Des tentatives de “modèles d’embryons” fabriqués artificiellement ?

Des tentatives de “modèles d’embryons” fabriqués artificiellement ?

De quoi parle-t-on ?

 

« Embryons de synthèse », « embryoïdes », « embryon humain synthétique », « simili-embryons », « modèles embryonnaires », « embryon dérivé de cellules souches », « imitations d’embryons humains en laboratoire » « blastoïdes » … c’est sous toutes ces appellations alambiquées que la presse a relayé les annonces de deux équipes de chercheurs. Elles ont été faites lors de la réunion annuelle de la Société internationale pour la recherche sur les cellules souches (ISSCR) qui s’est tenue à Boston, le 14 juin 2023.

Les deux équipes sont celles du professeur Magdalena Zernicka-Goetz de l’université de Cambridge et du California Institute of Technology et celle de Jacob Hanna, de l’Institut Weizmann en Israël.

Il est complexe, en effet, de dénommer avec justesse les résultats des expérimentations dont il est question. Il s’agit de tentatives d’agrégations de cellules souches entre elles. Pour faire simple : ces travaux ont pour objectif de créer artificiellement des modèles biologiques en combinant différents types de cellules souches. Ce sont ces cellules qui ont des propriétés singulières: elles sont dites pluripotentes car elles ont la propriété de pouvoir se différencier indéfiniment pour former la plupart des tissus de l’organisme.

Les cellules souches peuvent être obtenues de plusieurs manières : soit prélevées sur des embryons (ces cellules sont des lignées établies à partir d’embryons humains, issus de Fécondation In Vitro (FIV) et ayant été (aban)donnés à la recherche), soit prélevées dans des tissus particuliers (moelle osseuse, tissus graisseux, sang de cordon ombilical) ou encore générées artificiellement par la technique dite des IPS à partir de types cellulaires déjà différentiées (exemple, cellules de peau).

Dans ce type d’expérimentations, les chercheurs cultivent l’un ou l’autre ou plusieurs types de ces cellules ensemble, dans l’objectif de les voir s’organiser entre elles en structure pouvant avoir des similitudes avec des embryons.

Ces structures n’ont donc pas été obtenues comme le sont naturellement des embryons : à savoir par une fécondation, la fusion d’un spermatozoïde et d’un ovocyte.

Ce ne sont donc pas des « embryons » à proprement parler, utiliser cette terminologie d’embryon n’est pas exact. Un embryon qu’on laisse se développer aboutit à un individu. Ces modèles ne le peuvent pas.

« Synthétique » n’est pas non plus un adjectif tellement approprié, attendu que les cellules utilisées ont été prélevées sur de « vrais » embryons ou sur d’autres sources vivantes.

Qu’ont annoncé les équipes ?

Il est important de noter que leurs travaux n’ont pas encore été soumis à des comités de lecture.

L’équipe de Magdalena Zernicka-Goetz aurait constitué ses modèles avec des cellules souches embryonnaires humaines reprogrammées (des cellules prélevées sur des embryons humains, à un stade précoce de leur développement, soumis à une technique de reprogrammation).

Celle de Jacob Hanna n’aurait pas utilisé de modifications génétiques, seulement des cellules souches embryonnaires. D’après l’équipe, le modèle aurait pu se doter d’une organisation très complexe et commencer à montrer un début de différenciation des tissus.

Pourquoi ces recherches ?

Ce sont essentiellement des modèles de recherche, en vue d’acquérir de nouvelles connaissances. Les perspectives de progrès thérapeutiques et de profits sont également envisagées. Le développement embryonnaire précoce fascine les chercheurs.

« Nous ne connaissons pas l’embryon humain. Il fabrique tous ses organes entre le septième et le vingt-huitième jour de la grossesse. Après cela, il ne s’agit plus que de croissance pendant les huit mois qui suivent. Il y a donc ces trois semaines rapides et critiques au début où tout se joue, mais il y a une boîte noire », a expliqué Jacob Hanna au Time of Israël. Les chercheurs évoquent en effet ce qu’ils appellent entre eux une « boite noire ». Cela correspond à un moment du développement où les embryons sont peu ou pas « disponibles » pour la recherche.

In vitro, la recherche sur l’embryon humain est actuellement possible jusqu’au 14ème jour. Ensuite, les données ne peuvent venir que plus tardivement d’analyses pratiquées sur des grossesses ou sur des embryons issus de fausses couches et donnés pour la recherche.

Les motivations de cette course aux annonces et de ces recherches sont multiples, plus ou moins officielles, réalistes ou aventureuses, et avec une limite évidente : ce ne sont pas des embryons « normaux » et ils sont cultivés dans des milieux qui restent artificiels.

 

Acquérir de nouvelles connaissances sur le développement embryonnaire in vitro

Les chercheurs espèrent que ces modèles pourront fournir des données complémentaires sur les étapes du développement embryonnaire, et ainsi comprendre également d’éventuelles causes de dysfonctionnements. Voire comprendre des événements du début du développement embryonnaire qui interviendraient dans les fausses couches.

