Conseil d’Etat : les conditions actuelles de l’AMP ne sont pas contraires à l’égalité

Conseil d’Etat : les conditions actuelles de l’AMP ne sont pas contraires à l’égalité

Le Conseil d’Etat, dans une décision du vendredi 28 septembre, a justifié le refus du CHU de Toulouse d’ouvrir l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) à deux femmes sans partenaire masculin. Il affirme que la différence de traitement avec un couple homme-femme n’était pas contraire au principe d’égalité.

En février 2018, un couple de femmes avaient saisi le Tribunal administratif de Toulouse pour excès de pouvoir du centre d’assistance médicale à la procréation du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse. Ce dernier avait refusé, en 2014, d’accéder à leur demande d’avoir recours à une fécondation in vitro avec donneur, arguant des soucis d’infertilité. En juillet dernier, elles ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC*) auprès du Conseil d’Etat, contestant la loi de bioéthique en vigueur relative aux conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation. Les deux femmes dénoncent la loi actuelle, qui réserve le recours à l’assistance médicale à la procréation aux couples infertiles ou risquant de transmettre une maladie à l’enfant, comme ne respectant pas le principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’était pas nécessaire de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel, car « la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. » Pour lui, le Code de la santé est clair sur les conditions nécessaires pour pouvoir accéder à une AMP, et ces conditions ne contreviennent pas au principe d’égalité devant la loi, qui est garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

En effet, selon la jurisprudence dans ce domaine, « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. »

Les juges expliquent ainsi l’absence de discrimination : « Les couples formés d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe. Il résulte des dispositions de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique qu’en réservant l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples composés d’un homme et d’une femme, vivants, en âge de procréer et souffrant d’une infertilité médicalement diagnostiquée, le législateur a entendu que l’assistance médicale à la procréation avait pour objet de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple sans laquelle celui-ci serait en capacité de procréer. La différence de traitement, résultant des dispositions critiquées, entre les couples formés d’un homme et d’une femme et les couples de personnes de même sexe est en lien direct avec l’objet de la loi qui l’établit et n’est, ainsi, pas contraire au principe d’égalité. Il en résulte que la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. »

Cette décision intervient alors que l’éventuelle extension du recours de la PMA avec donneur, sans partenaire masculin, aux femmes seules ou à deux fait l’objet de débats houleux dans la société.  Dans son avis n° 129 sur la révision de loi de bioéthique, le Comité Consultatif National d’Ethique souligne que cette demande s’inscrit « dans une revendication de liberté et d’égalité dans l’accès aux techniques d’AMP pour répondre au désir d’enfant ».

En revanche, le président du CCNE lors de l’audition du 25 septembre dernier par la mission d’information parlementaire de la révision de la loi bioéthique, recommandait que le principe d’infertilité puisse continuer à s’appliquer aux couples homme-femme alors qu’il ne serait pas requis pour les femmes seules ou à deux. Aux discriminations imposées aux enfants privés délibérément de père par la loi, viendrait s’ajouter une nouvelle forme de discrimination si l’extension de PMA était ainsi légalisée.

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* Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, il est en effet possible de contester la conformité à la Constitution d’une loi déjà entrée en vigueur :  «  La QPC est le droit reconnu à toute personne, partie à un procès, de soutenir qu’une disposition législative est contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit. Ce contrôle est dit a posteriori, puisque le Conseil constitutionnel examine une loi déjà entrée en vigueur. »

 

