Et si l’euthanasie était une régression sociale ?

Et si l’euthanasie était une régression sociale ?

Et si l’euthanasie était une régression sociale ?

Partie I

 

La légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté pourrait masquer une régression sociale. C’est le message dérangeant d’un livre d’arguments très étayés et publié récemment. Ecrits à deux mains par une médecin et une psychologue clinicienne, il s’intitule : L’euthanasie, un progrès social ?. Les auteurs parlent d’expérience, travaillant dans les soins palliatifs depuis de nombreuses années dans le département de la Seine Saint Denis (93).

En quatrième de couverture est imprimée une question centrale souvent occultée dans les débats et évitée par les partisans de la légalisation: “Quel projet voulons-nous collectivement pour les plus vulnérables ?”.

Déconstruisant le slogan “c’est un progrès social”, les auteurs dénoncent un discours convenu dont la visée est essentiellement individualiste. En toile de fond des revendications d’euthanasie, il y a une conception étroite de la liberté, qui résiderait dans le maximum de choix individuels que la société est chargée de fournir. Derrière l’image lisse d’un choix libre et volontaire, “éclairé” comme le disent les promoteurs de la mort médicalement provoquée, les questions à se poser abondent :

Comment parvenir à un consentement libre sous le poids de la souffrance : si elle est mal soulagée ? Si le malade est isolé, dépourvu de perspectives et de soutien ?

Comment les équipes médicales prennent-elles en charge la dimension psychologique et relationnelle de la maladie, au-delà des aspects techniques ?

Et crucialement aujourd’hui, ces équipes ont-elles les moyens d’un accompagnement fidèle au serment d’Hippocrate ? La crise actuelle du système de santé étend une sombre perspective sur ce point.

Dès les procès de Nuremberg, un doute s’est glissé quant à la moralité de la science…on ne peut plus faire l’économie d’une réflexion morale sur les expérimentations scientifiques ni même sur les thérapeutiques proposées“.

Et en effet, l’euthanasie a un lien avec les avancées techniques. Les auteurs rappellent que certains médecins néonatologistes ont réclamé la légalisation de l’euthanasie de trop grands prématurés en disant “il faut pouvoir défaire ce que l’on a fait”. Ainsi, l’euthanasie est souvent l’autre face de l’obstination déraisonnable, le geste qui supprimerait le patient après l’avoir traité, non comme une personne, mais un cas.

Derrière les demandes d’euthanasie, les peurs de l’individu contemporain : souffrance et indignité.

Dans la deuxième partie du livre, les auteurs affrontent deux motifs fréquemment invoqués pour légaliser la mort médicalement administrée : la souffrance et le sentiment d’indignité. Dénonçant aux passages la manipulation de certains sondages, et s’appuyant sur leurs pratiques, elles interrogent les représentations convoquées dans ces figures de malades pour lesquels on ne pourrait plus rien faire. S’appuyant sur nos vécus communs, elles rappellent que “la souffrance, comme le bonheur, la joie, la douleur et la peine sont constitutifs de l’expérience humaines. On voit mal pourquoi la fin de vie ne fonctionnerait pas, banalement, comme ce qui la précède“.

Par ailleurs, citant la théorie du double effet, les auteurs affirment que la loi permet déjà de soulager les douleurs physiques jusqu’à la perte de conscience, quand c’est nécessaire. Cependant, toute souffrance a une dimension existentielle qui peut aussi signifier le refus d’abandonner une lutte contre la maladie, de se résigner à la mort. Citant deux jeunes hommes atteints de cancer en phase terminale, les auteurs écrivent que leur refus de se laisser “apaiser” pouvait être “un accomplissement subjectif… La souffrance qu’on dit rebelle peut aussi parfois être une résistance“.

Mesurer la souffrance, établir une limite au-delà de laquelle il serait permis de déclencher une mort médicalement administrée n’a pas de sens :

” Les pays voisins nous donnent un aperçu de l’impossibilité de tracer une ligne et les raisons qui permettent de demander l’euthanasie ressemblent de plus en plus à un recensement de toutes les pathologies et souffrances, psychiques ou physiques que l’être humain peut expérimenter“.

Par ailleurs, le livre souligne la difficulté du message double, voire duplice, sur le suicide assisté : “comment légitimer l’accès à la mort sans pour autant faire l’apologie du suicide ?“. Qu’adviendra-t-il de l’appel à assister une personne en danger ? Et le livre rappelle : ” le sujet est loin d’être anecdotique : chaque année entre 85, 000 et 90, 000 personnes sont hospitalisées à la suite d’une tentative de suicide“.

