[CP] Loi Santé : VITA publie un décodeur éthique

Alors que la loi Santé est largement devenue une loi fourre-tout, par le biais d’amendements votés sans étude préalable comme prévu pour tout projet de loi, Alliance VITA diffuse sous la forme d’un nouveau « décodeur » son décryptage éthique du texte qui vient d’être voté.

Accessible sur le site internet de l’association et adressé à ses abonnés, ce « décodeur n°43 » d’Alliance VITA met notamment l’accent sur les cinq dispositions qui modifient en profondeur la loi de 1975 sur l’IVG, mais aussi sur une disposition qui remet en cause l’encadrement de la recherche sur l’embryon.

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Pour Tugdual Derville, délégué général de l’association, « il est  essentiel d’éclairer nos quelque 50.000 abonnés sur ces réformes votées à la va-vite, sans vraie concertation, le gouvernement et certains parlementaires ayant profité de la loi Santé pour faire avancer leurs postures libertaires. Ces nouvelles dispositions sont le reflet d’une fuite en avant sociétale d’autant plus contestable que le gouvernement s’est permis de transgresser deux principes législatifs : d’une part il est prévu, avant tout vote d’une disposition nouvelle d’un projet de loi, une étude de son impact ; d’autre part, l’organisation d’états généraux devrait être un préalable à toute modification de la loi bioéthique. Court-circuiter d’abord le débat citoyen et bâcler ensuite le débat parlementaire, en faisant voter en pleine nuit des amendements à portée éthique majeure, ce n’est pas à l’honneur de notre démocratie. Nous avons pu montrer, forts de notre expérience de l’aide à plusieurs milliers de femmes chaque année, que la nouvelle réforme de la loi de 1975 ne leur rend pas service en prônant l’IVG précipitée. »

A noter les autres réactions et analyses d’Alliance VITA sur ce texte :

Décodeur n° 43 : « Les enjeux bioéthiques du projet de loi Santé »

Décodeur n° 43 : « Les enjeux bioéthiques du projet de loi Santé »

 

Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité législative

 

L’EVENEMENT

Ce mardi 14 avril 2015, l’Assemblée nationale a approuvé en première lecture le projet de loi relatif à la santé : sur un total de 562 votants, il y a eu 311 voix Pour, 241 voix Contre et 10 abstentions. Le texte, présenté et défendu par Mme Marisol TOURAINE, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, avait été examiné article par article du 31 mars au 10 avril 2015.

A la suite de multiples contestations des professionnels de la santé, avec des grèves et des manifestations nationales importantes depuis fin 2014, Marisol Touraine a demandé que la procédure accélérée soit mise en œuvre. Cela signifie qu’il n’y aura qu’une seule lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, avant une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte qui puisse être voté de façon identique par les deux chambres. La saisine du Conseil constitutionnel a déjà été annoncée par l’opposition.

Le projet de loi initial comprenait 57 articles. Il en contient maintenant près du double, représentant 236 pages. La mesure phare pour l’opinion publique est la généralisation progressive du tiers payant. Mais ce texte complexe modifie en fait de très nombreuses dispositions dans l’organisation des soins et les politiques de santé publique.

Nous analysons ci-dessous les principales mesures qui soulèvent des enjeux bioéthiques au sens large, et en priorité les nombreuses dispositions dans le domaine de l’IVG. 

 

LE CHIFFRE

2423 amendements ont été déposés pour la discussion publique sur ce projet de loi Santé, faisant suite aux 1698 autres examinés en Commission des affaires sociales du 17 au 19 mars dernier. C’est dire combien ce projet de loi a provoqué d’innombrables réactions. Il est finalement devenu un texte « fourre-tout », sans réelle cohérence d’ensemble.

 

LES MESURES QUI CONCERNENT L’AVORTEMENT

Concernant l’avortement, des évolutions majeures ont été introduites par amendement, sans réel débat public et sans étude d’impact sur leurs conséquences (de telles études sont obligatoires pour les mesures contenues dans un projet de loi). Le texte présenté à l’origine par le Gouvernement ne comprenait qu’une seule mesure dans ce domaine, l’habilitation des sages-femmes à pratiquer l’IVG médicamenteuse. Finalement, cinq autres mesures ont été proposées et votées, souvent en catimini en fin de soirée par quelques dizaines de députés présents dans l’hémicycle :

  • la suppression du délai de réflexion d’une semaine pour l’IVG,
  • la pratique de l’IVG instrumentale en centre de santé,
  • le droit à l’information sur les méthodes abortives,
  • la création de plans d’action régionaux en matière d’IVG,
  • l’accès sans condition à la contraception d’urgence pour les mineures.

