Report de la PPL bien vieillir : le grand âge abandonné
Report de la PPL bien vieillir : le grand âge abandonné
Le nouveau report de la proposition de loi bien vieillir et l’absence de feuille de route sur le grand âge interrogent sur les priorités du gouvernement alors que le secteur manque aujourd’hui cruellement de moyens et de personnel.
Mardi 18 juillet, sur les rangs de l’Assemblée nationale, Isabelle Valentin, député de Haute-Loire, s’exclamait : « Mais Monsieur le ministre, quelle place voulez-vous donc donner à nos aînés dans notre société ? »
EHPAD en grande difficulté financière, manque criant de personnel aussi bien dans les établissements que dans les services d’aide à domicile, soignants au bord de l’épuisement…Le tableau ne cesse de se noircir pour le secteur du grand âge. Et pourtant, ce 18 juillet, le gouvernement annonçait un nouveau report, sine die, de la proposition de loi bien vieillir, dont l’examen suspendu en avril dernier devait reprendre cette semaine.
Si l’on jette un regard sur le traitement du grand âge ces dernières années, on peut y voir la triste histoire d’un abandon, de promesses non tenues en renoncements.
Dans le précédent quinquennat, le projet de Grand Âge et Autonomie, annoncé dès le mois de mars 2019 à la suite de la remise du rapport « Grand âge et autonomie », dit rapport Libault, a été une arlésienne jusqu’à la fin du premier quinquennat : maintes fois reporté, il a finalement été abandonné.
Lors de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron a annoncé son souhait de créer 50 000 postes dans les EHPAD en cinq ans. Pourtant le projet de loi de finance de 2023 ne prévoyait la création que de 3 000 postes. Il aurait fallu en créer cinq fois plus pour tenir l’objectif sur cinq ans.
A défaut de projet de loi, les députés du groupe Renaissance ont déposé en décembre 2022 une proposition de loi « pour bâtir la société du bien vieillir en France. » Cette proposition de loi qui vise à lutter contre l’isolement et la maltraitance des personnes âgées et leur garantir un hébergement de qualité, prévoit notamment la création d’une carte professionnelle pour les aides à domicile ou l’instauration d’un droit de visite dans les EHPAD.
Lors de son examen en séance publique en avril, le gouvernement l’avait étoffée en ajoutant la création d’un « guichet unique » de l’autonomie dans les départements pour simplifier les démarches des personnes en perte d’autonomie. Hélas, l’examen de la proposition de loi avait dû être interrompu par manque de temps.
Le texte devait être à nouveau examiné lors de cette session extraordinaire de juillet, mais il était placé à la toute fin de l’ordre du jour…Ce qui en dit long sur l’importance qu’il revêtait pour le gouvernement. A l’approche des vacances parlementaires, son examen est finalement remplacé par celui du projet de loi visant à accélérer la reconstruction des bâtiments dégradés lors des violences urbaines. Aucune date n’est encore fixée pour examiner le texte.
En parallèle de cette proposition de loi, le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, avait annoncé début avril une vaste « réforme » du grand âge dont les détails devaient être révélés au début du mois de juin. Mais au gré du temps, l’échéance fut repoussée à fin juin, puis « avant le 14 juillet ». Cette grande réforme s’était entre temps transformée en simple « feuille de route ». Mardi 18 juillet, lors de la séance de questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale, le ministre assurait encore qu’il présenterait sa feuille de route…avant de quitter le gouvernement deux jours plus tard.
Quels signaux donnent ces atermoiements et renoncements successifs ? L’une des fédérations de directeurs d’EHPAD, la FNADEDA, se dit « exaspérée » dans un communiqué du 19 juillet. L’AD-PA (Association des Directeurs au service des Personnes Âgées) regrette que l’Etat laisse « au milieu du gué les personnes âgées, professionnels et familles ayant subi de plein fouet les effets des retards français, mis en exergue par la crise COVID. » (communiqué du 18/07).
Pourtant, depuis 2019, les propositions pour alimenter une réforme du grand âge ne manquent pas. Comme le rappelle le rapport final du Conseil National de Refondation (CNR) pour le « Bien Vieillir », les pouvoirs publics ont bénéficié depuis 4 ans des très nombreuses propositions issues du Rapport Libault (2019), du rapport El Khomri (2019), du Rapport Broussy (2021), du Rapport Vachey (2020) auxquelles s’ajoutent les propositions émanant de rapports parlementaires ainsi que celles émanant de la restitution des travaux du CNR.
On peut donc s’interroger sur ce manque de volonté politique face au défi immense d’adapter notre société au vieillissement, alors que le nombre de personnes de plus de 85 ans sera multiplié par trois d’ici 2050 (rapport Libault). En revanche, le calendrier pour un projet de loi sur la fin de vie semble, lui, bien tenu, puisque la ministre Agnès Firmin Le Bodo a confirmé il y a quelques jours sur Public Sénat que le projet de loi annoncé sur la fin de vie serait bien présenté avant le 21 septembre….une déclaration qui laisse songeur sur les priorités du gouvernement.
En quittant le gouvernement, le 20 juillet, le ministre Jean-Christophe Combe a réitéré ses réserves sur ce projet de loi dans son discours de passation : « Donner à penser que la souffrance et la vulnérabilité pourraient ne plus faire partie de la vie, c’est changer notre rapport à la fragilité. C’est prendre le risque d’envoyer un message implicite, qui pourrait conduire les personnes vulnérables à l’auto-effacement. » A l’occasion de ce discours, il exprimé son regret de ne pas avoir réussi « à convaincre de la nécessité d’aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort dans l’adaptation de la société au vieillissement ».
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