Loi de bioéthique 2021 : Recherche sur l’embryon humain et les cellules souches

Loi de bioéthique 2021 : Recherche sur l’embryon humain et les cellules souches

La question de la recherche sur l’embryon humain a commencé à émerger principalement pour des raisons liées à l’existence d’un stock d’embryons dit « surnuméraires ». Ces embryons surnuméraires ont été conçus dans le cadre de protocoles d’assistance médicale à la procréation (PMA), et (aban)donnés par les couples dont ils sont issus.

Nous parlons ici d’une recherche bien particulière, puisqu’elle implique un être humain au commencement de sa vie. Considérer l’embryon humain comme un matériau de recherche comme un autre pose ainsi de graves questions éthiques.

I. Chronologie des lois encadrant la recherche sur l’embryon

 

Le droit encadrant cette recherche n’a cessé d’évoluer à chaque révision de la loi bioéthique.

  • 1994 : Interdiction totale de la recherche sur l’embryon
  • 2004 : Interdiction avec dérogations pour 5 ans et sous conditions
  • 2011 : Interdiction avec dérogations sans limite de temps et sous conditions
  • 2013 : Suppression du principe d’interdiction
  • 2021 : Assouplissement de nombreux critères

Les premières lois de bioéthique de 1994 avaient logiquement introduit l’interdiction de toute recherche sur l’embryon humain. Cette règle avait été affirmée pour tirer toutes les conséquences de l’article 16 du Code civil qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

Au fond, cette interdiction consacrait la reconnaissance de l’embryon comme appartenant à l’humanité, ce qui commande déjà de ne pas le considérer comme un matériau d’expérimentation mais également de lui reconnaitre une destinée humaine. Et donc, d’être appelé à vivre et à mourir comme le sont tous les êtres humains. C’est ce qui a conduit le législateur à prévoir que les embryons ne puissent être conçus in vitro que dans l’optique d’être implantés dans l’utérus maternel (dans le cadre de parcours de PMA).

Le devenir de l’embryon issu d’un couple qui ne souhaitait plus l’accueillir se résumait donc à deux options : vivre (être donné à un autre couple) et à défaut d’accueil, à mourir (sa conservation était arrêtée).

C’est aussi la raison pour laquelle il est interdit de créer des embryons pour la recherche.

L’humanité de l’embryon a été réaffirmée par le législateur dans les lois bioéthiques de 2004 et 2011 même si l’interdiction de la recherche souffrait déjà d’exceptions à titre dérogatoire et temporaire. Depuis 2013, ce principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon a été supprimé. Enfin, en 2021, la loi bioéthique a considérablement réduit la protection due à l’embryon humain en facilitant sa mise à disposition et son instrumentalisation.

Actuellement en France, environ 80 équipes de chercheurs sont autorisées à mener ces recherches. Une vingtaine de recherches déclarées sont menées sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), et 8 recherches ont été autorisées sur l’embryon humain. (Parmi ces 8, seules 2 seraient postérieures à la loi de 2021.)

II. Définitions et différents types de recherches

 

recherche sur l embryon humain pma

On peut donc aujourd’hui distinguer dans ce cadre juridique plusieurs types de recherches :

  • La recherche sur l’embryon humain lui-même
  • La recherche sur les cellules souches embryonnaires, issues de l’embryon
  • Et la recherche sur les cellules souches « induites » dites IPS.

Précisons ces différentes catégories :

  • L’embryon humain est toujours issu d’un cycle de PMA. Les embryons peuvent être mis à disposition de la recherche dans 2 cas : soit parce qu’ils ne font plus l’objet d’un « projet parental », selon la formule consacrée, soit parce qu’à l’issue d’un tri embryonnaire (après un diagnostic préimplantatoire), il a été décidé de ne pas les implanter.
  • Les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh). Ce sont des cellules directement issues de l’embryon et prélevées à un stade très précoce de son développement. Ces cellules suscitent l’intérêt des chercheurs et des industriels car elles sont dotées de la capacité de se multiplier à l’infini et également de se spécialiser en la plupart des types de cellules de l’organisme (c’est ce qu’on appelle la pluripotence).

Lorsqu’un embryon humain est l’objet de recherche ou de prélèvement de cellules dans le cadre de la recherche, il est obligatoirement détruit.

  • Les cellules IPS : Cellules souches pluripotentes induites. Ce sont des cellules souches induites artificiellement à partir de cellules adultes différenciées, dans lesquelles sont introduites quatre gènes de pluripotence. Cette manipulation – on parle de « reprogrammation » – leur redonne l’habilité à se différencier en n’importe quel type de cellules et à se multiplier indéfiniment. Toutes les cellules adultes qui prolifèrent peuvent être utilisées pour générer des cellules iPS. Sont particulièrement utilisées les cellules du sang, de peau.

III. Cadre spécifique de la recherche sur l’embryon humain

 

A. La recherche est soumise à une autorisation de l’Agence de la biomédecine.
B. Conditions dites « scientifiques » :
  • Loi 2021 : « la pertinence scientifique doit être établie ». Ce critère est peu précis, et régulièrement assoupli. Sans être scientifiquement nécessaires, les recherches ne doivent pas être fantaisistes.
  • Loi 2021 : exigence d’une « Finalité médicale ou vise à l’amélioration de la connaissance de la biologique humaine ».

Ce critère n’a eu de cesse d’être assoupli au fil des ans.

modèle d'embryonEn 2004, la recherche devait permettre des « progrès thérapeutiques majeurs ». (Ne pouvant être atteints par des méthodes alternatives) ; en 2011, la loi demandait seulement à la recherche de permettre des « progrès médicaux majeurs » (assouplissement pour faciliter la recherche fondamentale).

En 2013, la recherche sur l’embryon devait avoir une simple « finalité médicale ». Désormais, cela peut être simplement le fait de viser l’amélioration de la connaissance de la biologie humaine, ce qui est extrêmement vaste et ne permet pas de garantir le respect de critères éthiques.

 

  • 2021 : la loi demande simplement qu’« en l’état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ».

Lorsque le régime dérogatoire a ouvert la recherche sur l’embryon, elle était conditionnée à la démonstration de l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable. Ce critère a été depuis assoupli. Déjà en 2013, la loi avait supprimé la fin de la faveur pour les méthodes alternatives.

C. Dispositions particulières :
  • Il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour de développement.
  • La conception d’embryons n’est possible que dans le cadre d’une AMP (assistance médicale à la procréation ou PMA). Il n’est pas autorisé de concevoir des embryons dans l’unique objectif de les donner à la recherche.
  • Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Ils sont détruits.
  • Gratuité : les embryons sont cédés sans contrepartie financière. L’obtention d’embryons à titre onéreux est interdite.
  • Consentement (du couple, membre survivant ou femme).

Il doit être réitéré dans les 3 mois et est révocable tant qu’aucune recherche n’a eu lieu. Depuis la loi 2021 : l’information sur les autres possibilités ouvertes par la loi ne sont plus obligatoires (don à un couple, arrêt de la conservation…)

  • Anonymat : aucune information susceptible de permettre l’identification du couple à l’origine des embryons ne peut être communiquée au responsable de la recherche.
  • L’article précisant que « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite » a été supprimé par la loi de 2021.

Pour les embryons transgéniques (génétiquement modifiés), cet article a été remplacé par : « La conception in vitro d’embryon humain par fusion de gamètes ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite ». (L.2151-2 et Art.18 convention d’Oviedo). La rédaction a donc changé. Les mots « par fusion de gamètes » (ce qui correspond tout simplement au phénomène naturel de fécondation, entre un ovocyte et un spermatozoïde) ont été introduits.

Dès lors, les « embryons » créés par d’autres voies ne sont pas concernés par cet interdit. Cette ouverture vise notamment à ne pas empêcher la recherche sur les « modèles embryonnaires ».

Pour les « chimères » (mélange d’embryons humains et d’autres espèces). La loi de 2021 énonce que : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite ». L’inverse n’est donc plus interdit : il est possible d’intégrer des cellules humaines (notamment embryonnaires, mais aussi IPS) à des embryons d’autres espèces.

IV. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh)

 

La recherche est soumise à une déclaration à l’Agence de la biomédecine.

Le directeur général de l’ABM peut s’opposer à cette déclaration.

A. Dispositions particulières
  • Les CSEh doivent dériver d’embryons issus d’un protocole de recherche autorisé ou de CSEh ayant fait l’objet d’autorisation d’importation.
  • Les gamètes obtenus par CSEh (c’est-à-dire, transformation de la CSEh en ovocytes ou en spermatozoïde) ne peuvent en aucun cas servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou recueilli par don.
  • Cas particulier. Si le protocole demandé a pour objet la différentiation de CSEh en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou encore l’insertion de CSEh dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, le directeur général de l’ABM peut s’y opposer, après avis public du Conseil d’orientation de l’ABM. A défaut d’opposition du directeur général de l’agence, la réalisation du protocole de recherche peut débuter.
 
B. Conditions dites « scientifiques »
  • La « pertinence scientifique doit être établie »
  • La recherche doit s’inscrire dans une « Finalité médicale ou amélioration de la connaissance de la biologie humaine ». Ce critère extrêmement vaste n’est donc pas très restrictif.

 

Clause de conscience :

Que cela concerne la recherche ou l’exploitation de l’embryon ou des cellules embryonnaires : « Aucun chercheur, aucun ingénieur, technicien ou auxiliaire de recherche quel qu’il soit, aucun médecin ou auxiliaire médical n’est tenu de participer à quelque titre que ce soit aux recherches sur des embryons humains ou sur des cellules souches embryonnaires autorisées en application de l’article L2151-5 ».

V. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules IPS Cellules pluripotentes induites

Si le protocole demandé a pour objet la différentiation en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou l’insertion dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, ces recherches spécifiques sont soumises à déclaration auprès de l’ABM.

