[CP] L’avortement, otage de manœuvres politiciennes

[CP] L’avortement, otage de manœuvres politiciennes

Après l’annonce par le président de la République d’un projet de loi constitutionnel pour inscrire l’IVG dans la constitution, Alliance VITA dénonce l’instrumentalisation grossière et indécente de la douloureuse question de l’avortement.

 

Ce projet remet en jeu l’édifice juridique au détriment de la démocratie et des droits humains.

 

Dans une décision de 2001, le Conseil constitutionnel a évalué la loi sur l’IVG en prenant en compte la liberté de la femme, la sauvegarde de la dignité humaine, le droit à la vie et la liberté de conscience. Aucun de ces principes ne figurent en tant que tels dans la constitution mais ont alors été reconnus par la jurisprudence du Conseil constitutionnel comme ayant une valeur constitutionnelle. Inscrire l’interruption volontaire de grossesse dans la constitution sans inscrire les autres principes qui y sont associés constitue une rupture qui fragilise ces derniers.

Par le jeu des questions prioritaires de constitutionnalité, on peut craindre qu’il devienne alors possible d’exiger une IVG jusqu’à son terme ou en raison du sexe, ce qui est proscrit en France et dans de nombreux pays. Cela pourrait aboutir également à remettre en question la clause de conscience des soignants et menacer encore davantage la liberté d’expression sur une question sociale et humanitaire qui demeure un douloureux tabou.

 

D’autre part ce projet marque une déconnexion de la réalité des pressions et des violences subies par les femmes

 

En France le nombre d’IVG reste à un niveau élevé avec 223 300 interruptions volontaires de grossesse (IVG) enregistrées en 2021 et un taux record de recours (15,5 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans en 2021). En outre, alors que le pays traverse des difficultés économiques, un rapport de la DREES a établi que ce sont les femmes les plus pauvres qui avortent le plus souvent (rapport 2020). L’IVG s’avère ainsi un marqueur d’inégalités sociales qui devrait alerter les pouvoirs publics. D’autre part, à aucun moment n’est pris en compte le lien entre violence et IVG à répétitions, pourtant confirmé par des études.

 

« Comment peut-on se satisfaire d’une telle situation ? Comment comprendre les déclarations successives d’Emmanuel Macron, contre l’allongement des délais et conscient du traumatisme de l’avortement et son positionnement aujourd’hui ? Inscrire le droit à l’avortement dans la constitution serait la dernière étape vers la banalisation d’un acte qui met plusieurs vies en jeu.  Notre société s’est progressivement détournée des détresses et des situations auxquelles peuvent être confrontées certaines femmes. Ces gesticulations politiciennes occultent la réalité et empêchent la mise en place d’une véritable prévention de l’avortement et de permettre à celles qui le souhaitent de poursuivre leur grossesse. » conclut Caroline Roux, Directrice générale adjointe d’Alliance VITA.

Fausse couche : une PPL adoptée en commission pour mieux accompagner les couples

Fausse couche : une PPL adoptée en commission pour mieux accompagner les couples

Examinée en Commission des affaires sociales le 1er mars, une proposition de loi déposée par la Députée Modem Sandrine Josso, visant à favoriser l’accompagnement psychologique des couples confrontés à une fausse couche, a été adoptée à l’unanimité.

 

D’après plusieurs études publiées dans la revue The Lancet en 2021, on estime que 15% des grossesses se terminent par une fausse couche. En France, cela concernerait environ 200 000 femmes chaque année.

Les fausses couches peuvent laisser des traces physiques et psychologiques importantes. Les femmes qui en ont subi présentent un risque plus élevé d’anxiété, de dépression voire de stress post-traumatiques. Leurs conjoints peuvent également présenter des symptômes dépressifs.

