Don d’organes : une journée pour en parler

Don d’organes : une journée pour en parler

Don d’organes : une journée pour en parler

 

La journée nationale de réflexion sur le don d’organes, le 22 juin, est l’occasion de parler de ce sujet peu évoqué et de rappeler le cadre légal et les dispositions adoptées lors de la dernière loi de bioéthique.

 

Le cadre légal du don d’organes en France : consenti, gratuit et anonyme

L’Agence de la biomédecine organise une campagne grand public ” Pour sauver des vies, rappelez à vos proches que vous êtes donneur d’organes”.

Lancée depuis le 25 mai cette campagne a pour objectif d’inviter à parler de ce sujet avec ses proches. Elle rappelle à cette occasion que, depuis la loi de 1976 renforcée par la loi Santé de 2015, “au nom de la solidarité nationale, c’est le principe du consentement présumé qui a été choisi. La loi indique que nous sommes tous donneurs d’organes et de tissus, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus d’être prélevé“.

La loi de 1976 établit 3 grands principes pour le don d’organes :

  • le consentement présumé,
  • la gratuité
  • et l’anonymat.
Ces principes ont été repris dans la première loi de bioéthique en 1994, qui réaffirme le principe du “respect du corps humain”. Celui-ci est inscrit à l’article 16 du code civil qui dispose que :
  1. Chacun a droit au respect de son corps.
  2. Le corps humain est inviolable.
  3. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial.

L’inviolabilité, l’indisponibilité du corps humain sont fondamentales et permettent, par exemple, de s’opposer à tout trafic d’organe comme l’a fait le Conseil de l’Europe et de nombreuses législations à l’étranger.

Alliance VITA a diffusé lors de l’Université de la Vie en 2022 un focus présentant des points essentiels sur cette question.

 

Quelques chiffres clés pour la France

L’Agence de bio-médecine publie régulièrement des chiffres sur les dons d’organes et de tissus.

En 2023, 5 634 greffes ont été réalisées (dont 533 à partir de donneurs vivants). Les greffes rénales sont les plus nombreuses, environ 60% des greffes. En début 2024, la liste d’attente comprend 21886 patients. Cela inclut 11422 patients dits “en liste active”, c’est-à-dire immédiatement éligibles à une greffe d’organe.

Le nombre de donneurs décédés prélevés s’est élevé à 6 948 en 2023. La très grande majorité des prélèvements sont faits sur des sujets décédés jusqu’à 24 heures après le décès. Dans une enquête baromètre conduite cette année, l’Agence relève que :

  • 80 % des Français sont favorables au don de leurs propres organes après leur mort
  • 93 % pensent qu’il est important que leurs proches connaissent leur position sur le don d’organes et de tissus, mais moins d’un sur deux en a parlé.

Ce dernier chiffre motive la campagne actuelle auprès de la population.

Un plan d’action 2022-2026 pour augmenter le nombre de dons a été publié par le Ministère de la Santé. Il prévoit entre autres des mesures d’inspiration gestionnaire telle que :

  • Une révision des modalités de financement de l’activité de prélèvement et de greffe, dans un sens plus incitatif, pour assurer l’attractivité de la filière.
  • La création d’indicateurs de performance pour évaluer la qualité de l’organisation du prélèvement et de la greffe.

Que modifie la dernière loi de bioéthique sur le don d’organe ?

La loi de bioéthique votée en 2021 a apporté quelques modifications dans la législation sur le don d’organe. Les possibilités de dons de moelle osseuse de la part d’un mineur ou d’un majeur protégé au profit de ses parents sont élargies. Le cadre fixé pour le don croisé d’organes prélevés sur personnes vivantes est élargi.

Cette mesure introduite dans la loi de bioéthique de 2011, permet à deux personnes vivantes, candidates au don mais incompatibles avec leur proche malade, d’échanger de manière anonyme leur receveur respectif.