Les cellules IPS, qui n’impliquent pas de sacrifier des embryons humains pour être mises au point, ont souvent été présentées comme une alternative possible à l’utilisation des cellules embryonnaires. En réalité, ces deux types de cellules ne sont pas identiques, en particulier car les cellules IPS gardent une « trace » des changements intervenus pendant la reprogrammation. Ainsi, lorsque des protocoles sont engagés avec des cellules IPS, bien souvent ces protocoles induisent l’utilisation de CSEh, celles-ci étant reconnues comme étant la « norme » à laquelle comparer les résultats.

Les chercheurs parlent des CSEh comme de « gold standard ». Parmi les enjeux éthiques inhérentes aux cellules IPS, il y a celle du consentement de la personne dont sont issues ces cellules, en particulier sur les usages futurs qui pourraient être attribuées à ces cellules particulières, attendu que leur différentiation en gamètes ou leur insertion dans un embryon animal (chimères) n’ont pas été interdit par la loi bioéthique.

VI. Que deviennent les embryons dits « surnuméraires » ?

 

Les deux membres du couple ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année pour savoir s’ils maintiennent leur “projet parental”. S’ils confirment par écrit le maintien de leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie. S’ils n’ont plus de “projet parental”, les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir (délai de réflexion de trois mois) :

  • A ce que le ou les embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme ;
  • A ce que le ou les embryons fassent l’objet d’une recherche ;
  • A ce que les cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ;
  • A ce qu’il soit mis fin à leur développement in vitro, (fin de la cryoconservation) ce qui conduit à leur destruction.

L’absence de révocation du consentement dans ce délai de 3 mois vaut confirmation. Pour la recherche ou la dérivation de cellules en préparation de thérapie cellulaire, le consentement est révocable tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’embryon. Il est mis fin à leur développement in vitro et donc à leur destruction :

  • En l’absence de réponse depuis au moins cinq ans, à compter du jour où ce consentement a été confirmé ;
  • En cas de désaccord des membres du couple ;
  • En cas de décès de l’un ou des deux membres du couple, en l’absence des consentements pour qu’ils soient accueillis par d’autres ou donnés à la recherche.
infographie embryons
recherche sur l'embryon humain loi bioéthique

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Infections sexuellement transmissibles : une hausse troublante

Infections sexuellement transmissibles : une hausse troublante

Infection sexuellement transmissible : une hausse troublante

Les cas d’infections sexuellement transmissibles (IST) sont en hausse en Europe, selon un rapport publié par le Centre Européen de Prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Cette Agence créée en 2005 et basée à Stockholm a récemment publié des chiffres détaillés au niveau européen sur l’année 2022. Ces rapports sont une partie de sa mission de surveillance annuelle des infections, avec la publication d’environ 65 rapports disponibles sur son site.

 

Comment sont classées les IST ?

Selon le site de l’Assurance Maladie, les IST, autrefois plus souvent désignées par le sigle MST (maladies sexuellement transmissibles) sont “des infections pouvant être transmises lors des relations sexuelles” et “il en existe plus d’une trentaine”.

Toujours selon cette source, les IST les plus fréquentes sont d’origine infectieuse diverses :

  • des maladies sexuellement transmissibles bactériennes. Les plus connues sont la syphilis, la gonorrhée, la chlamydiose et l’infection à mycoplasmes, qui, lorsqu’elles sont diagnostiquées, peuvent être guéries ;
  • des maladies virales : l’hépatite B, l’herpès génital, le VIH et le papillomavirus humain (VPH) responsable de plusieurs cancers selon l’OMS. Ces infections peuvent être difficiles ou impossibles à guérir, selon le type de virus.
  • des maladies sexuellement transmissibles parasitaires comme la trichomonase traitée par des médicaments antiparasitaires.

Que constate le rapport européen ?

Dans son résumé, l’ECDC note que le nombre de cas rapportés a augmenté de façon significative comparé à l’année précédente : +48% pour les gonorrhées, +34% pour la syphilis, +16% pour la chlamydiose. L’Agence s’inquiète aussi de la hausse des cas de syphilis transmise de la mère au bébé. Pour les cas de syphilis, cela représente 35391 cas reportés en 2022.

Dans le détail, pour la syphilis, une infection emblématique, les données indiquent que les hommes sont 8 fois plus touchés que les femmes, la catégorie 25-34 ans étant la plus représentée. Dans 74% des cas, le rapport note que la syphilis touche les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (dit HSH). Cependant, pour la première fois en 10 ans, il y a aussi une augmentation notable des cas chez les hommes et femmes hétérosexuels.

Le Directeur Général a publié un communiqué appelant à un renforcement de la lutte contre ces infections. « S’attaquer à l’augmentation substantielle des cas d’IST exige une attention urgente et des efforts concertés. Le dépistage, le traitement et la prévention sont au cœur de toute stratégie à long terme. Nous devons donner la priorité à l’éducation en matière de santé sexuelle, élargir l’accès aux services de dépistage et de traitement, et lutter contre la stigmatisation associée aux IST ».

Une problématique globale

Une étude publiée par l’Université de Cambridge en 2019 notait déjà la résurgence de ces infections que l’on pensait être reléguée dans le passé, à partir des années 2000, et après des tendances à la baisse dans les années 80 et 90. Les auteurs, dont certains travaillaient à l’ECDC, écrivaient que

« Depuis les années 2000, les taux de syphilis ont de nouveau augmenté dans les pays développés, les taux augmentant plus rapidement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), mais augmentant également dans d’autres groupes de population. L’interaction avec la co-infection par le VIH, les changements dans le comportement sexuel suite à l’élargissement de la disponibilité d’un traitement antirétroviral efficace contre le VIH, l’évolution des moyens et de la facilité de trouver des partenaires sexuels grâce à Internet et aux applications mobiles de rencontres ont accru la complexité de l’épidémiologie, et particulièrement de son contrôle ».

En 2022, c’était 2.5 millions de cas de clamydiose, gonorrhées et syphilis comptabilisés aux Etats Unis. L’an dernier, les autorités sanitaires américaines (le CDC) lançaient une alerte sur les cas de nouveaux-nés touchés par la syphilis. Plus de 3700 cas étaient répertoriés en 2022, dix fois plus qu’en 2012 (335 cas). Le rapport alerte aussi sur la disparité des situations, les bébés d’origine afro-américaines, hispaniques, et indiennes étant beaucoup plus touchés. La Directrice Médicale du CDC s’est exprimée en ces termes : « la crise de la syphilis congénitale aux États-Unis a explosé à un rythme qui fend le cœur ».

On croyait ces infections d’un temps révolu. Il semble que Charles Baudelaire est mort de la syphilis. Guy de Maupassant, également. Un historien spécialiste du XIX° siècle, Alain Corbin, a pu ainsi déclarer que « l’angoisse de la syphilis hante la littérature ». Les mesures prophylactiques prônées par les autorités : usage du préservatif, notification aux partenaires comme le souhaite la Haute Autorité à la Santé (HAS ) seront-elles suffisantes ?

A l’heure de la mondialisation et des applications de rencontre qui mettent facilement en contact des personnes qui ne se connaissent pas, une stratégie plus globale semble nécessaire, intégrant les comportements au-delà d’une approche purement prophylactique souvent trop privilégiée par les autorités sanitaires.

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Inquiétude et opposition face au projet de loi fin de vie

Inquiétude et opposition face au projet de loi fin de vie

Inquiétude et opposants au projet de loi fin de vie

Dimanche 10 mars, le président de la République dévoilait les contours du projet de loi fin de vie et l’ouverture d’une aide à mourir, vaine euphémisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Nombreuses sont les voix qui se sont fait entendre pour marquer leur inquiétude et leur opposition face à un tel projet.

Plusieurs personnalités ont immédiatement partagé leurs craintes comme la psychologue Marie de Hennezel qui dans une adresse au président de la République dans Ouest France se fait la porte-parole « Des personnes de 80 à 100 ans, fragilisées bien que souvent encore autonomes, qui perçoivent le danger d’une loi qui établira un continuum entre les soins de fin de vie et l’euthanasie. »

Elle rappelle l’urgence « de couvrir le territoire de structures de soins palliatifs, maintenant et pas d’ici dix ans » et s’interroge « Qui fera désormais confiance à son médecin ? Comment ferez-vous pour restaurer cette confiance, pour protéger les plus vulnérables de notre société ? » D’autres encore ont pointé le basculement qu’entraine la levée de l’interdit de tuer comme le philosophe Pierre Manent, ou encore l’inéluctabilité des dérives comme le sociologue Jean-Pierre Le Goff.

Les soignants réunis au sein du collectif sur la fin de vie ont exprimé leur consternation et leur colère dans un communiqué de presse. Alors qu’ils seraient en première ligne pour appliquer la loi si elle était votée, ils déplorent n’avoir jamais été associés à l’élaboration du texte. Ils pointent également le caractère « ultra-permissif » du modèle envisagé : « le dispositif décrit emprunte à toutes les dérives constatées à travers le monde. Aucun pays n’envisage l’administration de la substance létale par un proche. »

Très inquiets de la confusion sur le sens du soin, ils le sont aussi des annonces dérisoires sur l’accompagnement de la fin de vie et en particulier s’agissant du budget affecté aux soins palliatifs. Pour eux, ce projet « va à l’encontre des valeurs du soin et du modèle de non abandon qui fondent [notre] modèle français d’accompagnement de la fin de vie ».

Les représentants des religions ont aussi exprimé leur inquiétude face au projet de loi. Au micro de France Inter, l’évêque de Nanterre Matthieu Rougé a rejeté une réforme qui promeut à la fois l’euthanasie et le suicide assisté, indiquant qu’« on ne peut pas parler de fraternité quand on répond à la souffrance par la mort ».

