Note d’analyse – Avortement dans la constitution

Note d’analyse – Avortement dans la constitution

Note d’analyse

Constitutionnaliser le « droit à l’interruption volontaire de grossesse » : un non-sens

 

Depuis le début de cette législature, l’idée selon laquelle il faudrait inscrire l’avortement dans la Constitution s’est répandue dans notre pays, en écho à la décision de la Cour Suprême des États-Unis le 24 juin 2022 dans l’affaire Dobbs v. Jackson women’s health organisation.

Constitutionnaliser le droit à l’interruption volontaire de grossesse est une procédure à la fois inutile, aléatoire et risquée (I). A plus forte raison, l’accès à l’avortement n’est pas entravé en France (II) alors même qu’une vraie politique de prévention de l’avortement fait défaut et s’avère plus que jamais nécessaire (III).

I – La constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse : une procédure inutile, aléatoire et risquée

  • Une situation différente aux États-Unis et en France

La situation en France est radicalement différente de celle des États-Unis. En France comme dans de nombreux autres pays, l’avortement est régulé par une loi votée par le Parlement. La loi du 17 janvier 1975 légalise et encadre l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et l’interruption médicale de grossesse (IMG).

Aux États-Unis le Congrès, constitué du Sénat (100 sièges) et de la Chambre des représentants (435 sièges) n’a pas voté de loi régulant ou bannissant l’accès à l’avortement. La pratique de l’avortement s’appuie sur deux arrêts de la Cour suprême : l’arrêt Roe vs Wade et l’arrêt de 1992 Planned Parenthood vs Casey. Ce dernier consolidait l’arrêt Roe vs Wade de 1973 tout en modifiant les critères selon lesquels un État américain peut encadrer l’avortement.

C’est cette jurisprudence qui a été renversée par la décision de la Cour suprême du 24 juin. Cette décision revient à ne plus considérer l’avortement comme un droit garanti par la Constitution fédérale, dans la mesure où « la Constitution ne fait aucune référence à l’avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit ».

Par cette décision, la Cour suprême américaine a jugé que la législation sur l’avortement devait relever des États fédérés. Comme le souligne le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, cette décision n’est absolument pas transposable puisque la France est un pays unitaire[1].

  • Une procédure très aléatoire

Comme l’ont écrit les Professeurs Stéphane Mouton et Sophie Paricard, constitutionnaliser l’avortement relève de la « fausse bonne idée »[2] tant du point de vue de la procédure que du droit.

Depuis 1958, il a été procédé au total à vingt-quatre révisions constitutionnelles d’importance inégale. À l’exception des deux premières, les révisions ont été opérées en application de l’article 89 de la Constitution. Vingt-et-une ont été approuvées par le Congrès et une seule en 2000, par référendum, concernant la réduction à cinq ans du mandat présidentiel.

La révision de la Constitution peut avoir lieu soit à l’initiative du président de la République soit à l’initiative du Parlement.

Dans ce domaine, les deux assemblées parlementaires disposent des mêmes pouvoirs ce qui implique que le projet ou la proposition de loi constitutionnelle soit voté, dans les mêmes termes, par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Le texte est définitivement adopté soit par référendum, soit par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès à Versailles.

L’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958 fixe les règles de révision de la Constitution. Depuis son entrée en vigueur cette procédure a abouti à vingt-deux reprises.

La procédure prévue par l’article 89 présente la caractéristique de requérir l’existence d’un consensus au sein de l’exécutif et l’accord des deux assemblées. L’opposition du président de la République, du Premier ministre ou de l’une des deux assemblées suffirait, en effet, à empêcher la révision d’aboutir.

  • Un droit qui ne serait pas « intouchable »

Il ressort de l’analyse des auteurs précités que « dans notre système de protection constitutionnelle des droits et libertés, la constitutionnalisation d’un droit ne revient pas à l’insérer dans un patrimoine juridique constitutionnel où il deviendrait dès lors intouchable par le législateur ».

C’est en effet la loi qui fait vivre les droits constitutionnels. « C’est elle qui les reconnaît, les organise, en fixe les bornes, même en présence d’un contrôle de constitutionnalité efficace ».