Les opérations de prélèvement et de greffe, qui devaient auparavant être réalisées dans le même temps afin de préserver l’égalité des chances, se déroulent désormais dans un délai maximal de vingt-quatre heures. Ces mesures s’inscrivent dans la volonté des pouvoirs publics d’augmenter le nombre de dons, compte tenu des besoins enregistrés.

Geste altruiste qui permet de sauver des vies, le don d’organes nécessite un cadre éthique précis pour éviter toute forme de coercition morale sur le donneur, et toute forme de marchandisation. Plusieurs alertes éthiques constatées invitent à la vigilance.

don d'organe : une journée pour en parler

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Journée mondiale de la SLA : l’impératif de l’accompagnement

Journée mondiale de la SLA : l’impératif de l’accompagnement

Journée mondiale de la SLA : l’impératif de l’accompagnement

 

La journée mondiale de la Sclérose Latérale Amyotrophique SLA a lieu le 21 juin, jour le plus long de l’année, choisi précisément pour signifier l’espérance d’une prolongation de la vie pour les personnes qui en sont atteintes.

 

Qu’est-ce que la SLA ou maladie de Charcot ?

Définir les 3 lettres SLA permet d’appréhender un peu cette maladie :

  • Le S pour “sclérose” correspond à un durcissement,
  • Le L pour “latérale” car elle s’attaque au côté de la colonne vertébrale,
  • Le A final de “amyotrophique” indique une privation de nutrition des muscles.

Il n’existe actuellement aucun traitement curatif probant contre cette maladie dégénérative non contagieuse qui a été identifiée vers 1880 par le Professeur Jean Martin Charcot, le père de la neurologie moderne.

La SLA affecte 5 000 à 7 000 patients en France avec une incidence annuelle proche de 2,5 pour 100 000 habitants. Sur le plan clinique, la SLA débute en moyenne à l’âge de 55-60 ans avec une très faible prépondérance masculine.

La SLA est la moins rare des maladies rares, pourtant les moyens alloués à la recherche restent bien en-deçà des besoins. Les pistes thérapeutiques qui tendent à être mises à jour le sont principalement via la recherche concernant d’autres maladies neurodégénératives.

 

Une prise en charge à améliorer

Dans un 3 questions sur les défis de la SLA publié en septembre 2023 sur le site d’Alliance VITA, le neurologue Xavier Ducrocq mentionnait l’existence d’une vingtaine de centres expert SLA destinés à « mieux coordonner les soins, la prise en charge respiratoire et les autres symptômes. » Il en pointait malgré tout deux limites : leur éloignement parfois du lieu de vie des personnes malades qui, au fil du temps, ont de plus en plus de difficultés à se déplacer et leur moindre efficacité dans l’accompagnement sur le long terme.

En novembre 2021, un groupe de travail du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie a publié une synthèse consacrée à la fin de vie des personnes atteintes de SLA. Elle souligne la complexité, l’importance de l’information et de l’anticipation des épisodes évolutifs de la maladie et la nécessité d’améliorer la coordination entre les services de neurologie et de soins palliatifs pour permettre un accompagnement gradué du patient à tous les stades de sa maladie.

 

Comment mieux accompagner les malades et leurs aidants ?

Selon Xavier Ducrocq, plus on avance dans la maladie, plus l’accompagnement nécessite davantage d’intervenants pour vraiment s’adapter aux patients. « Cette maladie vient percuter la logique de rentabilité économique et les problèmes d’effectifs soignants », ajoutait-il. Ainsi, l’écart entre les besoins spécifiques de la fin de vie en cas de SLA et les critères médico-économiques entraine des dysfonctionnements dans la prise en charge. En outre, l’accompagnement de fin de vie à domicile pour les patients qui le souhaitent, peut être limité par la charge intense qui pèse sur les proches/aidants et l’inégalité territoriale d’accès aux réseaux de soins.