 

  1. L’habilitation des sages-femmes à pratiquer l’IVG médicamenteuse (article 31)

Depuis 1975 et jusqu’à aujourd’hui, seuls les médecins sont autorisés à pratiquer les IVG, que ce soit par voie médicamenteuse ou par voie instrumentale. La tentative de faire réaliser les IVG médicamenteuses également par les sages-femmes a été, par deux fois en 2009 et 2011, censurée par le Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement a introduit à nouveau cette disposition sur les sages-femmes dans son projet de loi, en justifiant cette mesure par des inégalités d’accès à l’IVG médicamenteuse selon les régions (voir l’étude d’impact sur cet article 31). Les sages-femmes elles-mêmes sont partagées sur la portée de cette évolution, qui peut modifier en profondeur leurs missions et leurs pratiques (voir le Coup de cœur ci-après). Des amendements visant à supprimer cet article ont été déposés par l’opposition, mais ils n’ont pas été retenus.

 

  1. La suppression du délai de réflexion d’une semaine pour l’IVG (article 17bis nouveau)

Deux consultations médicales sont actuellement obligatoires avant la réalisation d’une IVG, que les femmes concernées soient majeures ou mineures. Un délai d’une semaine doit être respecté entre les deux.

Dans le même esprit, la loi exige également un délai pour d’autres actes médicaux sensibles : délai de deux semaines pour la chirurgie esthétique, et même d’un mois pour l’assistance médicale à la procréation.

La suppression de ce délai de réflexion représente le principal amendement adopté en commission des affaires sociales dans la nuit du 18 mars 2015, avec très peu de députés présents, et sans aucune étude d’impact sur les personnes concernées. Cette mesure faisait partie des recommandations de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, évoquées le 18 février dans un document commentant le projet de loi Santé.

La ministre Marisol Touraine elle-même avait envisagé une réduction de ce délai, dans le cadre du plan national pour améliorer l’accès à l’IVG annoncé le 16 janvier 2015. Mais les attentats de début janvier à Paris l’en auraient dissuadée, pour « éviter de donner à quiconque le sentiment que nous voudrions profiter du contexte d’union nationale pour faire passer des dispositions difficiles à accepter pour certains ». En commission des affaires sociales, mi-mars, elle s’est opposée à l’amendement, qui fut malgré tout adopté.

La mesure a fait l’objet d’une large polémique dans la société, reprise par de nombreux députés de l’opposition mais aussi de la part du syndicat des gynécologues et d’un grand nombre d’assistantes sociales. Et pourtant, en séance publique début avril, la ministre s’est finalement ralliée à cet amendement très controversé. Plusieurs députés de l’opposition ont déposé des amendements pour abroger cet article, mais ils n’ont pas été adoptés. Au député UMP Bernard Debré, qui jugeait utile le délai de réflexion pour une femme par exemple « poussée par son compagnon à avorter », Marisol Touraine a répondu : « une femme qui a pris sa décision n’a pas besoin de temps. Je crains (…) qu’un délai ne soit pas efficace pour sortir une femme de la domination ».

Cette disposition pose de graves questions d’égalité et de solidarité. L’enjeu majeur de la prévention de l’IVG et de l’accompagnement des femmes, spécialement celles soumises à des pressions notamment de la part de l’homme, semble totalement écarté de ces débats.

 

  1. L’autorisation de pratiquer l’IVG instrumentale en Centre de santé (article 16)

Les Centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours. Au nombre de 1450 en France, ils s’inscrivent dans la tradition des dispensaires et de la médecine sociale. Ils peuvent déjà réaliser des IVG par voie médicamenteuse.

L’amendement voté ouvre aux Centres de santé le droit de pratiquer des IVG par méthode instrumentale (IVG chirurgicale). Dans son souci de multiplier les lieux autorisés à réaliser des avortements, en plus de la mesure habilitant les sages-femmes, Marisol Touraine avait exprimé la volonté du gouvernement de soutenir un tel amendement dans le cadre de son Programme national d’action relatif à l’IVG.

