“Transition de genre” pour les mineurs : le Sénat a pris une position

“Transition de genre” pour les mineurs : le Sénat a pris une position

“Transition de genre” pour les mineurs : le Sénat a pris une position

 

Le Sénat a pris position sur le sujet très discuté des traitements pour les mineurs qui se questionnent sur leur genre. Une proposition de loi, déposée par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (LR), a été débattue et adoptée le 28 mai dernier, par 180 voix sur 316 votes exprimés. Intitulée “proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre”, le texte voté a été envoyé à l’Assemblée nationale.

Adoptée contre l’avis du gouvernement, cette proposition de loi a pour le moment peu de chance de poursuivre son parcours législatif. Elle fait suite à un rapport du groupe LR au Sénat, publié en mars dernier. Une synthèse est disponible sur le site du groupe Les Républicains au Sénat. 67 experts français et étrangers ont été auditionnés.

 

Que dit la proposition de loi votée ?

Le texte voté comporte 4 articles.

  • L’article 1 porte sur les traitements médicamenteux et chirurgicaux, ainsi que le parcours de soins.
  • L’article 2 inscrit des peines dans le code pénal et le code de santé publique pour des praticiens impliqués dans la prise en charge des mineurs, si ces praticiens ne respectent pas le cadre posé à l’article 1.
  • L’article 3 instaure l’obligation pour le ministère de la Santé d’élaborer une stratégie nationale de pédopsychiatrie.
  • L’article 4 prévoit un nouvel examen des dispositions au bout de 5 ans.

Le cœur du dispositif, à l’article 1, interdit la prescription aux mineurs de traitements hormonaux, la chirurgie de “réassignation de genre” et impose que les mineurs présentant une dysphorie de genre soient accueillis dans des centres de référence spécialisés. Pour la prescription initiale de bloqueurs de puberté, le texte impose un délai d’au moins 2 ans entre la première visite dans le centre de référence et la prescription. Par ailleurs, il impose une pluridisciplinarité de décision incluant un pédopsychiatre et un endocrinologue pédiatrique.

 

Les travaux du Sénat sur cette proposition de loi

Le rapport fait par la Commission des affaires sociales rappelle que “La prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs fait l’objet de controverses médicales et de débats éthiques”. Le rapport précise que dans sa onzième révision de la classification internationale des maladies, l’OMS a reclassifié “l’incongruence de genre des troubles mentaux, de la personnalité et du comportement pour l’intégrer aux affections liées à la santé sexuelle”.

Quelques chiffres sont présentés, soulignant “une forte croissance du nombre de personnes prises en charge depuis le début des années 2010 – le nombre de personnes en affection de longue durée (ALD) pour « transidentité » a été multiplié par près de dix entre 2013 et 2020, pour s’établir à 8 952 personnes“. Sur ce total, la part des mineurs dans les personnes prises en charge médicalement est très faible : 3.3% des ALD. Mais elle est en forte augmentation. On est passé de 8 mineurs en 2013 à 294 en 2020.

La Commission distingue la prise en charge médicale, la transition sociale (“le fait de vivre, au sein de son environnement familial, amical, affectif ou scolaire, dans un genre différent du genre de naissance”), et la transition administrative (“les modifications de prénom et/ou du sexe à l’état civil”). Elle rappelle que la loi de modernisation de la justice en 2016 a simplifié les démarches en permettant les changements de prénom sur simple demande à l’officier d’état civil. La loi permet également ” à toute personne majeure ou mineure émancipée de démontrer au tribunal judiciaire la nécessité d’un changement de sexe à l’état civil, sans que l’absence de traitement médical de réassignation ne puisse y faire obstacle”.

La prise en charge médicale peut s’effectuer dans un des 9 (chiffre de 2018) services spécialisés hospitaliers, ou en ville auprès de praticiens libéraux, de centres de planning familiaux ou des maisons d’adolescents. On distingue 4 éléments principaux de prise en charge médicale :

  • La soutien psycho-social
  • Les bloqueurs de puberté
  • Les traitements hormonaux
  • Les actes chirurgicaux dits “de réassignation”.