Pour un proche, l’accompagnement d’une personne atteinte de SLA peut devenir un travail de tous les instants, jours et nuits, week-ends et jours fériés inclus. A cet égard, les conclusions d’une mission flash sur les maladies neurodégénératives (MND) présentée à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en juillet 2023, ont montré les grandes difficultés rencontrées par les aidants dans l’accompagnement de leur proche malade.

Appelant à « diligenter rapidement un nouveau plan pluriannuel qui prenne en compte les MND « rares » et qui associe les malades et les aidants », cette mission formule des recommandations pour mieux accompagner les personnes atteintes de ces maladies assorties de propositions de mesures pour soutenir leurs aidants. Elle plaide par exemple pour la création d’unités d’accueil de jour ajustées au degré de dépendance et à même de garantir le « droit au répit » institué par la loi de 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement.

Autre initiative : une proposition de loi visant à améliorer la prise en charge de la SLA ainsi que d’autres maladies évolutives graves, devait être examinée au Sénat en séance publique le 10 juin 2024. Suspendue à la suite de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, elle prévoyait d’instaurer « une procédure dérogatoire devant la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) », ainsi que « l’ouverture de la prestation de compensation du handicap à toutes les personnes atteintes, quel que soit leur âge ».

 

Attention à la stigmatisation de cette maladie

Dans le débat sur la fin de vie, cette maladie est trop souvent instrumentalisée et utilisée pour justifier la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté comme si ces pratiques étaient la seule alternative une fois le diagnostic posé. Comment demander des meilleures conditions de vie, comment mobiliser les énergies pour l’accompagnement des personnes fragilisées par la maladie si une “sortie” existe, et plus grave encore, si elle est proposée, organisée et financée par la société ?

Cette question, Axelle Huber qui s’est tenue aux côtés de son mari Léonard, mort de la maladie de Charcot en 2013, l’a posée ainsi il y a moins d’un mois alors que le projet de loi fin de vie était débattu à l’Assemblée nationale : « Les promoteurs de ce projet loi prévoyant de « faire mourir » ont-ils conscience de la violence qu’ils nous font quand ils désignent les patients atteints de SLA comme éligibles à cette forme de suicide, plutôt qu’à un accompagnement de qualité auquel on finirait par ne plus croire ? »

Une autre voie est en effet possible, celle de l’accompagnement qui soulage les douleurs, prend aussi en charge les souffrances psychiques et récuse l’acharnement thérapeutique.

Pour Jérôme 51 ans, suivi au centre de référence « SLA » de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et qui témoigne dans La Vie : « Ma difficulté au quotidien n’est pas de savoir comment je vais me donner la mort, mais comment je vais vivre et me faciliter l’existence. »

journée mondiale de la sla : l’impératif de l’accompagnement.

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DPI-A : honteux lancement d’un essai clinique pour contourner la loi

DPI-A : honteux lancement d’un essai clinique pour contourner la loi

DPI-A : honteux lancement d’un essai clinique pour contourner la loi

 

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a autorisé de manière illégale l’expérimentation d’une technique de sélection embryonnaire : le DPI-A. Cet essai clinique a démarré en mars 2021 alors même que le DPI-A était interdit par la loi bioéthique, interdiction réaffirmée par la loi d’août 2021, y compris au stade de la recherche. C’est ce qu’a révélé cette semaine la Fondation Jerôme Lejeune dans un communiqué intitulé « victoire contre la pente glissante de l’enfant parfait ». Au regard de son illégalité manifeste, l’association avait en effet demandé au juge d’annuler cet essai. Le tribunal administratif de Montreuil vient de donner raison à la Fondation.

 

Le DPI et surtout le DPI-A, c’est quoi ?

Le diagnostic pré implantatoire (DPI) est une technique de sélection des embryons conçus in vitro. En France, cette technique réglementée ne concerne que les couples qui présentent une forte probabilité de transmettre une maladie héréditaire et de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Elle ne concerne pas les couples qui ont recours aux fécondation in vitro (FIV) pour des raisons d’infertilité.

