Vieillissement : un enjeu démographique et politique

Vieillissement : un enjeu démographique et politique

Vieillissement : un enjeu démographique et politique

 

L’analyse des évolutions démographiques met en lumière une décroissance continue du solde décès-naissance en France depuis 10 ans et un accroissement marqué du nombre de personnes âgées qui nécessiterait une approche globale.

 

Abaissement du solde naturel et augmentation du vieillissement

L’Institut national d’études démographiques décrypte dans son bulletin de mars 2023  les répercussions de la crise sanitaire sur les naissances et les décès. Si les naissances ont été affectées en 2021, elles ont connu un effet de rattrapage par la suite. Quant aux décès, l’épidémie de covid s’inscrit dans cinq années consécutives de « grippes saisonnières meurtrières ». Ce phénomène a affecté la progression de l’espérance de vie qui tend à stagner – 79,3 ans pour les hommes et 85,2 ans pour les femmes en 2022 – et s’inscrit dans un essoufflement observé depuis 1994.

La population française a crû de 217 000 habitants en 2022, soit pour un quart grâce au solde naturel et pour trois quart au solde migratoire. En 10 ans, le solde naturel est passé de 251 000 à 56 000. Un double phénomène se conjugue : une baisse sensible des naissances depuis 2014 avec une hausse progressive des décès qui va s’amplifier dans les deux prochaines décennies avec l’arrivée des générations nombreuses du baby boom. Les premiers de cette génération atteindront 80 ans à partir de 2030.

Un déficit d’anticipation de la prise en charge du vieillissement

La loi grand âge et autonomie a été remise à plus tard par les présidents successifs depuis 15 ans. Comme le disait un intervenant du colloque Séniors et société qui se tenait à Paris le 21 mars 2023, l’urgence n’est plus à la réflexion mais à l’action. Les enjeux sont multiples : adaptation des logements, mobilisation des bailleurs sociaux, attractivité et formation des métiers du grand âge, coordination des nombreux acteurs publics et privés, transports, offres diversifiées de services à domicile ou habitats intermédiaires, prévention sanitaire…En 2019, le rapport libault sur le grand âge et l’autonomie demandé par le Premier ministre synthétisait les enjeux.

Alliance VITA a listé les mesures prises depuis 2020. Ces efforts sont à saluer mais ils nécessiteraient de s’inscrire dans une politique globale et de long terme que tous les acteurs appellent de leurs vœux.

Cependant est-ce qu’une politique du grand âge et du vieillissent est tenable sans prendre en compte les défis démographiques globaux?

Pour une approche globale des enjeux démographiques

La démographie est au cœur des enjeux d’avenir de la société française comme le souligne le rapport sur les enjeux démographiques du Haut-Commissaire au Plan publié en 2021. Il plaide pour un « pacte national » afin de sauver le modèle social français, et affiche parmi ses objectifs celui d’« avoir plus d’enfants ». D’autant que cela rejoint le désir des Français comme le révèle la dernière enquête de l’UNAF (Union nationale des associations familiales). 

Parmi les facteurs bloquant cette réalisation du désir d’enfant, il y aurait les difficultés matérielles et financières des familles ne leur permettant pas de s’agrandir (enjeu de trouver un emploi stable, un logement fixe et décent, etc.). Il y a également l’équilibre difficile entre la vie privée et professionnelle, avec un emploi du temps peu aménageable. Enfin, les politiques publiques de prestations et de prélèvements s’avèrent de moins en moins avantageuses pour les parents, avec des coupes budgétaires importantes et une augmentation du budget pour le logement.

Dans ses considérations, ce rapport souligne que « La question démographique est bien plus marquante pour l’avenir de notre nation qu’elle ne l’est pour toute autre [nation]. La France en effet a choisi un modèle de société à peu près unique dans le monde. Ce modèle donne à la collectivité, donc à la population prise dans son ensemble, la responsabilité essentielle de la charge de la solidarité nationale. »

En effet la France a fait le choix d’un modèle social fondé sur le principe de « tous pour chacun ». C’est ce qui a conduit notre pays au choix de la retraite par répartition et non par capitalisation en s’appuyant sur la solidarité entre les générations.

