Le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH), organe chargé de veiller à la bonne application de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l’ONU, a rendu le 3 mai une décision de « mesures provisoires » : il demande à l’État français de ne pas mettre à exécution la décision d’arrêt d’alimentation et d’hydratation de Vincent Lambert, suite à l’arrêt du Conseil d’Etat du 24 avril dernier.
Une situation d’obstination raisonnable, pour le Conseil d’Etat
Le Conseil d’État a en effet validé la décision du Dr Sanchez, prise le 9 avril 2018, « d’arrêter les traitements » (nutrition et hydratation) de Vincent Lambert, au nom du refus de poursuivre une situation médicale qualifiée d’obstination déraisonnable.
Cette décision avait été auparavant déclarée légale par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 31 janvier 2019, sur la base d’un rapport de trois experts. Le rapport confirmait l’état végétatif chronique irréversible de Vincent Lambert, mais considérait que sa prise en charge ne relevait pas d’une obstination déraisonnable et qu’il pourrait être accueilli, si nécessaire, dans d’autres structures adaptées à son état.
À la suite de la décision du Conseil d’État, les avocats des parents avaient mis en œuvre deux ultimes recours, l’un devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’autre auprès du Comité de l’ONU compétent pour les droits des personnes handicapées.
La CEDH rejette le nouveau recours
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a refusé, le 30 avril, « les demandes de mesures provisoires qui lui ont été présentées, à savoir de suspendre l’exécution de l’arrêt du Conseil d’État du 24 avril 2019 et prononcer une interdiction de sortie du territoire de Vincent Lambert ».
Elle confirme ainsi implicitement sa première décision de juin 2015 qui validait, à l’issue de multiples procédures judiciaires, la décision du Dr Kariger prise en avril 2013 d’arrêter la nutrition et l’hydratation de Vincent Lambert.
Pour mémoire, le Dr Kariger ayant entretemps quitté l’hôpital de Reims, c’est un nouveau médecin – le Dr Sanchez – qui a ensuite repris à zéro la procédure collégiale et a pris la même décision en avril 2018 (voir ici l’ensemble des procédures depuis 2013).
Une situation de handicap, pour le Comité de l’ONU
Le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) a par contre accueilli favorablement le recours des parents et a décidé d’accorder les « mesures conservatoires » qui avaient été demandées. Leur but est de permettre à Vincent Lambert de rester en vie, en continuant d’être nourri et hydraté. Ces mesures d’urgence ne préjugent pas de la décision que prendra le Comité sur la recevabilité ou le fond de l’affaire, qui seront examinés plus tard.
Ce Comité est composé de 18 experts indépendants désignés par les Etats. Il peut être saisi, comme la CEDH, une fois que toutes les voies de recours internes au pays ont été épuisées. Sa mission est de surveiller la bonne application de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH), à laquelle la France a adhéré depuis 2010.
Comme l’explique le Guide diffusé par le Défenseur des droits Jacques Toubon, qui est chargé de veiller à la bonne application de la CIDPH en France (document daté de décembre 2016, page 10) : « Après examen de la communication et enquête auprès de l’État mis en cause, le Comité émet, le cas échéant, des recommandations afin que l’État prenne les mesures appropriées pour remédier à cette situation. »
Signataire du Protocole facultatif à la CIDPH, qui permet à des particuliers ou à des groupes de personnes de saisir ce Comité, la France dispose de six mois pour apporter ses explications. Même si Mme Buzyn, ministre de la Santé, considère que « la France n’est pas tenue » par ce que pourra décider le Comité, notre pays s’est engagé à respecter cette procédure et à prendre en compte de bonne foi les recommandations qui pourraient être prises.
La procédure devant l’ONU, qui pourrait durer plusieurs années, ne fait pas double emploi avec celles qui ont échoué précédemment. Les arguments mis en avant par les avocats des parents s’appuient sur des dispositions plus précises en faveur des personnes handicapées, contenues dans la Convention onusienne. Ni le Conseil d’Etat, ni la CEDH ne semblent avoir réellement pris en compte ces dispositions dans leurs décisions récentes. Il est donc difficile de présager aujourd’hui ce que le Comité d’experts pourra être amené à décider.
Comme l’explique une spécialiste des droits de l’homme : « Cet avis est non obligatoire du point de vue du droit international, mais les comités onusiens cherchent à l’imposer. Les États font en général preuve de bonne volonté. Sinon, ils saperaient toute autorité du comité ».