Depuis plusieurs années, et en particulier au moment de la dernière révision de la loi bioéthique, on a pu constater un fort lobbying pour l’élargissement et la libéralisation de l’accès au DPI-A : diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (anomalies du nombre de chromosomes). Le DPI-A vise principalement à détecter in vitro les embryons porteurs de trisomies, en particulier la plus répandue : la trisomie 21.

 

Quels enjeux éthiques ?

La particularité de la trisomie est qu’elle est de survenue aléatoire, imprévisible. Elle n’est pas héréditaire, c’est une sorte d’ « accident » qui se produit au moment de la fécondation. Si bien que, pour faire simple, autoriser le DPI-A reviendrait à faire passer un contrôle qualité de principe à tous les embryons conçus in vitro, et donc à le généraliser.

Il concernerait non seulement les embryons conçus dans le cadre d’un DPI classique mais aussi ceux de tous les couples ayant recours à la PMA, en l’absence de toute indication médicale. Il s’agit donc d’un changement de paradigme qui envisagerait une forme de « contrôle qualité » des embryons à priori, en l’absence de tout risque identifié, avec en principale ligne de mire l’élimination de ceux porteurs de trisomie.

Cela induirait un glissement vers un DPI pour tout et pour tous, derrière ce mythe grandissant de la quête du « bébé parfait », un glissement déjà largement amorcé et contenu dans le principe même de la technique du DPI. « Le pas suivant sera d’aller chercher d’autres maladies rares et très sévères » et « pourquoi pas de le proposer un jour à tous les couples qui le souhaiteraient d’avoir quelque part ce mythe de l’enfant sain », avait résumé Agnès Buzyn, ministre de la santé en 2021 quand des amendements pour ouvrir le DPI-A étaient débattus à l’Assemblée nationale.

Elle s’y était fortement opposée en pointant ce risque évident d’eugénisme.

 

Pourquoi observe-t-on une offensive pour autoriser le DPI-A ?

La logique inhérente aux techniques de diagnostics préimplantatoires est de procéder à la sélection embryonnaire, or la technique n’est jamais neutre. Lorsqu’on se place dans une perspective d’amélioration de l’efficacité des résultats en PMA ou d’amélioration de la sélection en fonction de la « qualité » des embryons, la surenchère est inévitable. D’abord, on autorise ces tests que pour traquer des maladies très graves. Puis des moins graves. Puis, de simples prédispositions….  On traque une maladie, puis ensuite d’autres en même temps… on veut éliminer tel risque, puis tel autre….  On le propose aux personnes considérées comme « à risque », puis par souci d’ « égalité » et de « performance » des techniques, on en vient à le généraliser à tous…

L’objectif revendiqué par les promoteurs de cette technique est d’optimiser les chances de grossesse après une FIV. En effet, pour certains biologistes de la reproduction et gynécologues obstétriciens, l’aneuploïdie serait une cause fréquente d’échecs d’implantation de l’embryon dans l’utérus ou de fausses couche. Par ailleurs, les promoteurs du DPI-A partent du principe que la détection chez un fœtus de la présence d’une trisomie conduit systématiquement à une décision d’avortement. Et les chiffres de recours à l’avortement en cas de suspicion de trisomie plaident en ce sens.

Bref, l’objectif affiché est d’éviter d’implanter des embryons porteurs de trisomie 21 pour éviter le traumatisme de l’avortement et d’améliorer le rendement des cycles de PMA, attendu que les aneuploïdies pourraient conduire à des fausses couches.

 

L’efficacité du DPI-A décriée pour « éviter » les fausses couches

Pour Stéphane Viville, spécialiste de biologie de la reproduction et de génétique à Strasbourg et fondateur du premier centre de DPI en France : «la majorité des fausses couches ne sont pas dues à des anomalies chromosomiques mais à 40.000 autres raisons. Cela peut être intrinsèque à l’embryon, à l’utérus de la femme, au dialogue entre les deux, etc. En outre, en FIV, il existe beaucoup d’embryons « mosaïques », c’est-à-dire composés à la fois de cellules normales et de cellules avec un nombre anormal de chromosomes. Or, « ces embryons mosaïques sont capables de se restaurer ». Les éliminer à priori par un diagnostic pré implantatoire n’a aucun sens. Par ailleurs, les erreurs de diagnostics sont aussi possibles avec ce type d’examen.