Alors que les Français s’inquiètent de leur avenir, c’est la mise en œuvre d’une politique globale qui est attendue de la part des décideurs politiques, loin des querelles politiciennes de court terme.

vieillissement : un enjeu démographique et politique

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :

Mesures prises en faveur des personnes âgées et de la dépendance Juillet 2020 – Décembre 2022

Mesures prises en faveur des personnes âgées et de la dépendance Juillet 2020 – Décembre 2022

Mesures prises en faveur des personnes âgées et de la dépendance Juillet 2020 – Décembre 2022

 

I – 13 juillet 2020 : signature des accords du Ségur de la santé qui portent sur 12 points :

  1. 19 milliards d’euros d’investissement dans le système de santé pour améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants.
  2. 8,2 milliards d’euros par an pour revaloriser les métiers des établissements de santé et des EHPAD, et reconnaître l’engagement des soignants au service de la santé des Français.
  3. 15 000 recrutements à l’hôpital public.
  4.  Accélérer la sortie du “tout T2A” (tarification à l’acte) et privilégier la qualité des soins.
  5. Financer l’ouverture ou la réouverture de 4000 lits « à la demande ».
  6. Mettre fin au mercenariat de l’intérim médical à l’hôpital public.
  7. Redonner toute sa place au service hospitalier au sein des établissements de santé.
  8. Former plus de soignants dans les filières paramédicales pour mieux prendre en charge les patients.
  9. Faciliter l’accès aux soins non-programmés et à l’exercice coordonné.
  10. Développer fortement la télésanté en s’appuyant sur les acquis de la crise pour mieux soigner les Français.
  11. Donner aux territoires les principaux leviers de l’investissement en santé dans l’intérêt de leurs habitants.
  12. Combattre les inégalités de santé. 

 

II – Août 2020 : Création d’une 5ème branche de la sécurité sociale couvrant le risque « autonomie ».

  • Financée sur le long terme, avec notamment l’affectation d’une part de CSG,
  • Pilotée par la Caisse nationale des solidarités pour l’autonomie (CNSA)
  • Objectif de dépenses de la branche autonomie en 2023 : 37,3 milliards d’euros

III – PLFSS POUR 2022 :

  • Effort en faveur de l’attractivité des métiers de l’autonomie : 2
    o Application des accords « Laforcade » pour les personnels des établissements accueillant des personnes en situation de handicap
    o Revalorisation salariales issues de la conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social
    o Coût total : 3,2 milliards d’euros pour la branche autonomie
  • Instauration d’un tarif plancher (22 € par heure) et d’une dotation qualité (3 € par heure en moyenne) pour accentuer la montée en charge de la qualité des services d’aide à domicile au profit des personnes en perte d’autonomie (Application au 1er mai 2022)
    o Coût total : 680 millions d’euros

 

IV – MARS 2022 : Présentation du Plan Grand Age

Deux axes du « bien vieillir en France » :

1) Priorité au « bien vieillir » chez soi.

Un investissement d’un milliard d’euros par an, d’ici 2025, en faveur du soutien à domicile. Cette feuille de route a été partagée avec les Départements et se décline de la façon suivante :

  • 750 millions d’euros par an, d’ici 2025, pour augmenter les financements des services à domicile et en améliorer la qualité, dans le but de déployer, dans tous les territoires, le « virage domiciliaire » ;
  • 200 millions d’euros par an pour mieux rémunérer les professionnels de l’aide à domicile et renforcer l’attractivité des carrières ;
  • faciliter le parcours des personnes âgées souhaitant bien vieillir à domicile, tout en simplifiant les démarches engagées par leurs aidants ;
  • permettre à chacun de vieillir en bonne santé chez soi, grâce au déploiement d’un plan antichute dans toutes les régions.

2) Des EHPAD transformés, mieux médicalisés et attractifs.

  • 2,1 milliards d’euros pour investir dans le bâti, les équipements du quotidien et le
    numérique pour les rendre plus chaleureux, plus humanisés et plus ouverts sur l’extérieur
  • 1500 millions d’euros pour renforcer la médicalisation des EHPAD, grâce au
    financement de 20 000 postes de personnels soignants supplémentaires et grâce à un plan d’action visant à améliorer l’accompagnement médical des résidents dans les années à venir ;
  • 2,8 milliards d’euros pour revaloriser les salaires et renforcer l’attractivité des
    métiers en EHPAD, et pour sécuriser des collectifs de travail motivés auprès des
    personnes et des familles, avec l’augmentation des rémunérations de tous les professionnels d’EHPAD à hauteur de 183 euros nets par mois, le déploiement d’un plan métiers en lien avec le ministère du Travail pour développer les formations, la validation des acquis de l’expérience (VAE), et faciliter les recrutements urgents.

