L’aide médicale à mourir (AMM), l’euthanasie au Canada, source d’économies ?

L’aide médicale à mourir (AMM), l’euthanasie au Canada, source d’économies ?

L’aide médicale à mourir (AMM), l’euthanasie au Canada, source d’économies ?

 

Analyse approfondie des coûts de l’aide médicale à mourir au Canada.

 

Selon une étude publiée en 2017 avant le vote de la loi C-14, des économies budgétaires étaient estimées entre 35 et 137 millions de dollars par an. La Loi C-14 a autorisé en 2016 l’euthanasie pour les personnes dont la mort était raisonnablement prévisible à court terme. En 2020, avant le vote d’une loi C-7, élargissant les conditions d’accès à l’AMM, un rapport officiel estimait que l’extension de l’accès à l’AMM permettrait de réaliser 149 millions de dollars d’économies.

Selon leurs auteurs, ces estimations s’inscrivent dans une démarche de transparence et d’évaluation de l’impact budgétaire de mesures législatives. Tout en quantifiant les économies qui découleraient de la mise en place d’un système d’euthanasie, ils réfutent l’idée que la légalisation de l’AMM viserait des économies.

Une récente étude sur le dispositif canadien publiée sur le site des Presses universitaires de Cambridge et analysée par une précédente note expert, a pointé cependant le risque que l’accès à l’euthanasie soit privilégié au détriment d’un accès à des soins appropriés mais coûteux.

Quelle est la fiabilité de ces estimations ?

Commandé par un sénateur pour estimer les coûts financiers découlant du projet de loi C-7, ce rapport du bureau du directeur parlementaire du budget présente « une ventilation entre les coûts qui résultent de la loi actuelle (C-14) et les coûts supplémentaires qu’entraînerait l’élargissement proposé de l’admissibilité à l’AMM (projet de loi C-7) ».

Il reprend la méthodologie de l’étude de 2017 et l’ajuste en extrapolant les statistiques mises en place depuis l’application de l’AMM en 2016. Les économies résultant de la loi C-14 (en prenant en compte les coûts d’administration de l’AMM) étaient ainsi estimées à 86,9 millions de dollars en 2021, en considérant que 6465 décès sont attribuables à l’AMM. Si la loi C- 7 était votée, 1164 décès résulteraient de l’extension de l’AMM, représentant 62 millions de dollars d’économies. Au total, l’extension de l’accès à l’AMM permettrait de réaliser 149 millions de dollars d’économies au total.

Ces estimations et notamment celles de la 1ère étude de Trachtenberg et Manns reposent sur la méthodologie d’un article[1] publié aux Etats Unis 20 ans plus tôt, lequel s’appuyait sur 3 facteurs pour évaluer les économies potentielles issues de la légalisation du suicide médicalement assisté :

  • La proportion du nombre de patients candidats à l’euthanasie,
  • Les effets de l’”intervention”, c’est à dire l’euthanasie, sur le reste à vivre du patient,
  • Les coûts totaux de prise en charge de la fin de vie.

 

Passées au crible des statistiques, les estimations réalisées au regard de chacun de ces facteurs s’avèrent peu fiables voire erronées.

Ainsi du nombre de « patients » candidats à l’euthanasie. Alors que le rapport de 2020 anticipait 6465 décès dus à l’euthanasie en 2021 soit 2,2% du nombre total de décès, 9845 décès par “AMM-C14” ont été recensés en 2021 (soit 3,3% des décès) selon les statistiques officiellesCes mêmes statistiques révèlent aussi l’erreur d’estimation du nombre de décès supplémentaires attribuables à l’AMM dans le cadre de l’extension C-7. 1164 décès par AMM C-7 étaient estimées par le rapport. En réalité, 219 personnes sont décédées dans ce cadre.

Pour estimer le « reste à vivre », l’étude de Trachtenberg et Manns s’est appuyée sur une étude conduite aux Pays Bas fondée uniquement sur des estimations médicales prédictives sur enquêtes, sans vérification possible et profondément dépendantes de la pathologie et de la personne.

En revanche, elle fait l’impasse sur des données montrant que le diagnostic des médecins sur la durée de vie résiduelle d’un patient en fin de vie est précis seulement dans 20 % des cas : dans 63% des cas la durée de vie est surestimée. La tendance à la surestimation a non seulement pour effet d’augmenter les économies affichées mais a aussi des conséquences sur la date d’admission tardive dans les services de fin de vie ce qui peut entrainer une utilisation de traitements lourds très coûteux au lieu d’orienter vers des structures palliatives par exemple pour améliorer la qualité de vie.

Alors que le rapport de 2020 estimait que « la vie des personnes sera raccourcie de trois mois dans 45% des cas », en 2019 les statistiques officielles révélaient que 60% des personnes ayant formulé une requête d’AMM sans l’avoir obtenue meurent dans les 10 jours qui suivent leur demande.