Qui plus est, constitutionnaliser le droit à l’interruption volontaire de grossesse n’aurait de sens – à savoir garantir son accès – que s’il s’agissait d’ériger un droit de pleine portée, c’est-à-dire un droit subjectif qui serait alors assimilable à un « droit à », impliquant un créancier et un débiteur.

Or, comme le rappelle la doctrine[3], « l’IVG n’a en ce sens jamais constitué un droit subjectif », la loi ayant organisé une tolérance par rapport au comportement modèle qu’est la protection de la vie du fœtus. Et de rappeler aussi que le législateur de 1975 organisait la prévention, la dissuasion et le contrôle des interruptions volontaires de grossesse. Ainsi le professeur Bertrand Mathieu précise que, sans être une personne titulaire de droits, le fœtus bénéficie d’une protection constitutionnelle. Même si la législation a évolué, elle a toujours pris en compte la protection de la vie du fœtus.[4]

L’interruption volontaire de grossesse n’est donc ni un droit subjectif, ni un droit absolu qui permette de s’abstraire de toute condition, la seule volonté de la femme devant alors garantir son effectivité. Comme l’explique le professeur Bertrand Mathieu, « si on reconnaissait un véritable droit à l’avortement, cela aboutirait à reconnaître à la femme un droit absolu sur la vie du fœtus, en excluant la prise en compte de ce qui reste de protection de ce dernier. »[5]

Si l’on va plus loin, c’est tout le cadre législatif de l’avortement en France qui devrait tomber. Il deviendrait possible d’exiger une interruption volontaire de grossesse jusqu’à son terme ou en raison du sexe de l’embryon/du fœtus. La loi bioéthique de 2021 qui encadre l’interruption médicale partielle de grossesse multiple, réaffirme l’interdiction d’avorter selon des critères relatifs « aux caractéristiques des embryons ou des fœtus, y compris leur sexe. »

L’avortement selon le sexe fait l’objet de plusieurs condamnations au niveau international. Ainsi, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté en 2011 une résolution (1829) condamnant « la pratique de la sélection prénatale en fonction du sexe ».

Le texte souligne que « la pression sociale et familiale exercée sur les femmes afin qu’elles ne poursuivent pas leur grossesse en raison du sexe de l’embryon/fœtus doit être considérée comme une forme de violence psychologique et que la pratique des avortements forcés doit être criminalisée ». Au sein de l’ONU, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) milite contre ce phénomène depuis plus de 20 ans.

Cet organisme international a sonné l’alarme concernant la préférence envers les garçons et aide les réseaux communautaires à lutter contre la sélection prénatale procédant d’un préjugé sexiste[6]. Le Fonds a collaboré avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en vue d’élaborer et de publier, en 2010, la toute première déclaration interinstitutions des Nations Unies sur cette question.

En mars 2017, l’UNFPA, avec un financement de l’Union européenne, a lancé le Programme mondial pour prévenir la préférence pour les fils et la sélection basée sur le sexe, le premier effort mondial de ce type.

Ainsi, il appartient au législateur d’établir les règles régissant le droit à l’interruption volontaire de grossesse, ce qu’il a fait à plusieurs reprises depuis 1975 (cf. annexe).

II – L’accès à l’avortement n’est pas entravé : le nombre d’IVG à un niveau élevé

223 300 interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été enregistrées en France en 2021. Le nombre d’IVG est stable par rapport à 2020[7]. Selon l’étude de la DREES, « alors que le nombre d’IVG oscille depuis le milieu des années 2000 autour de 225 000 par an, le taux global de recours à l’IVG tend à augmenter, dans un contexte où le nombre de femmes en âge de procréer baisse ».

En 2021, il s’établit à 15,5 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans. Si les plus forts taux d’avortement demeurent dans la tranche des 20-29 ans (24,8 pour 1000 pour les 20-24 ans et 27,2 pour 1000 pour les 25-29 ans), l’étude constate une légère tendance à la hausse au-delà de 30 ans.

Le nombre élevé des IVG pratiquées démontre que l’accès à l’avortement n’est pas entravé. En comparaison, le taux français d’IVG représente plus du double de celui de l’Allemagne.

