Edition du génome : un nouvel essai clinique expérimental en thérapie génique

Edition du génome : un nouvel essai clinique expérimental en thérapie génique

Traitement expérimental pour une leucémie agressive

Alyssa, une jeune adolescente britannique atteinte d’une forme de leucémie agressive affectant ses cellules immunitaires et ne répondant pas aux traitements habituels – notamment chimiothérapie et greffe de moelle osseuse – a reçu pendant 6 mois un traitement expérimental. Sans lui, a déclaré l’hôpital dans son communiqué, sa seule option était les soins palliatifs. Cet essai clinique, réalisé par les médecins du Great Ormond Street Hospital for Children (GOSH) de Londres, a été rapporté lors de la réunion annuelle de la Société Américaine d’hématologie en décembre dernier.

Thérapie génique fondée sur l’édition du génome

C’est ainsi qu’en mai 2022, Alyssa est devenue la première patiente déclarée au monde à recevoir des cellules CAR-T [1]génétiquement modifiées. Il s’agit d’un traitement expérimental qui relève du domaine de la thérapie génique et se fonde sur les techniques récentes d’édition du génome. Ces cellules sanguines – provenant d’un donneur sain – ont été préalablement génétiquement modifiées pour les rendre capables de « traquer » et « tuer » les cellules T cancéreuses d’Alyssa. 28 jours plus tard, considérée comme étant en rémission, elle a pu recevoir une seconde greffe de moelle osseuse pour rétablir son système immunitaire.

La préparation de ces cellules relève d’une technologie innovante et a nécessité plusieurs étapes :

  • Recueil chez un donneur sain
  • Modification afin qu’elles ne soient pas « reconnues » et attaquées par le système immunitaire de la patiente.
  • Modification pour qu’elles ne s’attaquent pas entre elles.
  • Modification pour les rendre « invisibles » aux autres traitements anticancéreux.
  • Modification pour que les cellules CAT-T puissent reconnaître et attaquer les cellules T cancéreuses de la patiente.

La thérapie génique fondée sur les techniques d’édition du génome offre de réelles promesses de traitement et de progrès thérapeutique. Six mois après la greffe, selon ses médecins, Alyssa se porte bien et poursuit son suivi post-greffe au GOSH.

 

Dignitas : Le suicide assisté non reconnu par le droit européen

Dignitas : Le suicide assisté non reconnu par le droit européen

Suicide assisté : le Conseil d’Etat déboute une nouvelle demande de l’association Dignitas

 

Nouvelle tentative par l’association suisse Dignitas pour un droit à reconnaitre le suicide assisté., nouveau refus du Conseil d’Etat.

Après sa décision en décembre 2021 de ne pas transmettre une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) concernant l’interdiction du pentobarbital, le Conseil d’Etat a de nouveau refusé de renvoyer au Conseil Constitutionnel une demande de l’association Dignitas déposée en septembre dernier. Sa décision a été rendue le 29 décembre 2022. Cette demande enjoignait le Premier Ministre et le Ministre des solidarités et de la santé d’abroger des dispositions d’un arrêté fixant la liste des substances psychotropes, et d’un autre arrêté fixant la liste des substances classées comme stupéfiants afin de prévoir une exception “permettant à chacun de pouvoir mettre fin à ses jours consciemment, librement et dans la dignité“.

Comme le remarquait la presse en septembre dernier, cette tactique de Dignitas consiste à vouloir passer par la voie juridique, considérant que la voie parlementaire n’avance pas assez vite vers la légalisation de l’euthanasie et le suicide assisté qui est un des buts de Dignitas. L’avocat français de Dignitas estimait que la situation est bloquée et que “la France refuse le principe d’un quelconque aménagement de sa législation“.

La tactique de Dignitas a également un volet médiatique. Chaque recours permet une couverture de presse, et distille l’idée dans le grand public qu’une situation inchangée est en soi mauvaise, dépourvue d’évolution. Il s’agit en fait d’une grille de lecture qui s’apparente à un “prêt à penser” commode mais faux. Aménager une législation n’est pas un objectif en soi. Déplore-t-on l’absence d’aménagement de l’abolition de la peine de mort ?

Décision du Conseil d’État concernant la demande de Dignitas

La décision du Conseil d’Etat intervient alors que les pouvoirs publics ont relancé les débats sur la fin de vie depuis septembre dernier. Celui-ci motive son refus en remarquant que “Les articles 2, 8 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatifs respectivement au droit à la vie, au droit au respect de la vie privée et familiale et à la liberté de pensée, de conscience et de religion, tels qu’interprétés par la Cour européenne des droits de l’homme, …, n’impliquent pas par eux-mêmes de prévoir l’aménagement au régime des substances relevant du régime de police spéciale en litige réclamé par l’association pour l’exercice du droit qu’elle revendique“.