Servir de modèles pour tester la toxicité de molécules

Ces structures pourraient être des modèles utiles pour tester la toxicité de molécules, comprendre les malformations favorisées par certains toxiques, médicaments ou polluants.*

Proposer une alternative à la recherche sur l’embryon humain

Ces modèles sont présentés comme pouvant être une alternative au recours à la recherche sur les embryons dits surnuméraires, particulièrement pour les modèles n’utilisant que des cellules adultes reprogrammées.

Cependant, les hypothèses qui seront formulées grâce à ces modèles « devront être validées sur des embryons humains, et ne remplaceront donc pas la recherche sur les embryons issus de dons », estimait déjà en 2021 Teresa Rayon, biologiste au Francis Crick Institute (Londres).

Dépasser les limites du temps de culture de l’embryon in vitro

La limite de temps de culture sur les embryons humains en vigueur dans de nombreux pays est de 14 jours (y compris en France, depuis la loi du 2 août 2021). Cette limite se conforme à un large consensus international car elle marque le moment où l’individualité d’un embryon est assurée, à ce stade, il ne peut plus se diviser en jumeaux. C’est également à ce stade que se forme la ligne primitive, qui commence à distinguer la tête de l’embryon de sa queue et précède de peu l’apparition des premiers signes de formation du système nerveux central.

Concernant les modèles artificiels dont nous parlons, cette règle ne s’applique pas. Et pouvoir aller « plus loin » est l’une des motivations des chercheurs. Un axe de travail déjà familier à l’équipe de Magdalena Zernicka-Goetz, justement, qui est sur ce créneau de recherches depuis plusieurs années, sur les embryons humains. (Voir Embryons in vitro : toujours plus loin ? Mai 2016)

Contourner l’interdiction de créer des embryons spécifiquement pour la recherche

Ces modèles permettent également de contourner l’interdiction de créer des embryons pour la recherche.

Avant la loi de 2021, l’article L2151-2 du code de la santé publique mentionnait que « La conception in vitro d’embryon ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite. » Le mot embryon a ensuite été complété avec ces 5 mots : « humain par fusion de gamètes », ouvrant ainsi ouvert la porte législative à la création, pour la recherche, de ces modèles dit « sans fusion de gamètes ».

 

Ces recherches sont-elles totalement inédites ?

Fabriquer artificiellement, en éprouvette, ce type de modèles sans passer par la fécondation, sans ovule ou spermatozoïde, fait l’objet de recherches depuis quelques années déjà, en particulier sur des modèles animaux.

Des expériences avec des cellules humaines ont aussi déjà été menées. En 2018, une équipe de Cambridge publiait ses travaux. En 2021, deux autres laboratoires ont détaillé dans la revue Nature leurs essais de mise au point de ces structures organisées appelées alors “blastoïdes”, pour rappeler le mot “blastocystes”, nom scientifique donné à l’embryon humain âgé de cinq jours environ. Ce que ces structures fabriquées artificiellement entendaient déjà « imiter ».

Deux voies différentes ont déjà été empruntées par deux équipes, une américaine et une australienne. L’équipe pilotée par José Polo, professeur à l’université Monash en Australie, a travaillé avec des fibroblastes, des cellules de peau adultes. Ces cellules ont été reprogrammées, par la technique dite IPS pour ré-acquérir leur capacité originelle de pluripotence. L’autre équipe, dirigée par Jun Wu de l’université du Texas, a également utilisé ce type de cellules pluripotentes induites mais aussi des cellules souches embryonnaires humaines.

Mises en culture dans un milieu favorable, ces cellules se sont multipliées et auto-organisées pour construire des structures cellulaires complexes. Pour l’organisation cellulaire en 3-dimensions, des supports ont été utilisés : des plaques en plastique creusées de “micropuits” qui servent à agréger les cellules par sédimentation, tout en contrôlant leur nombre.

Ces études confirmaient que les cellules « communiquent » entre elles puisqu’elles se sont auto-organisées en structures cellulaires composées de cellules différentes : une couche de cellules externes (figurant le futur placenta, s’il y avait fécondation et développement “normal”) entourant une cavité remplie de liquide qui contient une masse de cellules “embryonnaires”.

Mais ces structures artificielles présentent de notables différences avec leurs modèles naturels. Par exemple, elles contiennent des cellules absentes des véritables blastocystes. En 2018, le chercheur français Nicolas Rivron, responsable d’un laboratoire à l’Académie autrichienne des sciences, était parvenu à créer les premiers modèles de blastocystes de mammifère (souris). Pourtant, ce spécialiste estimait alors qu’il faudrait encore « dix ans pour créer des blastoïdes qui ressemblent fortement aux blastocystes humains ».