Au terme de ces débats, la Commission a adopté le texte prévoyant l’interdiction des traitements hormonaux. Le rapport souligne que : “Observant que des cas de « détransition » et de regrets sont désormais documentés, elle a jugé indispensable de laisser ainsi le temps aux mineurs de réfléchir à l’opportunité de traitements longs, lourds et difficilement réversibles. Cet encadrement sera sans incidence sur la faculté pour un mineur d’entreprendre une transition administrative.

Il ne doit pas, par ailleurs, empêcher la mise en place d’un suivi psycho-social, souvent nécessaire compte tenu des souffrances ressenties, ni celle d’un accompagnement du mineur dans son parcours de transition sociale”.

Les débats en séance ont montré des positions très antagonistes et c’est sur un vote majoritaire à 57% que la proposition a été adoptée et transmise à l’Assemblée nationale. Celle-ci étant dissoute, aucun calendrier pour une date d’examen n’est possible à ce jour.

 

Retrouvez tous nos articles sur le genre.

pratiques médicales sur la "transition de genre": le sénat a pris une position

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[CP] – Fin de vie : passons aux vraies priorités !

[CP] – Fin de vie : passons aux vraies priorités !

COMMUNIQUE DE PRESSE – 10 juin 2024

Fin de vie : passons aux vraies priorités !

Dans la foulée des résultats du scrutin européen, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. Elle provoque l’arrêt de tous les travaux législatifs en cours dont l’examen du projet de loi fin de vie.

Introduits par le projet sous l’expression trompeuse d’« aide à mourir », le suicide assisté et l’euthanasie étaient validés par les députés présents lors des votes intermédiaires. La pression de leurs promoteurs ne disparaitra pas avec la fin de la législature.

Pour Alliance VITA, la vigilance est donc de mise, d’autant que les débats ont prouvé ce que l’association dénonce depuis des années : aucun cadre ne peut tenir face à la levée de l’interdit de tuer. En deux semaines de discussion – et contre la volonté du gouvernement qui affirmait tenir à l’ « équilibre » de son texte initial – plusieurs digues avaient déjà sauté, dont celle de l’horizon temporel du pronostic vital engagé pour accéder à la prétendue « aide à mourir ».

Pour Tugdual Derville, porte-parole d’Alliance VITA : « Suicide assisté et euthanasie sont en réalité ingérables : nul ne peut ignorer que la levée de l’interdit de tuer qu’on prétend toujours partielle aboutit à une situation hors contrôle ; prendre le risque d’allumer cet incendie, c’est s’exposer sans tarder au retour de flamme. L’actuel gouvernement en a fait l’expérience. »

Alliance VITA a par ailleurs eu raison de dénoncer l’instrumentalisation des soins palliatifs comme l’excipient de l’euthanasie et du suicide assisté. Attention à ce qu’ils ne soient la victime collatérale de l’effacement de ce projet de loi : la priorité d’un prochain gouvernement doit être de déployer des moyens ambitieux pour que leur accès soit garanti à tous ceux qui en ont besoin, partout sur le territoire. C’est une question de justice et d’équité sociale.

L’examen du texte par les députés a révélé à quel point ce débat pouvait être déconnecté des priorités des Français comme le pouvoir d’achat, la sécurité mais aussi la santé… Les Français attendent en effet le règlement des crises qui touchent le système sanitaire : crise de l’hôpital public et des EHPAD, déserts médicaux, difficultés d’accès aux soins.

Plus encore ils attendent d’un gouvernement, quel qu’il soit, qu’il ait une vision de long terme et prenne en charge les grands défis socio-sanitaires comme celui du vieillissement. Or depuis 2017, on attend toujours une loi grand âge répondant à cet enjeu majeur de la dépendance.

Plus que jamais, Alliance VITA reste donc mobilisée contre l’euthanasie et le suicide assisté, pour l’accès universel aux soins palliatifs et pour la finalisation d’une loi « grand âge ».

 

 Contact presse

Claire-Anne Brulé

+ 33(0)6 67 77 14 80 – contactpresse@alliancevita.org

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Décodeur #4 : Les députés revoient les conditions d’accès à « l’aide à mourir »

Décodeur #4 : Les députés revoient les conditions d’accès à « l’aide à mourir »

Décodeur #4 : Les députés revoient les conditions d’accès à « l’aide à mourir »

L’EVENEMENT

Dans un climat animé où s’affrontent différentes conceptions de la liberté et de la « fraternité », les députés ont achevé l’examen du premier volet du projet de loi sur la fin de vie qui concerne les soins palliatifs, les « soins d’accompagnement » et les droits des malades et entamé l’examen du second volet introduisant la possibilité d’une « aide à mourir », c’est-à-dire le recours au suicide assisté ou à l’euthanasie.