Le Conseil d’État a ainsi estimé que le droit européen et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme n’impliquaient pas un droit à reconnaitre le suicide assisté. L’aménagement de la réglementation des substances toxiques, réglementation qui a pour but de protéger la santé publique des Français, ne s’impose donc pas.

 

Quelles sont les raisons et les motivations dans une demande d’euthanasie ?

Quelles sont les raisons et les motivations dans une demande d’euthanasie ?

Quelles sont les raisons et les motivations dans une demande d’euthanasie ?

 

Quelques études menées en milieu hospitalier sur les demandes d’euthanasie apportent un éclairage sur les raisons et les motivations des patients. Ces études ont permis d’estimer le faible nombre des demandes initiales formulées par des patients (entre 0.7 et 3%), ainsi que leur persistance encore plus faible (0.3% selon une des études).

La note d’analyse publiée cette semaine apporte des informations complémentaires sur les motifs de ces demandes ainsi que sur le contexte médical des patients.

 

Un contexte médical où la douleur demande un soutien psychologique

Dans l’étude datant de 2012 menée par Ferrand, parmi les 476 demandes d’accélération de la mort exprimées par des patients, beaucoup (82.4%) ont vu soit un psychologue soit un psychiatre. Et selon les soignants, 13,9% des patients qui demandent d’accélérer la mort, souffrent d’un syndrome dépressif en cours. L’étude note d’ailleurs que ces situations peuvent “laisser des doutes sur la capacité à prendre des décisions importantes sur la fin de vie”.

 

Des perceptions différentes entre patients, soignants et proches

Lorsque la demande est exprimée par le patient, Les symptômes cliniques principaux (>40%) sont la souffrance physique contrôlée (55,3%), les difficultés d’alimentation (54,6%), les difficultés motrices (46%). 5% souffrent de manière incontrôlée.

Les trois principaux motifs de demandes d’accélération de la mort chez les patients sont liés à la perception de leur image et de la qualité de leur vie relationnelle :

  1. Culpabilité d’être un fardeau pour sa famille et ses amis
  2. Peur de présenter une image intolérable de soi-même
  3. Vie inutile

L’étude fait ressortir des différences notables selon que la demande d’accélération est exprimée par des patients, des soignants ou par des proches du patient :

  • Les troubles cognitifs et de communication sont davantage (respectivement 5 et 4 fois plus) mentionnés par les proches et le personnel médical que par les patients ainsi que les difficultés d’excrétion (2 fois plus) et les difficultés d’alimentation (1,5 fois plus).
  • La douleur incontrôlée est peu citée par les patients (5%). Elle n’est pas perçue de la même manière par les proches ou les soignants. Ces derniers ne la mentionnent pas du tout.

 

Approche nouvelle basée sur des entretiens directs qui donnent la parole aux patients qui font une demande d’euthanasie

Une étude récente menée en Bourgogne Franche Comté et publiée cette année a interrogé uniquement des patients faisant une demande d’accélération de la mort. A partir des 15 entretiens menés, cette étude confirme des résultats précédents.

Ainsi, les motifs invoqués sont d’une part la douleur physique après des épisodes aigus des maladies, d’autre part un appel des patients à reconnaitre une souffrance existentielle qu’ils jugent insupportable. Cette catégorie inclut :

  1. La détresse psychologique de voir son corps et ses fonctions se détériorer, la perte de contrôle de sa vie.
  2. Les sentiments de solitude liés à la désespérance qu’ils ne peuvent pas partager, un sentiment d’inutilité auprès des autres, la difficulté à communiquer…
  3. L’angoisse projective de souffrir dans le futur juste avant la mort notamment en faisant référence à des épisodes traumatiques vécus par des proches souffrant à l’approche de leur fin de vie.

L’étude a aussi fait ressortir d’autres motivations :

  1. Le souhait d’équilibrer et investir la relation avec l’équipe des soignants. Les patients ont exprimé avoir vu un changement d’attitude du personnel soignant après avoir exprimé une demande d’euthanasie et se sont sentis rassurés par la capacité des soignants à gérer la souffrance physique et les symptômes.
  2. Une réaffirmation de leur liberté par rapport aux contraintes médicales.
  3. Une capacité à imaginer pour soi-même un futur désirable.
  4. Le test de la possibilité de transgresser l’interdit de l’euthanasie.