Ces structures ne peuvent pas se développer longtemps et il semble très peu plausible qu’au stade actuel des recherches, elles aient la capacité de s’implanter dans l’utérus d’une femme, si l’expérience en venait à cette étape-là. Sur le modèle animal, l’expérience a déjà été menée. Des blastoïdes animaux se sont implantés dans l’utérus de souris, des vaisseaux se sont connectés à ces structures pseudo-embryonnaires. Et le système immunitaire de la souris a interagi avec elles. Mais, dès quatre jours après l’implantation, des anomalies dans ces structures ont été observées.

Sur ces échecs constatés sur les modèles animaux, on ne sait pas s’il y a une cause biologique fondamentale à cette non-viabilité, ou alors s’il s’agit simplement d’un problème technique, a commenté Robin Lovell-Badge, de l’Institut Francis Crick de Londres.

 

Que deviennent ensuite ces modèles ?

Soit leur évolution s’arrête spontanément – rien n’assure que ces structures puissent jamais avoir le potentiel de continuer à mûrir au-delà des premiers stades de développement – soit ils sont volontairement détruits.

Leur implantation dans un utérus féminin reste évidemment à ce jour interdite, en France comme dans les pays où ces recherches sont menées.

Quel est le statut de ces organisations cellulaires ?

Au niveau international, la question reste entière. Aucune norme juridique ne les régit. Devant ces nouveautés que les biotechnologies rendent possibles, c’est le flou. Concernant le statut juridique de « cette nouvelle catégorie d’objets vivants créés par l’être humain, nous sommes dans une zone grise », d’après Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm.

 

Quels enjeux moraux et éthiques ?

Les évolutions vertigineuses qu’offrent les biotechnologies modifient notre rapport au vivant. La « vie » longtemps du domaine du « donné » devient, de plus en plus, par la technique, du domaine de la fabrication, de la construction. L’ingénierie du vivant aboutit au passage d’un ordre naturel à un ordre artificiel.

La question du « statut moral » de ces modèles se pose. C’est-à-dire : quelles sont les obligations morales qui se posent face à ces modèles constitués à partir de cellules humaines ? Des questions qui s’amplifieraient dès lors que les étapes de développement deviendraient techniquement capables d’êtres allongées, voire de conduire à de réelles activités cardiaques ou cérébrales, ce que l’état de la science n’est pas en mesure d’assurer aujourd’hui.

Se posent aussi sur le plan éthique et moral les risques liés à « l’idéologie de la promesse », aux fausses promesses, dès lors que ces expérimentations se présentent comme des sources de multiples progrès thérapeutiques, au risque de nourrir de faux espoirs.

Il y a également la question du consentement et de l’information des donneurs d’embryons ou de cellules utilisés ensuite pour ces expérimentations ou comme souches IPS. La protection des données génétiques, des données de santé des donneurs et des éventuels profits tirés de ces modèles posent également d’importants enjeux.

D’ores et déjà, ces expérimentations posent des graves questions éthiques car elles induisent, impliquent, alimentent l’instrumentalisation de la vie humaine à son commencement (utilisation de cellules souches embryonnaires) et la destruction d’embryons humains.

Pour Robin Lovell-Badge, responsable de la biologie cellulaire et de la génétique du développement au Francis Crick Institute : « si l’intention est que ces modèles ressemblent beaucoup à des embryons normaux, alors, d’une certaine manière, ils devraient être traités de la même manière ».

des tentatives de "modèles d’embryons" fabriqués artificiellement ?
[CP] – Fin de vie : la sagesse du Sénat

[CP] – Fin de vie : la sagesse du Sénat

COMMUNIQUE DE PRESSE – 28 juin 2023

Fin de vie : la sagesse du Sénat

 

Dans son rapport de la mission d’information sur la fin de vie, la commission des affaires sociales du Sénat dit son opposition à l’ouverture d’une « aide active à mourir ». Lors de leur audition le 22 mars dernier, Tugdual Derville, porte-parole d’Alliance VITA et le docteur Paul Régnier-Vigouroux avaient plaidé pour le maintien de l’interdit de tuer, socle fondateur de la vie en société.

Pour le médecin, lever cet interdit pour des personnes dont le pronostic vital est engagé à moyen terme conduirait à priver ces patients et leurs proches – tous devant bénéficier des soins palliatifs – d’un accompagnement réconfortant et d’une mort paisible.

Quant à Tugdual Derville, il a contesté l’idée que certaines catégories de patients – du fait de leur maladie évolutive – puissent être privées de la prévention du suicide et dénoncé l’indécence d’une promotion des soins palliatifs conçue pour compenser la légalisation du suicide assisté ou de l’euthanasie.