La douleur peut se traiter, la souffrance a une dimension existentielle complexe qui rend la légalisation de l’euthanasie problématique. Plus encore, les auteurs braquent le projecteur sur les conditions de vie et de soins qui peuvent conduire à des demandes d’en finir. “Plusieurs cas canadiens nous montrent que l’euthanasie peut être aussi la solution à la misère sociale“.

Ecoutant la revendication de “mourir dans la dignité”, Isabelle Marin et Sara Piazza font ressortir un point majeur. Sous ce terme de dignité, c’est la représentation “d’un être érigé comme performant et valide, individu indépendant et autonome“. On est ici au cœur ici de la question de l’accueil de la dépendance, de la vulnérabilité, de la finitude, dont aucune vie ne peut prétendre s’affranchir sans s’illusionner. Avec une pointe d’humour, les auteurs rappellent que “ chez certains, la dépendance et la vulnérabilité peuvent être tolérées : un être humain que l’on doit nourrir et changer, qui bave et fait ses besoins sur lui peut susciter admiration et valorisation, s’il a moins de 18 mois“.

La question du regard est centrale, pour chacun et pour toute la société. L’espace éthique Île-de-France rappelle d’ailleurs que  “mettre en cause la valeur et la dignité de l’existence de la personne la fragilise davantage, compromet tout investissement des proches et des soignants…”.

Enfin, les auteurs abordent la délicate question de l’agonie. Assimilée dans les représentations communes à un temps de souffrance inutile, elles rappellent que, dès lors que les moyens sont donnés pour soulager les douleurs et l’angoisse, “l’agonie n’est pas pathologique en tant que telle mais témoigne du temps que parfois un sujet peut prendre pour mourir“.

L’absence de maîtrise de ce temps par les soignants et les proches “signe parfois l’expérience subjective même du sujet, quand bien même il serait inconscient“. Même en toute fin de vie, il est bon que la personne reste sujet de sa vie et échappe à la maîtrise, voire l’emprise, des autres. L’interdit de tuer se révèle ici protecteur.

Et si l’euthanasie était une régression sociale ?

Partie II

 

Derrière le masque de l’autonomie et l’égalité, la mainmise d’un “biopouvoir”.

 

La volonté de maîtrise totale, pourtant illusoire, est à l’œuvre dans une grande partie des revendications de légaliser l’euthanasie.

Une forte contradiction fissure le discours des partisans de la légalisation de l’euthanasie. Ceux-ci prétendent reprendre le contrôle sur leur vie, et sur leur mort. Ils dénoncent le pouvoir médical sur les malades, tout en exigeant que la capacité décisionnaire et d’action soit accomplie par des représentants du pouvoir médical.

En effet, c’est bien des médecins qui examinent le dossier, prescrivent, et dans l’euthanasie, administrent le produit létal. En l’état actuel de la loi, les médecins n’ont pas de droit de mort sur les patients. Mais cela se produira en cas de légalisation : “l’illusion d’être dans une utilisation du pouvoir de la médecine et du médecin pour décider soi-même de sa mort bute sur le pouvoir, in fine, décisionnaire du médecin“. Ce pouvoir du médecin est tout aussi réel dans le cadre d’un suicide assisté.”

A un moment ou à un autre, la demande est bien faite d’être aidé par la médecine (sa compétence à produire une substance) qui passe par une validation de celle-ci (autorisation) et par une prescription“. Ainsi, contrairement à l’apparence ou au discours sur l’euthanasie comme une reprise de contrôle du patient face au pouvoir de la médecine, la légalisation signe au contraire la remise de soi à un pouvoir médical accru.

Le livre examine ensuite la notion d’autonomie sous d’autres angles que le rapport patient/médecin. Dans leur pratique, elles entendent régulièrement, non pas des demandes d’euthanasie, mais l’expression de sentiment d’inutilité, d’isolement, la crainte d’être un poids pour ses proches, sa famille, les soignants… Les injonctions, directes ou insidieuses, les pressions économiques, financières sont déjà présentes.