 

Quel essai clinique illégal s’est mis en place ?

Malgré l’interdiction du DPI-A, l’ANSM a donc autorisé un essai clinique impliquant des couples en parcours de PMA. L’objectif étant de vérifier ou non l’hypothèse défendue par les promoteurs du DPI-A, à savoir qu’il serait un moyen pour diminuer le taux de fausses couches après une FIV et augmenter le nombre de naissances vivantes dans les parcours de PMA.

L’essai clinique visait à comparer le taux de naissances vivantes chez 700 couples en parcours de PMA, dont un groupe verrait ses embryons conçus in vitro passés au crible du DPI-A avant implantation dans l’utérus et l’autre (groupe témoin) non.

La décision de justice a mis en suspens cet essai. L’ANSM a fait appel. Dans cette affaire sans précédent, plusieurs personnes porteuses de trisomie 21 s’étaient portées tierce partie pour faire valoir les conséquences que cette technique aurait sur leurs vies, comme Madeleine Maillet, qui a témoigné aux côtés de son avocat dans une vidéo accordée au Figaro, sur les raisons qui l’ont poussée à combattre cet essai.

 

Pour Alliance VITA, ces techniques qui concernent les embryons in vitro sont très préoccupantes car elles nous entraînent vers un risque d’eugénisme consensuel, technologique et à grande échelle. La menace de l’acclimatation de notre pays à ces pratiques eugéniques est réelle. Ce qui se joue là est fondamental. C’est celle d’un projet de société derrière lequel reposent ces questions fondamentales : qu’est-ce qu’une vie humaine et quelle humanité voulons-nous pour demain ?

dpi-a : honteux lancement d’un essai clinique pour contourner la loi

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La lutte contre la maltraitance des personnes âgées

La lutte contre la maltraitance des personnes âgées

La lutte contre la maltraitance des personnes âgées, une priorité qui doit être assortie de moyens concrets

 

La Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées le 15 juin est l’occasion d’évoquer les situations de maltraitance de plus en plus fréquentes envers les personnes âgées. Si le Gouvernement semble prendre au sérieux cette question à travers la publication récente de sa Stratégie nationale de lutte contre les maltraitances, les professionnels du secteur alertent sur l’origine systémique de ces maltraitances, dans un contexte d’insuffisance de moyens et de pénuries massives de personnel aussi bien dans les établissements que dans le secteur de l’aide à domicile. Un rapport récent de l’IGAS montre que cette situation risque de s’aggraver encore dans les prochaines années.

 

Dans son rapport sur l’année 2023, le 3977, le numéro national pour signaler une situation de maltraitance envers une personne âgée en France, signale l’ouverture de 6 300 dossiers pour « situation préoccupante » sur 16 900 appels décrochés. Ce chiffre est en augmentation de 16 % par rapport à 2022. Néanmoins, le rapport évoque une « sous-déclaration massive des maltraitances » et précise que « la fréquence des maltraitances n’est pas connue en France ». Selon le rapport, « les victimes le sont pour quasi moitié, de leur entourage familial » (45 %). « La maltraitance en institution ou dans le cadre du soin ou de l’accompagnement social représente tout cumulé 34,5 % des mis en cause. »

Le 24 mars dernier, une enquête diffusée par le magazine « Zone interdite » de M6, intitulée « Scandales et défaillance de l’État : les dossiers noirs du handicap », a levé le voile sur les nombreux cas de maltraitances sur des personnes en situation de handicap dans certains établissements. En réaction, Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées avait annoncé « un grand plan de contrôle de tous les 9 300 établissements qui accueillent des personnes en situation de handicap ». En parallèle, le Gouvernement a publié sa Stratégie nationale de lutte contre les maltraitances pour la période 2024-2027.