Démographie : 4 « surprises » depuis 50 ans selon l’INED

Démographie : 4 « surprises » depuis 50 ans selon l’INED

demographie
Quatre « surprises démographiques », qui sont en fait des évolutions connues, sur la période 1968-2018 sont détaillées dans le numéro de mars de Population et Sociétés à l’occasion des cinquante ans de publication de ce bulletin d’information scientifique : l’augmentation de l’espérance de vie ; le report des naissances ; l’augmentation des naissances hors mariage et le succès des pacs.
 L’augmentation de l’espérance de vie
L’espérance de vie a augmenté de 11 ans en l’espace de 50 ans, passant de 71,5 ans en 1967 à 82,5 ans en 2017 sexes confondus. En revanche, elle a tendance à progresser moins vite depuis quelques années ce qui laisse penser que l’allongement de la vie pourrait atteindre ses limites bientôt (+2 mois depuis 2010 contre +3 mois en moyenne ces cinquante dernières années).
Le recul de la mortalité infantile peut expliquer en partie cette progression : elle a baissé de moitié de 1950 à 1960 et a continué de diminuer  pendant la décennie suivant pour atteindre 18 ‰ en 1970. Cependant, elle ne représente maintenant qu’une faible part de la mortalité et même si le recul se poursuit, il n’a presque plus d’effet sur l’espérance de vie.
Cette dernière progresse grâce au succès rencontrés dans la lutte contre la mortalité adulte et en particulier aux âges avancés où se concentrent davantage les décès. A l’époque, on pensait que la mortalité à ces âges ne pouvait diminuer et que l’espérance de vie butterait rapidement sur un plafond biologique. Il faut noter ici la part importante des progrès médicaux (actions de prévention, traitement et diagnostics précoces) depuis ces dernières années. A l’heure actuelle, les maladies cardiovasculaires et les cancers sont les causes principales de mortalité.
L’espérance de vie à 60 ans n’a cependant plus progressé au cours des trois dernières années : elle se maintient à 23,2 ans pour les hommes en 2017 comme en 2014, et baisse légèrement pour les femmes (27,7 ans en 2014, 27,6 ans en 2017).
Le report des naissances
Depuis la fin du baby-boom, les femmes mettent au monde environ deux enfants en moyenne. L’âge des mères à la naissance n’a cessé de progressé depuis 1977. Alors qu’il était de 24 ans en moyenne pour un premier enfant, il est de 30,7 ans en moyenne en 2017. Il peut y avoir plusieurs raisons associées à ces maternités de plus en plus tardives : l’allongement de la durée des études, la progression de l’emploi des femmes et à la volonté de plus en plus forte de n’avoir d’enfant qu’une fois bien installés dans sa vie. Il faut noter également l’impact de la diffusion des différents moyens de contraception ainsi que de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse, comme le souligne l’INED.
Il n’est pas exclu que cet âge moyen à la maternité continue à se décaler pour atteindre 32 ans. C’est presque le cas en Espagne où il est de 31,9 ans en 2015.  A noter, si les femmes attendent trop avant de devenir mères, elles pourraient ne plus pouvoir enfanter lorsqu’elles le souhaiteraient. Le risque moyen de ne pas pouvoir enfanter croît avec l’âge : 4% à 20 ans ; 14% à 35 ans, 35% à 40 ans et près de 85% à 45 ans. Si certaines femmes en incapacité de concevoir sont tentées par une assistance médicale à la procréation, peu sont conscientes que la médecine reste impuissante passée 40 ans,  souligne le bulletin. Les naissances de mères de 40 ans ou plus ne représentent que 4% des naissances en 2016.
L’augmentation des naissances hors mariage
En 1966, seulement 6% des enfants nés en France métropolitaine avaient des parents non mariés lorsqu’ils sont nés. Ils sont 58,5% en 2016, soit 435 000 sur les 745 000 naissances. Force est de constater que la norme sociale a changé : les naissances hors mariage sont désormais plus nombreuses que les naissances de parents mariés. Elles surviennent également le plus souvent au sein des couples stables. Ces naissances hors mariage nécessite une reconnaissance paternelle : 5/6 enfants le sont en 2005 contre 1/5 au début des années soixante-dix. Au total, moins de 4% de l’ensemble des enfants ne sont pas reconnus dans l’année de leur naissance.
L’augmentation des pacs
De 20 000 en 2001, le nombre de pacs a très fortement augmenté passant à 192 000 en 2016. A l’origine le pacs a été instauré en partie pour permettre aux couples de même sexe de faire enregistrer leur. Or, la forte hausse est due pour une bonne partie à l’essor des pacs pour les couples homme-femme, multiplié par douze en 15 ans (184 000).
En parallèle, le nombre de mariage diminue, de 296 000 en 2001 à 2 33 000 en 2016. En revanche, si une partie des pacs sont conclus pour des simples raisons juridiques ou fiscales, ce n’est pas le cas pour la plupart des mariages.
 

Sédation : Publication d'un document pour les professionnels – Caroline Roux, Emission A la Source

Caroline Roux, déléguée générale adjointe d’Alliance VITA et responsable du service d’écoute SOS Fin de Vie, était l’invitée de l’émission A la Source, le 15 mars 2018. Elle revient sur la publication d´un document sur la sédation profonde pour les professionnels. (à partir de 6:10 mn).