Enfin pour évaluer les coûts de santé des patients demandant l’AMM, le rapport de 2020 a appliqué une réduction des coûts standards de 50% pour 80 % des personnes demandant l’AMM en prenant l’hypothèse que cette proportion aurait bénéficié de soins palliatifs. Or, cette proportion a été fortement relativisée par un récent article qui mentionne que ”l’accès aux soins palliatifs avant la proposition d’AMM aux patients était en fait beaucoup plus faible que rapporté. “. Par ailleurs, le montant de réduction de 50% est une simplification majeure par rapport à la diversité des pathologies des personnes demandant l’AMM au Canada (cancers principalement) engendrant des coûts variant du simple au triple au sein de la catégorie des cancers.

Au final, l’estimation d’économies potentielles résultant des dispositifs d’Aide Médicale à Mourir au Canada s’appuie sur des hypothèses peu fiables et sans base scientifique et statistique. Ce type de publication interroge néanmoins. Dans des pays vieillissants où les coûts de santé pèsent sur les comptes publics, la légalisation de l’euthanasie pourrait être interprétée comme une démarche des gouvernements pour faire des économies aux dépens du bien-être et de l’accompagnement des citoyens.

 

 

[1] Emanuel EJ, Battin MP. What are the potential cost savings from legalizing physician-assisted suicide. N Engl J Med 1998;339:167-72, 1998

L’aide médicale à mourir (AMM), l’euthanasie au Canada, source d’économies ?

Aide médicale à mourir Canada (AMM) : analyse des coûts

Aide médicale à mourir Canada (AMM) : analyse des coûts

 

CONTEXTE LEGAL AU CANADA DE L’AIDE MEDICALE A MOURIR

 

L’Aide Médicale à Mourir (AMM), c’est à dire l’euthanasie, est proposée depuis 2016 au Canada dans le cadre de la loi appelée C-14. Initialement cette AMM était ouverte uniquement aux personnes dont la mort était raisonnablement prévisible à court terme. 5 ans plus tard, en mars 2021, la loi C-7 est venue modifier la loi C-14 en étendant l’AMM aux personnes dont la mort n’est pas raisonnablement prévue à court terme à condition qu’elles soient atteintes d’une “affection médicale grave et irrémédiable”.

Une récente étude publiée aux presses universitaires de Cambridge [11] analysée par une précédente note expert a pointé le manque de supervision et d’encadrement des justifications d’accès à l’AMM entrainant de nombreux cas de dérives ainsi qu’une priorisation systématique vers l’accès l’AMM aux dépends d’autres soins.

I. De l’estimation des coûts à l’estimation des économies

Au cours de l’année 2020, lors des débats autour du projet de loi C-7, le bureau du directeur parlementaire du budget [2, 2020] a publié un rapport estimant les coûts financiers découlant de ce projet de loi pour 2021 “en présentant une ventilation entre les coûts qui résultent de la loi actuelle (C-14) et les coûts supplémentaires qu’entraînerait l’élargissement proposé de l’admissibilité à l’AMM (projet de loi C-7)”. Ce rapport montre que la mise en place de l’aide médicale à mourir au Canada générerait des économies.

Il s’appuie notamment sur un article scientifique publié dans le journal de l’association médicale Canadienne [1, 2017] avant la mise en place de la loi C-14. Cet article transpose les données de pays où l’euthanasie est légalisée depuis plusieurs décennies (Belgique, Pays Bas) au territoire canadien afin de démontrer que les coûts de mise en place peuvent être compensés par des économies sur les dépenses de santé. La plage d’économie potentielle est très large, comprise entre 35 et 137 millions de dollars par an.

Le rapport [2, 2020] reprend la méthodologie de l’article [1, 2017] et l’ajuste en extrapolant les statistiques mises en place depuis l’application de l’AMM en 2016. Les économies résultant de la loi C-14 (en prenant en compte les coûts d’administration de l’AMM) sont ainsi estimées à 86,9 millions de dollars en 2021, en considérant que 6465 décès sont attribuables à l’AMM. Selon le rapport, si la loi C-7 était votée, 1164 décès résulteraient de l’extension de l’AMM, représentant 62 millions de dollars d’économies. Au total, l’extension de l’accès à l’AMM permettrait de réaliser 149 millions de dollars d’économies.

Les tableaux ci-dessous présentent le résultat des estimations selon la loi C-14 et selon le projet de loi C-7.

 

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Sous couvert d’évaluer l’impact budgétaire d’un projet de loi et de transparence, ces rapports [1] et [2] osent quantifier les économies liées à la mise en place d’un système d’euthanasies tout en se défendant de rechercher ces économies par la légalisation :

  • Les auteurs de [1] neutralisent ainsi les critiques potentielles page 104 : “Nous ne suggérons pas que l’Aide Médicale à Mourir comme une mesure visant à réduire les coûts. A un niveau individuel, ni les patients ni les médecins ne devraient considérer les coûts lors de la décision très personnelle de demander, ou fournir l’intervention.
  • Les auteurs de [2] précisent quant à eux page 3 : “De nombreuses études révèlent que les coûts des soins pendant la dernière année de vie (spécialement le dernier mois) sont hors de proportion : ils représentent entre 10 et 20 % du total des coûts en santé, alors que les personnes qui reçoivent ces soins ne forment qu’environ 1 % de la population. Néanmoins, ce rapport ne suggère en aucun cas que l’AMM soit utilisée afin de réduire les coûts en santé”.

