Retour sur la session 4 de la Convention citoyenne
Du vendredi 20 au dimanche 22 janvier, les citoyens de la Convention citoyenne se sont à nouveau réunis pour la deuxième session de la phase de délibération. Au cours de cette session, se sont enchaînées les tables rondes mêlant soignants, associations et représentants de pays étrangers.
Une table ronde internationale où émergent des dérives
Pour répondre à la demande de certains citoyens de pouvoir entendre d’autres expériences à l’étranger que celles de la Belgique et de la Suisse, une nouvelle table ronde internationale était organisée dès le vendredi après-midi, où n’étaient représentés que des pays ayant légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté. Y participaient Théo Boer, ancien membre du comité de contrôle de l’euthanasie aux Pays-Bas, Michel Bureau, président de la commission des soins de fin de vie au Québec, Joelle Osterhaus, encadrante des services psychosociaux d’une unité de soins palliatifs à Portland (Oregon), aux Etats-Unis, et Francesca Re, avocate de l’association Luca Coscioni qui milite pour l’euthanasie en Italie.
Au Québec et aux Pays-Bas, les statistiques présentées montrent une très forte augmentation des cas depuis la légalisation, encore plus impressionnante au Québec où l’euthanasie a été légalisée en 2015. Les décès par euthanasie représentent aujourd’hui 5% du nombre total de décès aux Pays-Bas comme au Quebec, et 10,9% des décès de personnes ayant un cancer au Québec. Aux Pays-Bas, où les décès par euthanasie atteignent 20% des décès dans certains endroits, « la hausse semble se poursuivre. », tandis que le nombre de suicide violents augmente également.
Théo Boer, auteur d’une tribune publiée dans le journal Le Monde en décembre dernier, a mis en garde sur la difficulté à contenir les demandes d’euthanasie dans un cadre strict. « Je crois que pas un seul pays au monde n’a réussi à maintenir la pratique dans les limites des objectifs initiaux. Partout où l’euthanasie devient légale, la logique est la même. Pourquoi seulement l’euthanasie pour A et pas pour B ? ».
En Oregon, la loi réserve le suicide assisté à des patients atteints d’une maladie en phase terminale, avec un pronostic de moins de six mois d’espérance de vie. Toutefois, les chiffres présentés par Joelle Osterhaus révèlent que les principaux motifs pour une demande de suicide assisté en Oregon sont la perte d’autonomie (93%) ainsi que « la capacité réduite à participer à des activités rendant la vie agréable » (89%).
Les moyens mise en œuvre pour accompagner la fin de vie
Les citoyens de la convention citoyenne ont ensuite assisté à une nouvelle table ronde sur « les moyens mis en œuvre dans le cadre de la loi Claeys-Leonetti et le plan soins palliatifs 2021-2024 ».
Après une présentation de Louis-Charles Viossat du rapport de l’IGAS publié en 2018, Olivier Mermet et Bruno Richard, pilotes du plan national de développement des soins palliatifs 2021-2024 ont pu présenter les détails de ce plan.
Les questions des citoyens ont mis en évidence le manque d’ambition de ce plan, doté de seulement 180 millions d’euros, contre 1,7 milliard d’euros pour lutter contre le cancer. Ainsi, par exemple, le plan ne prévoit la création que de trois postes d’enseignants en médecine palliative.
Table ronde sur les souffrances réfractaires
La troisième et dernière table ronde du week-end traitait des souffrances réfractaires et réunissait à la fois des médecins et des associations de patients.
Les différentes interventions ont mis en lumière les progrès réalisés dans la prise en charge de la douleur et la possibilité de mettre en place des sédations profondes pour éviter des souffrances réfractaires. Malgré cela, il demeure une part de patients, certes faible, dont les douleurs ne peuvent être soulagées. Dans ces situations, le docteur Stéphane Picard, médecin algologue, invoque le « contrat moral » établi avec le patient, engageant les soignants à ne pas l’abandonner et à rester avec lui jusqu’au bout.
Les différents intervenants ont fortement insisté sur l’importance primordiale de l’accompagnement. Pour Francis Jubert, coordonnateur d’équipes de soins palliatifs à domicile, « se tenir à côté d’un grand malade, c’est une forme de sédation naturelle de pleine conscience. » Car à côté de la douleur physique, on ne peut négliger le poids des souffrances psychologiques et existentielles.
Ainsi Nathalie Maka, membre du Collectif Solidarité Charcot, a pu témoigner des souffrances liées à cette maladie, à la fois pour la personne qui en est atteinte et pour ses proches. Elle a exprimé le sentiment d’abandon des malades en l’absence de suivi médical ou psychologique immédiatement après l’annonce du diagnostic. Les personnes souffrant de SLA ne disposent pas d’une prise en charge adéquate que ce soit à l’hôpital ou à domicile. L’isolement peut conduire certains malades à demander à mourir. Ce devrait une priorité de l’organisation des soins.
Face aux carences du système de soins et aux malades renvoyés à leur solitude, Francis Jubert lance un appel à la solidarité : « C’est à vous de vous mobiliser pour être beaucoup plus présents auprès des personnes auprès des personnes qui vivent ces situations de fin de vie. »
Enfin, un citoyen a demandé à l’ancien président de la Fédération française de psychiatrie, Jean-Jacques Bonamour du Tartre, son opinion sur la possibilité d’autoriser le suicide assisté pour des patients atteints de pathologies psychiatriques. Invoquant les fluctuations dans le temps de ces demandes, celui-ci a mis en avant la responsabilité des psychiatres pour faire disparaître les sentiments suicidaires : « Notre travail, c’est d’éviter que les gens se suicident et on a du boulot ! »
346 propositions sur la fin de vie
A l’issue de cette quatrième session, les citoyens ont formulé 346 propositions non définitives et ont commencé à tenter d’établir un ordre de priorité.