LE CHIFFRE

Lundi 3 juin, la ministre Catherine Vautrin a estimé « entre 3 000 et 4000 le nombre de personnes qui se trouvent chaque année dans la situation décrite par le projet de loi », c’est-à-dire qui répondraient aux différents critères d’éligibilité énoncés à l’article 6. Néanmoins, elle n’a donné aucune indication sur les données qui lui permettent d’établir cette affirmation qui semble dès lors très hasardeuse. Dans ses conclusions rendues en mars 2023, la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti avait constaté un manque crient de données quantitatives sur la fin de vie.

RÉSUMÉ DES DÉBATS JUSQU’AU 6 JUIN

L’examen du premier volet du projet sur les soins palliatifs, les « soins d’accompagnement » et les droits des malades aura duré toute la première semaine du temps prévu pour l’examen en séance. Après avoir validé le principe d’un « droit opposable » et introduit dans le texte une loi de programmation pluriannuelle (voir décodeur #3), les députés ont voté pour le doublement des crédits prévus par la stratégie décennale des soins d’accompagnement, contre l’avis du gouvernement.

Selon l’exposé de l’amendement déposé par des députés communistes, “l’effort” annoncé par le gouvernement dans la stratégie décennale reviendrait « en réalité à demeurer à budget constant sur les dix prochaines années et davantage ». Actuellement, la Cour des Comptes estime qu’un Français sur deux nécessitant des soins palliatifs n’y a pas accès. C’est pourquoi cet amendement double les crédits prévus par la stratégie décennale.

L’article 2 portant sur la création des « maisons d’accompagnement » a été adopté malgré l’opposition des députés LR et RN, qui ont dénoncé des « maisons de la mort ». En effet, la ministre Catherine Vautrin avait précisé lors de l’examen en commission spéciale que « l’aide à mourir » pourrait y être pratiquée. Le député LR Marc Le Fur a évoqué l’effectif de médecin ETP (équivalent temps plein) donné dans l’étude d’impact, de 0,2 seulement, soit un jour par semaine, fustigeant ainsi l’absence de présence médicale dans ces établissements.

Néanmoins, un amendement du député socialiste Jérôme Guedj a été adopté contre l’avis du gouvernement et du rapporteur pour renommer ces établissements « maisons de soins palliatifs et d’accompagnement. » Par ailleurs, les députés ont confirmé que la création et la gestion de ces maisons serait réservée au secteur non lucratif en rejetant un amendement du rapporteur Didier Martin.

A l’article 4, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement pour revenir sur la possibilité d’inscrire son choix en matière d’« aide à mourir » dans ses directives anticipées, dans l’hypothèse d’une perte de conscience irréversible. Cette disposition avait été ajoutée en commission spéciale, alors que parmi les critères retenus à l’article 6 pour recourir à « l’aide à mourir » figure l’aptitude « à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». 

La ministre Catherine Vautrin a rappelé la volonté du Gouvernement que le patient soit apte à manifester sa volonté « de manière libre et éclairée » « non seulement au moment où il demande l’aide à mourir, mais aussi tout au long de la procédure, jusqu’au moment où, le cas échéant, il y recourt. »

Les députés ont longuement débattu de l’article 5 qui définit « l’aide à mourir », jusqu’au jeudi 6 juin. Ils ont maintenu le principe que le patient s’administre lui-même la substance létale (suicide assisté). C’est seulement en cas d’incapacité physique que la substance létale pourrait être administrée par un tiers.

Comme il était attendu, le Gouvernement a tenté par un amendement de remettre dans le texte la condition du « pronostic vital engagé à court ou moyen terme », remplacée en commission par la mention « en phase avancée ou terminale ». Pour cela, la ministre Catherine Vautrin a cité les avis du Conseil National de l’Ordre des Médecins et de l’Académie Nationale de Médecine.

Dans un communiqué du 3 juin, l’Académie Nationale de Médecine avait dénoncé le caractère « inadapté et dangereux » du qualificatif de « phase avancée », estimant qu’« une fois le pronostic vital effacé, il risque d’inclure les personnes atteintes d’une maladie, certes a priori incurable, mais avec laquelle il est possible de vivre longtemps ».