La ministre a précisé que la Haute Autorité de Santé (HAS) établira un cahier des charges pour fixer les conditions techniques et de sécurité applicables. En effet, ces Centres ne sont pas aujourd’hui équipés comme les hôpitaux ou les cliniques pour ce type d’interventions chirurgicales, ce qui laisse craindre un moindre niveau de sécurité sanitaire.

 

  1. Le renforcement du droit à l’information sur les méthodes abortives (article 31)

A l’occasion de l’examen de cet article qui concerne la nouvelle mission des sages-femmes en matière d’IVG, la délégation aux Droits des femmes de l’Assemblée nationale a fait voter un amendement qui fait peser sur les membres des professions médicales des contraintes supplémentaires concernant l’information sur l’IVG : « Toute personne a le droit d’être informée sur les méthodes abortives et sa liberté de choix doit être préservée. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. »

Il est difficile de mesurer la portée de cette mesure générale, le terme « professionnel de santé » étant extrêmement large, et le contenu de l’information n’étant pas précisé. Il serait souhaitable que le Sénat clarifie cette disposition.

D’autre part, en matière d’information, aucune référence n’est faite aux aides matérielles et humaines qui pourraient aider certaines femmes à éviter l’IVG, et qui ont été supprimées par la loi de 2001.

 

  1. La création de plans d’action régionaux en matière d’IVG (article 38)

Pour appliquer une des recommandations du Plan IVG annoncé en janvier dernier par le Gouvernement, un amendement a été voté dans les dernières heures de l’examen du texte.

L’ensemble de l’article 38 du projet de loi est consacré au projet régional de santé et actualise les missions des Agences Régionales de Santé (ARS). Parmi celles-ci, les ARS devront désormais prévoir des plans d’action pour l’accès à l’IVG, sur la base d’un plan type élaboré au niveau national. Ce plan régional type devra prévoir l’intégration de l’activité d’IVG dans les contrats d’objectifs et de moyens qui lient les ARS aux établissements de santé.

Si ce plan est inspiré de celui actuellement mis en œuvre en Ile-de-France (projet FRIDA), les ARS pourraient « contractualiser avec les établissements de santé publics et privés sur l’activité IVG, notamment ceux qui présentent un niveau d’activité jugé insuffisant au regard de leur activité d’obstétrique (activité IVG inférieure ou égale à 20% du total IVG + accouchements) » : autrement dit, ils pourraient fixer des objectifs en nombre d’IVG à réaliser par hôpital ou clinique. Cette approche apparaît clairement contradictoire avec des objectifs de prévention de l’IVG, qui visent par nature à diminuer le nombre d’IVG réalisées chaque année.

 

  1. L’accès sans condition à la contraception d’urgence pour les mineures (article 3)

Pour les élèves du second degré, l’accès à la contraception d’urgence auprès de l’infirmerie scolaire est soumis à des conditions restrictives précises : « si un médecin, une sage-femme ou un centre de planification ou d’éducation familiale n’est pas immédiatement accessible, les infirmiers peuvent, à titre exceptionnel (…) dans les cas d’urgence et de détresse caractérisés, administrer aux élèves mineures et majeures une contraception d’urgence ».

L’objet de l’article 3, tel que prévu dans le projet de loi initial, est de lever toutes ces restrictions, ne laissant subsister que la notion d’urgence. La possibilité pour toutes les infirmières scolaires de délivrer la pilule du lendemain pose plusieurs problèmes. Comme en témoignent nombre d’entre elles, le risque est grand de banaliser toujours plus les relations sexuelles précoces, au lieu de délivrer une vraie formation affective et sexuelle aux jeunes. Par ailleurs, bien que cette pilule ait potentiellement un effet abortif, il est quasiment impossible pour les infirmières scolaires qui ne sont pas d’accord de faire valoir une clause de conscience.

 

LES MESURES QUI ONT UN IMPACT SUR LES LOIS DE BIOETHIQUE

 

D’autres mesures modifient certaines dispositions importantes des lois de bioéthique, notamment concernant la recherche sur les gamètes et embryons transférables, et sur le dispositif de prélèvement d’organes. On peut également citer, parmi les mesures ayant des enjeux bioéthiques au sens large, l’expérimentation de salles de consommation de drogue (« salles de shoot ») ou la non-discrimination envers les personnes homosexuelles pour le don du sang.