Par contre l’avortement peut s’avérer un marqueur d’inégalité sociale qui doit alerter les pouvoirs publics. En 2020, les données sur l’IVG ont été appariées avec des données fiscales pour l’année 2016, démontrant ainsi une corrélation nette entre niveau de vie et IVG. Il en ressort que les femmes aux revenus les plus faibles y ont davantage recours[8].

La dernière enquête de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), parue le 14 janvier 2021, révèle que les Français souhaiteraient avoir en moyenne un enfant de plus. Parmi les facteurs bloquant cette réalisation du désir d’enfant, il y aurait les difficultés matérielles et financières des familles ne leur permettant pas de s’agrandir (enjeu de trouver un emploi stable, un logement fixe et décent, etc.).

Il y a également l’équilibre difficile entre la vie privée et professionnelle, avec un emploi du temps peu aménageable. Enfin, les politiques publiques de prestations et de prélèvements s’avèrent de moins en moins avantageuses pour les parents, avec des coupes budgétaires importantes et une augmentation du budget pour le logement.

Des études récentes montrent également des liens entre les violences conjugales et les interruptions volontaires de grossesse à répétition[9]. En France, le lien entre IVG et violences demeure cependant peu exploré :  très peu de médecins posent systématiquement la question des violences aux femmes réalisant une IVG[10]. Or, on sait que pour 40 % des 201 000 femmes concernées chaque année par les violences du conjoint, celles-ci ont débuté à la première grossesse[11].

Pourtant, les révisions successives de la loi sur l’avortement n’ont conduit à aucune évaluation, ni étude épidémiologique sur les causes et les conséquences de l’IVG, pourtant considérée comme un acte qui n’est pas anodin. Et elles n’ont pas plus conduit à une évaluation quant à leur impact sur la vie des femmes. 

Cette situation est d’autant plus alarmante que la nécessité est plus que jamais à la prévention de l’avortement.

III – Pour une vraie politique de prévention de l’avortement

L’urgence est à la protection des femmes contre toute violence, spécialement celles que constituent les pressions – souvent masculines –  mais aussi sociales pour les femmes les plus vulnérables qui les poussent trop souvent à avorter à contrecœur.

La priorité est la mise en place d’une véritable politique de prévention de l’avortement qui contribuerait à résoudre un grand nombre de drames personnels, en présentant aux femmes des perspectives autres que l’avortement.

Un sondage IFOP (octobre 2020) révèle que 92 % des Français jugent que l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes et 73 % estiment que la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’interruption volontaire de grossesse[12].

C’est pourquoi Alliance VITA demande :

  • la conduite d’une étude épidémiologique sur les 20 dernières années qui analyse les causes, les conditions et les conséquences de l’avortement,
  • la mise en place d’une véritable politique de prévention de l’avortement par en priorité :
    • une information sur l’efficacité réelle de la contraception et ses échecs potentiels : 72% des femmes qui avortent utilisaient un moyen de contraception lorsqu’elles ont découvert leur grossesse,
    • le soutien et l’accompagnement personnalisé des femmes enceintes en difficulté,
    • la protection des femmes face aux pressions et aux violences qu’elles peuvent subir pour les conduire à avorter,
    • la formation des personnels de santé et des acteurs sociaux aux pressions qui peuvent s’exercer sur les femmes enceintes,
    • la délivrance d’une information complète lors des consultations d’IVG sur les aides et droits spécifiques aux femmes enceintes,
    • la revalorisation de la politique familiale, incluant des mesures adaptées qui permettent aux jeunes femmes de concilier vie familiale, études et entrée dans la vie professionnelle,
    • un soutien particulier pour les jeunes femmes étudiantes alors que 85% des grossesses imprévues survenant pendant les études se terminent par une IVG et que les 20-29 ans concentrent les plus forts taux d’IVG :
      • un soutien financier pour continuer leurs études,
      • des solutions de logement,
      • des solutions de garde d’enfant et des aménagements concrets de leurs études adaptés à leur situation de femmes enceintes et de jeunes parents,
      • l’élargissement du RSA au couples étudiants qui attendent un enfant et/ou qui sont jeunes parents,
      • le déploiement d’un service d’accompagnement et de soutien adapté comme le Samely pour les lycéennes.

