Avortements aux Etats Unis : chiffres et tendances

Avortements aux Etats Unis : chiffres et tendances

avortement etats unis 2

L’évaluation chiffrée de l’avortement aux Etats Unis s’appuie généralement sur deux sources différentes. La première source est publique : il s’agit du Center for Disease Control and Prevention, CDC, une agence fédérale dépendant du Département (ministère) de la Santé et basée près d’Atlanta (Géorgie). La seconde source régulière est privée : il s’agit de du Guttmacher Institute, un institut fondé en 1968 par Alan Guttmacher et basé à New York. Alan Guttmacher était un gynécologue obstétricien américain, qui a présidé la PPFA (Planned Parenthood Federation of America), le planning familial américain de 1962 à 1974. Il a également fondé l’ASA (Association for the Study of Abortion, association pour l’étude de l’avortement) en 1965 et a été le vice-président de l’American Eugenics Society.

Les chiffres fournis par le CDC pour 2019.

Le site du CDC fournit à la fois des chiffres sur l’avortement et des informations sur la collecte de ces données. Etant une agence fédérale, le CDC s’appuie généralement sur 52 “reporting areas” qui sont en fait les Agences de Santé de chaque Etat américain, ainsi que la Capitale (Washington District of Columbia) et la ville de New York. Il est important de noter qu’il n’y a pas d’obligation de remontée des chiffres. La collecte du CDC se fait sur une base de volontariat. Ainsi, la Californie et le New Hampshire ne fournissent pas des données au CDC depuis plusieurs années. Le CDC a démarré cette collecte, sous le nom de “CDC Abortion surveillance system” depuis 1969, dans un rapport plus global appelé MMWR (Morbidity and Mortality Weekly Report). Le rapport le plus récent publié en 2021, porte sur 2019. Entre 2010 et 2019, 48 régions ont chaque année remonté des chiffres vers le CDC. En 2019, le CDC fait état d’environ 630000 avortements dans 49 régions (La Californie, le Maryland et le New Hampshire n’ont pas reporté). Le taux d’avortement, défini pour 1000 femmes âgées de 15 à 44 ans, se situe à 11.4 pour mille dans les régions ayant reporté des chiffres. Par comparaison, le taux en France se situe à 15.7 en 2019. Les femmes âgées de 20-24 ans et de 25-29 ans représentent respectivement 27.6% et 29.3% des femmes ayant avorté aux Etats Unis. Environ 18% des grossesses se terminent ainsi par un avortement provoqué. Du point de vue de l’avancement de la grossesse, 79.3% des avortements ont lieu lors des 9 premières semaines de grossesse et 92.7% ont lieu avant la quatorzième semaine. L’origine ethnique des femmes ayant avorté est l’objet de nombreux commentaires dans les médias récemment. Sur les 29 régions fournissant des données, les femmes afro-américaines représentent 38.4% des avortements, avec un taux d’avortement de 23.8 pour mille. La population américaine d’origine africaine représentant 12.7% de la population américaine, la disproportion est donc très importante. Le revenu moyen des ménages américains en 2019 est estimé par le Census Bureau, équivalent américain de l’INSEE, à 67000 dollars contre une moyenne à 45870 dollars pour la population afro-américaine. Ces indications montrent une situation similaire à celle de la France, où l’avortement peut s’avérer un marqueur d’injustice sociale. D’une part le taux d’avortement est nettement supérieur à la moyenne française dans certains départements d’outre-mer, et d’autre part les femmes en situation de précarité y ont davantage recours.

Un dernier fait notable : le taux d’avortement varie fortement entre les “reporting areas”. Il est le plus élevé dans la ville de New York, à 27.2 pour mille, et le plus bas dans le Missouri à 1.2. Le Texas se situe à 9.5 et l’Etat du Colorado, le premier à avoir dépénalisé l’avortement en 1967 se situe à 7.6. Alliance VITA a publié une note analysant le lien possible entre législation et nombre d’avortement, suite au rapport de l’OMS abordant cette question.

La tendance observée sur les années.