 

  1. L’autorisation de recherche sur les gamètes et les embryons transférables (article 37)

Cet amendement, proposé par le gouvernement et adopté par les députés, modifie le Code de la santé publique relatif à la recherche sur l’embryon. Il le complète en précisant que « des recherches biomédicales menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation si chaque membre du couple y consent. »

Malgré le questionnement éthique soulevé par cet amendement, il n’a suscité aucun débat en séance. Le Gouvernement laisse entendre qu’il s’agit simplement de réintroduire le régime applicable à certaines recherches en AMP, tel que prévu dans la loi bioéthique du 7 juillet 2011 et « oublié » dans la loi du 6 août 2013 créant un régime d’autorisation encadré.

Pourtant, le nouveau texte semble modifier en profondeur l’équilibre qui avait été mis en place en 2011. Si l’embryon avait vocation à être implanté en vue d’une grossesse, il n’était pas possible de faire des recherches entrainant la destruction de cet embryon. L’ancien article L.2151-5 du Code de la santé publique se terminait ainsi : « VI.A titre exceptionnel, des études sur les embryons visant notamment à développer les soins au bénéfice de l’embryon et à améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l’embryon peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consent (…). »

La nouvelle rédaction proposée par l’amendement ne garantit plus ce respect de la vie de l’embryon. Rappelons également sur ce sujet que des scientifiques, dont deux prix Nobel, ont récemment publié une mise en garde, dans la revue Science, en faveur d’un moratoire pour alerter la communauté internationale sur la modification du génome des embryons humains.

 

  1. La modification du dispositif de prélèvement d’organes (article 46 ter)

A l’heure actuelle, toute personne est présumée avoir donné son consentement pour un éventuel prélèvement d’organe après son décès, sauf si elle a exprimé son refus, notamment via un registre national qui est en réalité très peu utilisé. Dans les faits, aucun prélèvement n’est réalisé si les proches s’y opposent.

Un amendement de Jean-Louis Touraine, adopté en commission des affaires sociales, avait considérablement durci le dispositif en ne laissant que le registre national comme mode exclusif d’expression du refus. Il visait également à exclure les proches de la consultation préalable, leur consentement n’étant plus nécessaire.

De nombreuses voix de contestation se sont élevées à la suite de ce vote en commission, y compris parmi les professionnels chargés de ces prélèvements.

Jean-Louis Touraine a dès lors retiré son amendement, et un autre déposé par la ministre de la santé a été adopté. Selon ce nouvel amendement, le registre national des refus serait le moyen «principal», mais non plus exclusif, pour exprimer son refus d’un prélèvement d’organe à son décès. Les modalités par lesquelles ce refus pourrait être exprimé et révoqué sont renvoyées à un décret en Conseil d’Etat publié d’ici le 1er janvier 2017. Le texte prévoit que l’équipe médicale doit informer les proches du défunt préalablement au prélèvement d’organes, et maintient donc que le consentement au don d’organes sera présumé chez toute personne majeure décédée.

 

NOTRE COUP DE COEUR

Le collectif « Sages-femmes de demain », regroupant plusieurs milliers de sages-femmes, s’est opposé depuis sa création en février 2009 à la pratique de l’IVG par les sages-femmes.

Pour Olivia Déchelette, porte-parole du Collectif : « Le cœur du métier de sage-femme est d’aider les femmes en assurant la préparation, l’accompagnement et le suivi des naissances. Ce n’est pas notre rôle de prescrire l’IVG médicamenteuse, et nous refusons que l’on fasse porter à notre profession un acte qui n’entre pas dans sa nature et qui mettrait en péril la confiance que les femmes ont en nous. Avec 820 000 naissances en 2014, les sages-femmes de France souffrent déjà d’une profonde surcharge de travail, et nous sommes choquées d’imaginer que l’on puisse se décharger sur nous d’une tâche qui, je le répète, ne relève pas de l’essence de notre profession. »

Le Collectif rappelle que d’ores et déjà, nombre de sages-femmes signalent de réelles discriminations à l’embauche lorsqu’ils/elles évoquent la clause de conscience. Il recueille des témoignages d’étudiant(e)s qui ont été contraints de participer à des actes que leur conscience réfutait. Cette mesure risque de fragiliser encore plus cette clause de conscience, déjà si difficile à faire appliquer dans les conditions actuelles d’exercice et de formation du métier de sage-femme. Dans ce contexte, le Collectif Sages-femmes de demain demande de renforcer l’article L2212-8 du code de la santé publique qui dispose qu’« aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse », et de l’étendre aux étudiant(e)s de ces filières.

