Don de gamètes : le Conseil d’Etat rejette une demande de levée d’anonymat

Don de gamètes : le Conseil d’Etat rejette une demande de levée d’anonymat

Don de gamètes : le Conseil d’Etat rejette une demande de levée d’anonymat

Ce 12 novembre 2015, le Conseil d’État a débouté une femme de 35 ans de sa demande d’informations sur son père biologique. Conçue par insémination artificielle avec donneur de sperme, Audrey Kermalvezen mène depuis des années un combat judiciaire pour obtenir une levée partielle du secret de ses origines.

La jeune femme avait saisi l’administration en 2009 après avoir découvert, à 29 ans, avoir été conçue par insémination artificielle. Mais elle s’est toujours heurtée au refus de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’anonymat du don étant inscrit dans la loi française. Déboutée de ses demandes par le tribunal administratif, puis par la cour administrative d’appel, elle avait saisi la plus haute juridiction administrative arguant que la loi française viole l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur le « droit au respect de la vie privée et familiale ».

Dans un arrêt datant de 1992, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) avait rappelé que les personnes dans la situation de la requérante « ont un intérêt vital à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle ».

 

L’anonymat des donneurs de sperme :

Dans son arrêt, le Conseil d’État a conclu que l’anonymat des donneurs de sperme, prévu par la loi française, « n’est pas incompatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme », et que « la règle de l’anonymat répond à l’objectif de préservation de la vie privée du donneur ».

Le Conseil d’État ajoute que cette règle « n’implique par elle-même aucune atteinte à la vie privée et familiale de la personne ainsi conçue, d’autant qu’il appartient aux seuls parents de décider de lever ou non le secret sur la conception de cette dernière ».

Il a néanmoins rappelé qu’il existe des exceptions à cet anonymat qui permettent notamment à un médecin d’accéder à ces données, en cas de nécessité thérapeutique ou à des fins de prévention, en particulier dans le cas d’un couple de personnes issues l’une et l’autre de dons de gamètes qui souhaiteraient s’assurer qu’elles n’ont pas pour origine le même donneur. Ce qui est exactement le cas pour Audrey et son mari, également « né de spermatozoïde inconnu ». La requérante pointait le risque potentiel d’une consanguinité.

Elle a donc été déboutée malgré cet autre point d’importance majeure : le Conseil d’État a relevé que si la juridiction administrative avait rejeté sa demande d’accès à ces informations, c’est au motif qu’elle l’avait présentée directement et non par l’intermédiaire d’un médecin, ce qui ne permettait pas de lui donner satisfaction. Sur cette précision, Audrey Kermalvezen a démenti, précisant  que lorsqu’elle avait fait sa demande de levée d’anonymat auprès de l’AP-HP, elle avait demandé que les informations lui soient remises, « ou à défaut à un médecin dont j’avais donné le nom ».

Mme Kermalvezen a annoncé vouloir déposer un recours devant la CEDH à Strasbourg. Si la non-conventionalité était établie, le législateur devrait revoir sa position, mais la levée de l’anonymat ne concernerait sans doute que les enfants à naître.

 

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Soins funéraires de thanatopraxie, vers une interdiction à domicile ?

Soins funéraires de thanatopraxie, vers une interdiction à domicile ?

view of nurse covering the dead body

Les soins funéraires de conservation pourraient être interdits à domicile, à la suite d’un amendement déposé dans le cadre du projet de loi relatif à la santé actuellement en cours de discussion au Parlement. Les raisons de la ministre de la Santé pour interdire les soins de thanatopraxie à domicile font référence à quatre rapports officiels, considérés comme concordants :

–          Rapport du Haut Conseil de la santé publique de décembre 2012 et novembre 2009

–          Rapport du Défenseur des Droits d’octobre 2012

–          Rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGA de juillet 2013

Les principaux arguments sont repris d’un rapport à l’autre, mais reposent sur des présupposés ou des analyses partielles, voir partiales.

 

A)     Les décès à domicile ont-ils vocation à disparaître ?

 

Sur une moyenne de 550 000 décès annuels, ceux survenus à domicile représentent 27% en 2008, soit environ 150 000 décès (contre 70% dans les années 50, mais avec une tendance à la stabilisation depuis les années 90).

Par ailleurs, sur les 200 000 actes de thanatopraxie recensés (soit 1/3 des décès), 23% auraient lieu au domicile selon une étude publiée en 2000, soit environ 46 000 actes.