Or, comme le relève Sandrine Josso, auteur et rapporteur de la proposition de loi, « les professionnels médicaux auditionnés, gynécologues, sages-femmes, échographistes, sont trop souvent démunis pour annoncer et expliquer la fausse couche et savoir vers qui orienter les couples qui éprouvent le besoin d’être soutenus. »

Afin de proposer un meilleur accompagnement, la proposition de loi, dans sa rédaction initiale, visait à ouvrir la possibilité pour les sages-femmes d’adresser les patientes confrontées à une fausse couche vers un psychologue agréé et remboursé par l’assurance-maladie, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Lancé en avril 2022, ce dispositif permet à toute personne angoissée, déprimée ou en souffrance psychique de bénéficier de huit séances remboursées par l’assurance maladie avec un psychologue conventionné.

Lors de l’examen en commission, plusieurs modifications importantes ont été introduites dans la proposition de loi :

  • Le titre initial de la proposition de loi, qui visait à « favoriser l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche » a été modifié. Le mot « femme » a été remplacé par le mot « couple » pour inclure également le conjoint et le terme « victimes » a été remplacé par « confrontés à ».
  • Un article additionnel a été ajouté en vue de créer un parcours d’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche, sous la responsabilité des Agences régionales de Santé (ARS), dans une approche pluridisciplinaire mêlant professionnels médicaux et psychologues. Ce parcours pourra entrer en application à compter du 1er septembre 2024.
  • L’article 1 a été réécrit afin que les sages-femmes puissent adresser non seulement les patientes, mais également leurs partenaires, et cela quelle que soit la situation (fausse couche, post partum, IMG, IVG). Selon l’exposé de l’amendement, « les sages-femmes doivent pouvoir faire bénéficier de ce suivi psychologique à leurs patientes dans toutes les situations où cela leur semble nécessaire, dans le cadre du suivi qu’elles assurent, notamment au titre de la grossesse et du post-partum. »

 

Discussion sur la création d’un congé spécial

Différents groupes de la NUPES avaient déposé des amendements pour créer un congé spécial de deux ou trois jours accordé aux femmes ou aux couples salariés concernés par une fausse couche, reprenant une idée contenue dans une proposition de loi déposée en 2022 par l’ex députée Paula Forteza. Ce congé existe déjà en Nouvelle-Zélande. En France, pour la première fois, un accord a été signé dans le secteur de la technologie en décembre dernier, permettant la mise en place d’un congé payé de deux jours pour les femmes et leurs conjoints concernés par une fausse couche.

Or, ces amendements ont été rejetés. Sandrine Josso a évoqué le problème de confidentialité d’un tel congé vis-à-vis de l’employeur, ouvrant la voie à un risque de stigmatisation des salariées concernées. Néanmoins, elle propose d’interroger le ministre à ce sujet lors de l’examen en séance publique.

Reprenant une revendication du collectif « fausse couche, vrai vécu », une députée RN, Katiana Levavasseur, avait déposé un amendement pour remplacer le terme de fausse couche par l’expression « interruption naturelle de grossesse » dans le titre de la proposition de loi, qui a été rejeté.

En parallèle, dans un entretien accordé au magazine ELLE le même jour, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé la mise en place d’un congé maladie sans délai de carence en cas de fausse couche. Cette mesure fait partie du plan pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2023/2027) qui sera présenté le 8 mars en marge de la Journée internationale des droits des femmes. Elle devrait entrer en vigueur d’ici le 1er janvier 2024.

 

Adoptée à l’unanimité, la proposition de loi sera examinée en séance publique le mercredi 8 mars. Pour être définitivement adoptée, elle devra ensuite être examinée et votée par le Sénat.

Déclaration de Casablanca : des experts de 75 pays pour une convention internationale pour l’abolition de la GPA

Déclaration de Casablanca : des experts de 75 pays pour une convention internationale pour l’abolition de la GPA

Ce vendredi 3 mars 2023, des experts de 75 pays étaient réunis à Casablanca pour un séminaire au cours duquel ils ont rendu publique une proposition de Convention internationale pour l’abolition universelle de la gestation pour autrui (GPA).

