Loi de bioéthique 2021 : L’assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA)
Table des matières
I. La technique de PMA disponible sans indication médicale
II. L’autoconservation des gamètes sans indication médicale est également instituée
III. L’impact sur la filiation
IV. L’anonymat du donneur et la question des origines
V. La filiation des enfants nés par Gestation Par Autrui à l’étranger
VI. Techniques restées interdites
I. La technique de PMA disponible sans indication médicale
L’abandon de l’indication médicale d’infertilité constatée pour l’utilisation des techniques de procréation médicale est une modification majeure de la loi. Le recours à l’AMP est simplement conditionné à l’existence d’un « projet parental ».
Médiatisée comme la “PMA pour toutes“, la loi autorise et organise un accès aux techniques de procréation médicale aux femmes, seules ou en couple. L’article L2141-2 du code de santé publique stipule désormais que « L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation ».
Dans cette rédaction, l’accent est mis sur le « projet parental », mettant la volonté individuelle ou du couple au cœur du processus. La rédaction en vigueur depuis 2011 et qui a donc été abrogée stipulait que : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».
L’extension de la PMA avec tiers donneur pour des femmes seules ou à deux a pour effet indéniable la suppression du père et de la lignée paternelle.
Un décret paru en septembre 2021 fixe les conditions d’âge pour cet accès :
- Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme jusqu’à son quarante-troisième anniversaire ;
- Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme jusqu’à son soixantième anniversaire
Dans le cas d’une PMA pour un couple, la loi maintient le consentement préalable de chaque membre du couple avant le recours aux techniques de procréation. « Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons ».
La loi a également supprimé l’interdiction d’une PMA avec double don de gamètes, quand un couple bénéficie à la fois d’un don d’ovocytes et de spermatozoïdes. Dans la version précédente de la loi, un couple ne pouvait avoir recours à ce double don. Il s’agissait de maintenir autant que possible un lien génétique entre l’enfant et au moins un de ses parents. En cas de double infertilité, le couple pouvait demander à bénéficier d’un don d’embryon.
II. L’autoconservation des gamètes sans indication médicale est également instituée
Selon l’Agence de Biomédecine (ABM) dans sa brochure sur le sujet, « L’objectif de l’autoconservation des gamètes est de les avoir à disposition si, plus tard, un projet d’enfant devait nécessiter une AMP (Assistance Médicale à la Procréation) ». L’ABM souligne également le rôle de la volonté individuelle : « L’indication n’est pas d’ordre médical mais résulte d’un choix de la personne. C’est la nouveauté introduite par la loi de bioéthique de 2021 ».
Le même décret de septembre 2021 a fixé des conditions d’âge pour cette autoconservation :
- Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son trente-septième anniversaire ;
- Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire
Les gamètes recueillis sont conservés dans des centres autorisés pour cette activité.
La loi prévoit que chaque année, la personne qui a procédé à cette conservation doit indiquer si elle souhaite :
- Les conserver,
- Les utiliser en vue d’une AMP,
- En faire don à des personnes en attente d’un don de gamètes,
- En faire don à la recherche scientifique,
- Mettre fin à leur conservation.
Il est important de noter que pour une autoconservation de spermatozoïdes, l’homme peut consentir à ce qu’une partie des spermatozoïdes recueillis soit donné. En l’absence de réponse aux relances pendant 10 ans consécutifs, les gamètes sont détruits. En cas de décès, la conservation est arrêtée, sauf consentement du vivant de la personne au don ou à la recherche. Si les actes liés au recueil ou au prélèvement des gamètes sont pris en charge par l’Assurance Maladie, l’autoconservation est facturée 40.5 euros par an.
L’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine. Elles sont exclusivement destinées à permettre la poursuite « d’un projet parental » par la voie d’une assistance médicale à l’exclusion de toute finalité commerciale.
La question de l’exportation, jointe à celle de la destruction en cas de décès, a soulevé des cas complexes de jurisprudence récemment.
III. L’impact sur la filiation
Avant la loi de 2021, les techniques d’assistance médicale à la procréation tendaient à imiter la procréation naturelle, afin de garantir à l’enfant que sa filiation soit cohérente au regard des exigences de la biologie pour la procréation (une mère et un père). Pour accéder à une PMA avec donneur, le couple demandeur devait produire leur consentement devant le juge ou le notaire. Cette démarche de consentement souligne la difficulté de ce type d’engendrement pour s’assurer que l’enfant ainsi conçu sera accueilli et élevé par un père et une mère pour pallier le manque existentiel d’un des parents biologiques.
L’accès ouvert aux femmes seules ou vivant en couple impacte nécessairement ce modèle. La filiation devient principalement basée sur la volonté, consacrée par l’existence d’un « projet parental », et non plus un lien ou une réalité biologique.
- Dans le cadre d’un couple femme-homme, les règles relatives à l’établissement de la filiation ne sont pas modifiées. La filiation maternelle est établie à l’égard de la femme qui a accouché de l’enfant. S’ils sont mariés, la filiation paternelle s’établit par la présomption de paternité. S’ils ne sont pas mariés, elle s’établit par la reconnaissance volontaire.
- Dans le cas d’une femme seule, le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation de l’enfant est établie à l’égard de la femme qui accouche et qui est reconnue comme la mère. Si la femme seule se marie ultérieurement avec un homme, celui-ci pourra procéder à une demande d’adoption de l’enfant. Idem si elle se marie avec une femme.
- Dans le cas de deux femmes, mariées, pacsées ou non : le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation établit automatiquement comme mère la femme qui accouche. Une reconnaissance conjointe anticipée notariée pour l’autre femme permet d’établir la filiation.
En cas de non-remise de la reconnaissance conjointe anticipée notariée lors de la déclaration de naissance, la seconde femme ne sera mentionnée comme mère à l’état civil qu’à la demande du procureur de la République, et seule la femme qui a accouché aura l’autorité parentale sur l’enfant. L’Assemblée nationale n’a pas retenu la proposition du Sénat d’une reconnaissance par la voie déjà disponible de l’adoption. Aujourd’hui, des actes de naissance mentionnent donc deux femmes comme étant mères d’un enfant.
IV. L’anonymat du donneur et la question des origines
La loi comporte également un volet concernant l’accès aux origines pour les enfants conçus à partir d’un don de gamètes. Elle met fin à l’anonymat du donneur, principe consacré dans la première loi de bioéthique de 1994 et inscrit à l’article 16-8 du code civil. Cet anonymat portait sur l’identité et des données dites « non identifiantes ». Celles-ci sont définies dans le code de Santé publique :
- Leur âge au moment du don
- Leur état général tel qu’ils le décrivent au moment du don, dans ses dimensions d’état général perçu, d’état psychologique et d’activité physique ;
- Leurs caractéristiques physiques, comprenant uniquement la taille et le poids au moment du don, la coloration cutanée, l’aspect naturel des cheveux et des yeux ;
- Leur situation familiale et professionnelle, comprenant uniquement le statut marital, le nombre d’enfants, le niveau d’études et la catégorie socio-professionnelle ;
- Leur pays de naissance ;
- Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.
Cet anonymat était requis à l’époque comme un corollaire de la gratuité du don, et considéré comme une condition pour le développement des techniques de PMA. A l’épreuve du temps, cet anonymat n’a pas résisté à la recherche des origines par des enfants conçus par ces techniques, une fois qu’ils sont devenus adultes. Cette recherche met au jour un paradoxe intrinsèque à la PMA.
D’un côté, les liens biologique et génétique sont passés sous silence dans la « fiction juridique » (un terme employé par les juristes) de la filiation de l’enfant conçu par une PMA. D’un autre côté, l’importance pour l’enfant de connaître ses origines, l’importance de l’hérédité biologique ne peut être niée, au-delà des questions médicales. Une lignée génétique, c’est également une histoire familiale.
Par ailleurs, le droit à connaître ses origines « dans la mesure du possible » est reconnu à l’enfant par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations-Unies, une convention ratifiée par la France.
Comme le précise le site du ministère de la Santé : « À partir du 1er septembre 2022, les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leurs embryons devront consentir expressément à la communication de leur identité et de leurs données non-identifiantes. En cas de refus, ces personnes ne pourront procéder au don. Le consentement sera recueilli par le médecin du centre de dons et conservé par ce centre. Dès l’utilisation du don, il ne sera plus révocable.
Pour les personnes majeures nées de dons effectués avant le 1er septembre 2022, le droit d’accès dépendra du consentement du donneur à la communication de son identité et de ses données non-identifiantes, qui n’était pas une condition préalable au don jusqu’à présent.
A noter toutefois que dans sa décision n° 2023-1053 QPC du 9 juin 2023, le Conseil constitutionnel a validé le nouvel article 342-9 du code civil institué par la loi du 2 août 2021 prévoyant qu’aucun « lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation ».
Par ailleurs, le stock de sperme est actuellement constitué à 77% (chiffre d’avril 2023) d’ « ancien stock », c‘est – dire de dons de sperme réalisés avant le 1er septembre 2022. Justifié principalement par la volonté de minimiser les destructions de gamètes stockés, un décret du 25 août 2022 a prévu que ces paillettes continueraient à être utilisées et que les centres devaient attribuer « en priorité » ces gamètes conservés avant le 1er septembre 2022. Un décret du 16 août 2023 a finalement fixé au 31 mars 2025 la date limite d’utilisation de cet ancien stock.
Les centres tentent en parallèle de contacter certaines personnes ayant effectué un don anonyme, car dans l’éventualité où ces donneurs consentiraient à transmettre leurs données, ces gamètes pourraient être utilisées au-delà du 31 mars 2025.
V. La filiation des enfants nés par Gestation Par Autrui à l’étranger
La Gestation Par Autrui (GPA) reste interdite dans son principe en France, par une loi de 1994 relative au respect du corps humain. Un article du code civil établit que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». La loi sur la bioéthique de 2021 et les débats qui l’ont accompagnée n’ont pas remis en cause cette interdiction.
Des Français choisissent malgré tout d’avoir recours à cette pratique – qui instrumentalise le corps des femmes et fait de l’enfant un objet de contrat, séparé à la naissance de celle en qui sa vie a pris corps – à l’étranger, dans certains pays où cette pratique est tolérée. C’est ainsi que des demandes de transcription d’actes de naissance sont arrivées sur notre sol. Ces commanditaires de GPA ont contraint le droit français à évoluer ces dernières années.
La Cour de cassation en était venue à autoriser la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA réalisée à l’étranger dès lors que les faits déclarés dans l’acte étaient conformes au droit étranger. C’est-à-dire : à déclarer comme mère la femme commanditaire de la GPA, qui n’a pas porté et accouché de l’enfant, et à effacer de l’acte de naissance la mère qui a réellement porté et accouché de l’enfant en question.
Les revendications des commanditaires sont allées jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci avait condamné la France qui n’avait pas fait appel, signant là une absence de volonté politique de lutter réellement contre la GPA.
Mais lors de la dernière révision de la loi bioéthique, ce sujet a fait l’objet d’un amendement qui est venu casser et unifier la jurisprudence. Le code civil est complété pour préciser que la reconnaissance de la filiation à l’étranger soit “appréciée au regard de la loi française”, qui interdit toujours les conventions de mère porteuse (Code civil 16-7) et qui, hormis les exceptions qu’elle détermine, attache la filiation maternelle à l’accouchement et ne permet pas, en dehors de l’adoption, l’établissement d’une double filiation paternelle.
VI. Techniques restées interdites
Malgré des demandes et des amendements proposés pendant l’examen de la loi, certaines techniques sont restées interdites :
- la PMA post-mortem (après le décès de l’un ou des deux membres du couple, pour lesquels des gamètes ou des embryons sont cryoconservés),
- la méthode dite ROPA (« Réception de l’ovocyte par le partenaire ») où un ovocyte de l’une est prélevé, fécondé in vitro par un tiers donneur avant d’être implanté dans l’utérus de l’autre femme.
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