ce traitement à visée sédative. II faudrait pour cela que leur volonté en ce sens ait été recueillie. Elle pourrait l’être au travers des directives anticipées qu’ils auraient antérieurement rédigées et qui s’imposeraient dès lors au médecin. »

b) Les députés du groupe socialiste

Bernard Roman souhaite que ce débat « examine, au-delà la sédation profonde et continue, d’autres voies pour légaliser l’aide active à mourir dans la dignité ». Il précise parler volontairement d’«aide active » par pudeur car certains mots, en raison de leurs connotations ou de leur histoire, peuvent choquer ou bloquer – tel est le cas du mot « euthanasie » et de « suicide assisté », même si ces questions ne doivent pas être écartées du débat.

Michèle Delaunay décrit combien peuvent varier les décisions d’une personne, quand elle est soumise à une épreuve qu’elle se serait cru incapable de surmonter : « on ne connaît le courage du soldat que sur le champ de bataille ».Considérant les mesures proposées dans le texte comme équilibrées et respectueuses, elle y souscrit à quelques nuances près, et espère que la maturation en commission permettra de clarifier ces points.

Jean-Louis Touraine souhaite que le respect de la volonté individuelle prime sur le désir d’imposer au patient un point de vue extérieur à sa personne. Il affirme d’emblée que « la réflexion se prolongera au-delà de ce texte » et conduira à « enrichir la prochaine proposition de loi ».

Selon lui, « trop de situations ont été oubliées, comme les maladies avec dégénérescence neuro-cérébrale, la réanimation néonatale ». La souffrance n’est pas définie, selon le député qui demande « si les souffrances psychiques graves justifieront dans chaque domicile ou hôpital, une intervention, et laquelle ? Ces questions pourraient faire l’objet de discussions, puis de compléments à un texte. »

c) Les députés du groupe écologiste

François de Rugy considère que les propositions du Rapport Claeys-Leonetti sont « susceptibles d’améliorer la situation actuelle et de satisfaire des demandes aujourd’hui sans réponse », mais qu’elles ne sont pas suffisantes et prévient que son parti « ne se résoudra pas à voir encore une fois le débat et les décisions reportés ou escamotés. »

Véronique Massonneau évoque la proposition de loi sur laquelle elle travaille depuis deux ans. Elle considère que malgré les préconisations du rapport, des hommes et des femmes sont ignorés par notre législation, qui ne leur reconnaît pas le droit à disposer de leur corps. Elle dénonce les inégalités face aux pays ayant déjà légalisé l’euthanasie, et souhaite que la France consacre ce qu’elle décrit comme « une ultime liberté ». Elle s’affirme donc disposée à soutenir le rapport Claeys-Leonetti, mais « sans s’en satisfaire ».

d) Les députés du groupe UMP

Xavier Breton insiste sur « l’urgence du développement d’une culture palliative » et exprime ses interrogations sur «des directives anticipées qui seraient trop contraignantes» et sur la « toute-puissance accordée à la volonté individuelle ». Il souligne le risque que « l’éthique de l’autonomie, quand elle n’a pas de limite, puisse étouffer l’éthique de la vulnérabilité qui nous conduit à penser et à agir en fonction de nos fragilités et non d’une conception abstraite de l’individu. 

Pour lui, « la sédation préconisée dans le rapport risque de nous faire basculer de la faculté de « soulager jusqu’à la mort » à celle de « donner la mort ». Il juge donc « indispensable que le texte de la proposition de loi précise l’objectif de l’acte de sédation, en rétablissant clairement la notion de double effet reconnue par la loi de 2005 », mais évacuée du rapport Claeys-Leonetti.

 

Bernard Debré insiste sur l’importance « de bien définir les termes employés » dans ce débat. Le médecin rappelle la nécessité de l’interdiction de l’acharnement médical (soins disproportionnés), qu’il distingue de l’acharnement thérapeutique destiné aux soins de « patients parfois atteints de maladie grave mais qui ont l’espoir de guérir ». Pour lui également, « la culture palliative, fondamentale, n’a jamais été enseignée suffisamment et les unités de soins palliatifs ne sont pas assez nombreuses ». 

Il considère que les directives anticipées sont importantes, mais s’inquiète de l’impératif de les imposer à l’équipe médicale, en l’illustrant par le cas de la tentative de suicide. Terminant sur la notion de dignité, il s’interroge sur le fait que la société ait un jour à qualifier la dignité d’une personne souffrant d’Alzheimer, quand 800 000 Français en sont atteints.