On retrouve donc une proportion similaire : ¼ des décès ont lieu à domicile, et ¼ des soins de conservation ont également lieu à domicile.

Il est donc tout à fait excessif d’affirmer que « le lieu principal de l’activité de soins funéraires abandonne le domicile pour un lieu collectif » (Rapport IGAS/IGA de 2912, p 15).

De plus, les statistiques sont peu fiables. Par exemple, le pourcentage de soins de conservation par rapport aux décès varient fortement d’un rapport à l’autre : de 25-30% (Haut Conseil de la Santé publique) à 40-50% (Défenseur des droits). Ce chiffre serait de 15% à Paris et 43% en province. Le nombre de thanatopracteurs varie de 888 (Revue Travail et Santé) à 1586 (Ministère de la santé).

Il semble en réalité que de façon structurelle, une partie de la population (environ ¼), surtout dans les régions rurales, reste attachée au maintien au domicile des personnes jusqu’à leur décès, puis aux rites funéraires traditionnels dans notre pays : ceux-ci comprennent habituellement la toilette funéraire, l’exposition et la veille du défunt dans sa chambre ou dans une pièce commune, la visite de la famille et des voisins y compris après la fermeture du cercueil. La personne décédée reste ainsi « dans son lieu de vie », pouvant être veillée jour et nuit sans les contraintes d’horaires et d’organisation que l’on peut subir dans des lieux publics comme les funérariums.

 

B)      Les actes de thanatopraxie présentent-ils des risques sanitaires non négligeables ?

Dans son rapport de décembre 2012, qui constitue la base de toutes les recommandations des pouvoirs publics, le Haut Conseil de la Santé Publique analyse de façon détaillée les risques infectieux, principalement biologiques et chimiques, qui menacent la profession de thanatopracteur.

Une lecture attentive des données mises en avant pour justifier ces risques montre qu’en réalité, ces études et analyses sont anciennes (plus de 20-25 ans), et surtout se situent pour la plupart dans des pays étrangers, principalement aux Etats-Unis. Les résultats sont globalement controversés, avec des variations souvent non significatives entre les populations témoins et les professionnels concernés.

Au final, les membres du groupe de travail technique se sont révélés très partagés sur l’opportunité de l’interdiction des actes de thanatopraxie à domicile. Ils concluaient leur rapport ainsi : « Il apparaît donc que le débat repose en fait sur l’acceptabilité de ce risque pour les thanatopracteurs, par rapport au bénéfice attendu pour les familles des défunts, ce qui relève d’une réflexion sociétale»

Ce débat sociétal fait justement défaut, les différents rapports n’ayant à aucun moment considéré les enjeux sociologiques, culturels ou religieux, du maintien des défunts à leur domicile. Seuls des arguments sanitaires ou de contrôle administratif ont été pris en compte.

Le rapport de synthèse de l’IGAS-IGA de juillet 2013, quant à lui, invoque le principe de précaution et d’uniformisation des pratiques, face à une « activité à risque ». Cependant, même si ce métier comporte plus de risques que d’autres, il n’est pas prouvé que des accidents surviennent, et surtout qu’ils auraient lieu au domicile plutôt que dans d’autres lieux. L’Institut de Veille Sanitaire « reconnait qu’il ne dispose pas de donnée sur les accidents exposant au sang chez les thanatopracteurs ni concernant la surveillance des contaminations professionnelles virales. »

La sénatrice Isabelle Debré, lors des débats parlementaires le 1er octobre 2015, a ainsi résumé la situation : « Le principe de précaution ? Je ne le crois pas, car nous avons interrogé les différents acteurs de cette pratique, ainsi que l’ordre des médecins : ils nous ont assuré qu’il n’y avait jamais eu de cas de contamination ».

 

Conclusion

Il est certainement possible de mieux organiser la profession de thanatopracteur et de maintenir un haut niveau de protection sanitaire, comme le souhaite à juste titre le gouvernement, sans interdire les soins de conservation à domicile. Améliorer la formation initiale et continue bénéficiera à tous les professionnels, quel que soit le lieu de leurs interventions.

De même, il est possible d’autoriser les soins de conservation aux personnes atteintes du virus VIH ou de l’hépatite, sans interdire les soins de conservation à domicile, mais avec des règles sanitaires accrues, dont la vaccination des thanatopracteurs. Une mesure de compromis serait de réserver ces soins dans des lieux dédiés, lorsque le certificat de décès fait mention d’une de ces infections.