L’étude conclut que l’adoption d’une attitude d’écoute des unités de soins palliatifs face à ces demandes permet de créer un espace de discussion à même de favoriser l’interaction avec le patient au lieu de répondre à cette demande d’euthanasie par une solution irréversible.

La prise en charge des impacts psychologiques de situations douloureuses vécues par des patients en soins palliatifs reste un axe important pour leur assurer une meilleure qualité de vie jusqu’à la fin de leur vie.

Session #2 : La Convention citoyenne sur la fin de vie à l’écoute des acteurs de terrain

Session #2 : La Convention citoyenne sur la fin de vie à l’écoute des acteurs de terrain

Après une table ronde consacrée aux représentants des cultes, les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie ont assisté, au deuxième jour de cette session 2, à des tables rondes de soignants et bénévoles qui ont témoigné de leur expérience de terrain auprès des malades. Ils ont pu être interrogés sur les problématiques concrètes auxquelles ils sont confrontés dans l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Médecins, psychologues, infirmiers, bénévoles en soins palliatifs…Au total, au cours de plusieurs tables rondes, 22 soignants ont répondu tour à tour aux questions des citoyens qui se réunissaient pour le deuxième et ultime week-end de la phase d’appropriation.

Le cadre législatif de la fin de vie parait satisfaisant mais les moyens sont insuffisants

Les questions portaient sur l’état de la loi actuelle. « Les soignants ont-ils été confrontés à des lacunes ou à des limites de la loi ? » demande Françoise. Pour le Docteur Clément Gakuba, spécialiste en neuroréanimation et membre du centre d’éthique du CHU de Caen, le cadre législatif permet de gérer les situations rencontrées. Il comporte déjà des notions importantes : ne pas abandonner le patient, ne pas le laisser souffrir…Les autres soignants sont d’accord avec lui. Christophe Roman, infirmier, fait état des avancées de la loi. Il témoigne des cocktails lytiques qu’on faisait « sous le manteau » il y a vingt ans. « Il y a une lyse à faire » était l’expression employée. Selon lui, la loi est venue apporter un cadre et des garde-fous à toutes ces pratiques.

La loi est donc satisfaisante, mais ce qui manque, selon le Professeur Djilali Annane, médecin réanimateur, c’est le temps « pour bien faire les choses ». La part de temps non liée à des actes de soin a été très contractée. « Ce qui me manque, c’est du temps pour accompagner correctement les personnes. » Au-delà du temps « horaire », précise-t-il plus tard, il faut aussi avoir l’esprit disponible. « C’est ça qui manque », poursuit-il, évoquant la souffrance des soignants, qu’il faut prendre en compte. Le temps…ce luxe, selon les mots de la psychologue Emilie Quillien, et qui semble manquer à tous les soignants.

Outre le temps, les soignants s’accordent pour dire que la loi Claeys-Leonetti est mal connue à la fois par les citoyens et les professionnels. Marie-Christine Grach, médecin en soins palliatifs à la retraite à Caen, évoque une enquête auprès de médecins généralistes en Normandie, révélant une très mauvaise connaissance de la loi.

La formation est également un enjeu prioritaire des soignants. Le Professeur Djilali Annane dénonce le déficit actuel des médecins dans l’accompagnement des personnes en fin de vie. Elodie Cailbaut, infirmière en soins palliatifs, se réjouit de l’introduction de modules en soins palliatifs dans les études de médecine, et qui semblent déjà porter des fruits. Selon Emilie Quillien,  la formation manque aussi cruellement aux soignants des EHPAD pour anticiper la fin de vie des résidents.

Sont aussi dénoncées par les soignants des insuffisances actuelles des soins palliatifs. Elodie Cailbaut déplore que, même à Paris, on ne puisse pas permettre aux personnes de terminer leur vie chez elles, par manque de soignants. Selon Olivier de Margerie, président de la Fédération JALMAV, il faudrait multiplier par dix le budget du plan de développement des soins palliatifs lancé l’an dernier pour pouvoir faire quelque chose. Marie-Thérèse Leblanc-Briot, bénévole dans cette fédération, dénonce des « mesurettes qui donnent bonne conscience » mais sont insuffisantes.

Pour les maladies chroniques comme la SLA (maladie de Charcot), la mise en place de moyens suffisants est tout aussi importante pour Sigolène Gautier, psychologue en soins palliatifs à Lyon. Ainsi, selon elle, dans les centres SLA, il n’y a parfois qu’un psychologue pour 100 patients, voire plus. Or, non seulement les patients, mais aussi leurs familles, nécessitent d’être accompagnés, et cela « suffisamment tôt », alors que la maladie dure plusieurs années.