II. Quelle est la fiabilité de ces estimations ?

L’article [1] reprend la méthode d’un article publié aux Etats Unis 20 ans plus tôt [3]. Ce dernier s’appuyait sur 3 facteurs pour évaluer les économies potentielles issues de la légalisation du suicide médicalement assisté :

  • La proportion du nombre de patients candidats à l’euthanasie,
  • Les effets de l’”intervention”, c’est à dire l’euthanasie, sur le reste à vivre du patient,
  • Les coûts totaux de prise en charge de la fin de vie.

a. Estimation du nombre de patients “candidats” à l’euthanasie

Sur la base des chiffres relevés aux Pays-Bas et en Belgique de 1990 à 2012, l’article [1, 2017] estime le pourcentage de décès dus à l’euthanasie à une fourchette comprise entre 1 et 4% du nombre total de décès par an.

Le rapport [2, 2020] fixe ce pourcentage à 2,2% du nombre total de décès en 2021 soit 6465 décès. Cela correspond à une extrapolation des décès par AMM en 2019 (soit 5661, derniers chiffres connus au moment de la rédaction du rapport).  Cette prévision s’est révélée bien en dessous de la réalité. Selon les dernières statistiques officielles canadiennes publiées en juillet 2022 [9], 9845 décès par “AMM-C14” ont été recensés en 2021 (soit 3,3% des décès).  Cette erreur de presque 30% montre l’incapacité des pouvoirs publics à anticiper l’impact de ces lois.

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Les statistiques révèlent aussi l’erreur d’estimation du nombre de décès supplémentaires attribuables à l’AMM dans le cadre de l’extension C-7. Pour calculer cette estimation, le rapport s’est appuyé sur le pourcentage observé en Belgique des bénéficiaires de l’AMM qui n’étaient pas en fin de vie. Ce pourcentage est de 18%. Appliqué à la prévision de décès par AMM-C-14, l’estimation par AMM C7 aboutit à 1164 décès. En réalité, 219 personnes sont décédées dans le cadre de l’AMM C-7.

b. Estimation du “reste à vivre”

Les auteurs de l’article [1] s’appuient sur une seule étude [5] conduite aux Pays-Bas qui indique que 40 % des personnes euthanasiées ont raccourci leur vie d’une semaine, et 60 %, d’un mois.

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Tableau issu de la référence [5]

Cette évaluation de la réduction de la durée de vie est fortement sujette à caution : il ne s’agit que d’estimations médicales prédictives sur enquêtes et sans vérification possible et qui sont profondément dépendantes de la pathologie et de la personne.  En effet, un article [6] indique que le diagnostic des médecins sur la durée de vie résiduelle d’un patient en fin de vie est précis seulement dans 20 % des cas : dans 63% des cas la durée de vie est surestimée et dans 17% des cas, elle est sous-estimée. La tendance à la surestimation a d’abord pour effet d’augmenter les économies affichées par [1] et [2].

Elle a aussi des conséquences sur la date d’admission tardive dans les services de fin de vie ce qui peut entrainer une utilisation de traitements lourds très coûteux au lieu d’orienter vers des structures palliatives par exemple pour améliorer la qualité de vie [6]. Alors qu’il est peu fiable, les auteurs de [1, 2017] considèrent que, ce facteur a un impact “considérable” sur les résultats de l’analyse de sensibilité.

Néanmoins, le rapport [2, 2020] affirme qu’en cas d’utilisation de l’AMM, “ la vie des personnes sera raccourcie de deux semaines dans 14 % des cas, d’un mois dans 25 % des cas, de trois mois dans 45 % des cas, de six mois dans 13 % des cas et d’un an dans 3 % des cas”. Non seulement ces hypothèses prédictives ne prennent aucune marge d’erreur mais ces chiffres sont en outre très éloignés des statistiques officielles notamment celles de 2019. En 2019, 60% des personnes ayant formulé une requête d’AMM sans l’avoir obtenue meurent dans les 10 jours, 23% entre 10 et 30 jours, et le reste (18%) au-delà de 30 jours.

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Quant à la durée de vie résiduelle des nouvelles personnes éligibles (C-7) qui ne sont pas en fin de vie, les auteurs du rapport [2] l’évaluent de manière unique à une année sans aucune base scientifique ou statistique.

c. Estimation des coûts standards de prise en charge de la fin de vie

Le rapport [2] a appliqué une réduction de 50 % des coûts standards pour 80 % des personnes qui pourraient demander l’AMM en prenant l’hypothèse que cette proportion aurait bénéficié de soins palliatifs. Il justifie ce choix ainsi :  “Il est raisonnable de penser que les personnes demandant l’AMM pourraient choisir une approche moins agressive, comme des soins palliatifs.”  ce que confirme  : les « statistiques du Canada pour 2019 qui révèlent que 82 % des personnes à qui on a administré l’AMM avaient reçu des soins palliatifs au cours des semaines précédentes.” Or, Le récent article [11] a cependant relativisé cette affirmation mettant en avant que le ”l’accès aux soins palliatifs avant la proposition d’AMM aux patients était en fait beaucoup plus faible que rapporté. “ 

En outre, la réduction de 50% est une simplification de l’étude [4] qui avait constaté que les soins palliatifs permettaient de réduire les coûts des soins en fin de vie de 40 à 70 % par rapport aux coûts des soins standards.