 

Greffe d’utérus : l’autorisation est donnée en France

Greffe d’utérus : l’autorisation est donnée en France

greffe uterus

L’Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (ANSM) vient d’accorder une autorisation pour un essai clinique de transplantation d’utérus au CHU de Limoges. L’équipe qui travaille ce sujet depuis 1999 a proposé un protocole d’essai clinique incluant huit femmes, il a été approuvé par le comité de protection des personnes (CPP) de la région.

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Les transplantations d’utérus peuvent concerner les femmes souffrant d’une absence congénitale de cet organe (syndrome de Rokitansky-Küster-Hauser, MKRH qui touche une femme sur 4 500), ou celles ayant dû subir une ablation chirurgicale. Pour espérer obtenir une grossesse, une greffe d’utérus doit obligatoirement être précédée d’une Fécondation In Vitro (FIV) avec congélation des embryons avec les ovocytes de la femme greffée ou ceux d’une donneuse. Pour l’instant, l’ANSM a souhaité limiter l’étude à des femmes qui n’ont pas encore d’enfant.

«La première greffe se fera au mieux fin 2016, avec l’inconnue de la durée d’attente d’un greffon compatible. Ensuite, il faudra attendre un an que la greffe soit stabilisée, avant de mettre en route une grossesse par fécondation in vitro. La première naissance n’aura donc pas lieu avant fin 2018 », explique Tristan Gauthier, gynéco-obstétricien au CHU de Limoges et investigateur principal de l’essai.

Complications pour la mère comme pour l’enfant

La greffe d’utérus se distingue de toutes les autres greffes. « Si l’organe n’est pas vital, c’est celui par lequel la vie est donnée », avaient rappelé les auteurs d’un rapport rendu par l’Académie de Médecine en juin 2015. Dans ce rapport, ils insistaient sur « la complexité de l’acte chirurgical, le dilemme du choix entre donneuse en état de mort cérébrale ou décédée et donneuse vivante et les indications chez la receveuse. Ils décrivaient ensuite le traitement immunosuppresseur avant et pendant la grossesse, les complications plus ou moins graves qui peuvent en émailler le cours et la surveillance particulièrement attentive qu’elles nécessitent. Ils s’interrogeaient sur l’avenir de l’enfant à moyen et long terme, son développement psychomoteur et celui de son système immunitaire et retracaient les nombreuses et délicates questions éthiques que pose la transplantation utérine, des risques courus par la receveuse, du devenir physique et psychologique de l’enfant, enfin du choix entre transplantation utérine et gestation pour autrui et de l’éventualité de dérives ».

Problèmes éthiques

Quant au choix de prélever des utérus sur des donneuses en état de mort cérébrale, « cela procède d’une démarche éthique, celle d’éviter des interventions invasives sur des patientes saines pour prélever un organe non vital aux receveuses ». Mais les médecins espèrent aussi, « en privilégiant des donneuses défuntes, pouvoir accéder à des utérus plus jeunes, et donc plus performants que ceux des donneuses vivantes, généralement des femmes n’ayant plus de projet d’enfant » a souligné le Dr Piver. D’autres sources de donneuses seraient possibles, l’hôpital Foch avait déjà évoqué les transsexuelles femmes devenant hommes.

En octobre 2014, une greffe d’utérus effectuée en Suède avait permis pour la première fois au monde la naissance d’un enfant. Cette équipe avait tenté neuf transplantations réalisées dans le cadre d’un projet, initialement refusé par le comité d’éthique suédois. Parmi ces neuf femmes, huit étaient atteintes du syndrome MKRH et la neuvième d’un cancer du col ayant entraîné le retrait de son utérus. La plupart des greffes avaient été réalisées avec des utérus prélevés sur des mères vivantes pour leurs propres filles. Sur les neuf greffes, deux ont échoué (infections, thrombose), quatre n’ont pas encore donné lieu à des naissances. Mais trois ont abouti. « Trois naissances sur neuf tentatives, c’est presque aussi bien que les techniques de procréation médicalement assistée », analysait alors le Dr Tristan Gauthier.

Le suicide assisté commercial interdit en Allemagne

Le suicide assisté commercial interdit en Allemagne

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Le Bundestag a voté le 6 novembre 2015 une loi interdisant le suicide assisté effectué contre rémunération.

Depuis un an, l’Allemagne a ouvert un débat sur la question du suicide assisté en raison des zones de flou de la loi. L’aide au suicide n’est pas pénalisée tout en étant proscrite par le code de déontologie médicale, pouvant conduire à la radiation, dans certains länders, de médecins qui le pratiqueraient.