Les directives anticipées : oui, mais…

Une question des citoyens portait sur les directives anticipées : « Comment avez-vous connaissance des directives anticipées ? » demande Nathalie. Même si le Professeur Annane constate que de plus en plus de personnes ont sur elles leurs directives anticipées, les médecins réanimateurs sont confrontés, la plupart du temps dans les cas de pathologies brutales (accidents de la route, AVC…), à une absence de directives anticipées. Les soignants relèvent la difficulté de formuler des directives anticipées quand on est bonne santé. Même malade, le patient est souvent bien en difficulté pour s’exprimer sur des décisions médicales et préfère souvent faire confiance au médecin, relève le Professeur Annane. Heureusement, les directives anticipées sont « recontextualisées ». Le Professeur Annane constate aussi que les avis des patients peuvent évoluer en fonction des circonstances de leur vie, évoquant le mariage d’un enfant, par exemple.

Un refus partagé du « faire mourir »

Les citoyens ont également interrogé les soignants sur une légalisation possible d’une « aide active à mourir », expression utilisée par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour désigner l’euthanasie ou le suicide assisté. A cette question, les soignants ont exprimé un consensus sur l’incompatibilité du « faire mourir » avec leur métier de soignants. Pour Sigolène Gautier, « quand un patient demande à mourir, il implique aussi l’autre. Si je peux activer la mort, comment puis-je continuer à accompagner la vie ? » Il y aurait, selon ses mots, quelque chose de « schizophrénique ».  Marie-Thérèse Leblanc-Briot évoque les graves conséquences « pour une majorité de personnes âgées et fragiles » d’une évolution de la loi dans ce sens : « Le message envoyé, ce serait : « finalement c’est votre choix, que vous viviez ou que vous mourriez, on n’en a rien à faire, c’est votre choix à vous tout seul ». Et finalement peut-être que dans ce cas-là , votre vie n’a pas tant de valeur que ça, ou qu’elle ne compte pas tant que ça pour la société ».

Cette accompagnante évoque le questionnement de la majorité des personnes très âgées sur le sens et le valeur de leur vie pour les autres. Un peu plus tôt dans les échanges, les soignants avaient partagé leur expériences des demandes de mourir exprimées dans les services. Anastasia Choveau, infirmière, parle de l’importance de l’écoute et de l’accueil des personnes qui expriment ces demandes. « Ils ont le droit de verbaliser cette demande, ils ont le droit d’exprimer leur ressenti, et déjà d’être entendu dans cette demande, c’est très important, et ensuite, de réfléchir à ce qui motive cette demande. » Les soignants partagent un constat : très souvent, cette demande se transforme. Pour le Professeur Annane, l’expression « j’en ai assez » est toujours conjoncturelle, elle exprime une souffrance qui n’est pas soulagée.

Finalement, pour le docteur Julie Paquereau, si la loi devait évoluer pour légaliser l’euthanasie, « le risque serait qu’on se retrouve, par manque de moyens, à mettre en place des aides actives à mourir, alors qu’il y aurait d’autres options possibles, et en particulier un accompagnement plus adapté. »

10 enjeux prioritaires pour les prochaines sessions de la Convention citoyenne sur la fin de vie

Après ces tables rondes, les membres de la Convention citoyenne ont poursuivi leur réflexion l’après-midi au sein de groupes de travail afin de définir des enjeux prioritaires sur lesquels ils travailleront lors des prochaines sessions. Au total 21 enjeux prioritaires ont été définis.

A l’issue de la session, après un vote, les citoyens se sont ainsi accordés sur ces dix enjeux prioritaires, par ordre de priorité :

  • les moyens humains et financiers pour une pleine application de la loi Claeys-Leonetti de 2016
  • l’obligation légale de mettre à disposition des moyens financiers et humains adaptés et suffisants, de former et d’obliger à l’implantation de professionnels de santé sur l’ensemble du territoire et dans tous les établissements
  • la formation initiale et continue des personnels médicaux, paramédicaux et accompagnants
  • l’information du grand public
  • l’égalité d’accès effective et réelle aux soins palliatifs
  • l’aide active à mourir: suicide assisté et euthanasie
  • les exceptions acceptables/nécessaires à la loi Claeys-Leonetti
  • l’économie de la fin de vie/la mort
  • les limites des soins palliatifs
  • le traitement de l’aide active à mourir pour les formes extrêmes de souffrance psychique (psychiatrique)