Pour le porte-parole d’Alliance VITA : « La mission d’information du Sénat a jugé avec sagesse, “inappropriée et dangereuse” toute forme de mort programmée. Comme on le constate à l’étranger, faire sauter le premier verrou entrainerait une interminable guérilla législative et judiciaire, fracturant le monde de la santé, les familles et la société tout entière, sans satisfaire personne. La France a-t-elle besoin de ça »

Consciente que le refus de l’euthanasie ne suffit pas, Alliance VITA demande :

  • Une enquête en profondeur sur la réalité du « mal mourir » qu’on continue de mettre en avant sans données précises, sérieuses et fiables ;
  • Une loi Grand âge et autonomie qui prenne en compte l’accélération du vieillissement, s’appuie sur les options intergénérationnelles et lutte contre la « mort sociale » de beaucoup de personnes âgées isolées ;
  • La mise en œuvre concrète du droit de tous, en cas de besoin, à accéder à des soins palliatifs de qualité ;
  • Le renforcement d’une politique de prévention du suicide n’excluant surtout pas nos concitoyens les plus vulnérables, dépendants ou âgés.

 

 

Voir tous les communiqués de presse.

[cp] - fin de vie : la sagesse du sénat

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Succès d’une opération in utero : le fœtus, un patient à part entière

Succès d’une opération in utero : le fœtus, un patient à part entière

Succès d’une opération in utero : le fœtus, un patient à part entière

 

Un petit garçon aujourd’hui âgé de huit mois qui va bien, après une opération – pointue mais réussie – pratiquée quand il était encore dans le ventre de sa mère : telle est la bonne nouvelle partagée cette semaine par l’hôpital Necker à Paris.

Des chirurgiens ont en effet opéré avec succès in utero ce petit bébé âgé de 33 semaines de grossesse et atteint d’une grave malformation cérébrale (malformation anévrismale de la veine de Galien) qui pouvait aboutir à son décès à la naissance ou à des séquelles graves.

Un microcathéter a été positionné dans la veine, à travers la peau et l’utérus de la maman, puis à travers le crâne du fœtus. L’ embolisation in utero a eu lieu en septembre 2022, a rapporté dans son communiqué l’AP-HP, organisme dont dépendent les principaux hôpitaux publics d’Île-de-France. Une telle opération a permis d’intervenir à un stade précoce et avant des complications irréversibles. L’enfant est né à terme et par voie basse le 16 octobre 2022, il a bénéficié d’embolisations complémentaires permettant sa guérison définitive.

Cette intervention anténatale, qui semble comporter un risque limité pour la mère comme pour le fœtus, ouvre de nouvelles perspectives dans la gestion des malformations anévrysmales de la veine de Galien.

Ce n’est pas la première fois qu’un fœtus est opéré, des opérations pour des spina bifida notamment ont déjà eu lieu, avec succès, mais cette intervention ciblant le cerveau était particulièrement délicate.

La malformation dont souffrait ce bébé se forme dans la période embryonnaire et peut-être visible à l’échographie du deuxième ou du troisième trimestre.

Jusqu’ici, quand ce type de malformation était détectée lors de la grossesse, les options proposées par les équipes soignantes étaient limitées : « possibilité d’une interruption médicale de grossesse (IMG) ou, à la naissance, selon les cas, une limitation des soins en cas de lésions cérébrales irréversibles ou un traitement de neuroradiologie par embolisation » précise l’AP-HP.

La prise en charge de l’enfant à naître – qui considère le fœtus comme un patient à part entière – constitue un réel progrès médical, technique et humain. Elle donne tout son sens à la surveillance médicale de la grossesse.

 

Voir tous nos articles sur les droits de l’enfant.

Restreindre l’accès à l’avortement augmente-t-il réellement le suicide chez les femmes ?

Restreindre l’accès à l’avortement augmente-t-il réellement le suicide chez les femmes ?

Restreindre l’accès à l’avortement augmente-t-il réellement le taux de suicide chez les femmes ?

 

D’après une étude publiée en décembre 2022 par des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie, “le taux de suicide chez les femmes en âge de procréer augmente significativement lorsque l’accès à l’IVG est restreint ou aboli”. Dans une note d’analyse, Alliance VITA s’est penchée sur cette étude afin de vérifier la réalité de cette allégation.

La question des liens entre la santé mentale et la santé sexuelle et reproductive des femmes a déjà fait l’objet de nombreuses études dont certaines établissent un lien entre pathologies psychiatriques et avortement.

D’emblée les auteurs s’en démarquent et inscrivent au contraire leur recherche dans le prolongement de l’ « étude Turnaway » selon laquelle les femmes exclues de l’avortement parce qu’hors délai, seraient plus stressées et plus anxieuses que les femmes ayant pu avorter. Ils prétendent même aller plus loin en questionnant l’existence d’un lien entre les législations des Etats américains concernant l’avortement ou l’accès à la santé sexuelle et reproductive et les taux de suicide des femmes aux Etats-Unis. 

S’appuyant sur une période de 1974 à 2016, les auteurs ont ainsi analysé les taux de suicide avant et après le vote de réglementations ciblant les cliniques d’avortement, et ont observé “un taux annuel de suicide 5,81 % plus élevé que dans les années précédant l’application de ces réglementations”.