Hervé Mariton s’étonne que l’argument selon lequel la loi Léonetti de 2005 serait mal connue serve une logique pour légitimer la nécessité d’une autre loi. Il s’interroge sur les limites des droits et devoir des médecins. Il rappelle le consensus que la loi de 2005 avait créé, et demande de clarifier la position de l’exécutif et du Président de la République lui-même, qui parlent de légiférer « par étapes », ce qui inquiète le député. « S’agit-il de tenir un engagement du président de la République, qui a pu être compris à un moment comme un pas vers les militants de l’euthanasie ? »

Philippe Gosselin analyse que « les propositions débattues sont sans doute un test pour voir comment la majorité pourrait gérer un certain nombre de contradictions ». Se disant attaché la loi Leonetti, il la juge néanmoins mal appliquée et appelle à « faire du développement des soins palliatifs une grande cause nationale ». Selon lui, il faut mieux faire connaître les directives anticipées, « mais sans enfermer l’équipe médicale dans un véto absolu, en lui laissant une part d’autonomie ». 

Sur la sédation, il souligne que « la vocation initiale de soulagement et d’apaisement risque de glisser vers une forme d’euthanasie ». Le suicide assisté serait une « sortie de route inacceptable, car l’équilibre de la société dépend aussi de la place que l’on accorde aux plus faibles ». Le député se dit « prêt à rester dans l’unité pour trouver un bon équilibre, mais pas à n’importe quel prix ».

Jean-Frédéric Poisson suppose que lorsque le Parlement a adopté la loi de 2005 à l’unanimité, « il l’a certainement fait en imaginant que ce serait davantage un point d’arrivée qu’un point de départ ». Ayant tenté d’écrire ses propres directives anticipées, il affirme que c’est impossible de se projeter dans un évènement qu’on ne veut pas voir se réaliser et qu’on peine à imaginer. Pour lui, il y a une responsabilité de maintenir la confiance que la société place dans le corps médical.

Ce texte présente à ses yeux trois risques : celui de ne pas garantir que « la sédation terminale ne dérive pas vers une pratique à caractère euthanasique ; celui de la perte de confiance accordée par le corps social au corps médical ; et le risque de baisse de prise en compte de l’essor de la culture palliative », qui ferait perdre beaucoup à notre pays.

François de Mazières estime que les trois principes affirmés par la loi de 2005 constituent une synthèse équilibrée entre les deux défis apparemment contradictoires que présente la fin de vie : d’un côté, la préservation de la vie, de l’autre, le désir d’éviter la souffrance lorsque la fin est proche. 

Le député s’inquiète de l’atteinte qui pourrait être portée au caractère quasiment sacré de la vie en particulier pour les personnes dans un état quasi végétatif. Le député cite Philippe Pozzo di Borgo, dont l’histoire a inspiré le film Intouchables, qui implore ainsi notre société de ne pas ouvrir cette porte. Pour le député, les risques de l’ouverture d’un droit à la sédation sont réels et la situation actuelle n’est pas suffisamment sereine pour en débattre, compte tenu des derniers évènements de l’actualité.

e) Les députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP)

Roger-Gérard Schwartzenberg, après avoir rappelé la forte implication du RRDP sur ce sujet, par le dépôt en septembre 2012 d’une proposition de loi relative à « l’assistance médicalisée pour une fin de vie dans la dignité », pose la question « de la différence, quant à l’issue finale, entre une forte utilisation de produits sédatifs jusqu’au décès et le recours à des substances létales ». Pour lui, il est impératif « de respecter le droit des patients à disposer d’eux-mêmes ».

Jacqueline Fraysse, après avoir détaillé les importants progrès qu’il faudrait mettre en place pour la prise en charge en soins palliatifs des personnes en fin de vie, conclue que « personnellementelle ne croit pas qu’il faille aller au-delà des recommandations du rapport en légalisant l’acte de donner la mort ». 

Elle soutient une option différente, celle recommandée par le CCNE de tout mettre en œuvre pour « améliorer l’accompagnement humain des personnes en fin de vie pour éviter qu’elles n’en soient pas réduites à souhaiter que l’on précipite leur mort ». Option qu’elle « évalue comme la plus exigeante et coûteuse » mais aussi « la plus digne et la plus humaine, pour chacun d’entre nous comme pour la société tout entière. »

Olivier Falorni estime que le rapport et le débat actuel manquent de courage, et compare la conquête du droit à l’euthanasie à celui de l’avortement. Il considère que « traiter cette question en deux heures est insuffisant et consternant » et appelle notre pays à « regarder la mort les yeux ouverts et à s’inspirer des pays étrangers » ayant déjà légalisé l’euthanasie. Pour lui, l’euthanasie « est un geste d’humanité qui donne la liberté, permet l’égalité, incarne la fraternité. Si la vie nous est donnée, la mort ne doit pas nous être volée ».