Qu’arrivera-t-il si la mort administrée est légalisée ? Selon la phrase de Claire Fourcade, présidente de la SFAP, “ça n’oblige personne à le faire, mais ça oblige tout le monde à l’envisager”. Comment demander des meilleures conditions de vie, comment mobiliser les énergies pour l’accompagnement des personnes âgées, si une “sortie” existe, et plus grave encore, si elle est proposée et organisée par la société ?

Quant aux réclamations de légalisation pour éviter que seuls les “riches”, partant à l’étranger, accèdent à l’euthanasie, les auteurs revendiquent une position “radicalement différente“. Il s’agit d’assurer à tous une égalité d’accès aux soins palliatifs, et aux soins en général. Dans la crise du système de santé qui s’étend aujourd’hui, le risque est grand d’une rupture du lien de confiance entre les soignants et les patients, ceux-ci pouvant se demander si l’arrêt des soins est lié à une question de coût. L’alternative n’est pas plus de liberté et d’égalité contre moins actuellement, mais “fausse promesse d’émancipation d’un côté contre un vrai risque d’injonction de l’autre“.

Derrière le discours très construit en faveur de la mort médicalement administrée, derrière la promotion de l’autonomie, c’est la figure de l’individu performant, utile à soi ou à l’économie qui est érigée en modèle.

L’euthanasie n’est pas un “soin comme les autres”, ni le “soin ultime”. D’ailleurs que soigne le geste létal ? Dans un chapitre consacré à leur expérience en soins palliatifs, les auteurs expliquent la démarche palliative en parallèle de la médecine curative : approche plus globale de la personne, pratique multidisciplinaire où toute l’équipe soignante est mobilisée. Réclamer l’euthanasie comme un soin, c’est voir le soin comme un bien de consommation – le dernier- qu’on peut réclamer individuellement. Pourtant le soin est “une affaire relationnelle, une alliance thérapeutique“. Dans le contexte actuel “proposer en même temps les soins palliatifs et l’euthanasie est une pure hypocrisie : en effet l’inégalité devant les soins s’accroit de plus en plus et la question de l’accès aux soins devient très préoccupante“.

Dans une culture où l’économisme domine, le marché devient l’instance régulatrice. Qui dit offre, dit demande. L’offre d’euthanasie créera de la demande. Il faut rappeler que les études sur cette question de la demande d’ne finir ont révélé un très faible taux chez les patients en fin de vie.

 

En conclusion, la question de la fin de vie est donc éminemment politique : “une société solidaire doit-elle proposer la sortie à ses citoyens ou tout faire pour améliore leur vie ?“. Peut-on demander aux soignants de déroger à un interdit fondamental, celui de tuer ? Que deviendra notre société si le message aux plus vulnérables est que la sortie est possible, voire bonne ?

Dans leur conclusion, les auteurs écrivent : “nous attendons une proposition sociale où la question n’est plus celle de la mort digne, mais celle de la vie digne“.

[CP] Suicide : toujours secourir, jamais “aider” à mourir !

[CP] Suicide : toujours secourir, jamais “aider” à mourir !

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Mobilisation contre le suicide assisté

Toujours secourir, jamais “aider” à mourir !

 

D’ici la fin de l’année, le gouvernement veut présenter un projet de loi qui viserait à légaliser le suicide assisté.

Le samedi 2 décembre, Alliance VITA fait retentir dans toute la France un cri de protestation contre la légalisation du suicide assisté.

Dans une cinquantaine de villes en France, des milliers de personnes portant un masque et encadrant leur visage de leurs deux mains, représentent le célèbre « Cri » peint par Edvard Munch en 1893. Tout suicide est un drame qui frappe de nombreuses personnes et qui met en échec la société.

La prévention du suicide est par principe universelle. Légaliser le suicide assisté revient à désigner des personnes comme éligibles au suicide et à saper toute politique de prévention du suicide.

 

Face à ce projet de loi dangereux, cinq cris s’élèvent partout en France :

  • UN CRI D’EFFROI à l’idée que les personnes les plus fragiles soient ainsi exclues de la prévention du suicide comme si leur vie ne valait plus la peine d’être vécue.
  • UN CRI DE COLÈRE avec les personnes déjà douloureusement endeuillées par le suicide d’un proche et qui savent et endurent la violence de ce drame.
  • UN CRI DE RÉVOLTE devant l’implication exigée de soignants pour valider les demandes, fournir les produits létaux et participer à leur administration.
  • UN CRI DE MISE EN GARDE sur le risque d’avoir un poison mortel à domicile.
  • UN CRI D’ALERTE face à l’impact de la légalisation du suicide sur les personnes souffrant de dépression.