Pour le président de la Conférence des évêques de France, Monseigneur de Moulins-Beaufort, « Appeler “loi de fraternité” un texte qui ouvre le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie ». Pour lui, « Ce qui est annoncé ne conduit pas notre pays vers plus de vie, mais vers la mort comme solution à la vie. […] les Français n’envisageraient pas de la même manière la fin de vie si les soins palliatifs étaient chez nous une réalité pour tous partout, comme le voulait la loi dès 1999. Ces derniers temps, non seulement rien n’a été fait pour apporter des soins palliatifs là où il n’y en a pas, mais les moyens de plusieurs services existants ont été réduits encore. C’est cela la vérité. »

Le recteur de la Grande Mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz a pour sa part, jugé qu’ « une aide à mourir ne peut pas être “une loi de la fraternité”, quelles que soient les conditions et les circonstances». Et pour Sadek Beloucif, membre du Forum de l’islam de France (Forif), ce projet marque « un véritable changement de paradigme ». Idem pour le président de l’Union bouddhiste de France, Antony Boussemart, qui a regretté auprès de l’AFP que « la boîte de Pandore (soit) ouverte »

Pour le président de la Fédération protestante de France (FPF), Christian Krieger, si « L’aide à mourir n’est ni une euthanasie ni un suicide assisté, car la demande de la personne n’est pas automatiquement satisfaite. », il regrette en revanche l’inversion de l’ordre des priorités entre « la possibilité du don de la mort » [qui] apparaît comme première ; le développement d’une culture palliative comme seconde, voire secondaire !»

Seul le grand rabbin de France, Haïm Korsia, s’est dit rassuré, estimant que ce projet de loi « n’ouvrira pas de nouveau droit ».

Le flou sémantique entretenu par le président autour de l’ « aide à mourir » qui selon lui ne serait ni euthanasie ni suicide assisté, a été largement critiqué aussi bien par ceux qui s’opposent à un tel projet que par ceux qui le réclament. Le professeur Régis Aubry, membre du Comité consultatif national d’éthique et co-initiateur de la « stratégie décennale » qui a inspiré le chapitre du projet de loi consacré à ces soins et favorable à une évolution du cadre légal, considère « que la formule n’est pas claire et qu’il s’agit d’un euphémisme. »

Sur France Culture, le 11 mars, l’ancien député et co-auteur de la loi Claeys-Leonetti de 2016, Jean Leonetti, juge que les termes de cette future loi sont « flous », car Emmanuel Macron « dit que ce n’est ni l’euthanasie, ni le suicide assisté, mais un peu des deux ». « Quand on est flou, il y a une difficulté à l’application des lois qui ne sont pas extrêmement claires », a-t-il aussi soutenu. Dans un entretien au magazine Valeurs actuelles, François Braun, ancien ministre de la Santé, regrette l’euphémisation : « Je crois qu’on ne peut effectivement pas se cacher derrière la sémantique. On parle de mort. Quelles que soient les circonvolutions, à la fin, il s’agira de donner ou non la mort. »

Enfin il n’est pas inutile de se pencher sur les critiques formulées par les partisans de l’évolution du cadre législatif et de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Certains remettent déjà en cause un cadre jugé trop strict. Martine Lombard, professeure de droit public à l’université Panthéon-Assas, considère que le texte ne va pas assez loin notamment en ce qui concerne le critère de pronostic vital engagé à moyen terme : « Les médecins auront du mal à attester précisément d’une espérance de vie. Le risque, c’est que seuls les malades de cancer en phase terminale soient concernés. »

L’ADMD (association pour le droit de mourir dans la dignité) par la voix de son président, partage sa crainte et brandit l’argument de l’exil à l’étranger pour ceux dont l’état ne correspondrait pas au cadre. L’association déplore aussi que les personnes atteintes de « maladies dégénératives, de type Alzheimer » soit exclues des critères et que les personnes éligibles n’aient pas la « liberté de choix absolue » sur la manière de mettre fin à leurs jours.

Certains regrettent encore que les mineurs soient exclus de l’ « aide à mourir ». Pour la cardiologue Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPV) de 2016 à 2020, « il faut pouvoir faire entrer tous les gens qui ont le même niveau de souffrance et qui ne peuvent pas trouver un apaisement d’une autre façon. Il y a un moment où nous voudrions pouvoir choisir de partir parce qu’il est temps. »

Où l’on voit que les verrous fixés par le président de la République ne tarderont guère à sauter. La boite de Pandore est ouverte.

 

Retrouvez nos articles sur les débats sur la fin de vie en France.

 
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[CP] – Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

[CP] – Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

COMMUNIQUE DE PRESSE – 11 mars 2024

Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

À l’heure où le système de santé français connaît de graves difficultés, annoncer l’accès à une prétendue “aide à mourir”, paravent de l’euthanasie et du suicide assisté, en invoquant la fraternité est aussi indécent que préoccupant.

Au fond, soins palliatifs et euthanasie ou suicide assisté sont incompatibles car leurs logiques sont radicalement différentes. Les exemples des pays qui ont légalisé ces pratiques nous montrent qu’il n’est pas possible de tenir un tout éthique et effectif pour les patients en conjuguant deux approches diamétralement opposées. Au Canada, seulement 30 à 50% des Canadiens ont accès à une forme de soins palliatifs de qualité, et très peu, seulement environ 15%, ont accès à des soins palliatifs spécialisés pour traiter des problèmes plus complexes.

Quant aux critères d’éligibilité à cette « aide à mourir », ils sont déjà contestés et nul doute qu’ils seraient balayés devant les revendications de ceux qui s’estimeront discriminés et qui demanderont leur élargissement. Une fois encore partout où l’interdit de tuer a été levé, le cadre initialement fixé à titre exceptionnel a dérivé.

Pour Alliance VITA, la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté derrière l’expression hypocrite d’« aide à mourir » signerait l’abandon des plus fragiles et le renoncement à l’une des valeurs fondatrices de notre société, la fraternité. C’est pourquoi l’association, forte de son réseau de volontaires présents sur tout le territoire, mènera des actions de sensibilisation locales et nationales pour promouvoir des soins palliatifs de qualité pour tous ceux qui en ont besoin et un engagement contre la « mort sociale » par abandon de nos concitoyens fragilisés par la maladie, le grand âge ou le handicap. C’est la seule option vraiment consensuelle ; c’est la seule digne de l’humanité.

 

projet fin de vie : la fraternité abandonnée

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Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

La dernière loi de bioéthique a été votée le 02 août 2021. Elle s’inscrit dans une chronologie législative remontant à 1994, date de la première loi de bioéthique. La loi de 2021 comporte 7 grands chapitres (des « Titres »), que l’on peut regrouper en 5 grands axes :

I. L’ASSISTANCE MÉDICALE A LA PROCRÉATION (AMP) :

Les débats autour de l’accès à l’AMP dénommé couramment PMA (Procréation Médicalement Assistée) pour les femmes seules ou des femmes vivant ensemble ont été l’angle le plus médiatique. Autour de la PMA, la loi a abordé aussi les questions de filiation, la question de la conservation des gamètes et des embryons et du droit d’accès aux origines pour les enfants issus de cette technique.

loi de bioéthique 2021 : l’assistance médicale à la procréation (amp)

II. LA RECHERCHE SUR L’EMBRYON HUMAIN : 

La loi comporte de nombreuses disposition pour la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches.

recherche sur l'embryons loi bioéthique 2021

III. LE DIAGNOSTIC PRÉ IMPLANTATOIRE (DPI)

La loi traite de l’information génétique, des tests, des diagnostics et de la recherche génomique.

génétique loi bioéthique 2021

IV. Le diagnostic prénatal (DPN) : 

Le diagnostic prénatal ou DPN est l’ensemble des pratiques médicales permettant de déceler les anomalies ou les malformations d’un bébé au stade fœtal ou embryonnaire.

fiv. dpi

V. LE DON D’ORGANE, DE TISSUS, DE CELLULE HUMAINE.

don d'organes loi bioéthique 2021

 

Avant de rentrer dans les détails de chaque partie, 4 remarques peuvent éclairer l’état d’esprit qui gouverne ce texte

1. Cette loi votée en 2021 accentue la priorité donnée à la technique au service de désirs individuels : par exemple ceux des chercheurs désirant conduire des expériences sur des embryons humains, ou ceux des personnes désirant un enfant. Avoir un enfant dans ces conditions est davantage considéré comme un “droit reproductif” attaché à une personne à titre individuel. C’est une rupture notable alors que la procréation a été depuis les origines humaines, pour des raisons biologiques évidentes et non culturelles, une capacité inhérente aux seuls couples femme-homme.

Cette dégradation continue du droit de la bioéthique formalise davantage un “droit à l’enfant” ou un “droit à la rechercheau détriment d’une approche centrée sur le respect de la vie humaine dès son commencement, et sur le refus de la réification (c’est-à-dire le fait de traiter l’humain comme une chose).

2. Si les désirs et les revendications individuels sont un motif de changer la loi, quel peut être le facteur modérateur à des demandes potentiellement infinies ? En réalité, les limites sont variables. Les lois de bioéthique s’adaptent en fonction du consensus social ou de groupes de pression et d’un équilibre précaire entre différentes demandes ou opinions. Une norme sociale, changeante, sert de garde-fou, conduisant à douter d’une réelle capacité du législateur à tenir un cadre protecteur pour l’humain.

3. Le texte voté inscrit toujours plus la loi de bioéthique dans une logique d’adaptation aux nouvelles et vertigineuses capacités techniques. Cette logique se formule comme une « loi » dite « de Gabor », un physicien hongrois Prix Nobel en 1971 : ce qui est techniquement possible sera nécessairement réalisé. Le mot « loi » se comprend ici comme une forme de fatalité : il ne serait pas possible de faire autrement que de s’adapter aux avancées technologiques et d’accepter pour la société toutes formes de techniques dès qu’elles sont opérationnelles.

4. Cette acceptation de toute technique peut aller de pair avec l’opinion, voire la croyance, que toute découverte, toute technique est un progrès, au sens d’une avancée positive souhaitable pour la société.