A partir de janvier, Claire Thoury, présidente du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne, a annoncé la fin de la phase d’appropriation pour entrer dans une phase de délibération et de controverse. Plusieurs citoyens ont exprimé manquer encore d’éléments d’appropriation. Parmi ces manques, la nécessité d’entendre des acteurs internationaux avec des regards différents, des approches spirituelles non religieuses, et aussi des patients.  On leur a assuré qu’ils pourraient demander des auditions spécifiques…

Extension continue de l’euthanasie au Canada et au Québec

Extension continue de l’euthanasie au Canada et au Québec

Extension continue de l’euthanasie au Canada et au Québec

 

Après avoir étendu l’accès à l’euthanasie aux personnes dont la mort naturelle n’est pas « raisonnablement prévisible » à peine 5 ans après la première loi votée en 2016, le Canada entend organiser son accès aux personnes ayant une maladie mentale à partir du 17 mars 2023.

L’euthanasie, désignée par l’expression d’« aide médicale à mourir » (AMM, MAiD en anglais) dans la loi canadienne, a été ouverte en mars 2021 à toute personne atteinte d’une affection grave et incurable et qui souhaite mourir. Depuis lors les médias rapportent des cas troublants d’euthanasie alors que des personnes handicapées ou malades souhaiteraient continuer à vivre.

Ce sont notamment des personnes en situation de précarité ou privées de prise en charge adéquate qui sont conduites à ces demandes, sans autres options comme le décrit un article récent.

Cette inflation de demandes d’euthanasie est saisissante. A titre de comparaison, en Californie, Etat démographiquement comparable au Canada (40 millions d’habitants) et qui a également légalisé le suicide assisté en 2016, 486 personnes sont décédées par suicide assisté en 2021 quand la même année 10 064 personnes sont décédés par « AMM » au Canada, soit 3,3% des décès.

Controverses sur l’évolution de la loi sur l’euthanasie au Québec

Le Québec n’a pas encore transposé l’évolution de la loi fédérale canadienne : un projet de loi devrait être présenté prochainement. Un premier projet (C-38) proposé en mai 2022 a fait l’objet de fortes controverses. Outre la transposition de la loi fédérale, Il prévoyait également d’autoriser une demande anticipée à mourir « aux personnes atteintes d’une maladie grave et incurable menant à l’inaptitude ». Cela concernerait notamment des personnes atteintes d’Alzheimer, de démence, de Parkinson dans certains cas. Des associations se sont élevées contre l’absence de débat sur cette question.

Euthanasie et maladie mentale 

Au niveau fédéral, la loi de 2021 avait exclu la maladie mentale jusqu’au 17 mars 2023 afin de donner au gouvernement le temps d’évaluer les conditions de proposition d’euthanasie ou suicide assisté qui assurent assez de sécurité.  La loi exigeait que les ministres de la Justice et de la Santé réunissent un groupe d’experts « chargé d’examiner les protocoles, les orientations et les mesures de sauvegarde relatives à l’AMM dans le cas de personnes atteintes d’une maladie mentale ». Ce groupe de travail a formulé des recommandations d’ordre réglementaire dans un rapport au printemps 2022.

Selon les experts, “Bien qu’il existe une forte association entre le décès par suicide et la présence d’un trouble mental diagnostiqué, la grande majorité des personnes atteintes de troubles mentaux ne se suicident pas (…). Dans toute situation où les tendances suicidaires constituent une préoccupation, le clinicien doit adopter trois perspectives complémentaires : tenir compte de la capacité de la personne à donner son consentement éclairé ou à refuser les soins, déterminer si les interventions de prévention du suicide – y compris involontaires – doivent être déclenchées, et proposer d’autres types d’interventions qui pourraient aider la personne.”

Ces distinctions risquent d’être difficiles à évaluer. Et comme le note une journaliste analysant l’impact de la loi et de ses extensions sur la prévention du suicide « Qui bénéficie de la prévention du suicide et qui bénéficie de la facilitation du suicide ? Si la mort est exécutée sur la base du consentement momentané de quelqu’un, alors où en est la légitimité de tenter de dissuader une personne en détresse ?»

Les extensions des conditions de recours à l’euthanasie observées au Canada montrent comment les promesses d’un encadrement strict de cette pratique se sont avérées intenables. Réalité cruciale à prendre en compte dans le débat qui s’ouvre en France sur une éventuelle évolution de la loi.