 

NOTRE COUP DE GUEULE

Il n’est pas admissible que de si nombreuses et profondes modifications au dispositif légal de l’IVG aient pu être apportées sans un véritable débat public, et sans aucune étude d’impact sur les personnes et sur les professionnels de santé concernés. Ces questions méritent pourtant d’être largement débattues au sein de la société, sur la base d’études approfondies, pour donner aux femmes une chance d’éviter l’IVG.

De même, les lois bioéthiques ne devaient pas pouvoir être modifiées sans des états généraux préalables au sein de la population, ce qui n’a pas été le cas avec les amendements introduits discrètement dans ce projet de loi.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

 

[CP] 6 000 participants au 10ème cycle de l’Université de la vie d’Alliance VITA

L’édition 2015 de l’Université de la vie, le cycle de formation bioéthique organisé par Alliance VITA dans toute la France et à l’étranger, s’est clôturée le mardi 7 avril 2015, au terme d’un parcours de cinq soirées sur le thème « Le corps, de la vie à la mort ».

 Pour la deuxième année consécutive, l’Université de la vie s’est déroulée simultanément dans toute la France, par un système de visioconférence. Nouveauté de cette année, l’Université de la vie était également proposée à l’international, dans les villes de Berlin, Bruxelles, Londres, New York et Zurich.

 Au total, plus de 6000 personnes ont suivi dans 98 villes le cycle de l’Université de la vie cette année. Près de 200 experts ou témoins locaux (médecins, universitaires, professionnels) y sont intervenus à l’issue des séances nationales. Environ 700 volontaires VITA ont contribué à l’organisation administrative et logistique de cet événement unique en France.

 Le délégué général d’Alliance VITA, Tugdual Derville, explique le choix du thème 2015 : « En raison des mutations biotechnologiques exponentielles qui vont bouleverser l’humanité – pour le meilleur ou pour le  pire –, c’est autour du corps humain que se concentrent désormais les défis et débats les plus cruciaux pour la gouvernance démocratique ».

 Les différentes soirées de formation abordaient ainsi les « temps » du corps : la gestation, la procréation, le vieillissement, la mort… Occasion de réfléchir au nouveau rapport qu’entretient la société contemporaine avec ce corps que l’on voudrait de plus en plus maîtriser, modifier, améliorer et même négocier… Un corps tour à tour adulé et manipulé, voire rejeté. La conviction d’Alliance VITA est que l’esprit est inséparable du corps en vie. Une pensée désincarnée dérive vite vers l’idéologie. Saisir la dignité du corps humain est donc le meilleur rempart contre les dérives et illusions alimentées par les postures scientistes et transhumanistes.

 Au cours de ces soirées animées par Blanche Streb, directrice des études d’Alliance VITA, Tugdual Derville, Délégué Général, Caroline Roux, Déléguée Générale Adjointe, Henri de Soos, Secrétaire Général, Valérie Boulanger, responsable de SOS Bébé, ainsi que le Dr Xavier Mirabel, conseiller médical et ancien président d’Alliance VITAont apporté leurs éclairages sur les dernières évolutions de la médecine et les débats éthiques et législatifs en cours, ainsi que leur expérience d’écoute et d’accompagnement des personnes en difficulté. Ces interventions étaient ponctuées d’analyses d’experts, de médecins, mais aussi de témoignages et de réflexions philosophiques.

 Parmi les invités nationaux, citons notamment le docteur Benoît Bayle, psychiatre spécialisé en psychologie de la procréation humaine et de la grossesse, Sophie Lutz, auteur de Philippine : la force d’une vie fragileFrançois-Xavier Bellamy, agrégé de philosophie et auteur de Les déshérités. La dernière séance a été marquée par le bouleversant témoignage de Cyrille et Magali Jeanteur. Par la voix de son épouse, Cyrille, atteint d’un locked-in syndrome depuis 17 ans, a partagé ce qu’il ressent sur la richesse de sa liberté dans sa vie intérieure.