Aux Etats-Unis, le délai autorisé pour l’avortement varie sensiblement d’un Etat à l’autre et les cliniques qui réalisent des IVG doivent respecter trois types de réglementations variables selon les Etats.

Les chercheurs de l’Université de Pennsylvanie ont élaboré un modèle en utilisant des données au niveau des États entre 1974 et 2016 et en couvrant l’ensemble de la population des femmes adultes pendant cette période.

Ils ont créé un indicateur allant de 0 (pas de réglementations) à 3 (incluant les 3 types de réglementations) et dressé une carte des Etats selon le degré de normes. “Nous avons construit trois indices qui mesurent l’accès aux soins reproductifs en examinant l’application de la législation au niveau de l’État“, explique M. Zandbergl, un des auteurs de l’étude. “Chaque fois qu’un État a appliqué une loi relative aux soins génésiques, nous l’avons intégrée à l’indice“.

Ensuite, parmi les femmes en âge de procréer, ils ont analysé les taux de suicide avant et après l’entrée en vigueur des lois, en comparant ces chiffres aux tendances générales en matière de suicide et aux taux observés dans les Etats américains où de telles restrictions n’existent pas.

L’analyse effectuée par Alliance VITA tant sur la méthode utilisée par les chercheurs que sur les données montre les limites fondamentales de cette étude.

  • Le modèle élaboré s’avère ultra-simplisteLes variables sur lesquelles il repose sont contestables puisque le taux de suicide est interprété au regard d’indicateurs très généraux sans lien direct avec le suicide. Les experts de ce sujet s’accordent pourtant sur le fait que les facteurs conduisant au suicide sont nombreux et complexes. 
  • Les résultats du modèle sont peu fiables. En effet, la hausse annuelle de 5.81% du taux de suicide résulte d’un modèle comportant, comme tout modèle, une marge d’erreur d’estimation. Or, cette estimation est en fait comprise entre 1.09% et 10.94% si on veut un résultat sûr à 95% (statistiquement parlant un intervalle de confiance à 95%). Le chiffre cible est donc entaché d’une large incertitude.

Par ailleurs, les chercheurs disent que lorsqu’ils “ont effectué la même analyse pour toutes les femmes âgées de 45 à 64 ans entre 1974 et 2016. Ils n’ont trouvé aucun effet”. Or, contrairement à cette déclaration, l’application du modèle à cette catégorie test n’est pas sans effet ; de même lorsque le modèle est appliqué à la catégorie des femmes en âge de procréer victimes d’accidents de la route.

  • Les données descriptives montrent que ces réglementations restreignant l’avortement n’ont pas de lien avec le taux de suicide ni avec le taux d’avortement. 

Le communiqué accompagnant la publication de l’étude en relativise lui-même les résultats : « Bien que les résultats ne prouvent pas que la restriction de l’accès à l’avortement a entraîné une augmentation des taux de suicide, les chercheurs affirment que l’approche analytique est l’une des méthodes les plus rigoureuses pour permettre l’inférence causale. » 

 

Le suicide et l’avortement sont des sujets graves qui exigent une plus grande rigueur et des études sérieuses. Les taux élevés de suicides aux Etats-Unis comme en France nécessitent de se pencher sur les facteurs à l’origine du passage à l’acte. Plus globalement, la santé mentale fait l’objet d’attention renouvelée. En octobre 2021, l’OMS déplorait le manque de moyens dédié à cette question. Dans ce cadre, il serait important d’étudier l’impact du recours à l’avortement sur la santé mentale des femmes. 

Restreindre l’accès à l’avortement augmente-t-il réellement le suicide chez les femmes ?

Restreindre l’accès à l’avortement augmente-t-il réellement le suicide chez les femmes ?

Résumé : Restreindre l’accès à l’avortement augmente-t-il réellement le suicide chez les femmes ?

 

Une étude [1] publiée par des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie dans le Journal de la société médicale américaine de psychiatrie (JAMA, Décembre 2022) et relayée dans les médias français indique que “le taux de suicide chez les femmes en âge de procréer augmente significativement lorsque l’accès à l’IVG est restreint ou aboli”. D’emblée les auteurs se démarquent des études liant l’avortement à des conséquences négatives sur la santé mentale des femmes (dépression, tentatives de suicide).

En revanche ils inscrivent leur recherche dans le prolongement de l’étude Turnaway selon laquelle les femmes exclues de l’avortement, parce qu’hors délai, seraient plus stressées et plus anxieuses que les femmes ayant pu avorter. Ils prétendent même aller plus loin en questionnant l’existence d’un lien entre les législations des Etats américains concernant l’avortement ou l’accès à la santé sexuelle et reproductive et les taux de suicide des femmes aux Etats-Unis.