A ces deux axes prioritaires s’ajoute un engagement du Gouvernement à renforcer les contrôles, à améliorer la qualité de l’accompagnement et à accroître la transparence dans les EHPAD.

N.B : Tous les chiffres mis en avant dans ce plan agrègent des actions déjà engagées ou à venir, mais toute action ne peut avoir de traduction concrète qu’une fois validée par un texte budgétaire, en l’occurrence au niveau national le PLFSS. En un mot, une telle présentation a surtout un but de communication.

V – PLFSS POUR 2023

Principales mesures :

a) EHPAD

(1) Recrutement de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires en 2023
(2) Objectif : 50 000 postes supplémentaires dans ces établissements d’ici 2027
(3) Lancement dès 2002 d’un plan de contrôle des 7 500 EHPAD

b) Services d’aide à domicile

(1) Création de 4 000 places supplémentaires en 2023
(2) Relèvement du tarif des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) de 22 à 23€ par heure d’intervention

c) Lutte contre l’isolement des personnes âgées

(1) Les personnes bénéficiaires de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) auront le droit à partir du 1er janvier 2024 à 2H supplémentaires par semaine dédiées au lien social.
(2) Objectifs:

(i) Renouer du lien social avec les aînés et permettre des actions de repérage des fragilités, des stimulations de la mémoire et de prévention de la perte d’autonomie.
(ii) Redonner du sens aux métiers des aides à domicile et renforcer leur attractivité

d) Adaptation des logements

(1) Déploiement du dispositif « MaPrimAdapt » par l’ANAH pour permettre, à
compter de 2024, la montée en puissance de l’adaptation des logements au grand
âge, en particulier pour éviter les chutes.

VI – Problématique générale du vieillissement de la population

Aujourd’hui en France, une personne sur cinq est âgée de plus de 65 ans.
En 2035, ce sera le cas d’un quart de la population

Grand âge et dépendance :

  • 900 000 personnes ont aujourd’hui plus de 90 ans,
  • Ce chiffre devrait doubler d’ici 2040.

Trois questions sont essentielles :

– Quel accueil des personnes âgées (structures) ?
– Quel accompagnement ?
– Qui paye ?

1) Structures :

a) Domicile : adaptations nécessaires, présence extérieure à renforcer en même temps que la professionnalisation des intervenants
b) Etablissements, type EHPAD avec une médicalisation à renforcer
c) Structures intermédiaires, type logements inclusifs pour les personnes valides qui ne peuvent plus rester seules chez elles. Déploiement de l’Aide à la Vie Partagée

2) L’accompagnement

a) Problème clé des recrutements et de la formation, initiale comme continue,
b) Variété des postes :

a. Aides à domicile
b. Animateurs et éducateurs sportifs
c. Aides-soignants,
d. Infirmiers
e. Kiné et ergo, etc…

Enjeu quantitatif et qualitatif majeur

3) Le financement

a) La collectivité ?
b) Les familles ?
c) Les entreprises ?
d) Les besoins sont déjà exponentiels

Des choix politiques, forcément difficiles, devront être faits très rapidement.

USA : Des embryons au cœur d’une bataille judiciaire

USA : Des embryons au cœur d’une bataille judiciaire

Aux Etats-Unis, un divorce a remis l’embryon humain au cœur d’une bataille judiciaire. A Fairfax, dans l’Etat de Virginie, un couple est en conflit sur le sort à réserver à ses embryons congelés, conçus lors de leur vie conjugale par les techniques de procréation artificielle, comprenant la fécondation in vitro, suivi de la conservation de ces embryons ainsi conçus dans l’azote liquide, à -196 degrés. Cette technique, qui permet de les conserver pendant de très nombreuses années, créée de nombreux enjeux, notamment celui qui revient sur le devant de la scène à l’occasion de ce procès.

La femme, Honeyhline Heidemann, souhaite récupérer et implanter, en vue d’une grossesse, ses embryons, alors que son ex-mari, Jason, refuse. Ses avocats ont déclaré qu’autoriser son ex-femme à implanter les embryons qu’ils avaient créés lorsqu’ils étaient mariés « contraindrait M. Heidemann à procréer contre son gré et violerait donc son droit constitutionnel à l’autonomie en matière de procréation ».