f) Le député du groupe UDI

Michel Piron considère que le rapport sur la fin de vie essaie d’éclairer des zones d’ombre de la loi actuelle, mais sans y parvenir totalement, à cause des nombreuses incertitudes qui accompagnent la fin de vie, et qu’au nom de la dignité, nous devrions assumer. « Légaliser le suicide assisté serait un droit sur l’existence même de chacun, qui outrepasse largement le respect de chaque personne » et donc son parti ne suivra pas une telle proposition et n’ira pas « au-delà des dernières préconisations du rapport Claeys-Leonetti ».

g) La députée du groupe Non-Inscrits

Marion Maréchal-Le Pen s’interroge sur la définition de la dignité, comment la définir juridiquement et l’évaluer. Pour elle, « la Loi Leonetti de 2005, bien qu’imparfaite, répond à la plupart des cas qui se posent, bien qu’elle souffre actuellement de quelques interprétations alarmantes que le rapport préconise de graver dans le marbre ». 

Insistant sur la logique visant à cumuler sédation profonde et arrêt d’alimentation et d’hydratation, la député conclue que ce rapport et la loi qui l’accompagne « sont une légalisation de l’euthanasie qui ne dit pas son nom » et qu’elle ne peut « défendre ces préconisations qui ne seront bien sûr qu’une première étape vers d’inquiétantes dérives, dont le suicide assisté. »

h) La conclusion de la Présidente de la commission des affaires sociales

Catherine Lemorton, concluant les interventions de ses collègues, considère ce rapport Claeys-Leonetti comme une base de travail et « se réjouit des avancées qu’elle augure, notamment la possibilité de demander une sédation profonde et continue et le renforcement des dispositions relatives aux directives anticipées ». Elle souligne que « la recherche du consensus n’est pas une fin en soi, rien n’interdit d’aller au-delà. »

 

 

[CP] Fin de vie : l’opposition piégée ?

[CP] Fin de vie : l’opposition piégée ?

hemicycle

Communiqué de presse : Paris, le 22 janvier 2015

Alliance VITA réagit au débat sur la fin de vie qui s’est tenu le mercredi 21 janvier à l’Assemblée nationale.
Après avoir manifesté avec “Soulager mais pas tuer” puis rencontré Christian Kert, Vice-président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, a assisté dans l’hémicycle au débat qu’avait annoncé le président de la République autour de la proposition de loi Claeys-Leonetti.
Il délivre ses premières réflexions :
« Ces débats nous ont confirmé la pertinence de nos mobilisations, au sein du mouvement unitaire “Soulager mais pas tuer“, où Alliance VITA a pris une part active dans 55 villes. Loin de clarifier le débat, les interventions – souvent de très bonne teneur intellectuelle – ont d’abord montré à quel point les concepts proposés sont flous et leurs interprétations loin d’être consensuelles : “maintien artificiel de la vie”, ” directives contraignantes”, “sédation profonde et continue jusqu’au décès”. Selon les différents orateurs, comme l’a parfaitement expliqué le Professeur Bernard Debré, ces expressions entretiennent l’incertitude bien plus qu’elles ne clarifient le débat. C’est surtout la sédation qui, telle qu’elle est présentée, fait glisser vers l’euthanasie, sans le dire.
Nous sommes donc désormais devant une double menace : la menace réelle de légaliser des euthanasies masquées (par la sédation terminale assortie de l’arrêt d’hydratation destiné à provoquer la mort) ; mais aussi la menace probable de l’euthanasie et du suicide assisté pratiqués de façon explicite, car de nombreux parlementaires de l’actuelle majorité ont affirmé vouloir « aller plus loin » que le projet soutenu aujourd’hui par le Gouvernement.
Plus grave, ce dernier semble avoir abandonné le prétendu consensus que promettaient les deux têtes de l’exécutif. Et finalement, nous pouvons craindre que l’opposition soit piégée par ce consensus forcé et ne le découvre qu’au moment du vote d’amendements.      
Heureusement, une dizaine de députés ont pris des positions courageuses pendant le débat, soit à gauche comme Jacqueline Fraysse du parti communiste, qui s’est dite clairement hostile à l’euthanasie et au suicide assisté, soit à droite, avec plusieurs orateurs parmi les vingt-trois qui ont cosigné un appel mettant en garde contre la tentative de déséquilibrer l’actuelle loi Leonetti votée à l’unanimité en 2005.
Pour Alliance VITA le seul consensus qui soit véritable, chez les Français comme dans la classe politique, c’est la généralisation d’un droit d’accès aux soins palliatifs, ce qui suppose que la culture palliative soit enseignée et diffusée partout. C’est pourquoi, sur ce sujet, nous demandons à François Hollande de passer de la parole aux actes, sans attendre la tenue d’un débat à haut risque. »
Alliance VITA produira dans les jours qui viennent des analyses détaillées de ce débat et réaffirme son désir de mobiliser le plus largement possible contre toutes les formes d’euthanasie et pour le développement des soins palliatifs.