Dans ce document d’une vingtaine de pages, le Gouvernement dévoile une série de mesures pour lutter contre les maltraitances autour de trois axes : faire respecter les droits des personnes, se doter de meilleurs outils pour recueillir, suivre et répondre aux situations de maltraitance dans les territoires, et renforcer la vigilance. En préambule, le rapport indique que, à la suite de l’affaire Orpéa, plus de la moitié des 7 500 EHPAD de France ont fait l’objet d’un contrôle et qu’ils auront tous été contrôlés d’ici la fin de l’année 2024.

Cette « stratégie nationale » s’article avec la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie. Cette loi contient un volet de lutte et de prévention contre les maltraitances. Parmi les principales mesures, cette loi institue dans chaque département une « cellule de recueil et de traitement des alertes » en cas de maltraitance de personnes âgées ou handicapées vulnérables.

Placée auprès de l’ARS, cette cellule sera chargée du recueil des signalements et de leur transmission aux autorités compétentes. Parmi les autres mesures contenues dans la loi « Bien-vieillir », un droit de visite est reconnu pour les personnes hébergées en établissements de santé ou en EHPAD. La loi contient aussi de nombreuses dispositions sur les EHPAD, notamment pour développer l’information des usagers et des familles sur la qualité de la prise en charge des résidents et pour renforcer leur contrôle.

Malgré ces efforts, dans un communiqué du 4 juin 2024, l’Association des Directeurs au service des Personnes Agées (AD-PA) alerte sur « l’origine systémique » des maltraitances envers les personnes âgées : « La principale cause des maltraitances systémiques est l’incurie des pouvoirs publics qui n’ont depuis jamais engagé les réformes structurelles préconisées par l’ensemble de ses propres rapports. Pire, l’Etat annonce fièrement renforcer sa politique de contrôles afin de renvoyer les responsabilités qui sont les siennes dans le camp de professionnels épuisés. »

L’association demande des moyens supplémentaires, notamment un meilleur ratio d’encadrement dans les EHPAD et une réévaluation de l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa).

Cette alerte de l’AD-PA rejoint les constats de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) dans un rapport alarmant publié le 29 mars 2024. La mission a constaté « des situations de grande tension, où la saturation des établissements et la fragilité des services à domicile pouvaient conduire à maintenir des personnes chez elles dans des situations dégradées, et à reporter la charge sur le système hospitalier et les familles. »

Selon le rapport, « faute d’une action publique ambitieuse tant sur le financement que sur les moyens humains à mobiliser, des conséquences nombreuses et diverses sont à craindre : dégradation des conditions de vie et d’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie, saturation des Ehpad, report de charge vers les familles, pénibilité accrue des métiers du grand âge, développement de modes de prise en charge peu encadrés pour des personnes vulnérables (ex. emploi direct), risques de maltraitance à domicile comme en établissement… ».

Aujourd’hui, le secteur de l’aide à domicile fait face à des pénuries importantes de personnel. Selon Franck Nataf, président de la Fédération française de services à la personne et de proximité (Fedesap), il manquerait 60 000 salariés à l’ensemble du secteur. Et pour cause, les métiers de l’aide à domicile font face à un déficit d’attractivité. Selon un rapport de France Stratégie, les aides à domicile seraient parmi les métiers « les moins favorisés parmi l’ensemble des familles professionnelles ».

Le rapport relève des proportions de CDD et temps partiels importantes, avec « un revenu salarial annuel net de 11 233 euros, soit 9 000 euros de moins que la moyenne des salariés ».

Comme le relève le rapport de l’IGAS, le secteur de l’aide à domicile se trouve dans une situation de « sous-financement structurel ». Ces dernières années, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui finance l’aide à domicile, a été revalorisée mais cela reste insuffisant pour les professionnels du secteur. Le tarif minimal de l’heure s’élève aujourd’hui à 23,50 € tandis que les employeurs estiment le coût de revient d’une heure à 32 €.