Susan Crockin, avocate et universitaire à l’Institut Kennedy d’éthique de l’Université de Georgetown, experte en droit des technologies de reproduction a commenté cet avis comme étant « moralement répugnant », et précisant qu’elle « ne connaissait aucun autre juge aux États-Unis qui ait conclu que les embryons humains peuvent être achetés et vendu “. Pour elle, « la tendance, au contraire, a été de reconnaître que les embryons sont différents de la simple propriété ».

Cet avis n’est que préliminaire, pas définitif.

Dans ce cas particulier, l’avocat fait ressurgir des lois dépassées de cette période américaine où on pouvait « posséder » des êtres humains ce qui est particulièrement choquant.

 

Belgique : 2 nouveaux cas d’euthanasie pour troubles psychiques font polémique

Belgique : 2 nouveaux cas d’euthanasie pour troubles psychiques font polémique

Belgique : 2 nouveaux cas d’euthanasie pour troubles psychiques font polémique

 

20 ans après le vote d’une loi dépénalisant l’euthanasie en Belgique, deux nouveaux cas douloureux d’euthanasie pour causes psychiatriques connaissent un fort retentissement médiatique. Ils viennent corroborer, une fois de plus, les dérives de l’euthanasie dans ce pays.

 

Euthanasie en Belgique pour causes psychiatriques : le cas de Nathalie Huygens

 

Le premier concerne Nathalie Huygens, une femme d’une cinquantaine d’années à qui le “droit à l’euthanasie” vient d’être accordé. Cette mère de deux enfants vit avec d’importantes séquelles psychologiques depuis une violente agression, avec viol, qu’elle a subie en 2016.

 

Son fils, dans une lettre ouverte publiée en 2022 explique le quotidien de sa mère qui a basculé après ce traumatisme puis le divorce de ses parents, les tentatives de suicide et aussi le laxisme juridique vis-à-vis de l’agresseur.

Il explique que sa mère lui a confié « “J’ai vraiment besoin de retourner à l’hôpital pour une longue période, mais je n’ai tout simplement plus d’argent.” En effet, son assurance hospitalière refuse de prendre en charge les hospitalisations psychiatriques. »

Cette situation interroge gravement l’accès aux traitements et la notion d’incurabilité en cas de souffrances psychiques, condition invoquée par la loi belge.

 

Second cas d’euthanasie en Belgique pour troubles psychiques : Geneviève Lhermitte

 

Le deuxième cas d’euthanasie concerne une femme en libération conditionnelle et internée en psychiatrie. Elle vient d’être euthanasiée, le 28 février 2023, à sa demande. Elle avait elle-même choisi la date de son euthanasie : 16 ans après le meurtre qu’elle a perpétré sur ses 5 enfants et pour lequel elle avait été condamnée à perpétuité en 2008.

Après sa condamnation à la prison à vie, Geneviève Lhermitte dont le procès avait été retentissant, « avait intenté en 2010 un procès au civil à son ancien psychiatre, lui réclamant jusqu’à trois millions d’euros de dommages et intérêts pour son «inaction» face à un drame prévisible. » rapporte le journal suisse Le Temps.

L’euthanasie de personnes condamnées par la justice est une question sensible en Belgique

La première euthanasie d’un détenu en prison en Belgique a eu lieu en 2012 sur un hommecondamné à une lourde peine et très malade. Une dizaine d’autres détenus auraient, depuis, exprimé la même demande. Lors de l’affaire « Van Den Bleekenn », en 2014, l’euthanasie avait d’abord été accordée puis la procédure avait été interrompue et il avait été orienté vers des traitements appropriés. La ligue des droits de l’Homme avait alors vivement réagi invoquant une forme de peine de mort déguisée et dénonçant un désinvestissement des infrastructures de soins pour internés par l’Etat.

 

Vers des suicides par euthanasie ?