Novembre 2022

[1] Mathieu B. (2022, 27 juin). L’avortement n’est pas un droit fondamental, mais une liberté fondamentale. La Croix. Extrait de https://www.la-croix.com/Debats/Lavortement-nest-pas-droit-fondamental-liberte-fondamentale-2022-06-27-1201222238

[2] Mouton Stéphane, Paricard Sophie. La constitutionnalisation de l’avortement : une fausse bonne idée. Recueil Dalloz, 1er septembre 2022, n° 29, p. 1475.

[3] Ibid., p. 1476

[4] Mathieu B. (2022, 27 juin). L’avortement n’est pas un droit fondamental, mais une liberté fondamentale. La Croix. Extrait de https://www.la-croix.com/Debats/Lavortement-nest-pas-droit-fondamental-liberte-fondamentale-2022-06-27-1201222238

[5] Ibid.

[6] UNFPA. Sélection prénatale du sexe. Unfpa.org. Extrait de https://www.unfpa.org/fr/s%C3%A9lection-pr%C3%A9natale-du-sexe#readmore-expand

[7] DREES, « Interruptions volontaires de grossesse : la baisse des taux de recours se poursuit chez les plus jeunes en 2021 », Etudes et Résultats, 2022/09, n°1241, p.1. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-09/er1241.pdf

[8]  DREES, « Interruptions volontaires de grossesse : une hausse confirmée en 2019 », Etudes & Résultats, 2020/9 n°1163, p.1. Extrait de https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/ER%201163.pdf

[9] Pinton A. et al., « Existe-t-il un lien entre les violences conjugales et les interruptions volontaires de grossesses répétées ? », Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie, 2017/7-8, Volume 45, pages 416-420. Extrait de : https://www.em-consulte.com/article/1135904/existe-t-il-un-lien-entre-les-violences-conjugales

[10] Pelizzari Mélanie et al., « Interruptions volontaires de grossesse et violences : étude qualitative auprès de médecins généralistes d’Île-de-France », Cliniques méditerranéennes, 2013/2 n° 88, p. 69-78.

[11] AFP (2014, 23 novembre). La grossesse, un moment clé pour détecter les violences conjugales. France 3 Hauts-de-France. Extrait de https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/2014/11/23/la-grossesse-un-moment-cle-pour-detecter-les-violences-conjugales-598208.html

[12] Ifop pour Alliance VITA, « Les Français et l’IVG », Ifop.com, 2020/10. Extrait de https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2020/10/117639-Rapport-01.10.2020-V2.pdf

constitutionnaliser le droit à interruption volontaire de grossesse : un non-sens

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :

GPA : la Cour de cassation confirme la déconnection d’un site commercial

GPA : la Cour de cassation confirme la déconnection d’un site commercial

Dans un jugement rendu le 24 novembre,  la Cour de cassation a confirmé l’obligation pour l’hébergeur OVH de déconnecter sur le territoire français un site commercial espagnol offrant des prestations de gestation par autrui (GPA), interdites en France.

L’affaire court depuis juin 2016, date à laquelle l’association Juristes pour l’enfance avait mis en demeure l’hébergeur de retirer ce site délictueux. Condamné, l’hébergeur avait fait appel et la cour d’appel de Versailles avait confirmé la décision de première instance.

La société OVH a par la suite fait grief à l’arrêt attaqué « d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il lui a fait injonction de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français », invoquant la liberté d’expression.

La Cour de cassation a confirmé l’arrêt et sommé l’hébergeur de rendre le site inaccessible dans la mesure où il permettait à des ressortissants français d’avoir accès à une pratique illicite en France.

Comme le souligne l’association Juristes pour l’enfance dans un communiqué : cette décision «  ouvre une brèche dans l’impunité dont bénéficient jusqu’à maintenant les marchands de GPA, qui exploitent la misère des femmes étrangères et la souffrance des Français sans enfants ».

Alliance VITA qui agit pour l’abolition mondiale de la GPA salue cette décision. Elle contribue à une prise de conscience de la grave atteinte que constitue la pratique de la GPA sur les droits des femmes et des enfants.

[CP] – IVG dans la constitution : un débat confisqué qui passe à côté de la réalité

[CP] – IVG dans la constitution : un débat confisqué qui passe à côté de la réalité

Les députés viennent de voter en première lecture l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Une fois encore le sujet de l’avortement est instrumentalisé par des partis politiques dans un jeu de tactique politicienne. Il n’y a eu aucun débat mais des discussions totalement déconnectées de la réalité de l’avortement et de ce que vivent de nombreuses femmes.

