Dans deux arrêts du 28 septembre 2015, la Cour d’appel de Rennes a refusé de reconnaître la validité d’actes de naissance établis à l’étranger en 2010 à la suite d’une gestation pour autrui (GPA).
Elle a ainsi confirmé l’annulation de l’acte de naissance d’une fille née en Inde d’une part, et le refus de transcrire l’acte de naissance de deux jumeaux nés aux États-Unis d’autre part. Cependant le motif invoqué n’est plus la fraude à la loi liée à la convention de GPA, comme il était habituellement jugé dans le passé, mais la non-conformité des actes de naissance à la réalité : la mère d’intention, conjointe du prétendu « père biologique », était mentionnée comme la « mère qui a accouché de l’enfant », et non pas la mère porteuse.
Dans le cas de l’enfant né en Inde, par exemple, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Nantes avait annulé par un jugement du 22 mai 2014 l’acte de naissance litigieux, en se plaçant sur le terrain de la fraude à une loi d’ordre public puisque résultant d’une convention de GPA interdite en vertu des articles 16-7 et 16-9 du Code civil et frappée d’une nullité absolue. Les parents d’intention avaient fait appel de ce jugement en se prévalant des arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) du 26 juin 2014, imposant selon eux la transcription à l’état civil français de l’acte de naissance établi à l’étranger.
La Cour d’appel de Rennes a tout d’abord considéré que la théorie de la fraude n’est désormais plus recevable et que les conditions de naissance de l’enfant – à la suite d’une convention de GPA – ne peuvent plus être opposées à celui-ci. Ce revirement tire effectivement sa source dans les arrêts de la CEDH du 26 juin 2014 et dans l’application qu’en a faite la Cour de cassation dans deux arrêts du 3 juillet 2015. Dans ces arrêts, la plus haute juridiction française a renoncé à sa jurisprudence antérieure, qui considérait comme nuls tous les actes consécutifs à une convention de GPA, et a autorisé la transcription des actes de naissance étrangers dans certains cas : dans les deux cas d’espèce, elle a désigné comme parents, d’une part l’homme français ayant fourni les gamètes pour la conception de l’enfant, et d’autre part la femme russe ayant mis l’enfant au monde, la mère porteuse.
Puis la Cour d’appel de Rennes a confirmé l’annulation faite par le TGI, tout en effectuant une substitution de motif puisque l’argument utilisé est que « ces actes de naissance ne font pas foi ». L’acte qui avait été établi désignait le couple français comme parents. Or, cet acte n’était pas conforme à la réalité puisqu’il désigne comme « mère » la conjointe du « père biologique », alors qu’elle n’est pas celle qui a accouché de l’enfant. Il a donc été fait application de l’exception prévue à l’article 47 du Code civil, dans la mesure où les faits déclarés sur l’acte de naissance « ne correspondent pas à la réalité ».
Une nouvelle jurisprudence apparaît, selon laquelle la convention de GPA, pourtant considérée comme nulle en droit français, ne fait pas obstacle à la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger issu d’une telle convention
Les juges aboutissent bien à l’annulation d’une filiation de pure convenance, qu’une pratique de maternité de substitution réalisée hors de France avait pour objet de produire. Mais leur raisonnement confirme qu’une nouvelle jurisprudence apparaît maintenant, selon laquelle la convention de GPA, pourtant considérée comme nulle en droit français, ne fait pas obstacle à la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger issu d’une telle convention. Il suffit que l’acte de naissance ne soit ni irrégulier, ni falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité. La théorie de la fraude, telle que soutenue par le ministère public dans les deux procès, semble donc désormais systématiquement écartée.
Mais la portée de ces arrêts demeure incertaine et laisse en suspens de multiples questions. Pour l’association Juristes Pour l’Enfance, « l’hypocrisie apparaît désormais au grand jour, puisque cette jurisprudence irresponsable débouche sur la transcription de la moitié seulement des actes de naissance : transcrits lorsque la femme désignée comme mère est la mère porteuse, non transcrits lorsque la femme désignée comme mère est la mère d’intention. (…) Ces décisions révèlent l’impasse dans laquelle la Cour de cassation a conduit la jurisprudence française. Une intervention du législateur, pour sanctionner pénalement le recours à la GPA, y compris à l’étranger, et faire enfin échec à cette pratique, n’en est que plus urgente. »
A l’occasion de la publication d’un décret élargissant les possibilités de don d’ovocytes, le 15 octobre dernier, la Ministre de la Santé Marisol Touraine a rappelé que ce dernier ne permet « absolument pas la gestation pour autrui », à laquelle elle rappelle son opposition ainsi que celle du gouvernement.
Il paraît donc maintenant urgent que les pouvoirs publics lèvent ces graves contradictions entre les paroles et les actes, et que le gouvernement s’engage concrètement, comme le Premier ministre l’avait déclaré, à interdire la GPA au niveau international.
Pour sa part, Alliance VITA soutient, avec d’autres ONG internationales, l’appel pour la prohibition universelle de la gestation pour autrui www.nomaternitytraffic.eu.
Il paraît donc maintenant urgent que les pouvoirs publics lèvent ces graves contradictions entre les paroles et les actes, et que le gouvernement s’engage concrètement, comme le Premier ministre l’avait déclaré, à interdire la GPA au niveau international. Pour sa part, Alliance VITA soutient avec d’autres ONG internationales l’appel pour la prohibition universelle de la gestation pour autrui www.nomaternitytraffic.eu.