 

Dans son analyse du rapport de la commission de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie pour 2020-2021, l’Institut européen de bioéthique souligne que « 91 personnes souffrant de troubles mentaux et de comportement ont été euthanasiées au cours de la période 2020-2021, ce qui constitue une augmentation par rapport à la période précédente. Parmi elles, 49 personnes ont été euthanasiées pour troubles cognitifs(démence). Rappelons que ce nombre se situe au double de celui de 2016-2017 (24). »

Au fil des rapports de la Commission de contrôle, on constate qu’il s’opère un glissement vers l’acceptation de cas d’euthanasie pour des pathologies mentales ou des polypathologies avec une interprétation de plus en plus large de l’incurabilité et de la notion de souffrance qui ne pourrait être soulagée.

La Commission de contrôle va jusqu’à écrire dans ce dernier rapport que « les tentatives de suicide ratées ont fait prendre conscience aux personnes concernées qu’il existait aussi une autre façon, plus digne, de mettre fin à ses jours ».

Si les psychiatres belges demeurent divisés, spécialement dans la partie francophone, un psychiatre qui pratique ce type de suicide par euthanasie avance que « Dans l’euthanasie, il s’agit d’une certaine manière de civiliser le suicide ».

Cette présentation de l’euthanasie est glaçante et en vient à valider le suicide, plutôt que de le prévenir.

 

Interrogée par le Point, Ariane Bazan, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Université de Lorraine et l’Université libre de Bruxelles, qui s’est inquiétée des cas d’euthanasie pour motifs psychiques dès 2015 « voit dans l’autorisation d’euthanasie un détournement du texte voté en 2002 par le Parlement et une manière cynique de répondre aux défaillances du système de prise en charge des pathologies psychiatriques. »

Elle souligne que « La loi belge dépénalise l’euthanasie dans des cas de souffrances insupportables et incurables. Or, si les souffrances psychiques sont en effet extrêmement lourdes à porter, leur incurabilité ne peut être objectivée comme celle d’un cancer ou d’une pathologie neurodégénérative. Ce que l’on fait ici, à mon sens, c’est prendre en otage le texte existant et le tordre pour en faire une loi sur le suicide assisté. »

Pour cette experte : « nous sommes face à une véritable épidémie de mal-être psychique ». Elle constate que le profil moyen des patients qui demandent l’euthanasie pour motif psychiatrique sont pour « deux tiers des femmes, qui ont souvent eu des parcours de vie très difficiles, avec des maltraitances et des abus, qui ont développé des pathologies comme des troubles de la personnalité borderline, avec des automutilations, des tentatives de suicide, des troubles des conduites alimentaires. »

La Belgique, prise par certains pour modèle dans le débat sur la fin de vie en France, apparait clairement comme un anti-modèle à partir du moment où l’interdit de tuer est levé : l’encadrement ne fait que dériver de manière de plus en plus inquiétante. Aujourd’hui, c’est la prévention du suicide qui est sapée dans certains cas, vouant les personnes les plus fragiles à l’abandon et à l’auto-exclusion.

 

Pour rappel : le nombre d’euthanasies officiellement pratiquées en Belgique est en augmentation constante. L’année 2022 a atteint le niveau le plus haut : 2 966 euthanasies ont été déclarées à la Commission en 2022 soit une augmentation de 9,9% par rapport à l’année précédente. A ce chiffre il faudrait ajouter les euthanasies non déclarées, évaluées à 25 ou 35% en Flandre qui représentent 75% du total des euthanasies.

Session 7 de la Convention citoyenne : des propositions pour améliorer l’accompagnement de la fin de vie

Session 7 de la Convention citoyenne : des propositions pour améliorer l’accompagnement de la fin de vie

Après une audition sur le discernement et les maladies psychiques, la Convention citoyenne sur la fin de vie a poursuivi son travail lors de cette 7e session du 3 au 5 mars. 67 propositions ont ainsi été votées pour améliorer « le cadre actuel d’accompagnement de la fin de vie »  lesquelles figureront dans le document final remis au gouvernement. Par ailleurs, de nouveaux votes ont eu lieu sur l’aide active à mourir, faisant apparaître des évolutions de positionnement.

 

Une table ronde sur le discernement et les maladies psychiques à la Convention citoyenne

Vendredi en fin d’après-midi, les participants de la Convention citoyenne ont pu assister à une table ronde réunissant le Docteur Saena Bouchez, psychiatre à l’hôpital Lariboisière, le Docteur Sophie Moulias, médecin gériatre à l’APHP et le docteur Jacques Grill, pédiatre neuro-oncologue à l’Institut Gustave Roussy.