Néanmoins, des députés de tous bords, y compris du groupe Renaissance, ainsi que le rapporteur général Olivier Falorni ont manifesté une forte opposition à la réintroduction de la notion de « moyen terme », considérée comme indéfinissable. Finalement, c’est l’amendement de Géraldine Bannier (Modem) qui a été adopté, qui retient comme critère « une affection grave et incurable, qui engage son pronostic vital, en phase avancée ou terminale ».

En commission, le texte avait été modifié pour qu’une souffrance psychologique seule ne puisse pas donner accès à « l’aide à mourir ». Elle devait être subordonnée à une « souffrance physique ». En séance, les députés ont réinstauré la version initiale du texte, qui prévoit une « souffrance physique OU psychologique » liée à l’affection comme condition d’accès à « l’aide à mourir ».

NOTRE ANALYSE

Incontestablement, les députés ont travaillé sur une amélioration globale du premier volet du projet de loi en réintroduisant les soins palliatifs qui correspondent à une pratique définie et reconnue internationalement, à la différence des « soins d’accompagnement » qui ne renvoient à aucune définition scientifique. La création d’un « droit opposable », l’inscription d’une « loi de programmation » et le doublement des crédits de la stratégie décennale sont autant de dispositions qui doivent engager l’Etat dans un effort réel pour que tous les Français aient accès aux soins palliatifs.

On peut également se réjouir que la possibilité d’exprimer un choix en matière d’« aide à mourir » dans les directives anticipées ait été retirée du texte, même si le débat reviendra naturellement lors de l’examen du deuxième volet sur « l’aide à mourir ».

A une voix près, les députés ont fait le choix de préserver les proches en les excluant de l’administration de la substance létale, qui incombera néanmoins à un médecin ou à un infirmier en cas d’incapacité physique.

L’examen des conditions d’accès à « l’aide à mourir » par les députés aboutit à un dispositif très élargi  :

  • Condition d’un pronostic vital engagé mais sans horizon temporel
  • Souffrance physique OU psychologique.

La nouvelle copie en cours d’élaboration ne correspond plus au projet du Gouvernement, impuissant à faire adopter ses amendements. Ces débats montrent bien l’impossibilité à établir un cadre strict à partir du moment où on légalise le suicide assisté ou l’euthanasie.

NOTRE COUP DE COEUR 

Deux tribunes marquantes sont parues cette semaine dans Le Figaro pour exprimer l’inquiétude de personnes malades ou en situation de handicap et de leur proches :

  • Dans une tribune publiée le 4 juin, des parents de personnes porteuses d’un handicap mental demandent l’interdiction explicite de l’euthanasie et du suicide assisté pour les personnes touchées par une déficience intellectuelle.
  • Le 7 juin, Caroline Brandicourt (porte-parole de Soulager mais pas tuer) et Isabelle Mordant ont alerté sur le risque que les malades qui souffrent soient condamnés par la loi sur la fin de vie, en l’absence de soins palliatifs accessibles partout.

NOTRE COUP DE GUEULE

L’amendement de la députée LR Annie Genevard, qui proposait d’interdire le don d’organe d’une personne ayant eu accès à « l’aide à mourir » afin d’éviter qu’un tel don puisse inciter à une forme de mort administrée altruiste, a été rejeté, au motif qu’il créerait une rupture d’égalité entre les citoyens – dont le don d’organe est par principe présumé – et « un frein supplémentaire à l’aide à mourir ».

décodeur #1 projet de loi fin de vie les auditions à l'assemblée nationale

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L’euthanasie aux Pays-Bas : un élargissement progressif des critères

L’euthanasie aux Pays-Bas : un élargissement progressif des critères

L’euthanasie aux Pays-Bas : un élargissement progressif des critères et des personnes éligibles

Alors que le projet de loi pour légaliser l’euthanasie et le suicide assisté est débattu à l’Assemblée nationale, l’expérience néerlandaise peut nous apporter un éclairage quant à l’évolution de la pratique de l’euthanasie au fil des années.