Chronologie de la législation bioéthique en France

La loi de 2021 fait suite à d’autres textes traitant des sujets bioéthiques. Le mot « bioéthique » lui-même a une histoire. Apparu au début des années 1970, il est contemporain des progrès médicaux et de l’essor de la technique sur le vivant (bio-technologies) appliquée à l’humain. Une série d’étapes marquantes est disponible sur un site public ici.

  • Février 1983 : Création du CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé).
  • 1994 : Première loi de bioéthique.
  • 2004 : Deuxième loi incluant un mécanisme de révision.
  • 2011 : Troisième loi de bioéthique qui prévoit que tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Elle prévoit aussi un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai maximal de 7 ans après son entrée en vigueur.
  • 2013 : Modification majeure de la loi concernant le cadre de la recherche sur l’embryon est déjà intervenue, par le biais d’une niche parlementaire, en l’absence d’états généraux et des prérequis obligatoires pour une révision de cet ordre.
  • 2018 : Les états généraux sont organisés en vue de la révision aboutissant à la loi de 2021.
  • 2021 : Dernière loi de bioéthique.

1er épisode : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

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I. La technique de PMA disponible sans indication médicale

L’abandon de l’indication médicale d’infertilité constatée pour l’utilisation des techniques de procréation médicale est une modification majeure de la loi. Le recours à l’AMP est simplement conditionné à l’existence d’un « projet parental ».

Médiatisée comme la “PMA pour toutes”, la loi autorise et organise un accès aux techniques de procréation médicale aux femmes, seules ou en couple. L’article L2141-2 du code de santé publique stipule désormais que « L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation ».

Dans cette rédaction, l’accent est mis sur le « projet parental », mettant la volonté individuelle ou du couple au cœur du processus. La rédaction en vigueur depuis 2011 et qui a donc été abrogée stipulait que : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».

L’extension de la PMA avec tiers donneur pour des femmes seules ou à deux a pour effet indéniable la suppression du père et de la lignée paternelle.

Un décret paru en septembre 2021 fixe les conditions d’âge pour cet accès :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme jusqu’à son quarante-troisième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme jusqu’à son soixantième anniversaire

Dans le cas d’une PMA pour un couple, la loi maintient le consentement préalable de chaque membre du couple avant le recours aux techniques de procréation. « Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons ».

La loi a également supprimé l’interdiction d’une PMA avec double don de gamètes, quand un couple bénéficie à la fois d’un don d’ovocytes et de spermatozoïdes. Dans la version précédente de la loi, un couple ne pouvait avoir recours à ce double don. Il s’agissait de maintenir autant que possible un lien génétique entre l’enfant et au moins un de ses parents. En cas de double infertilité, le couple pouvait demander à bénéficier d’un don d’embryon.

 

II. L’autoconservation des gamètes sans indication médicale est également instituée.

Selon l’Agence de Biomédecine (ABM) dans sa brochure sur le sujet, « L’objectif de l’autoconservation des gamètes est de les avoir à disposition si, plus tard, un projet d’enfant devait nécessiter une AMP (Assistance Médicale à la Procréation) ». L’ABM souligne également le rôle de la volonté individuelle : « L’indication n’est pas d’ordre médical mais résulte d’un choix de la personne. C’est la nouveauté introduite par la loi de bioéthique de 2021 ».

Le même décret de septembre 2021 a fixé des conditions d’âge pour cette autoconservation :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son trente-septième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire

Les gamètes recueillis sont conservés dans des centres autorisés pour cette activité.

La loi prévoit que chaque année, la personne qui a procédé à cette conservation doit indiquer si elle souhaite :

  • Les conserver,
  • Les utiliser en vue d’une AMP,
  • En faire don à des personnes en attente d’un don de gamètes,
  • En faire don à la recherche scientifique,
  • Mettre fin à leur conservation.

Il est important de noter que pour une autoconservation de spermatozoïdes, l’homme peut consentir à ce qu’une partie des spermatozoïdes recueillis soit donné. En l’absence de réponse aux relances pendant 10 ans consécutifs, les gamètes sont détruits. En cas de décès, la conservation est arrêtée, sauf consentement du vivant de la personne au don ou à la recherche. Si les actes liés au recueil ou au prélèvement des gamètes sont pris en charge par l’Assurance Maladie, l’autoconservation est facturée 40.5 euros par an.

L’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine. Elles sont exclusivement destinées à permettre la poursuite « d’un projet parental » par la voie d’une assistance médicale à l’exclusion de toute finalité commerciale.

La question de l’exportation, jointe à celle de la destruction en cas de décès, a soulevé des cas complexes de jurisprudence récemment.

 

III. L’impact sur la filiation

Avant la loi de 2021, les techniques d’assistance médicale à la procréation tendaient à imiter la procréation naturelle, afin de garantir à l’enfant que sa filiation soit cohérente au regard des exigences de la biologie pour la procréation (une mère et un père). Pour accéder à une PMA avec donneur, le couple demandeur devait produire leur consentement devant le juge ou le notaire. Cette démarche de consentement souligne la difficulté de ce type d’engendrement pour s’assurer que l’enfant ainsi conçu sera accueilli et élevé par un père et une mère pour pallier le manque existentiel d’un des parents biologiques.

L’accès ouvert aux femmes seules ou vivant en couple impacte nécessairement ce modèle. La filiation devient principalement basée sur la volonté, consacrée par l’existence d’un « projet parental », et non plus un lien ou une réalité biologique.

  1. Dans le cadre d’un couple femme-homme, les règles relatives à l’établissement de la filiation ne sont pas modifiées. La filiation maternelle est établie à l’égard de la femme qui a accouché de l’enfant. S’ils sont mariés, la filiation paternelle s’établit par la présomption de paternité. S’ils ne sont pas mariés, elle s’établit par la reconnaissance volontaire.
  2. Dans le cas d’une femme seule, le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation de l’enfant est établie à l’égard de la femme qui accouche et qui est reconnue comme la mère. Si la femme seule se marie ultérieurement avec un homme, celui-ci pourra procéder à une demande d’adoption de l’enfant. Idem si elle se marie avec une femme.
  3. Dans le cas de deux femmes, mariées, pacsées ou non : le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation établit automatiquement comme mère la femme qui accouche. Une reconnaissance conjointe anticipée notariée pour l’autre femme permet d’établir la filiation.

En cas de non-remise de la reconnaissance conjointe anticipée notariée lors de la déclaration de naissance, la seconde femme ne sera mentionnée comme mère à l’état civil qu’à la demande du procureur de la République, et seule la femme qui a accouché aura l’autorité parentale sur l’enfant. L’Assemblée nationale n’a pas retenu la proposition du Sénat d’une reconnaissance par la voie déjà disponible de l’adoption. Aujourd’hui, des actes de naissance mentionnent donc deux femmes comme étant mères d’un enfant.

 

IV. L’anonymat du donneur et la question des origines

La loi comporte également un volet concernant l’accès aux origines pour les enfants conçus à partir d’un don de gamètes. Elle met fin à l’anonymat du donneur, principe consacré dans la première loi de bioéthique de 1994 et inscrit à l’article 16-8 du code civil. Cet anonymat portait sur l’identité et des données dites « non identifiantes ». Celles-ci sont définies dans le code de Santé publique :

  1. Leur âge au moment du don
  2. Leur état général tel qu’ils le décrivent au moment du don, dans ses dimensions d’état général perçu, d’état psychologique et d’activité physique ;
  3. Leurs caractéristiques physiques, comprenant uniquement la taille et le poids au moment du don, la coloration cutanée, l’aspect naturel des cheveux et des yeux ;
  4. Leur situation familiale et professionnelle, comprenant uniquement le statut marital, le nombre d’enfants, le niveau d’études et la catégorie socio-professionnelle ;
  5. Leur pays de naissance ;
  6. Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.

Cet anonymat était requis à l’époque comme un corollaire de la gratuité du don, et considéré comme une condition pour le développement des techniques de PMA. A l’épreuve du temps, cet anonymat n’a pas résisté à la recherche des origines par des enfants conçus par ces techniques, une fois qu’ils sont devenus adultes. Cette recherche met au jour un paradoxe intrinsèque à la PMA.

D’un côté, les liens biologique et génétique sont passés sous silence dans la « fiction juridique » (un terme employé par les juristes) de la filiation de l’enfant conçu par une PMA. D’un autre côté, l’importance pour l’enfant de connaître ses origines, l’importance de l’hérédité biologique ne peut être niée, au-delà des questions médicales. Une lignée génétique, c’est également une histoire familiale.

Par ailleurs, le droit à connaître ses origines « dans la mesure du possible » est reconnu à l’enfant par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations-Unies, une convention ratifiée par la France.

Comme le précise le site du ministère de la Santé : « À partir du 1er septembre 2022, les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leurs embryons devront consentir expressément à la communication de leur identité et de leurs données non-identifiantes. En cas de refus, ces personnes ne pourront procéder au don. Le consentement sera recueilli par le médecin du centre de dons et conservé par ce centre. Dès l’utilisation du don, il ne sera plus révocable.

Pour les personnes majeures nées de dons effectués avant le 1er septembre 2022, le droit d’accès dépendra du consentement du donneur à la communication de son identité et de ses données non-identifiantes, qui n’était pas une condition préalable au don jusqu’à présent.

 

V. La filiation des enfants nés par Gestation Par Autrui à l’étranger

La Gestation Par Autrui (GPA) reste interdite dans son principe en France, par une loi de 1994 relative au respect du corps humain. Un article du code civil établit que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». La loi sur la bioéthique de 2021 et les débats qui l’ont accompagnée n’ont pas remis en cause cette interdiction.

Des Français choisissent malgré tout d’avoir recours à cette pratique – qui instrumentalise le corps des femmes et fait de l’enfant un objet de contrat, séparé à la naissance de celle en qui sa vie a pris corps – à l’étranger, dans certains pays où cette pratique est tolérée. C’est ainsi que des demandes de transcription d’actes de naissance sont arrivées sur notre sol. Ces commanditaires de GPA ont contraint le droit français à évoluer ces dernières années.