L’objectif de cette table ronde était d’aider les citoyens à évaluer dans quelle mesures les personnes âgées, les enfants et les personnes atteintes de troubles psychiques sont en mesure de formuler une demande consciente et autonome d’aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté).

 

A l’issue de cette table ronde, plusieurs enseignements se dégagent :

  • Le recueil de la volonté du patient exige qu’on prenne en compte les spécificités de ces situations :

> Les maladies neuro-évolutives peuvent provoquer des changements dans le discernement de certaines personnes âgées, qui parfois souhaitent que leurs enfants décident pour elles.

> Chez les enfants, la parole est assez difficile à dissocier de celle des parents.

> Certaines pathologies psychiques peuvent être à l’origine d’un trouble du discernement.

  • Que ce soit chez les personnes âgées ou chez les enfants, les demandes de mourir restent exceptionnelles. Le Dr Sophie Moulias dit même n’en avoir jamais rencontré. Les personnes âgées peuvent éprouver une lassitude, souffrir de l’isolement, de la perte sensorielle ; elles ne demandent pas pour autant à mourir.
  • Aujourd’hui, l’urgence est à un meilleur accompagnement des malades et des personnes âgées. Pour le Dr Sophie Moulias, la solitude est la « vraie pathologie de notre société ». Selon elle, « la mort sociale touche beaucoup de gens du grand âge, beaucoup du monde rural. [….] Les médicaments ne remplaceront pas l’humain. » En écho à ces propos, le Dr Jacques Grill complète : « Aujourd’hui, ce n’est pas la loi qui nous empêche d’être humain avec nos malades, c’est le manque d’humains pour être là avec les malades. ».
  • Pour les personnes âgées comme pour les enfants, la légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté n’est pas sans risque :

> Il y a le risque, pour les personnes âgées, que ce soit les familles qui fassent la demande pour elles.

> De même, en pédiatrie : « Si on ne réussit pas à recueillir de façon correcte la parole de l’enfant, c’est donc le tiers qui prend la décision pour autrui. Et c’est un pouvoir qu’on donne aux parents, mais c’est un pouvoir extrêmement dangereux pour eux, parce qu’ils vivent après avoir pris la décision de l’euthanasie ou du suicide assisté de leur enfant. » explique Jacques Grill.

> Enfin, légaliser l’euthanasie risque de décourager les soignants et de les pousser au départ. Selon Sophie Moulias, « envisager l’euthanasie serait pour l’immense majorité des soignants de gériatrie quelque chose d’extrêmement choquant. »

  • Aujourd’hui, le Dr Saena Bouchez estime que la psychiatrie manque encore de critères pour définir les troubles réfractaires aux traitements et tout ce qui peut amener un patient à faire une demande d’aide active à mourir parce que sa souffrance n’a pas pu être soulagée.

67 propositions pour améliorer l’accompagnement de la fin de vie

Après des travaux en groupes toute la journée du samedi, notamment sur l’aide active à mourir (arguments pour/contre, parcours, critères d’accès), les citoyens étaient réunis en plénière le dimanche, pour voter sur les propositions d’amélioration du « cadre actuel » d’accompagnement de la fin de vie qui figureront dans le document final à remettre au gouvernement. 67 propositions ont été retenues autour de 9 thèmes.