Et la situation pourrait encore s’aggraver dans les années à venir avec l’augmentation du nombre de personnes âgées en situation de perte d’autonomie, qui seront près de 4 millions en 2050. Les besoins d’aide et d’accompagnement à domicile devraient augmenter de 20 % d’ici à 10 ans et de 60 % d’ici 30 ans. Dans son rapport, l’IGAS identifie plusieurs facteurs de risques :

  • La diminution du nombre de proches aidants potentiels due notamment à la hausse de la déconjugalisation et à la baisse du nombre d’enfants,
  • L’intensification des difficultés de recrutement de l’aide à domicile avec la raréfaction de la population active,
  • La fragilité des projections budgétaires de l’administration,
  • La place ambiguë des résidences et habitats inclusifs.

Malgré ces alertes, le Gouvernement n’a jamais présenté sa grande loi sur le grand âge et l’autonomie, pourtant annoncée par le Président Emmanuel Macron dès 2018 et promise par la Première Ministre Elisabeth Borne en novembre 2023. Inscrite dans la loi sur le « Bien vieillir » du 8 avril 2024, une loi de programmation du grand âge devait être adoptée d’ici la fin de l’année 2024.

La ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin avait déclaré en janvier avoir saisi le Conseil d’Etat à ce sujet en raison d’une difficulté constitutionnelle sur ce projet de loi. Or, lors des débats sur le projet de loi sur la fin de vie fin mai, la ministre a indiqué aux députés que la saisine n’avait jamais été transmise au Conseil d’Etat. Cette révélation a provoqué la colère des professionnels du secteur.

Dans un communiqué, la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa) s’est déclarée choquée par cette annonce. « Alors même que les déficits des établissements et services pour personnes âgées s’aggravent, que les tensions en ressources humaines sont quasi structurelles, que notre pays vieillit et doit se préparer à accompagner un nombre croissant de personnes âgées, la FNADEPA regrette cet écran de fumée et appelle le Gouvernement à respecter ses engagements. »

Quoi qu’il arrive, et malgré le niveau élevé de la dette, le prochain gouvernement ne pourra surseoir à s’attaquer à la question du financement et de la prise en charge globale du grand âge, sous peine de voir s’aggraver encore les maltraitances envers les personnes vulnérables. Cette question devra être une priorité nationale.

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Affaire Karsai c. Hongrie : la CEDH juge qu’il n’y a pas de droit au suicide assisté

Affaire Karsai c. Hongrie : la CEDH juge qu’il n’y a pas de droit au suicide assisté

Affaire Karsai c. Hongrie : la CEDH juge qu’il n’y a pas de droit au suicide assisté

 

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a jugé que la Hongrie ne contrevenait pas à la Convention européenne des droits de l’homme en interdisant le suicide assisté ou l’euthanasie, ainsi que l’assistance pour le faire dans un pays étranger.

Compte tenu de sa situation de maladie avancée, le cas a été traité en urgence après que le recours a été engagé en août 2023.

Le requérant alléguait que l’interdiction de mort assistée violait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme (droit à la vie privée et la vie de famille) et l’article 14 relatif à l’interdiction de discrimination. Il soutenait être discriminé par rapport aux personnes en phase terminale qui peuvent demander l’arrêt de leurs traitements.

D’autre part, il s’est plaint que sa maladie allait le contraindre à être enfermé dans son corps alors qu’il était pleinement conscient ce qui pourrait relever de l’article 3 de la Convention qui interdit les traitements inhumains et dégradants. Il a aussi invoqué une atteinte à l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) dans la mesure où la possibilité de « mourir dans la dignité » faisait partie de ses croyances religieuses et philosophiques.

Dans son jugement, La Cour précise dès le début que l’article 2 (Droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’Homme n’empêche par les autorités d’un Etat de légaliser l’assistance au suicide s’il met en place des mesures suffisantes pour empêcher les abus. Cependant la légalisation d’une mort assistée implique des conséquences sociales importantes et des risques d’abus et d’erreur d’appréciation. La mise à disposition de soins palliatifs de qualité, incluant un contrôle de la douleur efficace, sont des conditions essentielles pour assurer une fin de vie digne.

