Loi Santé : un déni de réalité sur l’avortement [Atlantico]

L’acharnement à banaliser l’‪‎avortement‬ comme un acte sans portée intime, sociale et éthique constitue un grave déni de la réalité.

Depuis 15 ans, j’accompagne des femmes confrontées à cette question difficile ; je suis témoin des débats intérieurs profonds que provoque l’IVG.

Les femmes le savent bien : c’est la vie d’un être humain et aussi leur propre destin qui est en jeu. Enfermer les femmes dans une décision précipitée, c’est méconnaître ce qu’elles vivent lors de grossesses imprévues.

Les questions se bousculent dans la panique, et souvent la solitude. Bien des femmes, jeunes ou moins jeunes, se sentent jugées et rejetées quand elles révèlent être enceintes sans l’avoir planifié. Beaucoup confient penser à l’IVG à contrecœur sous la pression de leur compagnon, ou encore par peur pour leur emploi.

 

La loi exige aujourd’hui aussi un délai pour d’autres actes médicaux sensibles : délai de deux semaines pour la chirurgie esthétique, et même un mois pour l’assistance médicale à la procréation. Supprimer ce délai, c’est cautionner une forme de maltraitance faite aux femmes, par l’injonction légale de décider sans état d’âme alors que c’est la vie même qui est en jeu. Enfermer les femmes dans une décision précipitée, c’est méconnaître ce qu’elles vivent lors de grossesses imprévues.

 

Que l’avortement soit considéré comme une liberté ou non – et même si les oppositions sur ce sujet demeurent irréductibles – notre société peut-elle laisser croire que les femmes pourraient le ressentir comme un acte anodin ? (…)

Selon un sondage OpinionWay en mars 2013, 85% des femmes déclarent avoir ressenti une souffrance au moment de l’IVG médicamenteuse, y compris une souffrance morale pour 82% d’entre elles, ou physique pour 67%. Il confirme un précèdent sondage effectué par l’IFOP en 2010: 83% des femmes pensent que l’IVG laisse des traces psychologiques difficiles à vivre.

Pour la Haute Autorité de la Santé : “L’IVG demeure un évènement souvent difficile à vivre sur le plan psychologique. Cette dimension manque d’éclairage objectif et scientifique”. Pourtant depuis ce constat, aucune étude n’a été conduite par les pouvoirs publics.

>> Lire l’intégralité de l’article sur Atlantico <<

Tribune de Caroline Roux, déléguée générale adjointe et coordinatrice des services d’écoute d’Alliance VITA, publiée dans Atlantico le 8 avril 2015

[CP] IVG – Loi Santé : suppression regrettable du délai de réflexion

Alliance VITA s’inquiète de la posture idéologique avec laquelle la majorité parlementaire aborde à nouveau la question délicate de l’interruption volontaire de grossesse.

Après avoir supprimé en 2014 le critère de détresse, l’Assemblée nationale s’apprête à effacer la semaine de réflexion entre les deux rendez-vous médicaux pour recourir à l’IVG, à la suite de l’amendement de Catherine Coutelle voté en commission des Affaires sociales. Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, ne s’y opposait que pour lui préférer un délai de 48 heures.

Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA : « Comment peut-on légitimer la suppression du délai de réflexion concernant un geste qui scelle le destin d’une existence humaine, alors que la loi impose deux semaines de réflexion pour la chirurgie esthétique et même une semaine de rétractation pour l’achat de certains biens et services ? Donner du temps aux femmes les protège de la panique, mais aussi des pressions qui peuvent les pousser à avorter à contrecœur. Depuis la suppression, en 2001, du dossier-guide qui informait les femmes sur les alternatives à l’IVG, l’avortement s’impose souvent comme une fatalité.  »

Caroline Roux, coordinatrice des services d’écoute, confirme : « Quand une grossesse imprévue survient, les questions se bousculent dans la panique, et souvent la solitude. Bien des femmes, jeunes ou moins jeunes, se sentent jugées et rejetées quand elles révèlent être enceintes sans l’avoir planifié. La violence des pressions dont certaines font l’objet, spécialement de la part de l’homme, doit être prise en compte. Sur un sujet si intime, les femmes ont besoin d’écoute et de temps pour y voir clair. Elles ont droit également à recevoir une information complète, y compris sur les aides aux femmes enceintes et aux jeunes mères. C’est tellement violent de découvrir a posteriori qu’on n’a pas été suffisamment soutenu et que tout s’est passé de manière précipitée … »

Alliance VITA a par ailleurs noté la tentative, jusqu’à maintenant reportée, de supprimer la clause de conscience des soignants. Tout est fait pour imposer une banalisation de l’IVG, au prix du déni de ce que vivent les femmes.

VITA rappelle l’urgence d’une politique de prévention de l’avortement. Elle ne doit pas se limiter à la « prévention des grossesses non désirées » (72% des femmes qui recourent à l’IVG utilisaient une méthode de contraception dite fiable lorsqu’elles se sont découvertes enceintes). Intégrer l’aide aux femmes dont la grossesse est imprévue ou difficile est essentiel pour que l’avortement ne soit pas une fatalité.

Que signifie le déni de grossesse ?

Que signifie le déni de grossesse ?

deni de grossesse

Plusieurs cas de dénis de grossesse ont récemment défrayé la chronique en France et à l’étranger, suite à la découverte d’infanticides.

Le 19 mars dernier, cinq bébés ont été découverts congelés en Gironde. Par ailleurs, le lundi 23 mars, s’est ouvert un procès devant la Cour d’Assises de Namur, en Belgique, suite à un infanticide : les faits remontent à 2012 où une maman avait accouché seule dans sa salle de bains et étouffé son bébé, sans avoir eu conscience de sa grossesse.

Que signifie exactement le “déni de grossesse” ? 

Une femme peut être enceinte sans présenter aucun symptôme propre à la grossesse. Même une femme de petite corpulence peut mener une grossesse à son terme sans s’en apercevoir, nous explique le Professeur Nisand. Le foetus se fait tout petit et grandit dans le sens de la hauteur, le long de la colonne vertébrale, ce qui fait que le ventre de la femme ne s’arrondit pas. Aucune personne de l’entourage ne remarque la grossesse, pas même le conjoint.

Certaines femmes ont une pré-conscience de leur grossesse, mais la seule façon de protéger leur grossesse est de ne pas pouvoir y penser, de ne pas la mentaliser. Ce bébé n’est pas présent.

Dans certains cas, ces femmes vont prendre conscience de leur grossesse après plusieurs mois. D’autres seront dans un déni total, c’est-à-dire qu’elles s’apercevront de leur grossesse quelques jours avant d’accoucher, voire même au moment de l’accouchement. “Quand elles accouchent et que quelque chose sort de leur corps, ces femmes expliquent en expertise, qu’elles ne l’ont pas vu. Elles n’ont pas psychiquement compris que c’était un bébé”

Le terrible choc psychologique lorsque la mère prend conscience de sa grossesse au moment même de l’accouchement peut entraîner des pulsions de mort vis-à-vis de son enfant (ce qui arrive dans moins de 10% des cas de déni de grossesse).

Le déni de grossesse toucherait environ 3 grossesses sur 1.000 et tend à augmenter, nous dit Reine Vanderlinden, psychologue périnatale à l’hôpital Edith Cavell à Uccle. Les femmes sont soumises à des conditions qui leur font parfois penser qu’il est absolument impossible de garder un bébé quand elles se découvrent enceintes. Ce déni de grossesse leur donne la possibilité d’accueillir cet enfant alors que tout s’oppose à un tel projet.