 Le cycle s’est conclu par un appel de Tugdual Derville à s’engager, « en restant reliés », pour contribuer ainsi à « à ce changement culturel absolument nécessaire pour encourager l’humanisation du regard de l’homme sur l’homme. »

[VIDEO] Loi Santé / IVG : suppression du délai de réflexion – Caroline Roux

On sait déjà, pour l’avortement médicamenteux, que souvent le délai d’une semaine n’est pas respecté, pour être dans les délais de l’avortement médicamenteux qui est à 5 semaines de grossesse, ou bien à 7 semaines de grossesse. J’ai le témoignage de femmes qui sont simplement allées à une consultation et tout de suite on leur a donné les cachets et combien ça a pu être violent, parce qu’elles ont étés entraînées dans l’avortement sans avoir pu vraiment faire toute la démarche de réflexion. Ce que je vois c’est que pour d’autres actes médicaux sensibles, je pense à la chirurgie esthétique, on va donner 15 jours de réflexion ; pour l’assistance médicale à la procréation, on va donner un mois de réflexion, et même pour des opérations commerciales, il y a un délai de rétractation d’une semaine. Donc déjà, c’est vraiment ne pas respecter les femmes et leur devenir que de ne pas avoir ce délai sur un acte qui met une vie en jeu.”

[CP] PJL Santé / IVG : où est le respect des femmes ?

Alliance VITA s’inquiète de la manière précipitée dont les députés ont supprimé le délai de réflexion entre les deux rendez-vous médicaux pour recourir à l’IVG.

Pour Caroline Roux, coordinatrice des services d’écoute d’Alliance VITA, qui accompagnent plus de 2000 femmes ou couples par an, confrontés à des questions ou épreuves liées à la grossesse : « Depuis 15 ans, j’accompagne des femmes confrontées à cette question difficile ; je suis témoin des débats intérieurs profonds que provoque l’IVG. Les femmes le savent bien : c’est la vie d’un être humain et aussi leur propre destin qui est en jeu. Enfermer les femmes dans une décision précipitée, c’est méconnaître ce qu’elles vivent lors de grossesses imprévues.

Les questions se bousculent dans la panique, et souvent la solitude. Bien des femmes, jeunes ou moins jeunes, se sentent jugées et rejetées quand elles révèlent être enceintes sans l’avoir planifié. Beaucoup confient penser à l’IVG à contrecœur sous la pression de leur compagnon, ou encore par peur pour leur emploi. Supprimer ce délai, c’est cautionner une maltraitance faite aux femmes, par l’injonction légale de décider. Ce n’est pas un délai qui effacera la souffrance de l’IVG. Au contraire je constate combien  les femmes ont droit à l’ambivalence sur une question aussi intime et qu’on leur donne l’espace pour revenir sur une décision si impliquante. Sur un sujet si délicat, les femmes ont besoin d’écoute et de temps pour y voir clair. Elles ont droit également à recevoir une information complète, y compris sur les aides aux femmes enceintes et aux jeunes mères. C’est tellement violent de découvrir a posteriori qu’on n’a pas été suffisamment soutenu et que tout s’est passé de manière précipitée… »

Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA : « Forcer la banalisation de l’IVG ne rend pas service aux femmes… On affirme que précipiter l’avortement leur évite une semaine de souffrances inutiles ; mais quel drame si c’est au prix d’un regret et d’une peine que la société interdit de plus en plus aux femmes d’exprimer ! Le slogan « C’est mon choix » condamne bien des larmes au secret. En réalité, cette obstination de faire de l’avortement un acte sans portée intime, sociale et éthique, constitue un grave déni de ce qu’elles ressentent. De plus en plus de femmes enceintes nous disent : « Je me sens nulle de ne pas savoir quoi décider ». La loi exige aujourd’hui aussi un délai pour d’autres actes médicaux sensibles : deux semaines pour la chirurgie esthétique, et même un mois pour l’assistance médicale à la procréation. Donner du temps aux femmes les protège de la panique, mais aussi des pressions qui peuvent les pousser à avorter à contrecœur. Depuis la suppression, en 2001, du dossier-guide qui informait les femmes sur les alternatives à l’IVG, l’avortement s’impose souvent comme une fatalité. »

Alliance VITA s’inquiète de la mesure également votée pour autoriser l’IVG chirurgicale dans les centres de santé au détriment de la sécurité sanitaire des femmes. Elle rappelle l’urgence d’une politique de prévention de l’avortement. Elle ne doit pas se limiter à la « prévention des grossesses non désirées » (72% des femmes qui recourent à l’IVG utilisaient une méthode de contraception dite fiable lorsqu’elles se sont découvertes enceintes). Intégrer l’aide aux femmes dont la grossesse est imprévue ou difficile est essentiel pour que l’avortement ne soit pas une fatalité.

 

Pour aller plus loin : 

Tribune de Caroline Roux : IVG : un déni de réalité