Malgré des données incomplètes, les chiffres reportés par le CDC montrent une tendance à la baisse au niveau national du taux d’avortement depuis un pic de 25 pour mille en 1979. Ce taux était autour de 14 en 1973, année de l’arrêt Roe vs Wade (voir notre FA à ce sujet). Le taux passe aux alentours de 16 en 2000, et poursuit une baisse lente sur les deux dernières décennies. Cette baisse a lieu dans un contexte de baisse de la natalité et de vieillissement de la population. Si la population américaine est passée de 249 M en 1990 à 330 M en 2020, date du dernier recensement, le taux de naissance a baissé sur la même période de 16.7 à 11.4 (nombre de naissances pour 1000 habitants).

Les données publiées par le Guttmacher Institute.

Le Guttmacher Institute produit des données à partir de remontées faites par les établissements. Les enquêtes ne sont pas conduites chaque année. Les données disponibles sur le site date de 2017 et font état d’un taux d’avortement à 13.5 pour mille, avec un total d’avortement pour les Etats Unis de 862320. Les chiffres de l’institut montrent la même tendance longue à la baisse pour le taux d’avortement sur les dernières décennies.

Au total, en matière de santé publique ces données mettent en lumière la nécessité pour les Etats d’étudier la nature des facteurs, sociaux, économiques, culturels, et également les pressions, qui influencent le recours à l’avortement. Cela pourrait aider à mettre en oeuvre des politiques de prévention de ces situations et d’apporter des aides adaptées.

Identité numérique : l’Etat français crée un service pour faciliter l’identification (SGIN).

Identité numérique : l’Etat français crée un service pour faciliter l’identification (SGIN).

Les mots « identité numérique » recouvrent plusieurs réalités. Il y a ce que la personne déclare elle-même, c’est l’identité déclarative qui peut être un nom ou un pseudo utilisé sur les applications numériques. Il y a ce que les autres peuvent percevoir et déduire des interactions numériques de la personne. On parle alors d’identité calculée, par exemple via des algorithmes, et d’identité agissante, établissant une cartographie partielle de la personne à partir de ses connexions, ses clics…  L’identité numérique est ce qui permet de reconnaître une personne en ce qu’elle a d’unique, et ce qui permet à une personne de prouver cette identité par une technologie numérique.

Service de garantie d’identité numérique SGIN

L’Etat vient de publier un décret de création d’un service de garantie de l’identité numérique (SGIN), présenté comme facultatif et libre. Ce décret abroge en même temps un précédent projet de création d’authentification en ligne sur mobile (Alicem) projet en phase de test depuis juin 2019, et qui s’appuyait sur un outil de reconnaissance faciale. L’objectif de ce service est de faciliter la vie numérique au quotidien, en prouvant son identité par un seul outil digital, de façon sécurisée.

Le SGIN est inséré dans la puce du nouveau modèle de cartes d’identité (Carte Nationale d’Identité électronique CNIe) distribué depuis le 2 août 2021. La puce contient deux types d’information : l’état civil et les données biométriques d’un côté, et le compartiment identité numérique reprenant les données d’état civil hors données biométriques (la photographie et les empreintes digitales). L’application est présentée sur le site France identité numérique et sera disponible en test à partir de ce mois.

L’identification passe par une authentification de l’utilisateur de l’application : à l’aide de son smartphone, les données de la CNIe sont lues et le justificatif d’identité est généré. La CNIL, qui avait émis des réserves sur Alicem, a délivré en décembre dernier son avis sur ce décret. Dans sa délibération, la CNIL soulignait l’importance de garantir par principe le caractère facultatif de son utilisation. Elle demandait également une simplicité d’utilisation “pour tous les publics, y compris ceux les moins rompus au numérique”. Elle note aussi qu’à la différence d’Alicem, l’application ne nécessite pas d’enregistrer des données supplémentaires que celles utilisées pour créer une carte d’identité. Au total, la CNIL a donné son aval à ce dispositif.

La reconnaissance faciale et la loi de Gabor

Au même moment, la Commission des lois du Sénat vient de rendre public un rapport d’information sur “la reconnaissance biométrique dans l’espace public”. Les développements technologiques et en particulier les avancées de l’intelligence artificielle (IA) ont popularisé la technologie de la reconnaissance faciale. Selon le rapport, “Les questions que pose le déploiement de la reconnaissance faciale sont nombreuses. Elles ont trait tant aux libertés publiques qu’à la souveraineté technologique de la France, les deux thématiques étant interdépendantes”.