Enfin il dresse les prises en charges financières des maladies par tranche d’âge et par sexe en distinguant les cancers des autres pathologies en Annexe A. En revanche, les variations de coûts de prise en charge entre les types de cancers ne sont pas étudiées alors que des différences importantes existent.  Par exemple, dans [10], les coûts français pour les 4 principaux types de cancers se répartissent entre 14632€/patient en moyenne pour le cancer du sein, 13097€ pour le cancer colo-rectal, 23731€ pour celui du poumon et 7449€ pour celui de la prostate.

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Ces variations sont à mettre en regard avec les maladies des personnes ayant demandées l’AMM en 2021 :

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CONCLUSIONS ET DISCUSSIONS

L’estimation d’économies potentielles résultant des dispositifs d’Aide Médicale à Mourir au Canada (rapports [1, 2017] et [2, 2020]) s’appuie sur des hypothèses peu fiables et sans base scientifique et statistique.

En mettant en regard les gains par rapport aux coûts totaux du système de santé canadien, même si ce chiffre peut sembler élevé (ndlr 149 millions de dollars), il ne représente que 0,08 % de l’ensemble des budgets de santé des provinces pour 2021 [2].

Dans des pays vieillissants où les coûts de santé pèsent sur les comptes publics, la légalisation de l’euthanasie pourrait être interprétée comme une tentation pour les gouvernements de faire des économies aux dépens du bien-être et de l’accompagnement des citoyens.

 

Références

[1] A. Trachtenberg, B. Manns, Cost analysis of medical assistance in dying in Canada, 2017, Canadian Medical Association Journal, Volume 189, Issue 3, https://www.cmaj.ca/content/cmaj/189/3/E101.full.pdf

[2] Estimation des coûts du projet de loi C-7 (Aide Médicale à Mourir), 2020 https://www.pbo-dpb.ca/fr/publications/RP-2021-025-M–cost-estimate-bill-c-7-medical-assistance-in-dying–estimation-couts-projet-loi-c-7-aide-medicale-mourir

[3] Emanuel EJ, Battin MP. What are the potential cost savings from legalizing physician-assisted suicide. N Engl J Med 1998;339:167-72, 1998

[4] The Way Forward Integration Initiative. Cost-effectiveness of palliative care: a review of the literature. Ottawa: Canadian Hospice Palliative Care Association, 2013. http://hpcintegration.ca/media/24434/TWF-Economics-report-Final.pdf

[5] Onwuteaka-Philipsen BD, Brinkman-Stoppelenburg A, Penning C, et al. Trends in end-of-life practices before and after the enactment of the euthanasia law in the Netherlands from 1990 to 2010: a repeated cross-sectional survey. Lancet 2012;380:908-15. netherlands_euthanasia.pdf (euthanasiadebate.org.nz)

[6] Christakis NA, Lamont EB. Extent and determinants of error in doctors’ prognoses in terminally ill patients: prospective cohort study. BMJ. 2000 Feb 19;320(7233):469-72. doi: 10.1136/bmj.320.7233.469. PMID: 10678857; PMCID: PMC27288. British Medical Journal (nih.gov)

[7] Robert Gramling, Elizabeth Gajary-Coots, Jenica Cimino, Kevin Fiscella, Ronald Epstein, Susan Ladwig, Wendy Anderson, Stewart C. Alexander, Paul K. Han, David Gramling, Sally A. Norton, Palliative Care Clinician Overestimation of Survival in Advanced Cancer: Disparities and Association With End-of-Life Care, Journal of Pain and Symptom Management, Volume 57, Issue 2, 2019,Pages 233-240, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0885392418310571

[8] Gerson SM, Koksvik GH, Richards N, Materstvedt LJ, Clark D. The Relationship of Palliative Care With Assisted Dying Where Assisted Dying is Lawful: A Systematic Scoping Review of the Literature. J Pain Symptom Manage. 2020 Jun;59(6):1287-1303 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8311295/

[9] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/systeme-et-services-sante/rapport-annuel-aide-medicale-mourir-2021.html

[10] https://asteres.fr/site/wp-content/uploads/2020/02/ASTERES-CANCER-FEV-2020-compresse.pdf

[11] Coelho, R., Maher, J., Gaind, K., & Lemmens, T. (2023). The realities of Medical Assistance in Dying in Canada. Palliative & Supportive Care, 1-8. doi:10.1017/S1478951523001025 https://www.cambridge.org/core/journals/palliative-and-supportive-care/article/realities-of-medical-assistance-in-dying-in-canada/3105E6A45E04DFA8602D54DF91A2F568

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Bien-être animal, cause animale, de quoi parle-t-on ?

Bien-être animal, cause animale, de quoi parle-t-on ?

Bien-être animal, cause animale, ces expressions sont couramment utilisées sans que l’on précise forcément leur contenu. Cette imprécision peut d’ailleurs être une stratégie de communication : se dire “contre le bien-être animal” paraitrait malvenu. Alors que des mouvements antispécistes se manifesteront fin août à l’occasion d’une journée auto-proclamée “pour la fin du spécisme”, il est intéressant de se pencher sur les notions invoquées.

 

Bientraitance ou bien-être animal ?