En l’occurrence dans le cas présent, la Cour a estimé que l’affaire soulevait des questions morales, éthiques et politiques délicates pour lesquelles les autorités nationales étaient mieux placées pour évaluer les priorités et l’utilisation des ressources et des besoins sociaux, notamment la mise à disposition de soins palliatifs et de moyens propres à soulager les patients dans la même situation comme la sédation palliative.

Karsai n’a pas contesté le fait qu’il avait à sa disposition des soins palliatifs mais que si on lui proposait une sédation terminale pour le soulager il perdrait ce qui lui reste d’autonomie. Tout en reconnaissant la légitimité de son choix personnel, les juges ont conclu que cela ne pouvait en aucun cas obliger les autorités hongroises à proposer l’assistance au suicide ou l’euthanasie.

D’autre part, ils ont jugé qu’il n’y avait rien d’excessif dans le fait que l’interdiction de l’assistance au suicide s’applique également à ceux commis à l’étranger arguant que cela conduirait à la création d’une exception au droit pénal hongrois.

Non violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme

Compte tenu de ces éléments et du large pouvoir discrétionnaire de l’État dans ce domaine, la Cour juge que l’interdiction du suicide assisté ou de l’euthanasie n’est pas disproportionnée et qu’il n’y a pas de violation de l’article 8.

Concernant l’article 14, la Cour a souligné que refuser ou demander l’arrêt d’un traitement médical ne relevait pas de la même situation que le suicide assisté. Il s’agit d’interventions largement reconnues par la profession médicale et également inscrites dans la convention d’Oviedo relative à la biomédecine. La différence de traitement est donc justifiée et ne relève pas de la violation de l’article 14 conjointement avec l’article 8 de la Convention.

Enfin de manière unanime les références à l’article 3 et 9 ont été rejetées car manifestement non fondées.

« Pas de droit au suicide assisté et à l’euthanasie », mais des ambiguïtés

Le jugement a été adopté à une grande majorité de six voix contre une. Le requérant pourrait cependant saisir la Grande chambre.

Ce jugement rappelle qu’un pays ne peut être dans l’obligation de légiférer sur le suicide assisté ou l’euthanasie. En cela la Cour européenne reconnait une large marge de manœuvre aux Etats pour se doter des moyens pour protéger et accompagner dignement les personnes jusqu’à la mort.

Cependant les juges font planer l’ambigüité quand ils précisent que « Néanmoins, la Convention doit être interprétée et appliquée à la lumière des conditions actuelles. Il convient donc de surveiller le besoin de mesures juridiques adéquates, en tenant compte de l’évolution des sociétés européennes et des normes internationales en matière d’éthique médicale dans ce domaine. » Ils font référence aux quelques Etats-membres du Conseil de l’Europe qui ont légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté ces dernières années.

En ne se positionnant pas sur la question du « droit à la vie » qui figure à l’article 2 de la Convention, la Cour ne condamne ni n’approuve la légalisation en soi de ces pratiques. Cette interprétation abusive par la Cour du droit à la vie a été contestée par le juge Wojtyczek.

Il souligne que, « La convention appelle à une interprétation littérale stricte et exclut l’insertion d’exceptions supplémentaires par interprétation dynamique. » Il rappelle que le jugement indique au paragraphe 141 que « il convient de se référer, dans le cadre de l’examen d’une éventuelle violation de l’article 8, à l’article 2 de la Convention, ce qui crée pour les autorités un devoir de protéger les personnes vulnérables, même contre des actions par lesquelles elles mettent en danger leur propres vies… » en précisant que cette obligation englobe la protection contre le suicide assisté et l’euthanasie.

affaire karsai c. hongrie : la cedh juge qu’il n’y a pas de droit au suicide assisté

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