Toutes les technologies utilisant le support numérique facilitent le stockage et l’analyse des données, ainsi qu’une centralisation et une transmission en masse, et présentent des risques de fuite, de pertes, de piratage mais aussi d’utilisation à des fins de contrôle qui peuvent menacer les libertés individuelles et la vie privée. Des reportages et articles ont régulièrement présenté des utilisations de la reconnaissance faciale alliée à de l’IA en Chine, leader sur ces technologies. Le niveau de contrôle exercé sur la population avec par exemple la mise en place d’un système de “crédit social” utilisant l’IA dessine la menace d’un “Big Brother”, symbole du totalitarisme puissamment imaginé par Georges Orwell dans 1984.

La Commission des lois du Sénat entend donc faire des propositions pour “écarter le risque d’une société de surveillance”.  Pour cela elle propose 4 interdictions :

  1. Interdiction de la notation sociale,
  2. Interdiction de la catégorisation des individus (selon le sexe, les opinions, l’origine ethnique…),
  3. Interdiction de l’analyse de l’émotion,
  4. Interdiction de la surveillance biométrique à distance en temps réel.

La Commission avance aussi 3 principes : subsidiarité, contrôle humain systématique et transparence. Ces 4 interdictions et 3 principes définissent les “lignes rouges écartant le risque d’une société de surveillance” selon l’expression du rapport. Ces lignes rouges sont accompagnées d’une méthodologie : des expérimentations encadrées par la loi pour “créer le débat et déterminer les usages de la reconnaissance biométrique”, avec des évaluations publiques et indépendantes.

La méthodologie comprend aussi la publication d’informations à destination du grand public pour qu’il comprenne mieux les enjeux. Troisième pilier des propositions du rapport, les lignes rouges et la méthodologie expérimentale encadrée sont accompagnées d’un contrôle à priori et à posteriori. Sur le papier, cet ensemble de dispositifs dessine des limites à l’Etat dans l’utilisation des technologies à des fins de contrôle. Dans une interview, le rapporteur Marc-Philippe Daubresse souligne la fixation des “lignes rouges au-delà desquelles aucun usage de la reconnaissance faciale ne pourrait être admis à l’instar des lignes rouges fixées en matière de bioéthique“.

Et de fait, la synthèse du rapport, en page 2 et 3, permet de comprendre le parallèle avec la bioéthique.

Ainsi l’interdiction de la catégorisation s’accompagne d’un “sauf dans le cadre de la recherche scientifique et sous réserves de garanties appropriées”. L’interdiction de l’analyse d’émotion s’entend “sauf à des fins de santé ou de recherche scientifique et sous réserve de garanties appropriées”. Enfin l’interdiction “de la surveillance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public” comporte un “sauf exceptions très limitées au profit des forces de sécurité ; en particulier “lors de manifestations sur la voie publique et aux abords des lieux de culte”.

La “loi de Gabor” qui est une maxime et non une loi physique inéluctable stipule que ” ce qui peut être fait techniquement le sera nécessairement”. La réflexion morale sur les limites à poser sans exception est une urgence dans de nombreux champs, bioéthique et politique.

Autonomie et dépendance : la grande confusion

Autonomie et dépendance : la grande confusion

autonomie et dependance

L’autonomie est souvent synonyme de liberté et d’indépendance. Ainsi, aujourd’hui, lorsqu’on parle de « perte d’autonomie », on l’assimile communément à la dépendance. On les fond l’une dans l’autre si bien qu’une personne dépendante sera parfois trop facilement considérée comme en perte d’autonomie, voire sans aucune autonomie.

Bien que les deux termes soient proches, ils n’ont pas le même sens.

Être autonome, ce n’est pas être indépendant.

La dépendance, c’est-à-dire le contraire de l’indépendance, concerne bien sûr le tout petit enfant à la fois dépendant et peu autonome.Cette dépendance advient aussi lorsque les capacités physiques s’amoindrissent, conduisant à des difficultés à exécuter des actes du quotidien. La personne dépendante est celle qui, suite à une maladie ou un accident, n’est plus capable de réaliser les diverses activités de la vie quotidienne (activités physiques, sociales…)

L’autonomie, c’est l’autonomie de la volonté, c’est la capacité de la personne à discerner et à prendre des décisions. Si la personne autonome est capable de décider et d’agir seule, l’autonomie ne signifie aucunement l’absence de liens. Nous sommes tous interdépendants, et cette dépendance – consubstantielle de notre nature humaine – des uns envers les autres est source de liens et de fraternité. Il convient de ne pas ignorer l’ensemble des relations qui structurent et soutiennent toute personne. En réalité, les capacités d’actions et de décisions de chacun sont soutenues par de multiples relations (sociales, techniques, institutionnelles, symboliques…).