 

Alors que le système de santé connaît une crise majeure qui affecte tous les Français, alors qu’on attend toujours une loi grand âge qui prenne en compte le vieillissement de la population, comment comprendre cet agenda qui prévoit la présentation d’un projet de loi avant la fin de l’année ?

flyers le cri mockupAlliance VITA invite à agir pour une société qui prend soin des plus vulnérables :

  • en réaffirmant le refus de l’euthanasie et du suicide assisté comme de l’acharnement thérapeutique ;
  • en demandant que l’accès aux soins palliatifs soit garanti sur tout le territoire.

 

Voir la page de l’action.

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Légaliser le suicide assisté et l’euthanasie : transgression et régression

Légaliser le suicide assisté et l’euthanasie : transgression et régression

Légaliser le suicide assisté et l’euthanasie : des conséquences insoupçonnées

 

Dans une société déjà secouée par la violence, envisager la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté serait « un changement de paradigme anthropologique et sociétal majeur qui peut avoir des conséquences insoupçonnées ».

Ces mots très forts émanent d’une tribune collective publiée par La Croix ce 23 novembre 2023 et cosignée par des médecins, gériatres, médecins en soins palliatifs, avocats, professeurs de droit… Ils viennent alourdir d’un argument essentiel le poids déjà important de ce projet de loi du gouvernement de légaliser le suicide assisté et l’euthanasie, camouflés derrière l’euphémisme « d’aide active à mourir ».

Un texte qui pourrait être présenté en Conseil des ministres avant la fin de l’année et dont on déplore les transgressions qu’il envisage et les régressions qu’il induirait.

 

Une transgression : une extension du domaine de la violence légitime

Alors que l’évolution des démocraties est de tout faire pour limiter la violence légitime, « en autorisant un médecin à supprimer une vie (ou à y contribuer dans le suicide assisté), l’État réaliserait alors une extension du domaine de la violence légitime » s’insurgent les cosignataires de la tribune.

La force légitime, dans un État de droit, est très encadrée. Elle est réservée à certaines professions : armée, police. Les professions de santé n’en font pas partie, bien qu’elles aient pourtant une action directe sur le corps humain, qu’elles peuvent toucher, modifier voire mutiler sans encourir de sanctions.

« Cette transgression n’est cependant autorisée que sous conditions strictes : son but doit être le rétablissement de la santé des personnes, les moyens employés doivent être proportionnés, leur efficacité validée et bien sûr le malade doit être consentant ».

Ces professions sont très réglementées, et ces encadrements – qui ont été patiemment mis en place depuis Hippocrate – constituent un progrès et une nécessité, pour les soignants, pour les malades et pour toute la société.

Une régression : un retour en arrière

Déjà, Hippocrate (460-377 avant J.-C.), père de la médecine moderne, savait qu’il fallait protéger les malades des éventuelles pulsions inconscientes, agressives ou pulsions de mort des médecins et limiter leur toute-puissance. Il a mis au point une méthode clinique et son fameux serment qui constituent des référence éthiques fondamentales. « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément » proclament les étudiants le jour de leur thèse.

« Après la Seconde Guerre mondiale, la Shoah et les horreurs de la médecine nazie, rappellent les cosignataires de la tribune, la prise de conscience de ce que peut faire une médecine sans borne et sans norme a marqué l’évolution de la déontologie médicale avec la publication du code de Nuremberg. Depuis, de nombreux textes nationaux et internationaux sont venus compléter et encadrer les devoirs des médecins et les droits des malades. »

L’affirmation d’une éthique du soin est tellement importante que les professions médicales se sont dotées, au fur et à mesure, de codes de déontologie. Celui du métier d’infirmier, consigné comme celui des médecins dans le code de santé publique, affirme aussi que « l’infirmier ne doit pas provoquer délibérément la mort ».

Tous ces textes et réglementations de l’éthique du soin visent toujours l’humanisation de l’autre. Et plus la médecine est efficace et technique, plus les garde-fous doivent être importants.

Ce projet de légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté qui constituerait une brèche dans cette éthique médicale fondamentale patiemment établie serait un véritable retour en arrière. Pour tous.