Les Pays-Bas sont historiquement le premier pays en Europe à avoir dépénalisé l’euthanasie et le suicide assisté par une loi en 2001 dite « loi sur l’interruption de la vie sur demande ». Depuis, le nombre de personnes euthanasiées n’a cessé de croître chaque année, dans le cadre d’une évolution culturelle préoccupante, notamment pour les plus fragiles de la société. En 20 ans le nombre d’euthanasies recensé chaque année par les comités régionaux d’examen de l’euthanasie a été multiplié par cinq.

De 1815, la première année, le nombre d’euthanasies est passé à 9 068 en 2023, soit 5,4% du total des décès cette année-là. Selon les régions, elles peuvent représenter jusqu’à 20% des décès. Si les conditions strictes établies par la loi n’ont pas évolué stricto sensu, leur interprétation extensive donne lieu à des situations de plus en plus discutables.

Les comités régionaux d’examen de l’euthanasie ont notamment observé en 2023 une augmentation de 20% des euthanasies de personnes souffrant de troubles psychiatriques. Selon les rapports, l’euthanasie a été accordée à des personnes souffrant de démence, aptes ou non à formuler leur demande, le cas échéant sur la base de leurs directives anticipées.

En 2023, 349 personnes souffrant de polypathologies liées à l’âge ont pu avoir recours à l’euthanasie, et depuis 2020 une proposition de loi en cours de discussion, vise à dépénaliser l’euthanasie pour raison de « vie accomplie » à partir de 75 ans, en dehors de toute condition médicale. D’après le texte ce type de demande serait pris en charge par un « accompagnateur de fin de vie » et non plus par un médecin afin de vérifier que la demande de mourir est « libre, réfléchie et persistante ».

La loi néerlandaise permet dès l’origine l’euthanasie des enfants à partir de 12 ans, et depuis le Protocole de Groningen de 2005, l’euthanasie des nouveau-nés de moins d’un an, atteints d’une grave affection et dont la “qualité de vie” est estimée insatisfaisante est aussi autorisée. En février 2024, un règlement ministériel a autorisé l’euthanasie pour les enfants âgés de moins de 12 ans, souffrant d’une pathologie sans issue, de souffrances insupportables, avec le consentement des parents, mais pas nécessairement celui de l’enfant.

La banalisation progressive de l’euthanasie se fait aussi par la médiatisation d’une « nouvelle forme d’euthanasie » en duo, comme celle de l’ancien premier ministre « main dans la main » avec son épouse en février 2024. En 2023, il y a eu 66 rapports d’euthanasies en duo, ce qui signifie que l’euthanasie a été accordée 33 fois à deux partenaires en même temps.

Pour Theo Boer, professeur d’éthique de la santé à l’université de Groningen : « l’euthanasie a un impact bien plus important que sur les 6% de Néerlandais qui meurent après avoir été euthanasiés. Le regard que nous portons tous sur le vieillissement, la fragilité, la dépendance aux soins et la notion même d’humanité a changé. »

 

Retrouvez le dossier complet : voir la notexpert.

bilan de l'euthanasie aux pays-bas 2023

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Elections européennes : quels enjeux bioéthiques ?

Elections européennes : quels enjeux bioéthiques ?

Elections européennes : quels enjeux bioéthiques ?

A l’approche des élections européennes le 9 juin prochain, quels sont les enjeux bioéthiques au niveau de l’Union européenne ?

 

Les enjeux nationaux s’invitent dans la campagne européenne au point qu’il n’est pas toujours facile de reconnaître si les propositions entrent dans les domaines de compétence de l’Union Européenne. Elle dispose de compétences de différents niveaux, définies par les traités :

  • exclusives pour certaines (union douanière, règles de concurrence, politique commerciale commune, conservation des ressources biologiques de la mer) et auxquelles les Etats sont contraints.
  • partagées pour d’autres entre l’Union et les Etats (agriculture, protection des consommateurs, transports, réseaux transeuropéens, énergie, espace de liberté, de sécurité et de justice, enjeux communs de sécurité en matière de santé publique, recherche, développement technologique et espace, coopération au développement et aide humanitaire, en particulier)
  • ou dites d’appui, de coordination ou de complément, aux termes desquelles l’Union peut mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres.

Aux termes de l’Article 168 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, l’Union dispose, dans le domaine de la santé publique, des compétences pour appuyer, coordonner ou compléter les actions des États membres.