Le ministère de l’agriculture publie sur son site une définition, reprise d’un avis de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Selon cette définition, le bien-être animal serait “l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal“.

Deux notions importantes sont incluses dans cette définition. D’une part, le bien-être comprend une part de “santé mentale” et pas seulement physique. D’autre part, ce bien-être se veut défini à partir des ressentis de l’animal lui-même, de son point de vue pourrait-on dire. Une page du site de l’ANSES précise la distinction entre “bientraitance animale” et “bien-être animal” :

La bientraitance correspond aux actions que l’humain engage ou réalise dans l’intention de répondre aux besoins des animaux tels qu’il les interprète, comme bien nourrir, bien loger, soigner. Il s’agit d’une démarche anthropocentrée qui ne tient pas compte du ressenti de l’animal ou des émotions positives“.

Mais derrière cette affirmation se tient une question de taille : peut-on vraiment parler au nom de l’animal ? Quel est le sens pour des humains de prétendre pouvoir accéder au point de vue d’un animal ?

Le site de l’ANSES donne des éléments de réponse partiels. Le bien-être animal serait visible par l’observation de modifications du comportement de l’animal, et l’étude de la physiologie de l’animal (état de santé, niveau de production…). Ces observations et études étant faites par des humains, il parait difficile de prétendre aboutir à un “point de vue animal”.

On peut en revanche tâcher d’objectiver des observations pour arriver à des mesures quantitatives. C’est ce que s’efforce de faire plusieurs associations ou institutions parapubliques. Ainsi, le Centre national de référence pour le bien-être animal (CNRBEA), institué en France en 2017 suite à une loi votée en 2014, met à disposition du public une librairie importante de documents et d’articles sur le thème du bien-être animal.

Parmi ceux-ci, le “protocol Welfare quality” est un outil de portée internationale. Pour plusieurs espèces d’animaux d’élevage, des critères, répartis en catégories (nourriture, bâtiment, conditions sanitaires et “comportement appropriés”) sont observées et notés par des humains pour arriver à une note globale de “bien-être”.

Ainsi, de bout en bout, le processus reste établi et contrôlé par une chaine de professionnels humains et témoigne du souci, également humain, de bientraitance des animaux. L’extension et le raffinement des recherches et études sur ce thème sont très importants. Un exemple entre mille : le moteur de recherche du CNRBEA référence un article coréen sur “l’analyse de différentes expressions faciales des chevaux comme indicateur de bien-être en utilisant l’apprentissage profond” (deep learning)!

 

Cause animale : une grande complexité de positions

La cause animale est un concept large. Il peut s’entendre comme le refus de la maltraitance et de la cruauté envers les animaux, l’attention aux conditions de bientraitance dans les élevages (considérations éthiques), la protection d’environnement adapté à des espèces sauvages, une régulation des prélèvements d’espèce par la pêche et la chasse (considérations écologiques) jusqu’au refus de toute expérimentation animale y compris dans la recherche pharmaceutique. 

Le concept peut comprendre la mise en place d’un véritable “droit des animaux“, ces droits étant eux-mêmes plus ou moins larges.

Une déclaration des droits de l’animal est proposée depuis 1978 par la Fondation Droit Animal. Les 8 articles restent assez généraux dans la formulation et plutôt centrés sur la bientraitance. La loi votée en France en novembre 2021 a renforcé les dispositifs de lutte contre la maltraitance. Une fin programmée des spectacles d’animaux sauvages (cirques, delphinarium, montreurs d’ours ou de loups…) est également incluse dans la loi.

Des philosophes ont poussé bien plus loin. Partant de l’idée que la sentience est partagée également entre les animaux et les humains, il s’agira alors de refuser toute souffrance et toute “exploitation” animale. Il faudrait selon certains auteurs accorder aux animaux un statut de résident dans la cité au sens large (Zoopolis, idée de communauté citoyenne entre humains et animaux), de prendre en compte leur histoire relationnelle dans leur espèce et entre espèces…

Le refus de “l’exploitation” des animaux relève du véganisme (refus de consommer tout produit de provenance animale) sur le plan du comportement individuel, et de l’antispécisme sur le plan idéologique et politique. Une anecdote rapportée par la presse au début de l’été illustre la question de « l’exploitation ». Le parti animaliste s’est élevé contre le transport de touristes en calèche dans des villes touristiques au motif allégué que c’est “incompatible avec le respect des besoins biologiques des chevaux“. Une gérante d’entreprise de calèche a reçu des menaces et a décidé de porter plainte.

 

La prédation, une réalité qui bouscule l’argumentaire des antispécistes

Si la cause antispéciste a une caractéristique, c’est d’être elle-même rattachée aux humains : établie par des humains, pour convaincre des humains avec des moyens humains. Il parait difficile de réclamer une fin totale de toute « exploitation » des animaux par les humains en passant sous silence la réalité de la prédation dans l’ensemble du monde animal.

La réalité n’est pas source de toute norme, mais le fait massif de cette prédation conduit soit à accepter les différences entre espèces soit à devoir transformer de fond en comble le monde animal en cherchant à réduire toute souffrance, même dans le monde sauvage, avec un programme de « changement de la nature », revendiqué par certains antispécistes.

