Gestation pour autrui : interview de Tugdual Derville

Gestation pour autrui : interview de Tugdual Derville

La pratique de la Gestation pour Autrui (GPA), interdite en France, soulève de graves questions éthiques. Selon les mots de Manuel Valls lui-même, il s’agit d’une “pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes”. Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, était l’invité de Cyril Lepeigneux sur KTO le 30 juin 2015.

La veille d’une décision de la Cour de cassation qui doit se prononcer sur la retranscription à l’état civil de l’acte de naissance d’enfants nés à l’étranger de mères porteuses, il explique les raisons pour lesquelles la France ne doit pas s’aligner sur “les moins-disants éthiques”.

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[CP] PMA : Le Haut Conseil à l’Egalité (HCEfh) et le Défenseur des droits prônent la privation délibérée de père

Alliance VITA s’inquiète de deux avis rendus publics ce mercredi 1er juillet qui prétendent étendre la procréation médicalement assistée (PMA) à des personnes ne souffrant pas d’infertilité médicale, femmes seules ou en couples, cautionnant ainsi la privation délibérée de père.  

Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA : « Faire de la PMA à la demande, pour répondre à un désir d’enfant hors justification médicale, c’est entrer dans la production d’enfants que l’on prive délibérément de père. C’est une maltraitance originelle et une injustice pour les enfants. Le Défenseur des droits a visiblement une conception faussée de « l’intérêt supérieur de l’enfant », tel qu’il est reconnu dans la Convention internationale des droits de l’enfant et pris en compte jusqu’à présent par notre législation. M. Toubon passe sous silence le droit fondamental de l’enfant à connaître son père et sa mère et à être élevé par eux, et ne met en avant qu’un argument d’égalité entre adultes. L’enfant ne pouvant se faire entendre et se défendre par lui-même, c’est très grave de faire régner la loi du plus fort sur le plus faible. Quant au « Haut Conseil à l’Egalité », qui  non seulement recommande cette  pratique mais demande son financement par la collectivité nationale et l’attribution d’une filiation mensongère, en attribuant de facto deux mères à un enfant,  il consacre la domination d’adultes sur des enfants, en complète rupture avec le principe de non discrimination appliqué aux enfants. »

Caroline Roux, coordinatrice des services d’écoute d’Alliance VITA,  qui accompagne des femmes et des couples en difficulté souligne que  : « D’une façon générale, il ne faut ni stigmatiser, ni banaliser les situations où les enfants ne bénéficient pas de la complémentarité père-mèreVivre sans les parents qui l’ont conçu (parents absents, décédés, séparés…) n’est pas anodin pour un enfant. La solidarité nationale vient en aide aux familles en manque d’un des deux parents, et  soutient celles qui sont fragilisées par une séparation. Mais cela ne veut pas dire que le manque d’un des deux parents est sans importance pour un enfant, ou constitue sans difficulté une nouvelle façon de « faire famille ». Dans les familles « recomposées », chaque enfant a bien toujours son père et sa mère, même s’il ne vit pas avec l’un d’eux ; les beaux-parents ne sont pas reconnus comme le père ou la mère de l’enfant. – Dans les familles « monoparentales », les enfants ont aussi un père et une mère, même si l’un d’eux est manquant. En ce qui concerne la délicate question de la famille et de l’enfant, la société peut tenter de réparer, mais ne doit pas casser intentionnellement, comme le recommandent ces avis, en privant délibérément des enfants de père. »

Alliance VITA demande  au gouvernement de ne pas céder à des revendications outrancières qui instrumentalisent la procréation au détriment de l’intérêt des enfants.

Suicide par euthanasie validé en Belgique

Suicide par euthanasie validé en Belgique

La révélation, à la fin du mois de juin, qu’une jeune belge de 24 ans en bonne santé physique a obtenu de pouvoir être euthanasiée en raison de ses pensées suicidaires provoque un malaise profond en Belgique et à l’étranger.