Il est précisé que « l’action de l’Union est menée dans le respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l’organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux. Les responsabilités des États membres incluent la gestion de services de santé et de soins médicaux, ainsi que l’allocation des ressources qui leur sont affectées ».

Malgré ce cadre juridique précis, nombreuses sont les listes de candidats émanant de formations politiques qui veulent porter au niveau européen leurs combats d’idée, peu importe si cela relève ou non de la compétence de l’Union européenne ! Au total 38 listes sont présentées.

Sous la législature actuelle, deux propositions de règlement posent des questions éthiques particulièrement problématiques pour lesquelles le parlement européen a été consulté.

  • Adoptée définitivement le 27 mai dernier par le Conseil européenla nouvelle réglementation sur les substances d’origine humaine (SOHO) présentée par la Commission européenne visait à réviser les règles établies il y a plus de 20 ans. Elle a pour objectif d’assurer la sécurité et la qualité du sang, des tissus et des cellules utilisés dans les soins de santé et faciliter les échanges transfrontières au sein de l’Union européenne. Contrairement à la précédente directive, ont été ajoutés par amendement les gamètes et les embryons humains au même titre que les échanges d’autres produits humains. Les embryons humains sont ainsi assimilés à des choses sans tenir compte de leur appartenance à la communauté humaine. Selon cette réglementation, les produits sont vérifiés sur leur qualité, porte ouverte à l’eugénisme quand il s’agit d’embryons humains. D’autre part, si la réglementation définit que les dons ne doivent pas être rémunérés, elle admet des dédommagements ou un remboursement pour leur don avec le risque de faciliter un marché de la procréation.
  • Le parlement européen a voté le 14 décembre 2023 en faveur de la proposition de règlement initiée par la Commission européenne relative à la reconnaissance des actes de filiation entre pays de l’Union européenne. Très controversé, ce règlement pourrait gravement empiéter sur la compétence nationale des Etats membres d’établissement de la filiation et sur les droits de l’enfant. D’autant que la proposition va jusqu’à mettre en place un certificat européen de filiation. Alliance VITA a produit une note d’analyse dénonçant les risques de voir s’imposer à la France des pratiques qu’elle interdit, spécialement la Gestation pour autrui (GPA). Le règlement doit être examiné mi-juin 2024 par le Conseil européen, avec un vote qui doit recueillir l’unanimité. Plusieurs pays ont émis une position critique dont la France.

 

Quels programmes ?

Cette analyse porte sur les principales formations qui se sont exprimées dans leurs programmes sur des défis qui relèvent de la bioéthique.

I- Des mesures en lien avec la compétence européenne

 

La Traite des êtres humains et Gestation Pour Autrui (GPA)

L’Union européenne vient d’ajouter la GPA au titre des crimes de traite humaine lors de la révision de  la directive sur la traite des êtres humains établie en 2011 .

Cette criminalisation de la GPA a été obtenue via un amendement porté par l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains. Ce dernier avait fait de la lutte contre la GPA un élément de son programme en 2019.

Le texte amendé confirme la criminalisation de l’exploitation du mariage forcé, de l’adoption illégale et de la gestation pour autrui (GPA). Plusieurs mesures visent également à renforcer le soutien aux victimes et la lutte contre la traite des êtres humains.

Aucune liste n’avance de proposition en faveur de la GPA. En revanche la liste Reconquête mentionne l’objectif d’ « Obtenir l’abolition de la GPA dans tous les Etats membres de l’Union européenne » et la liste du PCF prend fermement position contre en ces termes :

« Nous en appelons à une action de l’Union européenne auprès de tous les gouvernements, afin que soient prises toutes les mesures nécessaires, juridiques et autres, à même d’empêcher la maternité de substitution (GPA) au niveau européen et international. De même, nous voulons que soient envisagées des poursuites pénales à l’égard des cliniques et de toutes les entreprises de l’industrie de location de ventres dans tous les pays du monde, et que soit interdite toute publicité pour cette industrie. La lutte contre l’exploitation reproductive des femmes doit être fortement intégrée dans le droit de l’Union européenne, à travers notamment la révision de la directive 2011/36/UE relative à la lute contre la traite des êtres humains. »

 