 

Le séminaire pluridisciplinaire a rassemblé des chercheurs, juristes, médecins, anthropologues, psychologues et aussi des experts des droits humains. Il visait à « éclairer le sujet par un regard anthropologique et éthique sur la pratique des mères porteuses, ainsi qu’une approche par le terrain ». Cette rencontre a été ouverte par la juriste française Aude Mirkovic en présence d’observateurs du Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

La proposition de convention internationale comprend plusieurs éléments complémentaires :

  • La condamnation de la gestation pour autrui dans toutes ses modalités et sous toutes ses formes, qu’elle soit rémunérée ou non ;
  • Un engagement des états à lutter contre cette pratique pour protéger et préserver la dignité humaine et les droits des femmes et des enfants, en adoptant des mesures concrètes et, notamment interdire la GPA sur leur territoire ;
  • Le refus toute valeur juridique aux contrats comportant l’engagement pour une femme de porter et remettre un enfant.

Elle propose également de sanctionner

  • les personnes, physiques ou morales, qui se proposent comme intermédiaires entre les mères porteuses et les commanditaires ;
  • les personnes qui recourent à la GPA sur leur territoire ;
  • leurs ressortissants qui recourent à la GPA en dehors de leur territoire.

La pratique de la GPA est d’une particulière gravité : d’une part, elle consacre l’exploitation des femmes et leur mise sous la domination des commanditaires ; d’autre part, la programmation d’un enfant qui sera séparé, par contrat, de celle qui l’aura porté et enfanté ne respecte pas les droits de l’enfant. La souffrance de certains couples confrontés à l’infertilité ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’une violence faite aux femmes et d’une maltraitance originelle pour les enfants qu’aucune régulation ne peut réparer. 

 

En France, les gouvernements successifs ont promis depuis plusieurs années des actions internationales sans que cela soit suivi d’effets. Cette déclaration marque donc une étape importante vers l’interdiction universelle de la GPA et la mobilisation des Etats à travers le monde.  

 

Alliance VITA qui plaide depuis longtemps pour une interdiction internationale de la GPA, salue ce travail collaboratif inédit : il ouvre le chemin vers un véritable progrès pour la protection des femmes et des enfants contre leur exploitation.

 

Pour aller plus loin :

Dossier GPA à l’international : https://www.alliancevita.org/bioethique/gpa-a-linternational/

 
Session #6 : la Convention citoyenne vote en faveur de l’aide active à mourir

Session #6 : la Convention citoyenne vote en faveur de l’aide active à mourir

Lors de cette dernière session de la phase de délibération avant la phase de restitution et d’harmonisation des travaux, les citoyens de la Convention citoyenne étaient sommés de voter à la fois sur des idées fortes sur l’accompagnement de la fin de vie et sur l’ouverture, ou non, de « l’aide active à mourir », et sous quelles modalités. Par ces votes, les citoyens se sont prononcés pour l’euthanasie et le suicide assisté. 56% des votants ont voté pour l’accès au suicide assisté pour les mineurs.

 

25 idées fortes pour l’accompagnement de la fin de vie

 

Après des travaux en groupes et une première présentation le vendredi soir, les citoyens de la Convention ont procédé, samedi soir, à un vote sur 41 propositions pour mieux accompagner la fin de vie, sur 9 thèmes différents : le développement des soins palliatifs, le respect du choix et de la volonté du patient, l’accompagnement à domicile, l’information du grand public, la formation, l’égalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie, l’organisation du parcours de soins de la fin de vie, les moyens dédiés à la recherche et au développement et les budgets nécessaires.

 

Pour que les idées fortes soumises au vote soient validées, il fallait qu’elles obtiennent deux tiers des suffrages. A l’issue du vote, ce sont finalement 25 idées fortes qui ont été retenues. Les idées fortes ayant recueilli le plus de suffrages sont les suivantes :

 

  • Permettre une égalité d’accès aux soins palliatifs pour tous et partout sur le territoire national
  • Renforcer les soins palliatifs à domicile et dans les EHPAD notamment via des équipes mobiles de soins palliatifs
  • Renforcer la formation initiale et continue des professionnels de santé sur la fin de vie et la prise en charge palliative.
  • Renforcer les campagnes d’information et de sensibilisation du grand public
  • Donner les moyens humains et financiers nécessaires à l’accessibilité aux soins palliatifs pour tous, en établissement ou à domicile et sur tout le territoire.