En attendant, on peut noter que le souci légitime de la bientraitance envers les animaux est une manifestation du caractère moral des humains en tant qu’espèce.

Une étude sur le dispositif canadien d’euthanasie alerte sur ses impasses

Une étude sur le dispositif canadien d’euthanasie alerte sur ses impasses

Une étude sur le dispositif canadien d’euthanasie alerte sur ses impasses

 

Une récente étude publiée sur le site des Presses universitaires de Cambridge s’est penchée sur le dispositif d’euthanasie au Canada, et alerte sur ses impasses.

Intitulée “Les réalités de l’assistance médicale à mourir (AMM) au Canada“, cette étude avait pour objet d’examiner les impacts du programme canadien d’euthanasie et d’analyser les “sauvegardes” permettant d’éviter les dérives.

Sa conclusion est inquiétante : “Le régime canadien d’aide médicale à mourir ne dispose pas des mesures de protection, de la collecte de données et de la surveillance nécessaires pour protéger les Canadiens contre les décès prématurés. Les auteurs ont cerné ces lacunes dans les politiques et ont utilisé des cas d’AMM pour illustrer ces constatations“.

Les auteurs sont des médecins et un juriste, avec une expertise dans le domaine de la bioéthique. Ils ont travaillé à partir des données officielles, et des rapports sur les cas d’euthanasie, ainsi que de la presse et des publications du parlement.

 

Le système canadien d’euthanasie

Voté en 2016 sous le nom de “C14“, une législation a introduit une exemption à l’interdit de tuer pour les personnes majeures, consentantes, lucides, en cas de maladie ou infirmité avec une “mort naturelle raisonnablement prévisible” (MNRP, en anglais “reasonably foreseeable natural death” (RFND), un déclin irréversible des capacités, et une douleur intolérable (physique ou psychique). Si le suicide assisté est possible, c’est l’euthanasie qui est la forme la plus courante d’administration de la mort.

En 2021, une loi dite “C7” a étendu l’accès en introduisant un régime à deux voies : la voie “C14” et les cas de patients qui ne sont pas proches de leur mort naturelle, incluant donc toutes les personnes avec une infirmité. Un délai de mise en œuvre était prévu pour les personnes souffrant d’une maladie mentale jusqu’à mars 2023. Un nouveau report est voté jusqu’au 17 mars 2024.

Les auteurs rappellent que l’extension prévue par la loi C7 faisait suite à un seul jugement d’un tribunal dans la province de Québec en 2019 qui avait déclaré la disposition de mort naturelle raisonnablement prévisible inconstitutionnelle. Le gouvernement fédéral n’avait pas fait appel de ce jugement. Les auteurs rappellent aussi que “la Cour suprême a explicitement déclaré dans l’affaire Carter (Cour suprême du Canada, 2015) qu’elle ne se prononçait pas sur l’aide médicale à mourir pour la maladie mentale“.

Depuis sa légalisation, les données officielles montrent une hausse continue et forte des cas d’euthanasie : 2% des décès en 2019, 3.3% en 2021 soit 10064 décès. Dans certaines régions, le pourcentage atteint 7%. Par comparaison, en Californie, qui a légalisé le suicide assisté en 2016, on compte 486 cas en 2021, soit environ 0.2% des décès, les populations de ces deux Etats étant proches, ainsi que leur culture.

 

Résultats de l’étude

Suite à leurs recherches, les auteurs relèvent plusieurs problèmes dans le dispositif canadien actuel.

 

Des données officielles sans beaucoup de vérifications

Le système de collecte de données repose sur l’auto-déclaration par les praticiens, largement sous le format de cases à cocher. Sachant que pratiquer l’euthanasie en dehors des cas prévus par la loi reste illégal, il est peu probable que les praticiens déclarent d’eux-mêmes des cas non légaux.

Bien que le rapport officiel de Santé Canada indique que les patients ayant opté pour l’AMM (assistance médicale à mourir) ont un fort taux d’accès aux soins palliatifs, une étude indépendante sur des patients dans un hôpital de l’Ontario a constaté l’inverse sur l’échantillon de cet hôpital: “Les soins palliatifs offerts aux personnes qui demandent l’aide médicale à mourir sont encore insuffisants“.

 

Un manque de supervision

L’étude fournit plusieurs exemples de personnes euthanasiées dont les familles n’ont pu avoir accès au dossier médical afin de déterminer si le processus avait bien été respecté. Le témoignage de la famille d’Alan Nichols devant le parlement en 2022 est poignant. Sur le fond, la question est proche de celle pointée du doigt par la CEDH en octobre dernier sur le dispositif belge d’euthanasie : la revue des cas ne peut se faire qu’après le décès, et les conditions d’accès aux dossiers restent difficiles.

Comme l’écrivent les auteurs “le ministre de la Justice a déclaré que la supervision doit être assurée par les membres de la famille qui se plaignent après le fait pour engager des mesures disciplinaires ou des enquêtes policières. Pourtant, les expériences des membres de la famille qui ont essayé de répondre aux préoccupations suggèrent que les cas ne peuvent pas être examinés de manière transparente, et les autorités sanitaires ont invoqué des exceptions de l’intérêt supérieur pour rejeter les demandes d’accès aux dossiers médicaux“.