La Cour de cassation en était venue à autoriser la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA réalisée à l’étranger dès lors que les faits déclarés dans l’acte étaient conformes au droit étranger. C’est-à-dire : à déclarer comme mère la femme commanditaire de la GPA, qui n’a pas porté et accouché de l’enfant, et à effacer de l’acte de naissance la mère qui a réellement porté et accouché de l’enfant en question.

Les revendications des commanditaires sont allées jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci avait condamné la France qui n’avait pas fait appel, signant là une absence de volonté politique de lutter réellement contre la GPA.

Mais lors de la dernière révision de la loi bioéthique, ce sujet a fait l’objet d’un amendement qui est venu casser et unifier la jurisprudence. Le code civil est complété pour préciser que la reconnaissance de la filiation à l’étranger soit “appréciée au regard de la loi française”, qui interdit toujours les conventions de mère porteuse (Code civil 16-7) et qui, hormis les exceptions qu’elle détermine, attache la filiation maternelle à l’accouchement et ne permet pas, en dehors de l’adoption, l’établissement d’une double filiation paternelle.

 

VI. Techniques restées interdites

Malgré des demandes et des amendements proposés pendant l’examen de la loi, certaines techniques sont restées interdites :

  • La PMA post-mortem (après le décès de l’un ou des deux membres du couple, pour lesquels des gamètes ou des embryons sont cryoconservés),
  • La méthode dite ROPA (« Réception de l’ovocyte par le partenaire ») où un ovocyte de l’une est prélevé, fécondé in vitro par un tiers donneur avant d’être implanté dans l’utérus de l’autre femme.

2e épisode : La recherche sur l’embryon humain

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La question de la recherche sur l’embryon humain a commencé à émerger principalement pour des raisons liées à l’existence d’un stock d’embryons dit « surnuméraires ». Ces embryons surnuméraires ont été conçus dans le cadre de protocoles d’assistance médicale à la procréation (PMA), et (aban)donnés par les couples dont ils sont issus.

Nous parlons ici d’une recherche bien particulière, puisqu’elle implique un être humain au commencement de sa vie. Considérer l’embryon humain comme un matériau de recherche comme un autre pose ainsi de graves questions éthiques.

 

I. Chronologie des lois encadrant la recherche sur l’embryon

Le droit encadrant cette recherche n’a cessé d’évoluer à chaque révision de la loi bioéthique.

  • 1994 : Interdiction totale de la recherche sur l’embryon
  • 2004 : Interdiction avec dérogations pour 5 ans et sous conditions
  • 2011 : Interdiction avec dérogations sans limite de temps et sous conditions
  • 2013 : Suppression du principe d’interdiction
  • 2021 : Assouplissement de nombreux critères

Les premières lois de bioéthique de 1994 avaient logiquement introduit l’interdiction de toute recherche sur l’embryon humain. Cette règle avait été affirmée pour tirer toutes les conséquences de l’article 16 du Code civil qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

Au fond, cette interdiction consacrait la reconnaissance de l’embryon comme appartenant à l’humanité, ce qui commande déjà de ne pas le considérer comme un matériau d’expérimentation mais également de lui reconnaitre une destinée humaine. Et donc, d’être appelé à vivre et à mourir comme le sont tous les êtres humains. C’est ce qui a conduit le législateur à prévoir que les embryons ne puissent être conçus in vitro que dans l’optique d’être implantés dans l’utérus maternel (dans le cadre de parcours de PMA).

Le devenir de l’embryon issu d’un couple qui ne souhaitait plus l’accueillir se résumait donc à deux options : vivre (être donné à un autre couple) et à défaut d’accueil, à mourir (sa conservation était arrêtée).

C’est aussi la raison pour laquelle il est interdit de créer des embryons pour la recherche.

L’humanité de l’embryon a été réaffirmée par le législateur dans les lois bioéthiques de 2004 et 2011 même si l’interdiction de la recherche souffrait déjà d’exceptions à titre dérogatoire et temporaire. Depuis 2013, ce principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon a été supprimé. Enfin, en 2021, la loi bioéthique a considérablement réduit la protection due à l’embryon humain en facilitant sa mise à disposition et son instrumentalisation.

Actuellement en France, environ 80 équipes de chercheurs sont autorisées à mener ces recherches. Une vingtaine de recherches déclarées sont menées sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), et 8 recherches ont été autorisées sur l’embryon humain. (Parmi ces 8, seules 2 seraient postérieures à la loi de 2021.)

II. Définitions et différents types de recherches

On peut donc aujourd’hui distinguer dans ce cadre juridique plusieurs types de recherches :

  • La recherche sur l’embryon humain lui-même
  • La recherche sur les cellules souches embryonnaires, issues de l’embryon
  • Et la recherche sur les cellules souches « induites » dites IPS.

Précisons ces différentes catégories :

  • L’EMBRYON HUMAIN est toujours issu d’un cycle de PMA. Les embryons peuvent être mis à disposition de la recherche dans 2 cas : soit parce qu’ils ne font plus l’objet d’un « projet parental », selon la formule consacrée, soit parce qu’à l’issue d’un tri embryonnaire (après un diagnostic préimplantatoire), il a été décidé de ne pas les implanter.
  • LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES HUMAINES (CSEh). Ce sont des cellules directement issues de l’embryon et prélevées à un stade très précoce de son développement. Ces cellules suscitent l’intérêt des chercheurs et des industriels car elles sont dotées de la capacité de se multiplier à l’infini et également de se spécialiser en la plupart des types de cellules de l’organisme (c’est ce qu’on appelle la pluripotence).

Lorsqu’un embryon humain est l’objet de recherche ou de prélèvement de cellules dans le cadre de la recherche, il est obligatoirement détruit.

  • LES CELLULES IPS : CELLULES SOUCHES PLURIPOTENTES INDUITES. Ce sont des cellules souches induites artificiellement à partir de cellules adultes différenciées, dans lesquelles sont introduites quatre gènes de pluripotence. Cette manipulation – on parle de « reprogrammation » – leur redonne l’habilité à se différencier en n’importe quel type de cellules et à se multiplier indéfiniment. Toutes les cellules adultes qui prolifèrent peuvent être utilisées pour générer des cellules iPS. Sont particulièrement utilisées les cellules du sang, de peau.

III. Cadre spécifique de la recherche sur l’embryon humain

A. La recherche est soumise à une autorisation de l’Agence de la biomédecine.
B. Conditions dites « scientifiques » :
  • Loi 2021 : « la pertinence scientifique doit être établie ». Ce critère est peu précis, et régulièrement assoupli. Sans être scientifiquement nécessaires, les recherches ne doivent pas être fantaisistes.
  • Loi 2021 : exigence d’une « Finalité médicale ou vise à l’amélioration de la connaissance de la biologique humaine ».

Ce critère n’a eu de cesse d’être assoupli au fil des ans.

En 2004, la recherche devait permettre des « progrès thérapeutiques majeurs ». (Ne pouvant être atteints par des méthodes alternatives) ; en 2011, la loi demandait seulement à la recherche de permettre des « progrès médicaux majeurs » (assouplissement pour faciliter la recherche fondamentale).

En 2013, la recherche sur l’embryon devait avoir une simple « finalité médicale ». Désormais, cela peut être simplement le fait de viser l’amélioration de la connaissance de la biologie humaine, ce qui est extrêmement vaste et ne permet pas de garantir le respect de critères éthiques.

  • 2021 : la loi demande simplement qu’« en l’état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ».

Lorsque le régime dérogatoire a ouvert la recherche sur l’embryon, elle était conditionnée à la démonstration de l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable. Ce critère a été depuis assoupli. Déjà en 2013, la loi avait supprimé la fin de la faveur pour les méthodes alternatives.

C. Dispositions particulières :
  • Il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour de développement.
  • La conception d’embryons n’est possible que dans le cadre d’une AMP (assistance médicale à la procréation ou PMA). Il n’est pas autorisé de concevoir des embryons dans l’unique objectif de les donner à la recherche.
  • Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Ils sont détruits.
  • Gratuité : les embryons sont cédés sans contrepartie financière. L’obtention d’embryons à titre onéreux est interdite.
  • Consentement (du couple, membre survivant ou femme).

Il doit être réitéré dans les 3 mois et est révocable tant qu’aucune recherche n’a eu lieu. Depuis la loi 2021 : l’information sur les autres possibilités ouvertes par la loi ne sont plus obligatoires (don à un couple, arrêt de la conservation…)

  • Anonymat : aucune information susceptible de permettre l’identification du couple à l’origine des embryons ne peut être communiquée au responsable de la recherche.
  • L’article précisant que « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite » a été supprimé par la loi de 2021.

Pour les embryons transgéniques (génétiquement modifiés), cet article a été remplacé par : « La conception in vitro d’embryon humain par fusion de gamètes ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite ». (L.2151-2 et Art.18 convention d’Oviedo). La rédaction a donc changé. Les mots « par fusion de gamètes » (ce qui correspond tout simplement au phénomène naturel de fécondation, entre un ovocyte et un spermatozoïde) ont été introduits.

Dès lors, les « embryons » créés par d’autres voies ne sont pas concernés par cet interdit. Cette ouverture vise notamment à ne pas empêcher la recherche sur les « modèles embryonnaires ».

Pour les « chimères » (mélange d’embryons humains et d’autres espèces). La loi de 2021 énonce que : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite ». L’inverse n’est donc plus interdit : il est possible d’intégrer des cellules humaines (notamment embryonnaires, mais aussi IPS) à des embryons d’autres espèces.

 

IV. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh)

La recherche est soumise à une déclaration à l’Agence de la biomédecine.

Le directeur général de l’ABM peut s’opposer à cette déclaration.