Assistance au suicide : légale si passive

L’assistance au suicide n’est pas illégale si elle reste passive (par exemple se procurer les médicaments pour celui qui veut en finir, ou l’accompagner en Suisse auprès d’organismes spécialisés). La zone grise législative (ni interdit ni explicitement autorisé) aurait pu permettre le développement d’activités rétribuées, du type de ce qui se pratique en Suisse.

Plusieurs débats ont eu lieu au Bundestag depuis novembre 2014. La société civile était divisée sur le sujet.

Quatre propositions de loi, déjà présentées en 1ère lecture le 2 juillet dernier, ont été mises au vote :

  • L’interdiction du suicide assisté, proposée par Patrick Sensburg et Thomas Dörflinger (CSU / CDU – parti démocrate chrétien).
  • L’interdiction de tout suicide assisté commercial, projet porté par Michael Brand (CDU), Kerstin Griese (SPD, parti social- démocrate), Kathrin Vogler (Linke : front de gauche) et  Elisabeth Scharfenberg (Grüne : les verts). Ce projet avait le soutien de la chancelière Angel Merkel.
  • L’autorisation du suicide assisté réalisé par des médecins sous certaines conditions, présentée par Peter Hintze et Carola Reimann, tous les deux membres du SPD.
  • La suppression de tout obstacle juridique pour obtenir un suicide assisté sous conditions, proposition autour des verts Renate Künast et Kai Gehring avec Petra Sitte (Linke).

Au cours de cette dernière année, plusieurs instances se sont opposées à une évolution de la loi.

Les professionnels de la prévention du suicide (DGS et NaSpro) regrettent l’orientation de ce débat, qui surestime la capacité de décision en toute liberté d’appréciation d’un candidat au suicide : pour eux la réponse doit être dans le dialogue, l’écoute et des traitements appropriés.

Médecins allemands : majorité contre le suicide assisté

La majorité des médecins allemands sont opposés à cet  acte : pour le président de l’Ordre des médecins, Frank Ulrich Montgomery, les médecins allemands ne veulent pas devenir «les professionnels de la mort». En décembre 2014, le conseil d’Ethique allemand a rejeté également tout changement  législatif lié au suicide assisté.

En juillet dernier, une déclaration commune des églises catholiques et protestantes a été publiée pour exprimer leur opposition au suicide assisté : « Dans une société humaine, la préoccupation majeure doit consister à s’assurer que les gens finissent leur vie bien soignés et accompagnés pour mourir dans la dignité ». Le 2 novembre, la communauté juive allemande a dit sa ferme opposition à toute évolution de la loi.

La veille, le parlement allemand a voté une loi élargissant et facilitant le recours aux soins palliatifs.

CrispR / Cas9 : 1ère étude clinique mondiale annoncée

CrispR / Cas9 : 1ère étude clinique mondiale annoncée

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Ce 5 novembre 2015, une start-up américaine de biotechnologie, Editas Medicine, annonce avoir prévu de lancer un test clinique utilisant la méthode du CrispR / Cas9 en 2017, une première mondiale. La PDG du groupe, Katrine Bosley, a fait cette annonce lors d’une conférence qui s’est tenue à Cambridge. L’expérimentation serait menée sur les gènes responsables d’une maladie congénitale de l’œil extrêmement rare, l’Amaurose de Leber, qui affecte les cellules rétiniennes.

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Editas Medicine est l’une des nombreuses start-up qui planifient d’utiliser la méthode du CrispR/Cas9, Cette technique de biologie moléculaire, simple et peu coûteuse, qui vise à modifier le génome (ADN) humain.

« Le gène responsable de la maladie, nommé CEP290, est très bien identifié et l’œil est facilement accessible par ces traitements génétiques », explique Katrine Bosley. cette technique de modification du génome peut être utilisée dans tout type de cellules, bien que ce ne soit pas toujours simple d’atteindre les cellules à traiter.

Technique révolutionnaire ou dangereuse ?

Cette technique de modification du génome est révolutionnaire et laisse entrevoir d’innombrables potentialités thérapeutiques, comme dans cette étude. Rappelons en revanche qu’elle n’est pas sans poser des questions éthiques importantes, car il est possible de l’utiliser sur des embryons humains ou des cellules germinales humaines, mais c’est  une ligne rouge à ne pas franchir, comme l’a récemment rappelé Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA.