Les personnes âgées moins touchées par la perte d’autonomie : une étude de la DREES

Les personnes âgées moins touchées par la perte d’autonomie : une étude de la DREES

Les personnes âgées moins touchées par la perte d’autonomie: une étude de la DREES

Comment mesure-t-on l’autonomie d’une personne ?

L’INSEE a calculé que 18 millions de personnes en France sont âgées de 60 ans ou plus, soit 27% de la population. Le degré d’autonomie de la personne est mesuré de plusieurs façons. On peut établir une échelle ou des groupes différents selon la capacité des personnes à réaliser des gestes de la vie quotidienne (repas, toilettes, se lever, sortir de chez soi…). Une des mesures les plus connues, l’indice GIR (groupe iso-ressources) est une mesure administrative.

Elle permet de déterminer l’éligibilité des personnes de 60 ans ou plus à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le niveau d’aide dont elles ont besoin pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne s’appuie sur des critères à la fois physiques et psychiques (la capacité à entretenir une conversation et réagir de façon logique). L’évaluation est faite par une équipe médico-sociale. L’échelle varie de 1 à 6, le degré 1 correspond aux personnes les plus atteintes dans leur autonomie mesurée par l’indice.

D’autres mesures sont possibles. Par exemple on posera la question “êtes-vous limité, depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé dans les activités que les gens font habituellement ?”. L’enquête dénombrera les personnes répondant “oui fortement” à cette question.

Combien de personnes sont-elles touchées par cette perte d’autonomie ?

Les chiffres varient en fonction des mesures établies. La DREES fournit de nombreux indicateurs dans cette étude. Par exemple, l’estimation des personnes en perte d’autonomie et vivant à domicile va de 3% à 8% (soit de 540 000 à 1,3 million), selon que l’on prend une approche « large » ou plus restrictive de la perte d’autonomie. Les personnes à domicile en perte d’autonomie sévère (indice GIR 1 et 2), sont autour de 200 000.

A la question d’une restriction sévère de l’activité quotidienne, 26% des personnes de plus de 60 ans répondent positivement, et 47% pour celles au-dessus de 75 ans. Les restrictions sur des activités comme faire ses courses, préparer ses repas, effectuer des démarches administratives sont les plus couramment citées.

Sous l’angle des “pertes fonctionnelles” (audition, vue, mobilité, mémoire…), 41% des seniors de plus de 60 ans sont touchés. Au-delà de 75 ans, ils sont 58%.

Les femmes sont un peu plus touchées que les hommes. Selon l’étude de la DREES, au-delà de 75 ans, elles sont 48% à être affectées par des restrictions “dans les activités instrumentales de la vie quotidienne” contre 33% des hommes. Les auteurs notent que la plus grande espérance de vie des femmes n’explique pas à elle-seule cet écart.

 

Une diminution des personnes en perte d’autonomie

L’enquête relève plusieurs indicateurs indiquant que les seniors sont moins touchés par cette perte en 2022, comparé à 2015, pour les personnes vivant à domicile. Ainsi, la perte d’autonomie des 75 ans et plus est passée de 20 à 15%. Les pertes d’autonomie modérée (mesurée par un indice GIR 3 ou 4) sont devenues moins courantes. Toujours pour cette catégorie de la population, “la proportion de personnes souffrant d’une maladie chronique a diminué, passant de 62 % en 2014 à 58 % en 2021. De même, en 2014, 21 % d’entre elles déclaraient avoir un mauvais (ou très mauvais) état de santé, alors que cette part est de 18 % en 2021“.

L’étude fournit également un calcul de l’espérance de vie à 60 ans sans perte d’autonomie.

  • Pour les femmes, “en 2022, l’espérance de vie à 60 ans est de 27,3 ans, dont 4,2 ans en moyenne passés en situation de perte d’autonomie (2,9 années à domicile et 1,3 année en établissement“.
  • Pour les hommes, cette espérance de vie est à 23 ans, dont “2,4 années en situation de perte d’autonomie (1,6 année à domicile et 0,7 année en établissement“.

Entre 2015 et 2022, l’espérance de vie est restée stable, mais “celle sans perte d’autonomie a augmenté (+0,5 an pour les hommes et +0,8 an pour les femmes), du fait de la moindre proportion de personnes en perte d’autonomie à domicile“.

Cependant, les auteurs apportent une note prudente à l’analyse de ces chiffres : “les causes de l’allongement de l’espérance de vie sans perte d’autonomie à domicile sont difficiles à établir“. Par exemple, la crise sanitaire liée à la COVID 19 a entrainé une surmortalité des seniors de 2020 à 2022, ce qui peut faire baisser le temps de vie en perte d’autonomie. Mais la COVID a pu aussi augmenter des pertes d’autonomie suite à une hospitalisation.

Prenant en compte les résultats positifs de l’enquête (moins de personnes en perte d’autonomie), les auteurs anticipent sur les projections de vieillissement dans les années à venir. “Ces nouvelles projections continueront de faire état d’une croissance tendancielle du nombre de personnes âgées dépendantes, mais à un rythme plus faible que celui qui était anticipé jusqu’à présent. Un des scénarios privilégiés par les modèles de projection tiendra compte du fait que la part de l’espérance de vie à 60 ans pendant laquelle les seniors sont confrontés à la perte d’autonomie tend à diminuer“.

Enfin, rappelons que le concept d’espérance de vie sans perte d’autonomie a des limites. En 1997, un directeur général de l’OMS, le Dr Hiroshi Nakajima, déclarait: « sans la qualité de la vie, une longévité accrue ne présente guère d’intérêt (…) l’espérance de santé est plus importante que l’espérance de vie”.

Cette conception négative d’une vie moins autonome fait une impasse totale sur la vie relationnelle, sur la sagesse des anciens, et leur apport à notre société par leur présence. L’humanité d’une personne ne se réduit pas à des coefficients de mobilité, ou à des échelles de difficultés à gérer sa vie quotidienne.

Lors de notre prochaine Université de la vie (lien pour l’inscription ici), nous aurons l’occasion d’explorer de nombreuses facettes de notre humanité.

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Vous avez dit TOUS les droits de l’enfant ?

Vous avez dit TOUS les droits de l’enfant ?

20 novembre, journée internationale des droits de l’enfant.

Vous avez dit TOUS les droits de l’enfant ?

La journée mondiale des droits de l’enfant est l’occasion pour la France de célébrer l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989. Le ministère de l’éducation nationale souligne cette année sur son site que c’est « un texte fondateur » dont la « connaissance participe à la construction progressive de la citoyenneté et à l’acquisition d’une culture humaniste ». Il précise : « Un accent particulier peut être mis sur la protection des enfants et adolescents contre toutes les formes de violence. »

L’enfant comme personnalité à part entière a lentement émergé au fil des siècles. Il est désormais considéré comme un être humain nécessitant une protection particulière en raison de sa vulnérabilité. La protection de l’enfance est un pan important de l’action publique. Les services sociaux ont fait d’énormes progrès pour repérer les multiples formes de maltraitance et en protéger les enfants, sans pour autant systématiser la coupure d’avec leurs parents.

Nous ne sommes plus au temps du paterfamilias romain qui avait – à certaines conditions – droit de vie et de mort sur sa progéniture. Mais, bien sûr, de graves maltraitances familiales perdurent.

Nous ne sommes plus au temps où des dizaines de milliers d’enfants abandonnés erraient à la merci des trafics les plus sordides, dans les grandes villes d’Europe dans l’indifférence générale, sauf celle de Vincent de Paul (1581-1660) et de ses œuvres. Mais que de misère et de maltraitance encore subies par les enfants !

Nous ne sommes plus, enfin, au temps pas si lointain où l’on pensait que les abus ne laissaient pas de traces. Progressivement, les punitions corporelles, le harcèlement, l’exposition aux images pornographiques ont été classés parmi les violences inacceptables. La pédophilie et l’inceste sont enfin sortis du grand silence. Mais que d’abus encore !

Et la femme politique ouvrait l’éventail des lieux de violence : « dans le huis clos de certaines familles, derrière les murs de certaines institutions, dans les lieux de loisirs ou de sports ou de culture, dans la rue mais aussi, désormais, sur Internet ».

Ne croyons pas pour autant que nous soyons exonérés de tout déni. On entend encore, à propos des enfants qui endurent l’errance affective de leurs parents, des propos lénifiants : « les enfants s’adaptent ». On s’émerveille encore de la « plasticité de leurs cerveaux » alors qu’on ne cesse de mesurer l’impact en profondeur de toutes les formes de maltraitances sur le reste de la vie, sans oublier le risque de répétition, quand la victime devient bourreau.

Quant à la pornographie : on en déplore – c’est nouveau et c’est déjà ça ! – les effets de déformation sexuelle sur les enfants et adolescents. Au-delà de la déploration il est urgent d’agir concrètement pour protéger les mineurs contre l’accès aux contenus à caractère pornographique. Sur ce sujet, Alliance VITA « solidaire des plus fragiles » s’est engagée depuis longtemps aux côtés des enfants en dénonçant les ravages de l’exposition précoce à la pornographie.

 

Il demeure un angle mort de la lutte contre la violence faite aux enfants. Déclarées inoffensives à leur endroit, des dispositions législatives conçues pour répondre à des revendications d’adultes font plus que de bafouer leur intérêt, comme le don de gamètes, et son anonymat, levé progressivement, le droit à l’insémination pour les femmes seules ou en couple qui prive volontairement des enfants de tout lien paternel. Leur légalisation au « profit » des adultes demandeurs, a été entérinée aux dépens des enfants ainsi conçus. Ils sont inconsciemment amputés de précieux repères identitaires.

Paradoxalement, c’est au nom de l’« intérêt supérieur de l’enfant » que la France en vient même à avaliser via des reconnaissances faussées de filiation, des techniques de procréation qui portent atteinte à son intérêt. C’est le cas de la GPA qui lui impose un éclatement de la maternité entre deux ou trois femmes (génitrice, gestatrice, éducatrice) voire l’escamotage complet de la mère (quand deux hommes sont commanditaires). Violence faite aux femmes mais aussi violence originelle imposée aux enfants. Les voilà soumis à une injonction paradoxale : remercier la technique qui a provoqué leur existence associée à une maltraitance.

Comment se taire, par ailleurs, sur les formes de violence que constituent les atteintes à la vie avant la naissance, avec en particulier, facteur aggravant, le « tri » des fœtus selon leur état de santé ? Comment se taire aussi sur les violences des traitements précoces et irréversibles visant à « changer le sexe » d’un enfant, sans qu’il lui soit possible, à l’âge adulte, de revenir en arrière ? N’oublions pas les enfants ou adolescents qui vivent sous le seuil de pauvreté, à la rue, dans la prostitution etc.

Les décisions majoritaires des parlementaires ne peuvent prétendre œuvrer à « la construction progressive de la citoyenneté et à l’acquisition d’une culture humaniste » si elles font l’impasse sur la défense des plus fragiles contre TOUTE FORME de violence. Le chemin est encore long pour qu’advienne une société de non-violence vis-à-vis des enfants.

 

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[CP] – L’Université de la vie revient le 20 janvier 2025

[CP] – L’Université de la vie revient le 20 janvier 2025

L’Université de la vie :

l’évènement unique et incontournable de formation bioéthique revient le 20 janvier 2025

 

Cette année, le cycle de formation bioéthique proposé par Alliance VITA depuis 20 ans explorera une question qui taraude nos sociétés post-modernes : Être humain et le rester demain.

Après avoir attiré plus de 8000 personnes en 2024, cette nouvelle édition se déroulera les lundis 20 et 27 janvier et le lundi 3 février 2025 dans plus de 160 villes en France et à l’étranger.

A Paris, l’Université de la vie aura lieu  6 rue Albert de Lapparent dans le 7ème.

Au programme, des enseignements, des témoignages, des exercices pour examiner l’essence de notre humanité et son devenir : Comment les liens qui nous unissent nous font prendre conscience du caractère unique et irremplaçable de l’être humain ? En quoi se reconnaître vulnérable nous humanise et fait progresser la société ?

Experts et témoins croiseront leurs regards et leurs analyses pour donner à chacun des participants des clés pour comprendre et agir dans la société. Aux côtés de Blanche Streb, Caroline Roux, Jeanne Bertin-Hugault, Jean André et Tugdual Derville, interviendront :

  • Nicole Quinsat, Présidente de « ETRE LA » Puy de Dôme, accompagnatrice en soins palliatifs ;
  • Sabine Blanchard, mère de deux enfants adoptés ;
  • Cécile Gandon, auteur de « Corps fragile, cœur vivant » (Emmanuel, 2022) ;
  • Blandine Humbert, philosophe et directrice de l’Ecole de Santé de l’ICP ;
  • Corine Rondel, cadre de santé dans un établissement public de santé mentale, formatrice Premiers secours en santé mentale et prévention du suicide ; 
  • Florian Dosne, auteur de « Ma vie aux deux extrêmes » (Mame, 2022) ;
  • Christophe Bichet, conférencier.

73 000 personnes ont déjà participé à l’Université de la vie depuis sa création, en faisant le tout premier évènement bioéthique national.

Informations et inscriptions sur www.universitedelavie.fr

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Peut-on tuer par amour ?

Peut-on tuer par amour ?

Peut-on tuer par amour ?

 

Le 31 octobre, Bernard Pallot, 78 ans, a été acquitté à Troyes où il était jugé pour l’assassinat de son épouse Suzanne, malade, qu’il reconnaît avoir étranglée, pour qu’elle ne souffre plus. Son avocat, maitre Frédéric Verra n’a pas contesté les faits « indiscutables » mais il a fait valoir « une excuse d’irresponsabilité, qui était la contrainte liée à la situation ». Le parquet a fait appel.

L’impuissance devant un être cher qui souffre a quelque chose d’insupportable : celui qui aime se sent à la fois responsable de cette souffrance et coupable de ne pouvoir rien faire. Tuer la personne – surtout si elle le demande – peut-il être motivé par l’amour ?

 

Le crime passionnel ?

Peut-on tuer par amour ? La notion de crime « passionnel » est désormais disqualifiée. Car l’invocation d’une « passion » (amoureuse), qu’on suppose source possible de jalousie ou de colère irrépressibles qui refléteraient l’intensité de « l’amour » ne saurait dédouaner le coupable de son crime, ou du moins lui valoir des circonstances atténuantes. Sur le plan pénal « seul le cas extrême où l’amour conduirait à l’abolition du discernement serait susceptible de caractériser une cause d’irresponsabilité pénale » selon Alice Dejean de la Bâtie (Maîtresse de conférences à l’université de Tilburg (Pays-Bas).

Désormais lorsqu’un homme – le plus souvent – fait subir à sa compagne des violences allant jusqu’au meurtre, ce sont les circonstances aggravantes qui sont retenues. Le slogan « On ne tue jamais pas amour » s’est ainsi diffusé sur les murs. Cette maxime peut-elle être appliquée aux questions relatives à la fin de vie, à l’euthanasie ou au suicide assisté ?

Le « meurtre altruiste » ?

Autour du passage à l’acte de parents mettant fin aux jours d’un enfant handicapé s’est développée une autre notion, celle de crime « altruiste ». L’altruisme du mobile serait d’éviter à son enfant une vie jugée indigne ou invivable. Quand on creuse de telles situations de meurtre d’un proche handicapé, on se rend compte que ce passage à l’acte constitue généralement l’aboutissement dramatique d’une relation exclusive, enfermée voire étouffante.

Le parent qui passe à l’acte n’imagine pas son enfant vivre sans lui. Il n’a pas reçu, ou dans certains cas a refusé l’aide possible. Il a pu s’isoler. En fait d’amour, c’est une impasse fusionnelle dans laquelle la situation d’aidant l’a piégé.

 

L’amour peut-il déprécier la vie ?

En mai 2005, Lyddie Debaine, une mère épuisée, avait mis fin aux jours de sa fille polyhandicapée, dont la charge l’épuisait, puis elle avait échoué dans sa propre tentative de suicide. Acquittée en première instance de cet assassinat, cette femme de 62 ans avait été symboliquement condamnée à une peine de deux ans de prison avec sursis par une seconde Cour d’assises, le parquet ayant fait appel de l’acquittement.

Entretemps, des associations d’aide aux personnes handicapées et à leurs proches avaient alerté l’opinion sur le terrible message induit par l’acquittement : la vie d’une personne porteuse de polyhandicap ne valait pas qu’on le défende ! Il s’agissait par cette peine d’honorer le deuil de la mère et de souligner qu’une autre issue était possible et préférable.

Nous n’étions pas loin de la jurisprudence Perruche qui fit grand bruit en 2000 avant d’être heureusement contrecarrée par une loi : le seul fait de naître handicapé (plutôt que d’avoir été avorté) avait été considéré par la Cour de cassation comme un préjudice. La solidarité (voire l’amour ?) dictait l’IMG ! Le législateur avait annulé cette jurisprudence qui faisait scandale.

Tuer par déception ?

Peut s’ajouter à ces situations le mobile de désespérance, liée à la déception devant l’absence de progrès d’une personne accidentée ou la dégradation de la santé d’une personne malade. Le 24 septembre 2003, Marie Humbert était passée à l’acte sur son fils Vincent (qui endurait les lourdes séquelles d’un accident de la circulation subi trois ans plus tôt jour pour jour). L’équipe médicale avait indiqué que son fils devrait quitter le centre de réadaptation pour une place en maison d’accueil spécialisée, signe qu’il ne progresserait plus beaucoup.

Pour cette femme seule qui se dévouait au quotidien pour lui, c’était l’effondrement de tout espoir, et une rupture insupportable. Par ailleurs, elle s’était elle-même engagée voire piégée en annonçant son passage à l’acte en direct à la télévision. La publication d’un livre en forme d’appel au président de la République « Je vous demande le droit de mourir » qu’on prétendait signé de Vincent, mais en réalité rédigé par un journaliste, avait été relayé par une puissante campagne médiatique. La pression sociale était telle que le médecin qui assistait au réveil du jeune homme le lendemain du passage à l’acte de sa mère l’avait finalement achevé, poussé par la peur d’être jugé s’il l’avait laissé vivre.

Pour elle, ici aussi, plus que l’amour raisonné – qui « veut le bien de l’autre » – c’est le refus insensé de la séparation qui déclenche le passage à l’acte. Un aidant qui se sacrifie 24h sur 24 peut estimer impossible la nouvelle vie imposée par la séparation. A moins que ce ne soit la dévalorisation d’une vie diminuée, jugée sans valeur, ni dignité.

 

Tuer sous contrainte morale ?

Dans l’affaire Pallot, les avocats ont bien tenté d’utiliser une notion juridique originale, pour dédouaner un conjoint du passage à l’acte sur une épouse dépendante, celle de « contrainte morale ». Cette notion a été « créée » pour dédouaner le vol d’un produit de nécessité (par exemple d’une mère de famille pour nourrir ses enfants). Elle a été transposée à des situations de fin de vie, quand un conjoint est sous pression au point d’être comme « contraint » à passer à l’acte.

L’article 122-2 du Code pénal dispose : « N’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister. ». La contrainte physique ou morale est donc une cause de non-imputabilité : l’individu est conscient, mais sa liberté d’action est totalement affectée.

Le portrait psychologique de Bernard Pallot avait décrit « un homme soumis à sa femme et ne pouvant rien lui refuser au sein d’un couple qui vivait de manière assez isolée » pour conclure que la « demande persistante [de l’épouse] l’avait placé dans une situation où il estimait ne pas pouvoir refuser, en raison de l’amour et de la compassion qu’il éprouvait pour son épouse. » Cette conclusion, qui semble avoir séduit les jurés en première instance, est pourtant difficile à défendre explique Alice Dejean de la Bâtie. 

Selon elle, « Si Bernard Pallot s’est soumis aux demandes de son épouse, il semble hâtif d’en déduire qu’elle exerçait sur lui une forme d’emprise totale au point de le priver de toute liberté d’action. »

SE tuer par amour ?

Au Canada, le mobile dit « altruiste » est intégré par de nombreux patients qui réclament l’AMM (aide médicale à mourir). C’est, pensent-ils, « par amour » pour leurs proches qu’ils se résignent à cette fin : pour ne pas leur peser, leur coûter, les déranger ou leur imposer qu’on les voie dans un état insoutenable… « Se tuer par amour » est aussi une des facettes du suicide désespéré qui prend la forme d’un chantage affectif.

Si l’on s’en tient aux personnes gravement malades, dépendantes et en fin de vie, une injonction sociale à l’auto-exclusion peut être exprimée par les proches ou la société. On a même entendu certains chroniqueurs, dans les années 90, invoquer l’Evangile comme caution d’une demande d’euthanasie « altruiste » : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Ils ajoutaient que la surpopulation devait inciter les vieux à quitter la terre pour faire la place aux jeunes.

L’amour a besoin du tabou du meurtre

Qu’en conclure ? Au lieu de cautionner l’acte par le mobile de – l’amour –, il faudrait au contraire poser qu’il aurait toujours « pu en être autrement ».

Tuer ne saurait être l’exigence de l’amour. Il est incontestable que nombre de ceux qui passent à l’acte aiment ceux qu’ils tuent, que ces derniers leur demandent la mort ou pas. Contester le passage à l’acte ne signifie en rien qu’on remette en cause cet amour. Mais on conteste que l’amour requière la mort.

Les parents d’Hervé Pierra, qui était en état neurovégétatif depuis huit ans, ont cru en 2006 que leur indéniable amour pour leur enfant les appelait à demander qu’on arrête de l’hydrater et de l’alimenter pour que cesse sa vie. Ils ont été trompés – au moins techniquement – par les médecins qui leur conseillaient cette issue : le jeune homme de 28 ans a agonisé pendant 6 jours. Ils se sont aussi trompés sur ce qu’exigeait l’amour.

L’amour interdit de tuer, même si l’on peut être tenté de tuer par amour. Il est naturel d’espérer la mort d’un proche en bout de course, voire sa propre mort. Il est aussi naturel de vouloir mourir, d’attendre la mort, même si la résistance à cette mort – au lâcher-prise – est tout aussi naturelle. Sans oublier que la demande de mort est ambivalente, comme l’a très bien noté La Fontaine dans ses fables traitant le sujet.

C’est parce que la mort, en maintes circonstances est désirable, que tuer autrui doit rester aussi tabou que l’inceste. Le désir, aussi légitime soit-il, ne fait pas la loi. L’amour fait vivre, il ne tue pas.

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Suicide assisté en Grande-Bretagne : une proposition controversée

Suicide assisté en Grande-Bretagne : une proposition controversée

Suicide assisté en Grande-Bretagne : une proposition controversée

 

Le parlement britannique examinera une proposition de loi sur le suicide assisté le 29 novembre prochain.

Présentée par la députée travailliste Kim Leadbeater le 16 octobre 2024, cette proposition de loi sera proposée pour un premier vote à la Chambre des communes, équivalente à l’Assemblée nationale française.

Il s’agit de la première étape d’un processus qui devrait prendre un temps relativement long. Les propositions de loi comme en France sont examinées sur un temps plus contraint que s’il s’agissait d’un projet de loi présenté par le gouvernement. Elles arrivent rarement au bout du processus législatif pour devenir des lois.

Cependant selon le procédé britannique de tirage au sort (ballot bill), ce texte pourrait avoir le temps d’aboutir s’il n’est pas bloqué dès la deuxième lecture. En effet, il figure parmi les 10 premières propositions de députés qui seront examinées durant la nouvelle session du parlement britannique. Après un premier vote le 29 novembre confirmant ou pas la poursuite de l’examen de la proposition, les députés pourraient ensuite présenter des amendements et adopter un texte qui serait ensuite envoyé à la Chambre des Lords.

 

Quel est le contenu de cette proposition ?

Sous le titre « Terminally ill adults (End of Life ) Bill », la loi pour les malades adultes en phase terminale (fin de vie) dispose que toute personne souhaitant mettre fin à ses jours doit :

  • avoir plus de 18 ans, résider en Angleterre ou au Pays de Galles et être inscrite auprès d’un médecin traitant depuis au moins 12 mois ;
  • avoir la capacité mentale de faire un choix et être réputée avoir exprimé une volonté claire, sans contrainte ni pression ;
  • être atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un problème de santé inévitablement évolutif qui ne peut être guéri par traitement avec un décès prévisible à 6 mois ;
  • faire deux déclarations distinctes, attestées et signées, concernant son souhait de mourir ;
  • obtenir deux évaluations médicales par deux médecins avec au moins sept jours entre chaque évaluation.

Cette proposition retient la pratique du suicide assisté : la personne s’auto-administrerait le produit létal fourni par un médecin.

La décision finale de l’éligibilité au suicide assisté reviendrait à un juge de la Haute Cour après avoir entendu au moins un des médecins. Il pourrait interroger la personne demandeuse ou toute autre personne jugée pertinente.

Le suicide assisté ne pourrait ensuite être exécuté qu’après 14 jours minimum suivant la décision du juge.

Le texte précise qu’une personne ne peut être considérée comme malade en phase en terminale si elle souffre d’une maladie mentale ou si elle est handicapée. Les médecins ainsi que l’ensemble des professionnels de santé y compris les pharmaciens pourraient exercer leur clause de conscience pour refuser leur participation à un tel acte. Faire pression ou contraindre quelqu’un à déclarer qu’il veut mettre fin à ses jours, serait passible d’une peine de 14 ans de prison.

Actuellement, la loi applicable en Angleterre et au Pays de Galles est le Suicide Act 1961, qui interdit d’encourager le suicide et aussi de l’assister. En 2015, une proposition visant à autoriser le suicide assisté en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, avait été largement rejetée, par 300 votes contre 118.

Un débat vif outre-Manche

Le nouveau Premier ministre travailliste Sir Keir Starmer s’est dit favorable à cette proposition tout en assurant la liberté de vote sur ce texte. Parmi les promoteurs de cette loi, l’ancienne présentatrice Esther Rantzen, très populaire en Grande-Bretagne se présente comme une influenceuse de poids. Elle-même atteinte d’un cancer des poumons, elle a déclaré avoir adhéré à Dignitas en Suisse pour obtenir un suicide en Suisse si son traitement échouait.

Parmi les opposants, on retrouve des associations de la société civile, notamment regroupant des personnes handicapées ou encore de nombreux soignants. Pour le directeur de Care Not Killing, Gordon MacDonald, cette proposition de loi est précipitée et indécente à un moment où le système de santé britannique, spécialement l’accès aux soins palliatifs est défaillant. La priorité est de les renforcer alors qu’un Britannique sur quatre n’y a pas accès.

D’autre part le 23 octobre dernier, le parlement gallois a voté contre une motion appelant à une nouvelle loi autorisant l’aide médicale à mourir au Pays de Galles et en Angleterre. Ce vote demeure symbolique et ne bloque pas le processus en cours pour l’examen de la proposition de loi à la Chambre des communes, dans la mesure où une loi sur le suicide assisté ne relève pas de la compétence de cette assemblée.

Concernant les autres nations du Royaume-Uni, l’Irlande du Nord n’est pas pour le moment concernée et demeure sous le régime du Suicide Act 1961. Une proposition de loi a été présentée au parlement écossais. Compte tenu des graves implications du texte juridiquement et médicalement, le gouvernement écossais estime que cela excède sa compétence et plaide pour qu’un bouleversement de cette nature soit discuté au niveau du parlement britannique.

Enfin les îles de Man et Jersey, dépendances autonomes de la couronne britannique, examinent actuellement des propositions de loi similaires.

 

Retrouvez tous nos articles sur l’euthanasie et le suicide assisté dans les pays étrangers.

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