A. Dispositions particulières
  • Les CSEh doivent dériver d’embryons issus d’un protocole de recherche autorisé ou de CSEh ayant fait l’objet d’autorisation d’importation.
  • Les gamètes obtenus par CSEh (c’est-à-dire, transformation de la CSEh en ovocytes ou en spermatozoïde) ne peuvent en aucun cas servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou recueilli par don.
  • Cas particulier. Si le protocole demandé a pour objet la différentiation de CSEh en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou encore l’insertion de CSEh dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, le directeur général de l’ABM peut s’y opposer, après avis public du Conseil d’orientation de l’ABM. A défaut d’opposition du directeur général de l’agence, la réalisation du protocole de recherche peut débuter.
B. Conditions dites « scientifiques »
  • La « pertinence scientifique doit être établie »
  • La recherche doit s’inscrire dans une « Finalité médicale ou amélioration de la connaissance de la biologie humaine ». Ce critère extrêmement vaste n’est donc pas très restrictif.

 

Clause de conscience :

Que cela concerne la recherche ou l’exploitation de l’embryon ou des cellules embryonnaires : « Aucun chercheur, aucun ingénieur, technicien ou auxiliaire de recherche quel qu’il soit, aucun médecin ou auxiliaire médical n’est tenu de participer à quelque titre que ce soit aux recherches sur des embryons humains ou sur des cellules souches embryonnaires autorisées en application de l’article L2151-5 ».

 

V. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules IPS Cellules pluripotentes induites

Si le protocole demandé a pour objet la différentiation en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou l’insertion dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, ces recherches spécifiques sont soumises à déclaration auprès de l’ABM.

Les cellules IPS, qui n’impliquent pas de sacrifier des embryons humains pour être mises au point, ont souvent été présentées comme une alternative possible à l’utilisation des cellules embryonnaires. En réalité, ces deux types de cellules ne sont pas identiques, en particulier car les cellules IPS gardent une « trace » des changements intervenus pendant la reprogrammation. Ainsi, lorsque des protocoles sont engagés avec des cellules IPS, bien souvent ces protocoles induisent l’utilisation de CSEh, celles-ci étant reconnues comme étant la « norme » à laquelle comparer les résultats.

Les chercheurs parlent des CSEh comme de « gold standard ». Parmi les enjeux éthiques inhérentes aux cellules IPS, il y a celle du consentement de la personne dont sont issues ces cellules, en particulier sur les usages futurs qui pourraient être attribuées à ces cellules particulières, attendu que leur différentiation en gamètes ou leur insertion dans un embryon animal (chimères) n’ont pas été interdit par la loi bioéthique.

 

VI. Que deviennent les embryons dits « surnuméraires » ?

Les deux membres du couple ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année pour savoir s’ils maintiennent leur “projet parental”. S’ils confirment par écrit le maintien de leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie. S’ils n’ont plus de “projet parental”, les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir (délai de réflexion de trois mois) :

  • A ce que le ou les embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme ;
  • A ce que le ou les embryons fassent l’objet d’une recherche ;
  • A ce que les cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ;
  • A ce qu’il soit mis fin à leur développement in vitro, (fin de la cryoconservation) ce qui conduit à leur destruction.

L’absence de révocation du consentement dans ce délai de 3 mois vaut confirmation. Pour la recherche ou la dérivation de cellules en préparation de thérapie cellulaire, le consentement est révocable tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’embryon. Il est mis fin à leur développement in vitro et donc à leur destruction :

  • En l’absence de réponse depuis au moins cinq ans, à compter du jour où ce consentement a été confirmé ;
  • En cas de désaccord des membres du couple ;
  • En cas de décès de l’un ou des deux membres du couple, en l’absence des consentements pour qu’ils soient accueillis par d’autres ou donnés à la recherche.

3e épisode : Le diagnostic pré implantatoire (dpi)

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I. De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’une technique de sélection des embryons. Ce diagnostic biologique est mené in vitro avant leur éventuel transfert dans l’utérus. Il peut permettre de détecter des anomalies génétiques et chromosomiques. Le DPI implique de facto une fécondation in vitro (FIV) pour concevoir les embryons, et donc le prélèvement et la conservation en amont des gamètes (sperme et ovocyte) des parents. Le passage par un parcours PMA (stimulation et ponction ovarienne, FIV…) est inévitable.

Cette technique, autorisée depuis 1994, se pratique à partir de cellules prélevées directement sur l’embryon, quelques jours après la fécondation, avant ou après une période de congélation. Malgré ce prélèvement, l’embryon va continuer son développement

En 2021, 305 enfants sont nés vivants (issus de 290 accouchements) à la suite d’un DPI. Pour avoir un ordre d’idées sur l’évolution du recours au DPI, c’est 6 fois plus qu’en 2007, où 50 enfants étaient nés à la suite de sa mise en œuvre.

 

A. Qui est concerné par le DPI ?

En France, le DPI s’inscrit principalement dans un contexte d’antécédents personnels ou familiaux. Son accès pour des personnes souhaitant devenir parent est autorisé à titre exceptionnel dans certaines conditions :

  • Quand il est avéré que le couple (ou la femme non mariée demandant à avoir accès à une PMA incluant un don de sperme anonyme), du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
  • Si l’anomalie ou les anomalies génétiques responsables de la maladie ont été préalablement et précisément identifiées, chez l’un des parents ou l’un de ses ascendants immédiats (en cas de maladie gravement invalidante à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital).
  • Le diagnostic ne peut avoir d’autre objet que de rechercher cette affection ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter.

Pour faire simple, si le recours au DPI est autorisé pour un couple qui a déjà eu un enfant porteur d’une maladie, ce diagnostic ne pourra être utilisé que pour rechercher la présence ou non de cette pathologie précise dans les embryons et pas pour d’autres indications.

B. Quel devenir pour les embryons ayant subi un DPI ?

Si l’embryon est exempt de la pathologie recherchée, il peut être décidé qu’il soit implanté dans l’utérus ou qu’il soit congelé pour être implanté plus tard. Si l’anomalie ou les anomalies sont retrouvées sur un embryon, il est détruit ou le couple ou la femme peuvent consentir à ce que celui-ci soit donné à la recherche.

C. Quelles sont les indications rendant le DPI autorisé et possible ?

L’Agence de la biomédecine met à disposition une liste des indications disponibles pour un diagnostic préimplantatoire en France. Au total en 2021, ce sont 403 maladies génétiques différentes qui ont bénéficié d’une mise au point technique diagnostique en vue de DPI. Evidemment, ce nombre augmente chaque année, dès lors que des anomalies deviennent détectables et identifiées. Parmi les pathologies les plus recherchées, on retrouve la mucoviscidose, la maladie de Huntington, le syndrome de l’X fragile, la drépanocytose, certaines dystrophies musculaires…

 

II. Le recours au DPI en France en quelques chiffres

Chaque demande de DPI est examinée par un Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN). 1366 demandes ont été examinées en 2021 (derniers chiffres de l’ABM disponibles). Ce nombre est supérieur aux années précédentes (en 2017, c’était 1018. En 2015, 766).

En 2021, 869 demandes ont été acceptées. C’est donc un peu moins de deux tiers des demandes (63,6 %) à l’échelon national qui sont donc reconnues comme éligibles au DPI. Ce taux, lui, est en baisse régulière. Ainsi, en moyenne, il y a plus de demandeurs mais moins de demandes acceptables. On note aussi une forte disparité selon les centres. Nantes rapporte un taux d’acceptation de 81,2% quand celui de Paris affiche 52%.

 

III. Le cas particulier du Double DPI : le DPI-HLA, technique dite du « bébé médicament »

La technique du bébé médicament, appelé aussi parfois « bébé double espoir » requiert la fabrication d’un très grand nombre d’embryons in vitro, suivie d’un double tri. Elle consiste à réaliser un double diagnostic. D’abord, pour sélectionner les embryons exempts d’une pathologie donnée (dont souffre un enfant du couple). Ensuite, parmi ces embryons, on vérifie s’ils sont ou non immunologiquement compatibles avec l’enfant déjà là. D’où le sigle HLA accolé à DPI. HLA signifie : “human leucocyte antigen” – ou complexe majeur d’histocompatibilité en français – et contient une partie importante du système immunitaire humain.

bébé médicament dpi

Par la suite, si un embryon sain et compatible a été conçu, il sera ensuite implanté dans l’utérus de la mère. En cas de naissance de l’enfant, il sera procédé au prélèvement de cellules souches sur ce « bébé médicament », d’abord dans le sang placentaire ou, plus tard, dans sa moelle osseuse, pour être administré à l’ainé malade. La probabilité de disposer d’un embryon à la fois sain et compatible est très faible (de l’ordre de 10%). Couplées au taux d’échec important classique en PMA, les chances de succès de grossesse sont donc minimes.

Par ailleurs, les progrès réalisés dans la collecte, le stockage et le don de sang de cordon permettent de répondre de manière éthique à ce type de besoin thérapeutique, rendant la technique du DPI-HLA encore plus irrecevable. Aujourd’hui, la probabilité de trouver un donneur compatible s’accroît d’année en année grâce au réseau de solidarité tissé par les registres à travers le monde. Aujourd’hui, la greffe de sang de cordon est une pratique installée et représente environ 8% du total des greffes de cellules souches hématopoïétiques en France (cette proportion s’élève à 27% des greffes chez les enfants).

Cette technique pose de graves problèmes éthiques et moraux. Elle envisage la naissance d’un enfant, non comme une fin en soi, mais comme un moyen. Le fait de rejeter des embryons sains (mais non‐HLA compatibles) indique que l’enfant à venir n’est pas d’abord voulu pour lui‐même, mais bien pour un autre. Cette technique peut donner de faux espoirs aux parents.

Par ailleurs, il est difficile d’imaginer le poids psychologique que ce bébé va porter face au rôle qu’on lui impose : être le sauveur de son frère ou de sa sœur. Quel impact sur la construction de sa personnalité ? Savoir qu’on doit son existence à l’aboutissement d’un tri, dont la finalité est de sauver autrui, n’est pas neutre. S’ajoute la possibilité que les prélèvements de moelle se réitèrent au cours de sa vie. Et en cas d’échec thérapeutique de la greffe, comment le vivra-t-il, et sa famille avec lui ?