En s’appuyant sur une période de 1974 à 2016, les auteurs ont ainsi analysé les taux de suicide avant et après le vote de réglementations ciblant les cliniques d’avortement, et ont observé “un taux annuel de suicide 5,81 % plus élevé que dans les années précédant l’application de ces réglementations”. Publiée en décembre 2022, cette étude [1, 2022] ne prend pas en compte la révocation de l’arrêt Roe vs Wade par la Cour Suprême américaine sur les taux de suicides aux Etats-Unis.”

 

1-Le contexte américain

1-a) Le contexte américain des avortements

Aux Etats-Unis, le délai autorisé pour l’avortement varie sensiblement d’un Etat à l’autre. Selon le CDC (Center for Disease Control) , les avortements sont réalisés pour moitié par voie médicamenteuse avant 10 semaines de grossesse et pour moitié par voie chirurgicale, soit par aspiration en deçà de 13 semaines soit par dilatation et évacuation au-delà de 13 semaines. Enfin, toujours selon le CDC, 93% des avortements sont effectués jusqu’à 13 semaines de grossesse. Plus de 65 000 avortements sont ainsi réalisés au-delà de 13 semaines.

En France, l’IVG est autorisée jusqu’à 14 semaines de grossesse. 76% des avortements sont pratiqués par voie médicamenteuse avant 7 semaines de grossesse. Les réglementations sont régies par l’Etat : les avortements sont réalisés pour 65% en établissement hospitalier, et pour 34% à domicile, en centre de santé ou de planification, ou en cabinet libéral. Aux Etats Unis, les réglementations diffèrent d’un Etat à un autre.

1-b) Quelles sont les structures effectuant les avortements aux Etats-Unis ?

Selon la Kaiser Family Foundation , les avortements sont effectués pour moitié par des cliniques spécialisées dans les avortements (53%) et pour l’autre moitié, par des cliniques généralistes et des hôpitaux (46%), le 1% restant l’étant par des cabinets de médecins. Aux Etats-Unis, ces cliniques sont majoritairement privées et appartiennent, pour beaucoup, à la Fédération Américaine du Planning Familial (Planned Parenthood) qui revendique 374 155 avortements (selon le rapport annuel 2021-22 de la fédération) sur les 930 160 avortements pratiqués en 2020 (selon le Guttmacher Institute).

1-c) Quelles sont les réglementations régissant la pratique de l’avortement aux Etats-Unis ?

L’étude [1, 2022] s’intéresse à l’application des réglementations relatives à la pratique de l’avortement dans les cliniques selon les Etats de 1973 à 2016. Ces réglementations dites TRAP (Targeted Regulation of Abortion Providers) ont été décrites dans un article de N. Austin et S. Harper de l‘Université McGill TRAP [2, 2019]. Selon les Etats, les cliniques doivent respecter 3 types de réglementations :

  1. des règles appliquées habituellement à des centres de chirurgies ambulatoires,
  2. des droits d’accès/d’admission spécifiques à l’hôpital le plus proche
  3. des accords de transfert vers cet hôpital en cas d’urgence.

Les auteurs de l’article [2, 2019] considèrent que ces 3 types de réglementations sont superflues pour réaliser des avortements de manière sécurisée. Selon [2], ces normes appliquées aux cliniques d’avortement peuvent en entraver l’accès, en raison du coût induit et de la difficulté à obtenir les règles de transfert vers les hôpitaux. Cette situation pourrait ainsi réduire les taux d’avortement selon certaines études citées par [2, 2019]. Par comparaison, en France, elles sont obligatoires pour les interruptions chirurgicales de grossesse.

Les auteurs de [1,2022] reprennent ces différentes réglementations pour créer un indicateur allant de 0 (pas de réglementations) à 3 (incluant les 3 types de réglementations). La carte des Etats-Unis (figure 1 ci-dessous) représente ces différents niveaux de réglementations.

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Figure 1 : Indicateurs des niveaux de réglementations des cliniques pratiquant l’avortement [1, 2022]

 

2- Variation du taux de suicide des femmes en âge de procréer avant et après la mise en œuvre de règlementations restreignant l’accès à l’avortement

2-a) Les facteurs explicatifs des suicides aux Etats Unis

Aux Etats Unis, le suicide est un sujet de santé public majeur puisqu’il est à l’origine de 46 000 décès par an (https://www.cdc.gov/suicide/facts/index.html ) soit un taux national de 13,5 pour 100 000 habitants en 2016 (légèrement supérieur au niveau Français 12,3 en 2017) avec des disparités entre les hommes (21/100000 contre 19,3 en France) et les femmes (6/100000 égal au niveau Français).

Selon les experts du Center for Disease Control, les facteurs de risques pouvant déclencher des suicides sont multiples (https://www.cdc.gov/suicide/factors/index.html ): individuels (dépression, souffrance chronique, difficultés financières, utilisation de drogues, abus sexuels…), relationnels (harcèlement, terrain familial, isolement, violences…), communautaires, ethniques ou sociaux.