 

Une priorisation de l’accès à l’euthanasie qui interroge 

Bien que l’arrêt de la Cour suprême n’a pas explicitement créé un “droit de mourir”, la loi C14 dans son préambule insiste sur un accès “universel” à ce processus : “il est souhaitable d’adopter une approche cohérente dans tout le pays en matière d’aide médicale à mourir“.

Le risque pointé par l’étude est de prioriser cet accès plutôt qu’un accès à des soins appropriés mais plus couteux. Le Canada, selon une étude de l’OCDE, se situe en dessous de la moyenne des pays membres pour les dépenses publiques sociales.

Dans une audition au parlement pour le projet de loi C7, la ministre Carla Qualthrough en charge de l’inclusion des personnes handicapées avait reconnu : “nous savons qu’il y a des régions du pays où il est plus facile d’obtenir l’aide médicale à mourir qu’un fauteuil roulant.” Le cas de Sathya Dhara Kovac est emblématique. Atteinte de SLA, et euthanasiée en octobre 2022, elle a écrit à ses proches : “En fin de compte, ce n’est pas une maladie génétique qui m’a fait partir, c’était un système …Il y a un besoin désespéré de changement. C’est la maladie qui cause tant de souffrance. Les personnes vulnérables ont besoin d’aide pour survivre. J’aurais pu avoir plus de temps si j’avais eu plus d’aide“.

 

L’euthanasie au Canada comme levier d’économie budgétaire ? 

 

Par ailleurs, un rapport de l’office budgétaire canadien a estimé en 2020 que l’euthanasie pourrait être une source d’économies. Dans des pays vieillissant où les coûts de santé conduisent à des pressions financières sur les comptes publics, on peut s’interroger sur le conflit d’intérêt d’un Etat devant choisir entre le bien-être de ses citoyens et la tentation de faire des économies par la proposition extensible d’une assistance médicale à mourir. Le film Plan 75 en fournit une illustration certes fictionnelle mais crédible.

 

Proposer l’euthanasie à ceux qui ne l’ont pas demandé ?

 

La Nouvelle Zélande et un Etat australien (Etat de Victoria) interdisent au personnel médical d’initier une discussion sur l’euthanasie avec leurs patients. A l’inverse, au Canada, l’association canadienne des praticiens de l’AMM a publié des guidances dans laquelle elle estime que les médecins et infirmiers “impliqués dans les processus de planification des soins et de consentement ont l’obligation professionnelle d’amorcer une discussion sur l’aide médicale à mourir si un patient est admissible à l’aide médicale à mourir“.

L’étude cite plusieurs cas de personnes à qui on a proposé l’euthanasie quand elles demandaient des ressources ou des accès à des soins. A la lumière des chiffres cités plus haut, le choix pour un praticien d’aborder sans entrave la question de l’AMM avec son patient pourrait ne pas être neutre dans les décisions de celui-ci.

 

Des difficultés de définition et un accès à l’euthanasie parfois plus rapide que celui des soins

L’étude aborde d’autres difficultés pour tout dispositif dit d’encadrement de la pratique d’une euthanasie :

  • La difficulté pour un médecin de pouvoir prédire correctement le “reste à vivre” des patients.
  • Les nombreuses études montrant qu’à l’annonce d’une maladie grave, le risque de suicide est élevé mais qu’il baisse ensuite.
  • La douleur comme notion qui a une composante psychosociale et renvoie donc à la qualité du soutien -physique, psychique, économique…- proposé par la société et l’entourage. Ainsi, dans certains cas sur le territoire canadien, les délais pour accéder à des soins dépassent les 90 jours nécessaires pour obtenir une euthanasie.

Enfin, l’étude mentionne le risque bien documenté de contagion suicidaire – effet Werther.

Cette revue détaillée du dispositif canadien d’euthanasie et suicide assisté illustre de nouveau l’incapacité “d’encadrer” la pratique de l’euthanasie malgré les moyens administratifs et les déclarations des pouvoirs publics.

Enjeux d’éthique de l’intelligence artificielle: le CNPEN vient de rendre un avis.

Enjeux d’éthique de l’intelligence artificielle: le CNPEN vient de rendre un avis.

Après son Manifeste pour une éthique du numérique publié en 2021, et dans la continuité de son Avis n°3 sur les enjeux éthiques des agents conversationnels (« chatbots ») fin 2021, le Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN) vient de rendre son Avis n°7 : Systèmes d’intelligence artificielle (IA) générative : enjeux d’éthique.

Quelques dates récentes marquantes concernant l’IA ces 3 dernières années

 

Avril 2021un projet de réglementation de l’intelligence artificielle (IA) de la Commission européenne a été présenté par les commissaires européens à Bruxelles. Ce projet combine un « premier cadre juridique sur l’IA » et un « nouveau plan coordonné avec les États membres ». Dans son communiqué de presse, la Commission européenne annonce vouloir « garantir la sécurité et les droits fondamentaux des citoyens et des entreprises, tout en renforçant l’adoption de l’IA, les investissements et l’innovation dans l’ensemble de l’UE ».