Umut-Talha, le premier « bébé médicament » français, est né en 2011, conçu afin de guérir sa sœur atteinte de bêta-thalassémie, une maladie génétique due à une anomalie de l’hémoglobine. Par la suite, les demandes ont toujours été rarissimes, seulement 38 entre 2006 et 2014. L’hôpital Béclère, le seul à avoir pratiqué le DPI-HLA, avait même cessé depuis 2014 cette activité longue et lourde, tant pour les couples que pour l’équipe médicale. C’est une technique peu proposée, peu demandée et peu réalisée.

Dans la nouvelle loi bioéthique adoptée par le parlement en 2021, cette disposition a pourtant été maintenue bien que des députés aient essayé de la retirer. Certaines conditions ont même été assouplies. En effet, la loi de 2021 ne prévoit plus que tous les embryons sains conservés d’un couple soient implantés avant d’envisager une nouvelle tentative de FIV (article L 1231-4 du Code de la Santé Publique) en vue de réaliser un double DPI, ce que la loi exigeait auparavant.

 

IV. Quels enjeux autour du DPI ?

Dans certains pays, comme aux Etats-Unis, le DPI est déjà utilisé pour sélectionner les embryons en fonction de leur sexe, sur des critères esthétiques (couleur des yeux) et même pour choisir des embryons porteurs de handicap. Un marché s’est créé autour de cette « prestation » eugénique. Par ailleurs, une enquête révèle que 3 % des parents atteint de surdité d’origine génétique ont choisi d’avoir intentionnellement recours aux FIV-DPI pour choisir un embryon porteur, lui aussi, de surdité. Les parents souhaitent transmettre leur handicap en héritage, pour que leur enfant partage les mêmes moyens de communication.

eugénisme

Actuellement en France, le cadre du DPI se limite aux seules anomalies héréditaires, d’une particulière gravité et incurables au moment du diagnostic. Mais la logique inhérente à cette technique repose en elle-même sur la sélection embryonnaire. Déjà, certains souhaitent obtenir une extension des indications, notamment pour l’ouvrir à d’autres qui ne sont pas des maladies génétiques héréditaires. Notamment à ce qu’on appelle le DPI-A (A pour aneuploïdie, qui signifie un nombre anomal de chromosome, c’est le cas des trisomies).

En France, il y a de fortes pressions menées pour généraliser de plus en plus ce tri. Un glissement vers un DPI pour TOUT et pour TOUS, derrière un mythe grandissant de quête du « bébé parfait ». Le glissement est largement amorcé. D’abord, on autorise ces tests seulement pour traquer des maladies très graves. Puis des moins graves. Puis, de simples prédispositions…

Lorsque les embryons sont conçus in vitro, par FIV, dans le cadre d’un cycle de PMA qui concerne les couples qui souffrent d’infertilité, ces embryons sont en quelque sorte à la disposition des biologistes. Certains plaident pour que ces embryons soient vérifiés avant implantation. La logique mécanique et techniciste est en place. Puisque la technique est à disposition, pourquoi ne pas l’utiliser ? Et ainsi, éviter de garder et d’implanter des embryons éventuellement porteurs de trisomie, par exemple, car celle-ci, qui serait détectée par la suite pendant la grossesse, pourrait conduire à une IMG, plus traumatisante pour la femme enceinte et le personnel médical.

Ainsi, le glissement vers un eugénisme technologique et consensuel n’a jamais été aussi prégnant. Les enjeux éthiques sont immenses : il s’agirait d’une rupture assumée vers une forme de contrôle qualité de l’embryon, en l’absence de tout risque identifié. Quelles seraient par exemple les trisomies éligibles au test ? Qui passerait le tamis de la sélection ?

Enfin, le DPI n’est pas un diagnostic immuable. Il y a des risques de faux positifs autant que de faux négatifs. Il peut aussi exister des cas d’embryons mosaïques, où coexistent au sein d’un même embryon des cellules qui donneront des résultats diagnostics différents.

Derrière cette technique du DPI se jouent de réels enjeux d’humanité : celui de la manière dont une société considère l’enfantement, l’accueil de l’enfant. Et celui du regard posé sur la procréation humaine, soumise de plus en plus aux pressions de la technique et du marché et à la loi du plus fort. Celui, au fond, de refuser de soumettre la vie aux biotechnologies.

4e épisode : Le diagnostic prénatal (DPN)

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Le diagnostic prénatal ou DPN est l’ensemble des pratiques médicales permettant de déceler les anomalies ou les malformations d’un bébé au stade fœtal ou embryonnaire. Selon l’article L2131-1 du code de la santé, « le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité. »

Le diagnostic prénatal affiche un triple objectif :

  • améliorer la prise en charge médicale des enfants nés avec un problème de santé,
  • préparer les parents sur les plans social et psychologique à l’arrivée de ce bébé au parcours singulier, mais aussi, parfois,
  • attester la gravité de certaines pathologies afin d’engager une interruption médicale de grossesse (IMG), autorisée en France jusqu’au terme de la grossesse.

Lorsqu’une anomalie fœtale est détectée, elle doit être attestée par l’un des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN), eux-mêmes encadrés et agréés par l’Agence de la biomédecine (ABM).

I. Diagnostic et dépistage, quelle différence ?

Le diagnostic prénatal repose sur des examens d’imagerie et des dosages biologiques, mais aussi sur des examens plus invasifs (type amniocentèse). Les premiers tests effectués au cours de la grossesse sont généralement des tests de DEPISTAGE (échographie, dosages sanguins à partir d’une prise de sang de la mère), et orientent vers la nécessité ou non de réaliser un DIAGNOSTIC, en général via une amniocentèse ou un prélèvement de villosités choriales, examens qui comportent un risque non négligeable de provoquer une fausse couche (de 0,5% à 1%).

Introduit en France en 2013, le dépistage prénatal non invasif (DPNI) est une technique de dépistage prénatal, qui permet de détecter précocement des anomalies des chromosomes chez le fœtus et en particulier des formes de la trisomie 21, trisomie 13 et 18. A partir d’une simple prise de sang chez la femme enceinte, le test DPNI permet d’analyser des fragments de l’ADN du fœtus, qui circulent dans le sang maternel pendant la grossesse.

Remboursé depuis 2018, ce test est effectué par beaucoup de femmes qui ignorent qu’il n’est pas obligatoire. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande l’intégration de l’analyse de l’ADN libre circulant dans le sang maternel du chromosome 21 lorsque le risque de trisomie 21 fœtale est estimé au regard de l’âge maternel, du dosage des marqueurs sériques (PAPP-A, ß-HCG) ou de la mesure échographique de la clarté nucale.

Selon le rapport d’activité annuel de DPN 2022 de l’ABM, le dépistage des aneuploïdies (anomalies chromosomiques), dont la trisomie 21, reste le plus fréquent selon des méthodes variées :

  • Le dépistage de la trisomie 21 par les marqueurs sériques maternels (618 027 femmes testées en 2022, soit 85,5 % des naissances, contre 629 688 femmes dépistées en 2021),
  • Le DPNI dont le nombre a lui augmenté par rapport à 2021, pour atteindre 129 804 en 2022
  • Le diagnostic des aneuploïdies par caryotype fœtal, examen invasif qui consiste en un prélèvement pour confirmer le diagnostic de l’anomalie dépistée. Le nombre en baisse en 2022 est lié notamment à la hausse du DPNI et du diagnostic par ACPA (analyse chromosomique par puce à ADN), présenté comme plus précis qu’un caryotype.

II. Quels changements ont été apportés par la loi de bioéthique de 2021 ?

  1. L’extension du DPN à une enquête génétique chez les parents en cas de découvertes fortuites lors des examens habituels :

Lorsque des informations génétiques sont découvertes à l’occasion d’un test sans avoir été spécialement recherchées, elles sont utilisées dans le cadre de la « médecine fœtale », anciennement diagnostic prénatal. Selon l’article L. 2131-1, VI 

« La femme enceinte est également informée que certains examens de biologie médicale à visée diagnostique […] peuvent révéler des caractéristiques génétiques fœtales sans relation certaine avec l’indication initiale de l’examen et que, dans ce cas, des investigations supplémentaires, notamment des examens des caractéristiques génétiques de chaque parent, peuvent être réalisées dans les conditions du dispositif prévu à l’article L. 1131-1.

2. Les changements apportés par la loi de bioéthique sur l’IMG

La loi ne modifie pas substantiellement l’IMG mais y apporte tout de même des changements significatifs tant dans les conditions de fond que de forme.

  • L’interruption volontaire partielle de grossesse multiple

La « réduction embryonnaire » est le terme utilisé pour décrire la pratique qui consiste à éliminer un ou plusieurs fœtus dans le cadre d’une grossesse multiple, même s’ils sont en bonne santé. La loi de bioéthique d’août 2021 précise qu’une « réduction embryonnaire » peut être pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse si elle « permet de réduire les risques d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril la santé de la femme, des embryons ou des fœtus » (art. L. 2213-1, II).

Les conditions sont plus souples qu’une IMG classique en ce que le « péril », qui est susceptible d’affecter la santé de la mère mais aussi des embryons ou des fœtus selon l’âge de la grossesse, ne doit pas nécessairement être grave.

  • IMG pour les mineures non émancipées

La loi applique à l’IMG les dispositions existantes en matière d’IVG pour les femmes mineures. Même en cas de refus des parents ou d’un éventuel tuteur, une IMG peut être pratiquée sur une mineure à condition qu’elle se fasse accompagner par une personne majeure de son choix, comme pour une IVG.

  • Obligation d’information du médecin en cas de refus de pratiquer une IMG

La loi de bioéthique de 2021 ajoute un article L. 2213-4 disposant qu’« un médecin qui refuse de pratiquer une IMG doit informer sans délai l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement les noms de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ».