2-b) Un modèle élaboré à partir de variables contestables

Expliquer les suicides est donc une tâche difficile qui dépend de nombreux facteurs individuels et collectifs. Les auteurs de [1,2022] construisent pourtant un modèle extrêmement simplificateur pour interpréter le taux de suicide par Etat et par année. En effet, ils ne sélectionnent que des indicateurs macro qui ne correspondent pas du tout aux facteurs identifiés par le CDC :

  • (1) le PIB annuel par Etat,
  • (2) le taux de chômage par Etat,
  • (3) le taux d’Africain-Américain dans la population de l’Etat,
  • (4) le pourcentage de sénateurs républicains.

Outre l’incongruité d’inclure les sénateurs républicains comme facteur explicatif du taux de suicide des femmes, le taux d’Africain-Américain n’apparait pas non plus pertinent au vu des différences ethniques sur le taux de suicide (cf [3, 2021]). En effet, les Afro-Américains ne se distinguent pas des Hispaniques ni des Asiatiques puisque tous affichent des taux de suicides plus faibles que la moyenne nationale de manière constante dans le temps. A l’inverse, la population blanche se distingue avec un taux de suicide significativement supérieur à la moyenne nationale.

2-c) Un modèle aux résultats peu fiables (marge d’erreur et groupes test)

Selon les auteurs, le résultat principal de l’article [1, 2022] est le suivant : “ l’application de réglementations ciblant les cliniques d’avortement (Targeted Regulation Abortion Providers) a occasionné une hausse annuelle de 5,81% du taux de suicide des femmes en âge de procréer comparée aux années avant la mise en application de ces réglementations”.

La méthode utilisée des doubles différences (ou en anglais des différences au sein des différences “difference in difference”) est une méthode de comparaison d’échantillons pour évaluer les effets dans le temps d’une législation. Les limites de cette méthode ont été décrites par Esther Duflo, prix Nobel d’économie en 2019, dans un article de 2004 [4].

La hausse annuelle de 5.81% résulte d’un modèle, comportant, comme tout modèle, une marge d’erreur d’estimation. En regardant les résultats plus complets du modèle, l’estimation de la hausse annuelle est en fait comprise entre 1.09% et 10.94% si on veut un résultat sûr à 95% (statistiquement parlant un intervalle de confiance à 95%). Le chiffre cible est donc entaché d’une large incertitude.

Pour renforcer leur argumentation et réaliser une étude de sensibilité, les auteurs de [1] comparent le taux de suicide dans le groupe cible des femmes entre 20 et 34 ans en âge de procréer avec deux autres groupes de contrôles :

  • le taux de suicide parmi les femmes âgées de 45 ans et plus (qui ne sont donc a priori plus en âge de procréer)
  • le taux de mortalité des femmes en âge de procréer, victimes d’accidents de voiture.

Les auteurs appliquent leur modèle à ces deux autres indicateurs. On s’attend à un résultat négatif : les réglementations TRAP ne devraient pas avoir d’effet sur le taux de suicide des femmes qui ne sont plus en âge de procréer ni des femmes victimes d’accident de voitures.

Or, lorsque l’on compare l’impact des réglementations TRAP sur le taux de suicide des femmes en âge de procréer (TRAP law index entre 0,03 et 0,32) avec celui des autres groupes, on note que le poids du TRAP law index n’est pas sans impact sur le taux de suicide des femmes âgées de 45 ans et plus (entre –0,11 à 0,24) ni même sur le taux de mortalité des femmes en âge de procréer, victimes d’accidents de voiture (-0,04 à 0,11).

Cela contredit la déclaration du communiqué accompagnant la publication de l’étude : « [Les chercheurs] ont effectué la même analyse pour toutes les femmes âgées de 45 à 64 ans entre 1974 et 2016. Ils n’ont trouvé aucun effet ».

tableau etude avortement etats unis suicide femmes

Figure 2 : Comparaison de l’impact des réglementations sur les cliniques d’avortement sur les taux de suicide des femmes de 20 à 34 ans, celles de 45 à 64 ans et le taux de mortalité automobile pour les femmes âgées de 20 à 34 ans. [1, 2022]

 

3- Que disent les données descriptives ?

3-a) Y a-t-il un lien entre les réglementations des cliniques d’avortements et le taux de suicide par Etat ?

Le taux de suicide des femmes varie aussi sensiblement d’un Etat à un autre :

image2

Figure 3 : Taux de suicide des femmes par Etat américain en 2016 (pour 100000 femmes)

 

Selon les données comparées dans les cartes et tableaux associés, il n‘y a aucun lien entre le taux de suicide et les réglementations TRAP en 2016. Comme le mentionne le CDC, parmi les Etats n’ayant aucune réglementation TRAP, le taux de suicide (ramené à 100 000 habitants) est plus élevé dans les Etats ruraux (Alaska,”12.7″, Wyoming,”11.2″, Utah,”10.8″, Nevada,”10.6″, Idaho,”10.3″, New Mexico,”9.8”…) que dans les Etats plus peuplés citadins (California : ”5”, New York : ”4”…).