[CP] IVG : VITA dénonce une grave régression pour les femmes

IVG et loi Egalité entre les femmes et les hommes : Alliance VITA dénonce une grave régression pour les femmes : le déni de la réalité de l’avortement.

Les mesures relatives à l’interruption volontaire de grossesse qui viennent d’être adoptées par les députés dans le projet Egalité Femmes-Hommes visent d’une part à supprimer de la loi la notion de “situation de détresse” pour l’avortement, et d’autre part à pénaliser les entraves à l’information sur l’IVG dans les locaux habilités à cet effet. 

Outre le changement symbolique que revêt la suppression du mot « détresse » de la loi pour un acte qui met en jeu le destin d’un être humain, Alliance VITA dénonce la dégradation de l’information qui est faite aux femmes confrontées à un dilemme souvent douloureux. Elle appelle à une prise de conscience de ce qui constitue un véritable scandale sanitaire et social.

Introduites par amendement, ces mesures n’ont fait l’objet d’aucun examen par le Conseil d’Etat, ni d’aucune étude d’impact par le Gouvernement, alors qu’elles touchent intimement les femmes et les couples. Pour Alliance VITA la suppression de « la situation de détresse » nie la réalité de ce que vivent les femmes lors des grossesses imprévues : les femmes se retrouvent trop souvent confrontées à un « choix » à sens unique, faute d’une information impartiale et complète et d’une vraie politique de prévention de l’IVG pour celles qui souhaitent pouvoir poursuivre leur grossesse et être soutenue en ce sens.

Pour Caroline Roux, secrétaire générale d’Alliance VITA et coordinatrice des services d’écoute dont SOS Bébé sur toutes les questions liées à la maternité :   « Comment peut-on croire qu’il suffise de supprimer un mot d’un texte pour faire disparaître la réalité qu’il recouvre ? Les femmes n’ignorent pas que c’est la destinée d’un être humain qui est en jeu. D’où un dilemme souvent douloureux. Nier la détresse déresponsabilise encore plus la société : les pouvoirs publics ont renoncé à une vraie politique de prévention de l’IVG, en cas de grossesse imprévue ou difficile. Les hommes à leur tour sont déresponsabilisés. Beaucoup de femmes nous disent qu’elles seraient prêtes à poursuivre leur grossesse si elles se sentaient soutenues par leur compagnon. Pour les plus jeunes, c’est le soutien des parents qui est décisif. Ce qui nous préoccupe particulièrement c’est le contexte économique et social. Tant de femmes craignent pour leur emploi ou leur avenir. Cette question est si prégnante que le Défenseur des droits a dû lancer des campagnes pour rappeler les droits des femmes enceintes et le devoir de non-discrimination à l’embauche et durant leur carrière. Les mesures concernant l’IVG sont d’autant plus choquantes dans un texte qui prétend faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes. »

Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA : « Une autre politique est urgente pour soutenir les femmes qui sont nombreuses à vouloir éviter l’IVG : instaurer une vraie prévention quand la grossesse a déjà commencé. La grande surprise révélée par l’INED, c’est que 72% des femmes qui recourent à l’IVG étaient sous contraception lorsqu’elles sont devenues enceintes. Ce qui fait défaut, c’est l’écoute  et l’information. C’est un paradoxe de voir le gouvernement menacer ceux qui donnent une information peu accessible aux femmes quand on sait que, depuis la loi Aubry de 2001, elles ne reçoivent plus le détail des aides publiques qui leur permettraient de poursuivre leur grossesse. C’est pour suppléer cette carence qu’Alliance VITA, sans subvention publique, édite et diffuse un guide des aides aux femmes enceintes très apprécié des travailleurs sociaux. C’est un comble. »

Alliance VITA demande que soit introduite dans la loi une mesure garantissant une information équilibrée sur les droits, aides et démarches pour les femmes enceintes, seules ou en couple, ainsi que le descriptif de leur protection sociale. Cela pourrait contribuer à résoudre un grand nombre de drames personnels, en présentant aux femmes des perspectives autres que l’avortement.