  • Suppression du délai de réflexion

La loi supprime enfin l’obligation de proposer à la femme un délai de réflexion d’au moins une semaine avant d’interrompre sa grossesse en cas de forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

III. DPN et questions éthiques

Dans ce domaine du diagnostic prénatal, les avancées fulgurantes permettent une meilleure anticipation de l’éventuelle nécessité d’une prise en charge de l’enfant à la naissance, voire in utéro, en cours de grossesse. Néanmoins, lorsque le diagnostic d’une anomalie de l’enfant à naitre est le plus souvent suivi d’une interruption de grossesse (IMG), il y a lieu de s’interroger.

Progressivement le DPN assorti de proposition d’avortement médical s’est imposé comme une « bonne pratique » médicale. La trisomie est devenue emblématique : la France détient le record mondial du dépistage.

En cas d’anomalie chromosomique, ni traitement, ni prise en charge ne sont proposés. En 2021, 1 861 « attestations de particulière gravité » ont ainsi été délivrées après le diagnostic d’une trisomie 21. D’après le rapport de l’ABM, en 2021, 97% des femmes qui avaient reçu une attestation des CPDPN en vue d’une IMG pour motif fœtal y ont eu recours.

En 2021, le Comité pour les droits des personnes handicapées des Nations unies a reproché à la France sa politique de dépistage prénatal systématique de la trisomie 21, dévalorisant les personnes atteintes de handicap.

La technicisation de la grossesse crée un cercle vicieux dans lequel :

  • le corps médical se sent comme redevable de dépister les anomalies in utero en améliorant toujours plus les outils de DPN ;
  • les parents attendent beaucoup de la technique pour avoir un enfant avec le moins de défauts possibles.

Parmi les progrès attendus, notons celui de la nécessité de garantir aux futurs parents un consentement réellement libre en développant toutes les mesures nécessaires pouvant faciliter l’accueil d’un enfant pour lequel une maladie ou un handicap a été détecté, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Lors des débats de la loi bioéthique de 2021, des experts et parlementaires ont dénoncé l’eugénisme des pratiques du DPN en France. Dans un Avis rendu en 2022, le Comité consultatif national d’éthique a insisté sur la nécessité d’une « éthique de l’annonce », incluant trois critères :

  • D’abord, la pluralité des options (une information a une réelle valeur éthique quand elle éclaire, sans les dicter, un choix qui reste ouvert sur plusieurs possibilités d’action).
  • Puis la neutralité (appelant à la plus grande précaution oratoire lors de l’évocation de la possibilité d’une IMG, : « le simple fait d’envisager l’éventualité d’un arrêt de la grossesse peut produire un effet incitatif dans la mesure où, tacitement, le médecin juge la situation préoccupante »).
  • Enfin, la temporalité (le temps participe aux conditions d’une réflexion non contrainte).

 

Conclusion 

Le diagnostic prénatal devrait avoir pour seule finalité la prise en charge médicale des anomalies détectées. Toute politique en faveur du soutien des personnes handicapées et de recherche médicale ne peut aujourd’hui faire l’économie de la réflexion sur la tentation d’eugénisme qui traverse notre société.

5e épisode : Le don d'organes

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I. 3 grands principes régissent le don d’organes en France :

  • Principe du « consentement présumé » : en France, la loi indique que nous sommes tous donneurs d’organes et de tissus, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus de donner (en s’inscrivant sur le registre national des refus, possible dès 13 ans, ou si un proche de la personne décédée fait valoir le refus de prélèvement d’organes que cette personne a manifesté expressément de son vivant). Les enfants mineurs peuvent être donneurs d’organes. Toutefois, la loi en France indique que le don d’organes et de tissus ne peut avoir lieu qu’à la condition du consentement des titulaires de l’autorité parentale.
  • Gratuité : le don d’organes est un acte de générosité et de solidarité. La loi interdit toute rémunération en contrepartie de ce don.
  • Anonymat : le nom du donneur ne peut être communiqué au receveur, et réciproquement. La famille du donneur peut cependant être informée des organes et tissus prélevés ainsi que du résultat des greffes, si elle le demande.

La loi de bioéthique votée en aout 2021, dont les modalités d’application ont été fixées par décrets (n° 2021-1627 et n° 2021-1626 du 10 décembre 2021), introduit quelques nouveautés sur le don d’organes, en particulier le « don croisé ».

 

II. Qu’est-ce que le don croisé ?

La loi de 2011 qui comportait déjà cette innovation. Le don croisé est une organisation spécifique pour les greffes rénales avec donneur vivant. L’une des principales difficultés dans le domaine de la greffe est celle de la « compatibilité » entre donneur et receveur. Comme il est possible de vivre avec un seul rein, il arrive que des proches d’une personne en attente de greffe souhaitent donner un de leur rein, mais ne sont pas « compatibles ».

C’est là qu’intervient l’idée de « don croisé » : il permet, lorsque le don n’est pas possible au sein d’une même famille, de regrouper deux couples de receveurs-donneurs présentant entre eux une compatibilité afin d’échanger les donneurs respectifs. Il s’agit donc d’une incitation à trouver des donneurs vivants dans l’entourage des personnes en attente de greffe pour pouvoir procéder à « l’échange » de greffons avec d’autres familles.

L’ABM (Agence de Bio Médecine) décrit le processus sur son site :

“Un donneur D1 souhaite donner à son proche, le receveur R1, mais n’est pas compatible avec lui. Par ailleurs, un donneur D2 souhaite également donner à son proche, le receveur R2, mais n’est pas compatible avec lui. Si le donneur D1 est compatible avec le receveur R2 et que le donneur D2 est compatible avec le receveur R1, une greffe peut être envisagée entre le donneur D1 et le receveur R2 et une autre entre le donneur D2 et le receveur R1. C’est cela que l’on appelle le don croisé.”

Dans les dispositions de la loi, le don croisé reste anonyme. Chaque donneur accepte qu’un receveur anonyme soit greffé de son rein pour que son proche accède aussi à une greffe. Ce système contourne une incompatibilité entre le patient en attente d’une greffe et un proche souhaitant donner un rein. Selon l’ABM, cette procédure a aussi des avantages médicaux : accès à un nombre plus élevé de greffons, accès plus rapide à la greffe, programmation de l’intervention, et faible temps où l’organe donné est conservé au froid avant la transplantation.

Or, les données montrent que les risques de rejet de greffe augmentent avec la durée de cette conservation avant transplantation.

La loi de 2021 a assouplit le système de don croisé. Au départ, le don croisé concerne 2 paires de donneurs et receveurs. Entre donneurs vivants, la loi de 2021 autorise désormais le nombre de donneurs et receveurs consécutifs de passer de deux à six. Il ouvre aussi la possibilité d’intégrer à une procédure de dons croisés le recours à un organe prélevé sur une personne décédée.

En pratique, une chaine de dons est initiée par un donneur seul (vivant ou décédé) n’ayant pas de patient spécifique à qui faire un don. Cette première greffe permet d’amorcer une suite de dons parmi des paires patient/donneur incompatibles. Le donneur vivant associé au patient recevant le rein du donneur décédé peut alors à son tour donner son rein qui va bénéficier à une deuxième paire patient/donneur, et ainsi de suite.

Les opérations de prélèvement et de greffe, qui devaient auparavant être réalisées dans le même temps afin de préserver l’égalité des chances, se déroulent désormais dans un délai maximal de vingt-quatre heures.

 

III. Quelques chiffres sur les greffes de rein

L’ABM a mené une campagne d’information et de sensibilisation à l’automne 2021 “don de rein à un proche, la solution est en nous tous”. En 2020, année perturbée par la crise sanitaire (Covid 19) 2595 greffes ont été réalisées, dont 390 (15%) grâce à un don venant d’un vivant. Un peu plus de 42000 personnes vivent avec un rein greffé.

 

IV. Quels sont les autres changements apportés par la loi de bioéthique de 2021 ?

  • Elle a étendu le devoir d’information à toute personne âgée de plus de 16 ans. Elle impose en particulier aux médecins traitants (art. R.1211-50) de s’assurer que tout patient est informé de la possibilité du don d’organes et de ses modalités, et demande aux médecins de l’éducation nationale et de médecine préventive des établissements d’enseignement supérieur (art. R.1211-51) d’apporter leurs concours à l’action d’information des élèves et des étudiants âgés d’au moins seize ans sur le don d’organes à fins de greffe et les modalités de consentement.
  • Elle a modifié les modalités d’organisation des comités d’experts chargés d’autoriser les prélèvements par l’Agence de la biomédecine et leurs conditions de fonctionnement (art. R.1231-5 à R.1231-8 CSP).
  • Elle est venue modifier les conditions de prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur mineur ou sur majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, au bénéfice des père et mère. C’est ce qu’on appelle « les greffes de moelle osseuse ». Les cellules souches hématopoïétiques sont fabriquées par la moelle osseuse et sont à l’origine des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes. Elles sont donc prélevées aux fins de greffes pour lutter contre les maladies du sang. Jusqu’à présent, un tel prélèvement était autorisé sur mineur ou sur majeur protégé, en l’absence de solution thérapeutique, au seul bénéfice des frères et sœurs ou, à « titre exceptionnel », au bénéfice des cousins/cousines, oncles/tantes, neveux/nièces. La loi du 2 août 2021 ouvre désormais la possibilité de pratiquer un tel prélèvement au profit des parents du donneur sous certaines conditions. Compte tenu de la vulnérabilité du mineur ou du majeur protégé et afin de prévenir tout conflit d’intérêts, le décret organise la désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter le mineur (art. R.1241-13 CSP) ou le majeur protégé (art. R.1241-8).

L’augmentation du nombre de dons aujourd’hui insuffisant au regard du nombre de receveurs potentiels est souhaitable, mais ces nouvelles mesures invitent à rester vigilant, notamment sur la délicate question du recueil du consentement.

où en est-on dans la législation bioéthique en france ?

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