Pour Kant, le philosophe de l’autonomie, l’autonomie est une histoire de discernement, de décision, de devoir et non d’aptitude physique à réaliser tel ou tel geste. Il nous dit ceci : « l’essentiel n’est point dans les actions, que l’on voit, mais dans ces principes intérieurs des actions que l’on ne voit pas. »

Ainsi une personne âgée ou porteuse de handicap peut être autonome, au sens où elle peut prendre des décisions la concernant, tout en étant partiellement voire complétement dépendantes dans ses gestes du quotidien.

Dans l’accompagnement des personnes devenues dépendantes, il est important de garder à l’esprit qu’avoir besoin d’aide au quotidien n’implique pas forcément de devenir incapable de prendre certaines décisions.

Pourtant, dans l’accompagnement d’une personne malade, porteuse de handicap ou âgée, cette confusion peut conduire à cette tentation de considérer que la dépendance physique bien réelle de cette personne fait qu’elle n’est plus autonome, et qu’il faut donc prendre les décisions à sa place. Ce raisonnement est faux : on peut être autonome, c’est-à-dire capable de se gouverner soi-même ; et dépendant, c’est-à-dire dans l’incapacité partielle ou totale d’effectuer sans aide les activités du quotidien.

Décryptant les clichés sur les Ehpad qui pèsent sur les projets de vie des personnes âgées, le Professeur Frédéric Bloch, Chef de service de Gériatrie dans un CHU attaché à un laboratoire de Neurosciences Fonctionnelles et Pathologies rappelle que « Trop souvent est entretenue l’idée que l’on peut tracer des parallèles entre début et fin de la vie et opposer presque terme à terme, comme des images en miroir inversées, ces deux âges. (…) Dans tous les cas, il est nécessaire d’accorder une présomption de compétence c’est-à-dire que ni l’âge, ni les troubles cognitifs ou un diagnostic de maladie d’Alzheimer ou apparentée, ne présupposent que la personne soit automatiquement incompétente. »

Aujourd’hui, il arrive encore trop souvent que l’on décide « pour » les personnes âgées, et pas « avec » elles, sur des questions qui les concernent au quotidien. Relevons deux initiatives positives : Citoyennage, une démarche qui lie Citoyenneté et Grand âge et le Cercle Vulnérabilités et Société qui étudie concrètement la manière dont les vulnérabilités du champ social et de la santé peuvent devenir un véritable levier de développement économique et social.

Nécessité d’un suicide ?

Nécessité d’un suicide ?

Nécessité d’un suicide ?

 

Aide au suicide : relaxe par un tribunal d’Angers

Un homme a fourni à un ami souffrant de la maladie de Charcot une ordonnance lui permettant de se suicider. Lundi 2 mai 2022, le tribunal correctionnel d’Angers l’a relaxé en première instance en se fondant sur « l’état de nécessité ». Le parquet a fait appel.

Le prévenu est un vétérinaire de 62 ans. Tenant à rester anonyme, il affirme, selon son avocat, avoir agi « par compassion et empathie » en 2019, en permettant à un ami âgé de 59 ans qui souffrait de la maladie de Charcot ou SLA (sclérose latérale amyotrophique), de se procurer un produit vétérinaire pour mettre fin à ses jours. La SLA est une affection neurologique invalidante évolutive de plus en plus souvent invoquée par les promoteurs de l’euthanasie.

Quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle, c’est à la compagne d’un patient atteint de la même maladie que le candidat-président Emmanuel Macron a fait état de sa préférence pour le « modèle belge », en matière d’euthanasie…

Le métier de vétérinaire n’autorise pas la prescription de médicaments aux êtres humains ; fournir des moyens illégaux pour se suicider est par ailleurs condamné par la loi française. Au départ poursuivi par le parquet pour « assassinat et tentative d’assassinat », un non-lieu a été prononcé sur ces chefs d’accusation ; le prévenu n’a donc été poursuivi que « pour faux et usage de faux », en raison de la fourniture d’une ordonnance factice.