Adoption de la PPL “Bien vieillir”, 1e étape avant une loi “Grand âge”

Adoption de la PPL “Bien vieillir”, 1e étape avant une loi “Grand âge”

Jeudi 23 novembre, l’Assemblée nationale a adopté à une large majorité la proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir. Considérablement enrichie pendant les débats, cette proposition de loi est une première étape, la Première ministre ayant annoncé une loi de programmation sur le grand âge pour 2024.

 

Après plusieurs reports, l’Assemblée nationale a repris cette semaine l’examen de la proposition de loi « Bien vieillir »  qui avait commencé en avril. Cette proposition de loi contient plusieurs mesures pour prévenir la perte d’autonomie, lutter contre la maltraitance des personnes âgées et leur garantir un hébergement de qualité.

Si cette proposition de loi a été fortement contestée lors des premiers débats en avril pour son manque d’ambition, l’annonce faite mercredi 22 novembre par la Première ministre d’une loi de programmation sur le grand âge qui sera présentée « d’ici l’été pour un examen et une adoption au second semestre 2024 » a rassuré les parlementaires.

Cette loi doit répondre à « quatre grandes questions : quels sont nos besoins ? Comment les financer ? Comment disposer des compétences et des personnels nécessaires ? »

A l’origine, cette loi de programmation avait été instaurée dans la proposition de loi (article 2 bis B) par un amendement adopté contre l’avis défavorable du gouvernement. Finalement, un amendement déposé par le gouvernement a permis une nouvelle délibération ce jeudi 23 novembre et a inscrit dans la proposition de loi que la loi de programmation sur le grand âge devait être adoptée avant le 31 décembre 2024.

Par ailleurs, l’examen de la proposition de loi « Bien vieillir » en séance publique a permis d’y ajouter plusieurs dispositions pour garantir les droits des personnes âgées et lutter contre la maltraitance en EHPAD :

  • Par un amendement des Républicains, le droit de visite dans les établissements sociaux et médico-sociaux a été renforcé.
  • Un autre amendement du groupe Les Républicains instaure de nouveaux indicateurs pour évaluer la qualité des EHPAD, comme le nombre de douches hebdomadaires ou la durée moyenne des repas.
  • Un amendement du groupe socialiste permet la prise en compte de « l’intégrité psychique » des résidents.
  • Un amendement défendu par le gouvernement oblige les EHPAD privés lucratifs à consacrer une fraction des bénéfices réalisés au financement d’actions en faveur de l’amélioration du bien-être des résidents.

 

Droit de visite dans les EHPAD

Parmi les avancées majeures du texte, l’instauration d’un droit de visite dans les EHPAD répond à la revendication du collectif Tenir ta main créé au moment de la crise du Covid-19. Mardi 14 novembre, Laurent Frémont, cofondateur du collectif, a remis un rapport au gouvernement. Ce rapport, intitulé « Liens entravés, adieux interdits », préconise d’instaurer « un droit absolu de recevoir » pour les résidents, sans limite horaire.

 

Suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants

Une disposition plus contestée du texte, à l’article 9, supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants s’agissant de l’aide sociale à l’hébergement (ASH) : les petits-enfants ne seront plus tenus de financer l’hébergement d’un grand-parent dans un EHPAD, si celui-ci est bénéficiaire de l’ASH.

Comme l’ont souligné des députés Les Républicains, cette suppression entraîne une rupture de réciprocité « puisqu’aucune exonération n’est prévue pour les ascendants. Concrètement, les grands-parents seront donc toujours tenus d’aider leurs petits-enfants mais ces derniers n’auront plus d’obligations en retour. »

Par ailleurs, puisque cette disposition dispense d’obligation alimentaire uniquement les petits-enfants des personnes hébergées dans un établissement médical ou médico-social, elle introduit aussi une rupture d’égalité entre ces petits-enfants et ceux des personnes maintenues à domicile.

La nécessité d’une loi de programmation

Si les députés ont majoritairement voté pour cette proposition de loi « Bien vieillir », à l’exception des Républicains, qui se sont abstenus et des groupes LFI et GDR qui ont voté contre, ils ont à maintes reprises exprimé la nécessité d’aller plus loin.

Tous attendent la loi de programmation du grand âge, qui doit répondre aux besoins de financement immenses, alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), examiné juste avant, suscite bien des inquiétudes. En ligne de mire, la situation délicate des EHPAD, alors que le député GDR Yannick Monnet a rappelé que 85% d’entre eux étaient déficitaires fin 2022.