 

Débats et votes sur l’ouverture de l’accès à l’aide active à mourir

 

Le dimanche, tous les citoyens, y compris ceux qui y sont opposés, étaient invités à débattre sur les conditions et modalités d’une éventuelle aide active à mourir. Ainsi, les citoyens devaient exposer leurs arguments pour dire si l’accès à l’aide active à mourir doit être subordonnée à un pronostic vital engagé à court, moyen ou  long terme et à une maladie incurable. Ils devaient également dire si le patient doit être conscient, autonome, et majeur pour y accéder.

Durant les échanges, plusieurs citoyens, rapportant les réflexions de leurs groupes, ont soutenu qu’il fallait exclure l’idée d’un court, moyen ou long terme, prétendant qu’il est difficile de les distinguer, et ont argumenté en faveur d’une « liberté absolue » du patient. Ils ont également écarté le critère de pronostic vital, puisque seule compte à leurs yeux la souffrance.

 

Le critère d’incurabilité a également été écarté, toujours au nom de la souffrance et du vécu de la personne. Selon certains participants, « toutes les souffrances se valent », qu’elles soient physiques ou psychiques. Un citoyen a néanmoins regretté que le seul choix considéré fût entre souffrir et mourir. « Il me semble qu’il y a d’autres choix. »

 

En réponse à un citoyen qui affirmait qu’on ne devrait forcer personne à vivre, un autre a fait valoir que le désir de mourir, la pensée suicidaire peuvent être le symptôme d’une maladie psychique, comme une dépression. « L’aide active à mourir n’est-elle pas une façon radicale de soigner ces symptômes ? ». D’autres participantes ont tenté d’expliquer que les états dépressionnaires peuvent être des passages dans une vie mais qu’il existe des traitements souvent efficaces pour les soigner.

 

Les questions de la conscience et de l’autonomie de la personne ont également constitué une ligne de fracture au sein de la Convention, puisque certains citoyens sont favorables à ce que l’euthanasie soit accessible à des personnes qui n’ont plus leur capacité de discernement, comme les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

« Si on doit accepter la mort de tous les gens qui n’ont plus leur discernement, on va aller sur une pente extrêmement glissante qui me fait très peur ! » s’est exclamée une citoyenne en réaction.

 

Plusieurs participants ont mis en garde contre le risque de dérives, en s’appuyant notamment sur les exemples des Pays-Bas et du Canada. « Le problème ce n’est pas d’ouvrir une porte, mais comment on va encadrer l’ouverture de cette porte ? » s’est interrogée une citoyenne.

 

Sur les mineurs, plusieurs citoyens, représentant leurs groupes, ont souhaité leur ouvrir aussi l’accès à l’aide active à mourir, dans la mesure où ils peuvent être atteints des mêmes maladies que les adultes. L’un d’entre eux a même évoqué cette possibilité pour les bébés atteints de malformations.

 

Les débats se sont ensuite poursuivis sur les modalités de mise en œuvre de l’aide active à mourir : la formulation de la demande, les personnes impliquées, les lieux… Au cours de ces discussions, certains ont exprimé leur préférence pour le suicide assisté plutôt que pour l’euthanasie, afin de préserver les soignants et l’interdit de tuer dans la société. D’autres, à l’inverse, jugeaient que c’est le patient qui doit décider, y compris pour cette modalité.

 

Au terme de ces échanges, tous ont été appelés à voter sur 11 questions concernant l’évolution de la loi vers une ouverture de l’accès à une aide active à mourir.

 

Sur 167 citoyens présents pour ce vote,

  • 75% ont voté en faveur d’une ouverture de l’accès à l’aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté), 19% seulement ont voté contre, 6% se sont abstenus.
  • 72% se sont prononcés en faveur du suicide assisté.
  • 66% se sont prononcés en faveur de l’euthanasie.
  •  67% ont voté pour que l’euthanasie soit aussi ouverte aux personnes mineures et 56% pour que le suicide assisté leur soit ouvert.