Pour le dédouaner de cet acte manifestement illégal, les magistrats ont utilisé un concept juridique centenaire, quoique rarement produit devant les tribunaux : « L’état de nécessité ». Ce moyen fut inventé en 1898 pour dédouaner une jeune femme d’un vol de pain dicté par la misère et la faim de sa famille. Il est en principe soulevé pour que ne soient pas condamnées des personnes qui ont commis un acte délictueux pour des motifs louables.

Soulever devant un tribunal, l’état de nécessité vise à demander aux juges de renoncer à un jugement inhumain. Mais cela peut également être perçu comme un moyen abusif de s’exonérer à bon compte de ses responsabilités. Dans le cas d’espèce, peut-on aussi y déceler une volonté de « faire bouger les lignes » en provoquant, une dépénalisation jurisprudentielle de l’assistance au suicide ? L’avocat du vétérinaire affirme que « son geste n’a rien de militant », mais il n’est pas exclu que la posture des magistrats ait une dimension provocatrice.

Certains commentateurs de la décision la saluent comme les prémices d’une future loi, qu’ils estiment inéluctable, d’autres tentent d’exhumer la notion, « exception d’euthanasie » qui, à leurs yeux, permettrait, sans dépénaliser le geste euthanasique, de ne pas le sanctionner, dans certains cas, sous le contrôle des magistrats. En 2019, le tribunal correctionnel de Lyon avait relaxé au nom de « l’état de nécessité » des militants écologistes qui avaient décroché les portraits officiels du président de la République, pour protester contre son « inaction » écologique. En appel, puis en cassation, cette décision avait été annulée, en toute logique.

Il devrait en être de même pour le relaxé d’Angers, car il y aura lors d’un second jugement : le parquet ayant confirmé le 5 mai avoir fait appel, l’affaire sera réexaminée ultérieurement. L’état de nécessité suppose un « danger actuel ou imminent », un « acte nécessaire à la sauvegarde de la personne » et une « disproportion entre les moyens employés – qui ne doivent pas être exorbitants – et la gravité de la menace ». Aucun de ces critères ne semble ici opérant : il n’y avait pas urgence dans la cadre de cette maladie chronique, et l’acte de provoquer la mort, qui contredit la sauvegarde de la personne, est exorbitant, d’autant qu’il y avait d’autres moyens pour soulager et accompagner le patient.

A ce titre, Alliance VITA, déplore l’utilisation croissante de la maladie de Charcot dans le débat sur la fin de vie. Il est injuste de laisser entendre que les patients atteints d’une telle pathologie – certes gravissime – n’ont pas d’autre solution que le suicide ou l’euthanasie. On risque de stigmatiser ces patients, leur proches et leurs soignants. En réalité, les patients souffrant de SLA ne génèrent pas des situations cliniques ingérables pour des équipes correctement formées.

La formation des soignants est d’ailleurs le « nouveau combat » du courageux rappeur Pone qui vit à Gaillac, au milieu de sa famille, malgré sa lourde paralysie due à la maladie de Charcot. Non seulement les soins palliatifs sont particulièrement appropriés pour accompagner ces patients sans acharnement thérapeutique, ni euthanasie, mais surtout exclure des soins palliatifs et de la prévention du suicide ceux qui en ont le plus besoin serait aussi absurde qu’inhumain.

 

Pour aller plus loin :

Etude : quel accompagnement pour la maladie de Charcot (SLA) ?

nécessité d’un suicide ?

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Naissance par GPA en France : une plainte a été déposée

Naissance par GPA en France : une plainte a été déposée

L’Ukraine fait partie des quelques pays qui tolèrent la gestation pour autrui (GPA) sur son sol. Depuis quelques années, de nombreux étrangers, souvent par l’intermédiaire d’agences, y ont recours, même lorsque cette pratique est tolérée dans leur propre pays, car les tarifs y sont attractifs. On estime le nombre de GPA entre 2000 et 2500 par an. La précarité et les difficultés économiques ont conduit nombre d’ukrainiennes à se soumettre à cette forme d’exploitation procréative. La crise sanitaire, puis la guerre, ont mis en lumière les inextricables injustices et difficultés que cette pratique induit. Le contrat signé par la mère porteuse, dans les faits, donne à l’Agence et aux commanditaires un contrôle total sur sa vie et son corps. La mère porteuse ne s’appartient plus. De plus, les déplacements tragiques de population et l’interruption des services administratifs du Bureau d’enregistrement des naissances ont fait exploser le cadre dans lequel ces GPA s’opéraient sur le sol ukrainien. Les ressorts juridiques exploités par les commanditaires pour faire aboutir leur projet de GPA se trouvent ainsi mis à mal et les obligent à trouver d’autres voies pour obtenir le bébé ayant fait l’objet du contrat.