Ceux-ci doivent accueillir des personnes de plus en plus dépendantes : selon un rapport du Sénat de 2022, plus de la moitié des résidents est désormais très dépendante (GIR 1 ou 2). Face à ce cela, les EHPAD manquent aujourd’hui de personnel et la création de 6 000 postes dans le PLFSS en 2024 est bien insuffisante au regard d’un besoin estimé à 20 000 postes par an.

Le manque de personnel se fait également sentir dans les services d’aide à domicile où se pose également la question de l’attractivité et de la revalorisation des salaires, pour des emplois bien souvent précaires et à temps partiels.

Dans ce contexte, les professionnels du grand âge ont pour la plupart salué l’annonce d’une loi de programmation du grand âge. L’Association des Directeurs au service des Personnes Âgées (AD-PA) a néanmoins précisé dans un communiqué que « l’association a la mémoire longue et se souvient des promesses de nombreux Présidents et Premiers Ministres qui n’ont jamais abouti », en référence aux multiples annonces d’une loi grand âge et autonomie qui avait finalement été abandonnée.

L’association demande « à l’Etat de respecter ses engagements pour que cesse la maltraitance systémique des personnes âgées vulnérables et des professionnels qui les accompagnent. »

Stratégie « Bien Vieillir »

Les acteurs du grand âge ont également salué la présentation de la stratégie « Bien Vieillir » pour « préparer et adapter notre société à cette grande transition démographique » le 17 novembre. Cette feuille de route interministérielle propose un ensemble de mesures autour de quatre axes :

  • Prendre en compte de nouveaux besoins et reconnaître la place des seniors
  • Donner le choix de vieillir où l’on souhaite
  • Accompagner les solidarités entre générations
  • Garantir les droits et la participation des citoyens âgés

Si de nombreuses mesures de cette stratégie étaient déjà connues, plusieurs fédérations se sont réjouies de la volonté de concertation entre l’Etat et les fédérations employeurs pour faciliter les recrutements à travers un protocole pluriannuel.

En attendant l’examen de la proposition de loi « Bien Vieillir » au Sénat, la ministre des solidarités, Aurore Bergé, va pouvoir débuter son travail de concertation avec les parlementaires, les conseils départementaux et les professionnels du secteur afin d’écrire la loi de programmation sur le grand âge, comme l’en a chargé la Première ministre. Il reste à souhaiter que cette loi puisse répondre aux défis majeurs du financement et des personnels. Comme on le voit, les attentes sont immenses.

Stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement : un plan 2023/2027

Stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement : un plan 2023/2027

La nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND) a été présentée par Emmanuel Macron la semaine dernière. Annoncé à l’occasion d’un déplacement dans une Maison de l’autisme de Seine Saint Denis, ce plan comprend six grands “engagements”, détaillés en 81 mesures. Ce plan fait suite au plan de stratégie nationale pour l’autisme établi pour la période 2018-2022. La visée du nouveau plan est donc plus large : aux troubles du spectre autistique, il ajoute les troubles “DYS” (comme la dyslexie), les troubles de l’attention et les troubles du développement intellectuel.

 

Des chiffres sur le troubles du neurodéveloppement

Selon l’OMS, la prévalence des troubles du neurodéveloppement dans le monde chez les enfants de moins de quinze ans est estimée à 5%. Dans un rapport sur le sujet établi en 2020, la Haute Autorité de la Santé (HAS) rappelait qu’en fonction des définitions, cette prévalence variait entre 5 et 15%. Le dossier de presse de la stratégie 2023-2027 donne également quelques chiffres clés. Une personne sur six serait touchée par un TND.

Les troubles du spectre autistique concerneraient 1 à 2% de la population, les troubles “DYS” 8%. Les troubles de l’attention, avec ou sans hyperactivité, concernent 6% des enfants mais 3% des adultes et les troubles du développement intellectuel 1% de le population. Pour 70% des personnes atteintes de difficultés cognitives dans l’enfance, ces difficultés persistent à l’âge adulte. Enfin, pour plus de 50% d’entre eux, un TND est associé à d’autres maladies (épilepsie, trouble anxieux…) ou un autre TND.

 

Des facteurs de risque multiples

Dans ses recommandations de bonne pratique pour le repérage et l’orientation des enfants à risque, la HAS rappelle la complexité du développement cognitif :

« le neurodéveloppement est un processus dynamique qui se fait par une série d’étapes successives mais parfois intriquées entre elles. La trajectoire développementale chez l’enfant neurotypique comme chez l’enfant atypique est la résultante d’interactions permanentes complexes entre les facteurs génétiques, c’est-à-dire le programme initial de développement cérébral, et les facteurs environnementaux ».