A la question « La possibilité d’un accès à l’aide active à mourir sous la forme du suicide assisté devrait-elle être ouverte aux personnes réunissant les conditions … ? » ,

  • 20% ont répondu « atteintes de maladies incurables provoquant des souffrances ou douleurs réfractaires ET dont le pronostic vital est engagé à court terme ou moyen terme » ;
  • 45% ont répondu « atteintes de maladies incurables provoquant des souffrances ou douleurs réfractaires sans pronostic vital nécessairement engagé ;
  • 35% se sont abstenus.

 

A la question « La possibilité d’un accès à l’aide active à mourir sous la forme de l’euthanasie devrait-elle être ouverte seulement aux personnes capables d’exprimer une volonté libre et éclairée ? », 37% ont répondu « oui », 35% ont voté « non », 28% se sont abstenus.

L’ensemble des résultats des votes est accessible sur le site de la Convention citoyenne.

L’épineux débat sur le statut de l’enfant in utero

L’épineux débat sur le statut de l’enfant in utero

L’épineux débat sur le statut du foetus, de l’enfant in utero

 

L’accident qui a impliqué Pierre Palmade le 10 février a créé une véritable onde de choc tant par sa violence, par ses conséquences dramatiques, que par ses circonstances. Une enquête a été ouverte pour blessures involontaires et homicide involontaire.

L’audience devant la chambre d’instruction de la Cour de Paris doit avoir lieu ce 25 février.

L’une des conséquences de cet accident est la perte d’une petite fille. En effet, une jeune femme enceinte de 6 mois a perdu le bébé qu’elle attendait à cause de l’accident. Une césarienne aurait été pratiquée en urgence. Mais l’enfant n’a pas survécu.

Il faut savoir qu’à 6 mois, la viabilité est atteinte, même si elle est fragile et qu’elle nécessite une prise en charge.

Avec cet événement douloureux, épineux débat sur le statut du foetus, de l’enfant in utero, cette question sensible: « l’enfant à naitre est-il une personne » a resurgi sur le devant de la scène.

 

Au-delà de cette affaire, que dit la loi sur le statut du foetus ?

L’article 221-6 du code pénal dispose que : « le fait de causer (…) par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité (..) la mort d’autrui constitue un homicide involontaire.

Tout le débat se focalise donc sur cette question : le foetus est-il « autrui » ?

La Cour de cassation refuse l’incrimination d’”homicide involontaire” prévue par le code pénal pour la mort accidentelle d’un fœtus, que ce soit par une erreur médicale ou par un accident. Cette jurisprudence a été dégagée à l’occasion de plusieurs arrêts et se fonde sur le principe d’interprétation stricte de la loi pénale énoncé à l’article 111-4 du code pénal. 

Pour elle « le principe de la légalité des délits et des peines qui impose une interprétation stricte de la loi pénale s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du code pénal (réprimant l’homicide involontaire d’autrui) soit étendue au cas de l’enfant à naître. 

L’infraction d’homicide ne peut être étendue à l’enfant à naître dont le régime relèverait de textes particuliers. »

L’enfant à naître ne fait donc pas l’objet d’une protection spécifique en droit pénal. Seule l’atteinte à l’intégrité physique à la mère est incriminée.

Mais cette interprétation de la Cour de Cassation est contestable et d’ailleurs contestée. D’autres juridictions (tribunaux correctionnels, Cour d’appel) ont déjà posé d’autres jugements différents. Cette jurisprudence refusant la qualité de personne au fœtus a en effet été critiquée au point que certaines propositions de loi ont vu le jour pour pouvoir sanctionner pénalement celui qui, par accident, provoque le décès d’un enfant à naître.