Quelques verbatim extraits de l’émission :
“Elles arrivent au bon moment.”
“Il reste une ambiguïté autour des états pauci-relationnels : ce sont des personnes qui ne sont pas en fin de vie.”
Comprendre l’intention, les demandes.”
“Nous encourageons que ces personnes soient dans des unités spécialisées.”
 

Euthanasie, nouvelle offensive : 156 députés appellent à légiférer

Euthanasie, nouvelle offensive : 156 députés appellent à légiférer

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Euthanasie, nouvelle offensive : 156 députés appellent à légiférer

Intitulée « Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps »,  une tribune signée par un collectif de 156 députés, en grande partie issus de la majorité (LREM), a été publiée le 28 février dans Le Monde pour demander de légiférer sur une « aide active à mourir ».

A l’initiative de cette tribune se trouve le député Jean-Louis Touraine, auteur d’une récente  proposition de loi sur l’euthanasie et responsable d’un groupe d’étude sur la fin de vie à l’Assemblée nationale. Parmi les signataires figure également l’ancien Premier ministre, Manuel Valls.

Dans cette tribune, les signataires appellent à « sortir de l’hypocrisie qui privent certains d’une aide souhaitée et qui impose à tous une agonie pénible. Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps et, c’est essentiel, de leur destin ». Ils s’appuient sur un récent sondage de l’IFOP, avancent que « de nombreux Français » vont obtenir « la délivrance » à l’étranger, dans des pays qui ont déjà légiféré sur le sujet (Belgique, Pays-Bas, Suisse …). Ils ajoutent que l’euthanasie se pratiquerait déjà de manière illégale en France.

Les signataires estiment que « l’offre de soins palliatifs ne satisfait pas à la multiplicité des situations individuelles et des souffrances des personnes en fin de vie ». Ils reprochent à la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 de ne pas avoir introduit « d’innovations significatives ». Il faut ici signaler cette loi commence tout juste à être connue et mise en œuvre, puisque les décrets d’application datent d’août 2017. Et de nombreuses initiatives officielles sont en cours ou prévues à court terme pour étudier si la prise en charge de la fin de vie s’améliore en France*.

Alliance VITA voit dans cette offensive idéologique le risque d’occulter les vrais enjeux de la fin de vie. Elle dénonce la pression mise sur le sujet de la fin de vie à l’heure où la priorité est d’évaluer la façon dont la loi Claeys-Leonetti est appliquée sur le terrain. La priorité est d‘améliorer l’accompagnement des personnes en fin de vie, que ce soit à l’hôpital, en EHPAD ou à domicile, en particulier par la prise en charge de la douleur, les soins palliatifs, la solidarité intergénérationnelle. En effet, les graves dérives éthiques constatées dans les rares pays étrangers qui ont légalisé l’euthanasie incitent à la plus grande prudence (voir nos synthèses sur la Belgique et sur les Pays-Bas, par exemple).

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*Le gouvernement a lancé une enquête via l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) ; le Parlement prévoit un groupe d’étude et des auditions dans les semaines à venir ; le CESE s’est également autosaisi du sujet ; et des évaluations médicales sur la pratique de la « sédation profonde et continue jusqu’au décès » sont en cours via le Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie (CNSPFV) et la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP).

 

Décodeur bioéthique, le Don d’organes par Blanche Streb

Décodeur bioéthique, le Don d’organes par Blanche Streb

Suite au lancement des Etats généraux de la bioéthique le 18 janvier 2018, Blanche Streb, directrice de la formation et de la recherche d’Alliance VITA explique les enjeux du débat sur le don d’organes.

Don d’organes : un sujet au cœur des Etats généraux de la bioéthique.

Le don d’organe est réglementé en France par la loi bioéthique. C’est une activité médicale bien particulière qui permet d’ores et déjà de sauver de nombreuses vies ou d’améliorer la qualité de vie de certains patients.

Pourquoi de nouveaux débats ? Quelles sont les lignes de crêtes éthiques sur lesquelles rester vigilants pour ne pas que cette importante spécialité médicale ne soient fragilisée et pour que l’écrin de confiance des français autour de cette délicate question reste possible? Ce sont les circonstances du décès (les catégories de donneurs) et la protection des conditions du consentement libre et éclairé des personnes et de leurs proches.