En France, on estime que deux bébés naissent chaque semaine en Ukraine pour des clients français. Des enquêtes, dont celle menée par Le Figaro ont révélé que des mères porteuses ukrainiennes avaient été rapatriées en France. Comme Katarina, par exemple, arrivée en mars, venue sans ses enfants, deux filles de dix et trois ans, qui ont dû rester avec leur grand-mère. Deux « bébés GPA » sont déjà nés, un dans la région lyonnaise et l’autre en Vendée.

Mais cette pratique est interdite sur notre sol. Pour contourner cela, les clients français qui font venir leur mère porteuse en France la font alors « accoucher sous X », l’homme qui a fourni ses gamètes pour la conception procède à la reconnaissance de l’enfant, puis son conjoint ou sa conjointe entame par la suite une demande d’adoption.

L’association Juristes pour l’enfance vient de déposer plainte contre X pour incitation à abandon d’enfant. En effet, « les commanditaires de la GPA se rendent coupables du délit d’incitation à abandon d’enfant, sanctionné par la loi[i]. Le délit étant consommé en France, il est soumis au droit français et le juge français est compétent. Ces personnes doivent par conséquent être poursuivies ».

Par ailleurs Juristes pour l’enfance souligne que l’accouchement sous X est ainsi détourné de sa finalité et utilisé afin de permettre aux commanditaires de la GPA de parvenir à leurs fins : à savoir obtenir un enfant “sans mère”, un enfant dont la lignée maternelle est volontairement laissée vide. Il y a donc une fraude à la loi caractérisée.

En outre, selon l’association, l’adoption ainsi projetée constitue un détournement de l’institution de l’adoption : « accepter l’adoption de l’enfant après la GPA permettrait le contournement de la Convention de La Haye sur l’adoption internationale, par laquelle les États se sont engagés à protéger les enfants contre les trafics en refusant l’adoption lorsque le consentement des parents biologiques a été obtenu avant la naissance et/ou moyennant finance. Or, c’est précisément ce qu’organise le contrat de GPA : l’engagement de la mère d’abandonner l’enfant, engagement pris avant la naissance et même avant la conception programmée dans ce but, ici contre rémunération ».

Juristes pour l’enfance demande donc au procureur de refuser d’enregistrer la reconnaissance de paternité souscrite par le géniteur de l’enfant, ainsi que les tribunaux français l’ont déjà jugé, approuvés en cela par la Cour européenne des droits de l’homme le 7 avril 2022 : en effet, le fait d’avoir engendré l’enfant ne confère pas tous les droits à son égard et, en particulier, ne confère pas le droit d’acheter à la mère son abandon.

Ces situations montrent l’impossibilité de cantonner des pratiques illégales dans notre pays mais légales ailleurs. Le marché de la reproduction devient mondial et le moins-disant éthique finit par essaimer au-delà de ses frontières de départ. Ces faits viennent aussi questionner la « ligne rouge » réaffirmée par le Président sur la pratique de la GPA lors de la récente campagne électorale.

Pour Alliance VITA, qui alerte depuis de nombreuses années et à nouveau expressément dans le cadre des élections nationales de 2022, l’abolition mondiale de la GPA est une mesure d’une urgence criante.

 


[1] Article 227-12 alinéa 1 du code pénal : le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d’autorité, les parents ou l’un d’entre eux à abandonner un enfant né ou à naître est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Le fait, dans un but lucratif, de s’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

 

Pour aller plus loin :

Déconstruire la GPA « éthique », VITA 2021
[Vidéo] – Webinaire VITA « La réalité de la GPA »
GPA : de la ligne rouge au tapis rouge

Naissance par GPA en France : un double détournement et un précédent ?
Dossier bioéthique d’Alliance VITA