De même, parmi les 8 Etats les plus réglementés TRAP, l’Illinois a un taux de suicide très faible (5) alors que le Missouri atteint 9.

Les auteurs de [1] comparent le taux de suicide chez les femmes en âge de procréer dans les Etats sans réglementations (28 Etats avec un taux de suicide moyen de 5,5/100 000) à celui observé dans les Etats ayant au moins une règlementation (22 Etats sans mention précise du taux associé dans l’article).

Or, si l’on compare la moyenne des taux de suicide des femmes en âge de procréer en 2016, ce taux est plus haut dans les Etats sans réglementations TRAP (7,27/100 000) que dans les Etats avec réglementations (6,7/100 000). On observe la même tendance sur les années 2012-2016 avec un taux de suicide de 6,95/100 000 dans les Etats sans réglementations contre 6,21/100 000 dans les Etats avec règlementations (11,9% d’écart). Ceci tend à montrer que l’explication du taux de suicide est à chercher dans d’autres variables que celles choisies par les auteurs de l’étude.

3-b) Y a-t-il un lien entre les réglementations des cliniques d’avortements et les taux d’avortement ?

Pour finir, l’étude [2] laisse penser que le niveau des règlementations devrait avoir un impact direct sur les taux d’avortement par Etat. Or, aucun lien visible n’apparait lorsqu’on regarde les taux d’avortement par Etat en 2016.

image3

Figure 4 : Taux d’avortement pour 1000 femmes en âge de procréer par Etat américain en 2016

 

On observe des écarts très importants quel que soit le niveau de réglementations. Ainsi, parmi les Etats où les règlementations sont les moins fortes, le Dakota du Sud affiche un taux de 2,8 avortements pour 1000 femmes contre 23 avortements pour 1000 femmes dans l’Etat de New York. De même, parmi les 8 Etats les plus réglementés (niveau 3), l’Illinois a un taux d’avortement de 15,5/1000 contre 4/1000 dans le Missouri.

 

En conclusion

  • Cette étude montre des limites fondamentales : Le modèle élaboré s’avère ultra-simpliste. Les variables sur lesquels il repose sont contestables puisque le taux de suicide est interprété au regard d’indicateurs très généraux sans lien direct avec le suicide. Les experts sur ce sujet s’accordent pourtant sur le fait que les facteurs conduisant au suicide sont nombreux et complexes.
  • Les résultats du modèle sont peu fiables. D’une part la marge d’erreur autour du chiffre cible (hausse annuelle de 5.81% du taux de suicide après la mise en œuvre de réglementations) est très importante. D’autre part l’application du modèle à deux groupes test (taux de suicide parmi les femmes de plus de 45 ans et le taux de mortalité des femmes en âge de procréer victimes d’accidents de voiture) s’avère peu concluante.
  • Les données descriptives montrent que ces réglementations ne sont liées ni au taux de suicide ni au taux d’avortement.

Le suicide et l’avortement sont des sujets graves qui exigent une plus grande rigueur et des études sérieuses. Les taux élevés de suicides aux Etats-Unis comme en France nécessitent de se pencher sur les facteurs à l’origine du passage à l’acte.

Plus globalement, la santé mentale fait l’objet d’attention renouvelée. En octobre 2021, l’OMS déplorait le manque de moyens dédié à cette question. Dans ce cadre, il serait important d’étudier l’impact du recours à l’avortement sur la santé mentale des femmes.

 

 

Références :

[1] Zandberg J, Waller R, Visoki E, Barzilay R. Association Between State-Level Access to Reproductive Care and Suicide Rates Among Women of Reproductive Age in the United States. JAMA Psychiatry. 2023;80(2):127–134. doi:10.1001/jamapsychiatry.2022.4394 20221231-Psychiatry-Association-Between-State-Level-Access-to-Reproductive-Care-and-Suicide-Rates-Among-Women-of-Reproductive-Age-in-the-United-S.pdf

[2] Austin N, Harper S. Constructing a longitudinal database of targeted regulation of abortion providers laws. Health Serv Res. 2019 Oct;54(5):1084-1089. doi: 10.1111/1475-6773.13185. Epub 2019 Jun 17. PMID: 31206632; PMCID: PMC6736922.

[3] Ramchand R, Gordon JA, Pearson JL. Trends in Suicide Rates by Race and Ethnicity in the United States. JAMA Netw Open. 2021;4(5):e2111563. doi:10.1001/jamanetworkopen.2021.11563

[4] Bertrand, M., Duflo, E., & Mullainathan, S. (2004). How Much Should We Trust Differences-in-Differences Estimates? The Quarterly Journal of Economics, 119(1), 249–275. http://www.jstor.org/stable/25098683

restreindre l'accès à l’avortement augmente-t-il réellement le suicide chez les femmes ?