Son rapport consacre toute une partie aux facteurs de risque. On peut citer entre autres :

  • La prématurité, qui concerne 7.5% des naissances selon l’enquête de périnatalité de 2016
  • Les infections néonatales (méningites) ou les infections à cytomégalovirus
  • Les expositions in utero aux substance psychoactives (alcool, cannabis…)
  • L’obésité maternelle.

La HAS souligne également que la vulnérabilité socio-économique et le faible niveau scolaire parental sont des facteurs aggravants, ainsi que la maltraitance ou les négligences sévères.

 

Que prévoit le nouveau plan pour les troubles du neurodéveloppement ?

« Enjeu de dignité » et « enjeu de société » sont les mots mis en avant dans la présentation du plan par Emmanuel Macron et les ministres en charge, Aurore Bergé et Fadila Khattabi. A l’actif du plan Autisme qui s’achève, la création de 410 classes en maternelle et primaire pour accueillir des enfants autistes. 55,000 enfants ont bénéficié d’interventions précoces et d’un parcours de diagnostic grâce à une Plateforme de Coordination de d’Accompagnement (PCO).

Le nouveau plan a également fait l’objet d’une consultation citoyenne ayant recueilli 96,000 votes et 10,000 contributions. Les six engagements du plan contiennent fondamentalement trois axes :

  • La recherche sur ces troubles (suivi fin d’une cohorte de mères, création d’un Institut hospitalo-universitaire sur le cerveau de l’enfant),
  • Le repérage et le diagnostic (le repérage deviendra systématique pour les enfants de 0 à 6 ans),
  • L’accompagnement et l’insertion (parcours adapté à l’école et formation professionnelle, prévention du suicide, actions de sensibilisation de la société aux personnes atteintes de TND…).

Au total, le plan prévoit 680 millions d’euros de nouveaux moyens sur la période 2023-2027, soit 136 millions par an. C’est plus que le précédent plan qui prévoyait 69 millions d’euros, mais le public est bien plus large puisqu’aux personnes atteintes du TSA s’ajoutent tous les autres TND (DYS, TDAH, TDI).

 

Beaucoup reste à faire.

La Commission des Affaires sociales du Sénat a consacré un rapport d’information sur les TND en mai dernier. Elle soulignait que les besoins restent très importants. Un exemple est le parcours scolaire. En effet, l’inclusion dans une classe peut être très partielle, et les enseignants encore très peu formés à cet accueil. La Commission écrivait :

La sensibilisation aux TND, à leur prévalence et éventuellement à leur repérage demeure insatisfaisante. Les 25 heures constituant le module « école inclusive » de la formation initiale des enseignants ne sont pas assurées sur l’ensemble du territoire, faute de formateurs. En outre, le contenu de cet enseignement et les outils numériques dédiés à la formation initiale ou continue des enseignants sont parfois désuets ou incomplets.”

Un autre constat porte sur le logement pour les adultes et leur insertion :

La prise en charge des adultes atteints de troubles du neurodéveloppement demeure notoirement insuffisante. Les associations estiment que 8 000 adultes sont accueillis en Belgique, tous handicaps confondus, faute de place dans des structures adaptées en France. Ce constat est connu des pouvoirs publics depuis de nombreuses années ; le sujet n’est pas celui de la prise de conscience des autorités mais celui de la mise en œuvre des mesures idoines. Les personnes présentant un TDAH ont un risque d’addiction accru ; ces addictions sont plus précoces et plus sévères qu’en population générale. Et 20 % des détenus souffriraient de TDAH“.

 

Howard Buten, artiste et psychologue, a consacré une part importante de sa vie à l’accueil des personnes atteintes du TSA. Dans son livre “Il y a quelqu’un là-dedans : des autismes”, il compare ces personnes au renard du Petit Prince pour leur capacité à élargir notre regard et apprendre la délicatesse dans la relation. Il écrit :

“Tout comme le renard du Petit Prince, l’autiste vous fera savoir “quand” et “jusqu’où “.

Souhaitons que ce plan puisse permettre à toutes ces personnes et leur famille un bien meilleur accueil dans notre société.

 

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troubles du neurodéveloppement