D’après ce que révèlent progressivement les médias, cette jeune femme a une vie sociale et amicale, mais aurait fait plusieurs tentatives de suicide et séjours en hôpital psychiatrique. C’est là qu’elle aurait croisé une autre jeune qui lui aurait parlé d’euthanasie. En creusant, on découvre une famille souffrante, un père alcoolique, une scolarité difficile…

On assiste à une véritable mise en scène par cette jeune flamande qui se dit passionnée d’art et de théâtre. C’est par un témoignage dans le quotidien flamand De Morgen le 20 juin 2015, que la jeune fille annonce son euthanasie pour… cet été. Le Monde cite des extraits dans son édition du 22 juin dernier  : « Ma vie est un combat depuis ma naissance. Quotidien. Certains jours, je me traîne littéralement de seconde en seconde. Mes 24 ans ont donc été une éternité. » Et maintenant qu’elle sait qu’elle ne vivra pas au-delà de l’été, elle confie : « Je suis délivrée d’un poids énorme. »

La loi belge autorise l’euthanasie si « le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable », ces conditions devant être validées par deux médecins. Si le médecin est d’avis que le décès n’interviendra manifestement pas à brève échéance, un troisième médecin doit être consulté (psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée).

Ce sont donc 3 médecins, dont un psychiatre, qui ont validé cette demande d’euthanasie. Cela souligne combien la loi belge est floue et extensive quant à l’interprétation de l’existence de « souffrances psychiques intolérables » et du caractère « grave et incurable » de la pathologie. 

Comment un psychiatre a-t-il pu céder aux tendances suicidaires d’une jeune patiente ? Quelle répercussion aura la médiatisation d’un suicide accompagné et validé par la société belge ? Les acteurs de la prévention du suicide, particulièrement chez les jeunes, peuvent être inquiets. Le taux de suicide en Flandre reste l’un des plus élevés d’Europe, tout comme celui de l’ensemble de la Belgique, où l’on estime qu’environ 2.000 personnes se suicident chaque année.

Pour aller plus loin : “Autorisée à mourir à 24 ans parce qu’elle n’a plus envie de vivre : la Belgique accumule les dérives sur l’euthanasie“, Atlantico, Carine Brochier, 30 juin 2015.

Un regard indécent

Avez-vous déjà remarqué l’importance du regard dans nos relations avec les autres ? Nos yeux interviennent autant pour percevoir que pour signifier, et leur rôle est essentiel pour bien se comprendre. Au point que sur des sujets délicats, nous renonçons parfois à user du téléphone et préférons la rencontre en vis-à-vis.

D’abord, notre regard sur l’autre permet de percevoir ses expressions, ses attitudes, son humeur, toute cette communication non verbale dont on nous dit qu’elle représente souvent plus de la moitié de ce qui est exprimé. Elle nous donne accès à la personne elle-même au-delà de ce qu’elle signifie par ses paroles.

Ensuite, les mouvements de notre regard sont également révélateurs de nos sentiments, de nos intentions. Lorsque nous voyons notre interlocuteur détourner les yeux, les baisser, nous décelons une gêne. Un regard fuyant est souvent révélateur d’un malaise, suscite immédiatement la suspicion sur les intentions. Il en est du dialogue avec autrui comme du regard porté sur la vie : on peut fuir la confrontation, refuser de voir la réalité en face, mettre la tête dans le sable comme une autruche.

Le débat qui s’est envenimé autour de la vidéo de Vincent Lambert est très révélateur d’une fuite de la réalité. Le CSA affirme que le grand public n’aurait pas dû voir le visage de Vincent Lambert, et en particulier son regard étonnamment mobile, faute de bénéficier de son consentement. Mais pourquoi ces images sont-elles si choquantes ? S’agit-il de cacher son identité, alors que Vincent Lambert est connu du grand public ? Ou plutôt de cacher son état de santé ?