Recherche européenne en matière de santé

Les Républicains souhaitent favoriser l’investissement dans des programmes de recherche européens pour trouver des traitements efficaces contre le cancer, les maladies liées au vieillissement, le diabète, l’endométriose et les maladies mentales. Le Rassemblement national prône quant à lui de « Renforcer les échanges scientifiques : lutte contre le cancer, recherche agronomique, chimie verte, etc

II- Des revendications qui ne relèvent pas des compétences européennes

 
L’inscription d’un droit à l’IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux

Cette position est affichée par les listes Majorité présidentielle (Renaissance /Horizons/Modem/UDI/Parti radical) La France Insoumise (LFI), Parti communiste (PCF), Ecologie 2024 et Place Publique / Parti Socialiste

L’absence de compétence de l’Union européenne à l’égard de l’avortement a été confirmée à plusieurs reprises par les institutions européennes (Parlement européen, Commission européenne et Conseil européen). Le 30 avril 2012, le Commissaire M. Dalli répondait à une question posée par des députés (E-002933/2012) :

« Compte tenu de la dimension éthique, sociale et culturelle de l’avortement, il appartient aux États membres d’élaborer et de faire appliquer leurs politiques et leur législation en la matière. La Commission n’entend pas compléter les politiques nationales de santé publique dans ce domaine ».

De plus, les dispositions du Traité n’octroient aucune latitude supplémentaire en la matière, quand il s’agit de l’action extérieure de l’Union dont l’objectif principal reste « la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté » (Article 21). La Cour européenne des droits de l’homme a également reconnu la diversité des solutions législatives concernant l’avortement et la large marge d’appréciation des États à cet égard.

La modification de la Charte européenne des droits fondamentaux relevant de la même procédure que celle des Traités, l’unanimité des Etats membres est requise. En l’espèce, et en l’état actuel, cette unanimité ne pourrait être trouvée. De plus les principes de la Charte européenne doivent être liés aux compétences de l’Union.

De son côté, Reconquête souhaite faire de la natalité une grande cause européenne.

 
Plusieurs programmes contiennent des propositions en faveur des « droits LGBTQIA+ ».

Renaissance propose d’interdire les thérapies de conversion. France Insoumises, Ecologie 2024 ou le PCF ont diverses propositions comme l’ouverture partout du droit à l’adoption et l’abrogation des traités bilatéraux qui empêchent les couples homosexuels d’adopter ; la reconnaissance des droits et la dépathologisation des personnes trans dans toute l’Europe  pour le PCF. La liste Ecologie 2024 et par celle de la France Insoumise y ajoute des propositions supplémentaires  telles que permettre la reconnaissance entre Etats des couples de même sexe, mais aussi celle de la parentalité trans ; garantir le remboursement et l’accès aux soins de santé spécifiques aux personnes transgenres, tels que les traitements hormonaux et opérations chirurgicales.

 

Conclusion

En principe, un suffrage est dicté à la fois par la nature des compétences de l’institution concernée par le vote, et par les convictions jugées prioritaires par l’électeur.

Le parlement Européen a des compétences limitées sur le sujet de la vie. Certaines listes sont d’ailleurs centrées sur la seule question de l’Europe. Dans plusieurs listes peuvent par ailleurs figurer, à des places éligibles, en même temps des personnalités qui ont manifesté leur engagement constant en faveur du respect de la vie, et d’autres qui ont pris des positions inverses, comme, récemment sur la GPA, l’inscription dans la constitution de l’IVG ou sur le sujet de la fin de vie. Mais d’autres sujets peuvent légitimement être pris en compte (sécurité, immigration, action sociale, santé, diplomatie défense etc.).

En pratique, d’autres considérations entrent en ligne de compte. Nombre d’électeurs choisissent plus ou moins explicitement de voter davantage en fonction de l’impact national escompté de leur suffrage qu’en fonction de ce qu’ils attendent concrètement des députés européens. Ce point est controversé. D’autant que certaines listes jouent avec l’ambiguïté des compétences. Par exemple en revendiquant des positions « libertaires » qui n’annoncent pas de conséquences normatives, puisqu’elles sont hors du champ de compétence du parlement européen. C’est davantage leur impact culturel qui est à craindre, car, par exemple, les revendications LGBT traversent les instances européennes.

 

Pour aller plus loin : le contenu des programmes.

elections européennes : quels enjeux bioéthiques ?

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