Juin 2023le Parlement européen a adopté sa position de négociation concernant la législation sur l’intelligence artificielle, avant les discussions avec les États membres sur la forme finale de la législation. Un projet de régulation de l’intelligence artificielle prendra forme, dont les règles viseront à promouvoir l’adoption d’une l’IA axée sur le facteur humain, et à protéger la santé, la sécurité, les droits fondamentaux et la démocratie de ses effets néfastes.

Juillet 2023, Avis n°7 du CNPEN: Systèmes d’intelligence artificielle générative.

Mis en place en 2019, le CNPEN, placé sous l’égide du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a pour rôle de rendre des avis sur les saisines qui lui sont confiées, d’éclairer le débat public sur les enjeux d’éthique du numérique et de rédiger des propositions relatives à la pérennisation de la réflexion nationale sur l’éthique du numérique. Les trois premières saisines demandées par le Premier ministre concernent le véhicule autonome (avis paru en mai 2021), les agents conversationnels (avis paru en novembre 2021) et le diagnostic médical et l’intelligence artificielle (à paraître prochainement).

Le déploiement de ChatGPT illustre l’accélération des capacités des systèmes d’intelligence générative. C’est sur ce thème que le CNPEN vient de rendre son Avis n°7 : Systèmes d’intelligence artificielle générative : enjeux d’éthique dans lequel il pointe :

La question de la vérité

Comme le précise l’avis, « les résultats émis par l’outil peuvent être source d’erreur et mener à la désinformation si l’utilisateur ne fait pas preuve d’esprit critique. Le système d’IA générative n’a aucune logique ni compréhension des mots qu’il emploie. Son mode d’apprentissage par corrélation numérique statistique, sans notion du sens, peut générer des erreurs ou « hallucinations » ce qui pose la question de la vérité. Or, la production d’erreurs et l’illusion de la vérité ne pouvant être attribué à la machine, c’est le concepteur du programme qui doit en assumer la responsabilité et avertir l’utilisateur des risques encourus, afin d’éviter le risque de la désinformation ».

Ainsi, pour éviter des tensions technologiques puis sociétales, le CNPEN invite les concepteurs de modèles de langage à faire preuve d’éthique dès la phase de conception et d’exigence dans la prise en compte des biais.

Distinguer l’homme et la machine

Le Comité prône un maintien des distinctions d’une production humaine des résultats issus de la machine par l’utilisation de code en filigrane. L’introduction des filigranes est une étape réglementaire nécessaire pour des raisons éthiques. Ils doivent répondre à deux critères. D’un côté, ils doivent être suffisamment robustes pour résister aux attaques adversaires visant à les effacer. De l’autre, leur détection par un logiciel de vérification ne doit pas dépendre des paramètres d’un système d’IA particulier qui aurait généré le texte.

 

La question de la langue

La langue utilisée pour l’apprentissage des systèmes d’IA générative n’est pas anodine. Toute langue humaine véhicule nécessairement une histoire et une culture. Le simple fait de manier le langage, qui est le moyen de la pensée consciente et du jugement, mobilise implicitement les représentations culturelles. Or, on note une forte prédominance du corpus de ressources en anglais. Ainsi, selon le CNPEN, lors de la constitution des corpus d’apprentissage des systèmes d’IA générative, les concepteurs doivent respecter la diversité des langues humaines et des cultures qu’elles véhiculent.

La question des apprentissages

Le Comité recommande de conditionner l’utilisation des systèmes d’IA générative à des études préalables de leur effet sur le développement cognitif des jeunes cerveaux. L’Avis rappelle l’enjeu sociétal de préserver l’apprentissage humain qui passe par la compréhension des concepts, la réflexion et la créativité, sans avoir recours aux machines. Le CNPEN considère que le système d’éducation ne peut et ne doit pas exclure l’IA générative, mais doit l’intégrer, en encadrer l’usage. Il s’agit d’apprendre aux enfants et étudiants les concepts sous-jacents pour augmenter leur compréhension du système et faciliter sa prise en main.

La nécessité de marquer des limites par une régulation juridique

L’avis pointe la nécessité de poser les limites via des normes juridiques suffisamment souples pour faire face aux nouvelles évolutions et suffisamment structurantes pour répondre au respect des droits fondamentaux et de l’intégrité des personnes. Pour eux, la responsabilité légale doit être attribuée aux fournisseurs des modèles de fondation et aux déployeurs d’applications. La responsabilité morale s’étend aux concepteurs des modèles de fondation et aux développeurs des systèmes d’IA générative utilisant de tels modèles.

La protection des données

Pour le CNPEN, il semble nécessaire que le Comité européen de protection des données produise des lignes directrices relatives à l’articulation entre le règlement sur l’IA et le RGPD. Quant à la question du traitement des données collectées, le CNPEN préconise l’élaboration de règles juridiques complétées d’un questionnement éthique sur la collecte, le stockage et la réutilisation des traces linguistiques des interactions entre machines et êtres humains.

L’impact écologique

Pour le CNPEN, les systèmes d’IA générative doivent se montrer plus conscients et transparents à propos de leur utilisation énergétique, de leurs émissions et des mesures prises pour atténuer ces dernières. Afin d’envisager un développement vertueux de ces technologies, le CNPEN propose la mise en place d’une métrique de l’impact environnemental des systèmes d’IA générative

La gouvernance

Le Comité préconise la création d’une entité souveraine de recherche et de formation « IA, science et société ».