 

Car en réalité, cette interprétation conduit à cumuler les contradictions. En effet, quand un enfant est né sans vie, quelle que soit le stade de la grossesse (mais pas avant 15 semaines d’aménorrhée), ou s’il est né vivant “non viable“ (avant 22 SA et de moins de 500 gr), les parents reçoivent un certificat médical d’accouchement établi par un médecin ou une sage-femme. Il permet d’obtenir un acte d’enfant sans vie. Si les parents le souhaitent, ils peuvent déclarer leur enfant à l’état civil, procéder à des obsèques et inscrire son prénom sur leur livret de famille.

Depuis une loi de 2021, il est possible aussi d’inscrire le nom de famille choisi pour l’enfant, bien que cela « n’emporte aucun effet juridique » comme le précise l’article 79-1 du code civil. Et la CAF (Caisse d’Allocation Familiale) attribue une allocation Décès enfant (ADE) en cas de décès intervenant à compter de la vingtième semaine de grossesse, sous réserve de la fourniture d’une déclaration de grossesse accompagnée d’un acte de décès ou d’un acte d’enfant sans vie.

Il y a donc une forme de contradiction lorsque la Cour de Cassation déclare qu’il n’y a pas d’homicide involontaire, puisqu’en cela elle nie qu’il y ait « autrui ».

L’enfant à naître n’est donc pas « une personne » au regard du droit pénal puisque c’est sa naissance en vie qui conditionne sa protection à ce titre.

 

Mais ce n’est pas non plus une personne en droit civil puisque la personnalité juridique n’est accordée qu’aux enfants nés vivants et viables. En droit civil, l’enfant à naître ne fait l’objet que de dispositions disparates sans grandes cohérences entre elles. Comme l’explique le professeur Sophie Paricard,  le Conseil d’État indique que « les règles applicables à l’embryon sont téléologiques : elles varient en fonction de la vocation de l’embryon (selon qu’il est ou non destiné à s’inscrire dans un projet parental) ou de sa localisation (in vivo ou ex utero) ».

Le sort de l’embryon in vitro est, quant à lui, de plus en plus précaire. Selon le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994 « le législateur a estimé que le principe du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie n’était pas applicable à l’embryon in vitro ». Certes, l’embryon encore porteur d’un projet parental est conservé tant que dure ce projet mais dès lors que le projet est abandonné, les embryons dits surnuméraires ont vocation à être détruits. Le législateur ne cesse par exemple, notamment par la dernière loi bioéthique du 2 août 2021, d’assouplir la recherche dont il peut faire l’objet.

Il est cependant difficile de conclure de cette absence de statut spécifique que l’enfant à naître est une chose comme une autre. Comme l’a relevé la CEDH dans l’affaire Parillo c/ Italie du 27 août 2015, il ne s’agit pas d’un bien ayant une valeur économique et patrimoniale sur lequel on peut revendiquer un droit de propriété. Cette question relative à la qualification de l’embryon interroge la “summa divisio” du droit qui dispose qu’en droit il y a d’un côté les choses, de l’autre, les personnes.

Quelle suite ?

L’ouverture de l’enquête préliminaire liée à cette affaire peut permettre de saisir à nouveau la Cour de cassation sur la qualification de l’enfant à naître, notamment s’il est démontré que dans ce cas, l’enfant n’est pas né vivant.

Pour le magistrat Georges Fenech qui connait bien ce sujet : « Je ne vois pas au nom de quoi il faudrait attendre de savoir si l’enfant pouvait avoir respiré pour considérer qu’on a une perte de chance de vie et retenir l’homicide involontaire ».

 

Pour les parents endeuillés, et pour toute la société, laisser entendre qu’il ne s’est « rien » passé, que cela ne change rien dans une affaire qu’un enfant décède accidentellement in utero par la faute d’un tiers est violent. Cette négation de la vie et de la mort d’un enfant attendu ajoute de la douleur à la douleur.

Une nouvelle jurisprudence allant dans ce sens peut permettre au droit et à l’humanité de la justice de progresser.

Pour aller plus loin :

statut du foetus juridique pierre palmade enfant in utero

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