  • Respect du choix et de la volonté du patient : choix du lieu de sa fin de vie, parcours d’orientation, renforcement des directives anticipées et de la personne de confiance.
  • Accompagnement à domicile : projet thérapeutique, accompagnement des aidants, implication d’associations de bénévoles, renforcement du contrôle des sédations profondes et continues à domicile, mise en place d’une astreinte.
  • Garantie des budgets nécessaires. Sur ce thème, les citoyens ont décidé d’appliquer le principe du « Quoi qu’il en coûte » aux soins palliatifs, en revoyant le budget, leur système de tarification et de financement, et en améliorant les conditions de travail des personnels. Le système de tarification à l’acte (T2A) doit être « questionné » ou « revisité ».
  • Le développement des soins palliatifs. La proposition phare est de « parvenir à une égalité d’accès aux soins palliatifs pour tous et partout ».
  • Egalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie. Il s’agit de développer la couverture en soins palliatifs dans toutes les régions, renforcer la coordination, l’approche pluridisciplinaire, développer l’accès à l’information sur les directives anticipées…Une proposition a été adoptée pour inscrire dans la loi un « droit opposable à l’accompagnement à la fin de vie et aux soins palliatifs. ». Il faut savoir qu’un tel droit existe déjà dans la loi depuis la loi de 1999 qui affirme le droit d’accès de tous à des soins palliatifs.
  • Information du grand public. Sur ce thème, au-delà de campagnes d’information et d’interventions d’associations, les citoyens ont adopté des propositions pour favoriser dans la société un « changement de regard » sur la vieillesse et la fin de vie.
  • Formation des professionnels de santé : développer la formation initiale sur les soins palliatifs, la prise en charge des douleurs et de la fin de vie et intégrer un cycle de formation sur « les questions éthiques, la vie et la mort » dans leur formation initiale.
  • Organisation du parcours de soins. Ce thème regroupe des propositions très diverses, sur des parcours de soins spécifiques pour les maladies neuro dégénératives, l’accompagnement psychologique et social, les formations à l’écoute, la profession d’aide-soignant, les aidants et l’instauration d’un comptage des sédations profondes et continues.
  • Moyens dédiés à la recherche et développement pour mieux prendre en charge la souffrance et inventer les futurs remèdes.

 

L’ensemble de ces propositions peut être consulté sur le site de la Convention citoyenne.

De nouveaux votes sur l’aide active à mourir

De plus, dans un tweet du 4 mars, Antoine d’Abbundo, journaliste à La Croix, révèle que de nouveaux votes sur l’aide active à mourir et les conditions d’accès ont eu lieu lors de cette session.

A la question « L’accès à l’aide active à mourir devrait-il être ouvert ? », les résultats changent peu par rapport aux votes qui avait eu lieu lors de la dernière session, si ce n’est qu’ils sont légèrement plus nombreux à avoir voté « non » (24% contre 19%).

Toutefois, sur les critères d’accès, l’appréciation des citoyens semble avoir évolué depuis la dernière session puisqu’ils sont 48% à considérer que la majorité légale est un critère important à prendre en compte, 64% à considérer un pronostic vital engagé à court terme comme un critère important et 60% pour un pronostic vitalm engagé à moyen terme.

En comparaison, lors de la précédente session, ils étaient respectivement 67% et 56% à se prononcer favorablement pour l’euthanasie et le suicide assisté pour les mineurs, et 45% étaient favorables au suicide assisté pour des personnes « atteintes de maladies incurables provoquant des souffrances ou douleurs réfractaires sans pronostic vital nécessairement engagé ».

Un résultat est néanmoins inquiétant, puisque 63% des citoyens considèrent que le discernement via une personne de confiance est un critère important à prendre en compte. La personne de confiance pourrait-elle donc décider d’une euthanasie à la place du patient ?

Enfin, 55% des citoyens rejettent la prise en compte des souffrances psychiques et existentielles pour l’accès à une aide active à mourir.

Sur ces questions, les votes définitifs devraient avoir lieu lors de la prochaine session du 17 au 19 mars. Un débat est également prévu sur la fin de vie dans 10 ans.

Finalement, la Convention citoyenne remettra les conclusions de ses travaux le 2 avril plutôt que le 19 mars, date initialement prévue. C’est le mouvement social qui a conduit la Convention à décaler ses deux dernières sessions.

Des remous après la session 6 de la Convention fin de vie

Par ailleurs, comme l’a révélé un article du Figaro, certains membres de la Convention citoyenne ont éprouvé un réel malaise sur la communication qui a été faite après les votes de la session 6 sur l’aide active à mourir. 

Une quarantaine de citoyens ont demandé au comité de gouvernance de relayer un communiqué de presse pour s’élever contre ce traitement médiatique focalisé sur les résultats de votes provisoires.

Comme l’explique une citoyenne signataire, Soline, lors de la conférence de presse qui a suivi la session, « on avait fait un week-end très riche, plein de débats et plein de contenus, et il n’y a eu que les chiffres qui sont ressortis ». Ces citoyens ont regretté que tout le travail fait par un groupe important de la Convention sur des « propositions transverses » et notamment sur le développement des soins palliatifs, ne soit pas relayé. « On s’est senti lésé d’un manque de médiatisation de ces propositions », selon Soline.

Il reste à espérer que les médias, ainsi que le gouvernement, sauront accorder l’attention qu’elles méritent à ces propositions lors de la remise du rapport final.