Flouter le visage de Vincent, c’est se voiler une partie essentielle de la vérité : il n’est pas dans le coma. Il réagit à son entourage, et si personne ne peut affirmer quel est son degré de conscience, je mets au défi tout médecin de porter un diagnostic assuré sur celui-ci : ou je l’invite à relire « Une larme m’a sauvée », d’Angèle Lieby, pour revenir à la réalité et aux limites de la connaissance médicale. Ceux qui veulent cacher le visage de Vincent le font-ils réellement pour épargner sa vie privée, ou pour épargner leur conscience face à la réalité ? Faudrait-il lui bander ainsi les yeux comme à un condamné à mort, moins pour protéger son intimité que pour épargner à l’opinion publique un possible sentiment de culpabilité ?

Par son regard qui se détourne ou se baisse, qui semble réagir à la présence et à la voix de ses proches, Vincent nous adresse silencieusement un message qui est au-delà de son silence impuissant. Qui saurait l’interpréter avec certitude ? Le message qu’il nous adresse est au minimum celui de l’extrême vulnérabilité. Quelle sera notre réponse ? Avant tout une présence bienveillante, mais aussi des soins adaptés, grâce à des personnels formés à la prise en charge de sa pathologie, au sein de structures spécialisées. Alors, au-delà d’apparences souvent trompeuses et loin des regards qui condamnent, un message de tendresse pourra continuer d’être échangé avec Vincent.

Une erreur de droit à la Cour européenne des Droits de l’homme ?

Le 24 juin 2015, les parents de Vincent Lambert ont déposé une demande en révision de l’arrêt rendu le 5 juin 2015 par la Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), validant l’arrêt d’alimentation et d’hydratation du jeune homme gravement handicapé. Ils considèrent que la survenance de « trois faits nouveaux et décisifs » impose une telle révision, sur le fondement de l’article 80 du Règlement de la Cour.

La CEDH a fait référence, à cinq reprises dans sa décision, à son propre arrêt Glass / Royaume-Uni du 9 mars 2004, dont les faits sont assez similaires à ceux de l’affaire Lambert et qui allait dans le sens de la mère de l’enfant dont la vie était en cause. La Cour a cité l’arrêt GLASS parmi les références de non-violation de la convention, alors qu’en réalité elle avait conclu à la violation de cette convention.

Pour les avocats des parents, « il s’agit d’une erreur de droit, qui conduit à une erreur de raisonnement juridique, aboutissant à la décision injuste que l’on connaît », précisant qu’après réception de leur requête par la Cour, le texte de l’arrêt a été subrepticement modifié, sans aucun respect pour la procédure de l’article 80 du Règlement de la Cour qui organise le processus de révision.

Par ailleurs, la CEDH a considéré dans son arrêt du 5 juin 2015 que la volonté de Vincent Lambert de ne pas continuer à être alimenté et hydraté était certaine. Or la ministre de la Santé Marisol Touraine, au Sénat le 16 juin 2015, a au contraire déclaré que Vincent Lambert « n’est pas en fin de vie » et que « l’expression de sa volonté fait l’objet d’interrogations et de débats ». Pour les avocats des parents, « le Gouvernement français par sa voix la plus autorisée contredit désormais au Sénat ce que le Gouvernement français avait affirmé devant la Cour européenne. C’est donc le fondement même de la décision du Conseil d’Etat du 24 juin 2014 et de celle de la CEDH du 5 juin 2015 qui est ainsi remis en cause, ce qui commande la révision de ces décisions ».

Dernier élément « décisif » avancé par les avocats, Vincent Lambert aurait « recommencé ces derniers jours à manger et à boire par la bouche ».

La Cour devra donc se réunir à nouveau, à une date qui n’est pas encore connue, pour statuer sur cette demande en révision.

Les parents devraient aussi déposer un recours devant le Conseil d’Etat la semaine prochaine.