Alors que la France se trouve dans une situation économique et sociale difficile, la priorité est avant tout de soutenir les Français, ce qui a été totalement éludé par la plupart des députés.

Directrice générale adjointe d’Alliance VITA et coordinatrice de ses services d’écoute, Caroline Roux précise : « A Alliance VITA nous sommes témoins que toutes les femmes n’avortent pas librement et par choix. Beaucoup avortent à contre cœur sous la pression du partenaire, de l’entourage ou des conditions économiques.  Le silence assourdissant sur ces situations rendues invisibles est une grave injustice. A force de revendiquer l’avortement comme un droit, on passe sous silence des situations pourtant connues des pouvoirs publics : les femmes les plus pauvres avortent le plus. D’autre part, à aucun moment de l’examen n’a été signalé le lien entre violence et IVG à répétitions pourtant confirmé par des études.

Nous comptons sur les sénateurs pour ne pas céder à ce qui se présente comme une fuite en avant : il est temps de regarder la réalité en face en analysant les causes, les conditions et les conséquences de l’avortement depuis ces 20 dernières années pour mener une véritable politique de prévention. Cela contribuerait à résoudre un grand nombre de drames personnels, en présentant les soutiens adaptés aux femmes qui souhaiteraient éviter l’avortement. »

Contact presse
contactpresse@alliancevita.org

[CP] – IVG dans la constitution : un débat confisqué qui passe à côté de la réalité

[CP]- IVG dans la constitution : un faux débat

L’Assemblée nationale examine demain la proposition de loi de LFI (La France Insoumise) prévoyant que « Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits. » Alliance VITA dénonce un faux débat.

Depuis le début de cette législature, l’idée s’est répandue chez certains politiques qu’il faudrait modifier la Constitution en écho à la décision de la Cour Suprême des États-Unis du 24 juin 2022.

La situation en France est pourtant radicalement différente de celle des États-Unis. Dans ce pays il n’y a pas de loi fédérale régulant l’avortement. L’arrêt de la cour suprême renvoie désormais la législation de l’avortement aux Etats fédérés. En France comme dans de nombreux autres pays, l’avortement est encadré par des lois votées par le Parlement.

Dans notre pays, le nombre d’IVG demeure à un niveau élevé avec 223 300 interruptions volontaires de grossesse (IVG) enregistrées en 2021 et un taux record de recours (15,5 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans en 2021).

Ce faux débat autour de la constitutionnalisation occulte la réalité de l’IVG aujourd’hui. Non seulement le dernier rapport de la DREES montre que le taux global de recours à l’IVG a tendance à augmenter, mais l’organisme a également établi en 2020 que ce sont les femmes les plus pauvres qui avortent le plus souvent (rapport 2020). L’IVG s’avère ainsi un marqueur d’inégalités sociales qui devrait alerter les pouvoirs publics.

Des études récentes montrent aussi des liens entre les violences conjugales et les interruptions volontaires de grossesse à répétition. En France, le lien entre IVG et violences demeure cependant peu exploré :  très peu de médecins posent systématiquement la question des violences aux femmes réalisant une IVG[1]. Or, on sait que pour 40 % des 201 000 femmes concernées chaque année par les violences du conjoint, celles-ci ont débuté à la première grossesse.

Par ailleurs, inscrire un droit inconditionnel à l’avortement dans la constitution pourrait faire sauter le cadre législatif actuel et conduire à un accès illimité à l’IVG. On peut craindre qu’il devienne alors possible d’exiger une IVG jusqu’à son terme ou en raison du sexe.

Ces gesticulations politiciennes occultent la réalité de ce que vivent les femmes : la nécessité est plus que jamais à la prévention de l’avortement et à permettre à celles qui le souhaitent de poursuivre leur grossesse.

Contact presse
contactpresse@alliancevita.org

[1] Pelizzari Mélanie et al., « Interruptions volontaires de grossesse et violences : étude qualitative auprès de médecins généralistes d’Île-de-France », Cliniques méditerranéennes, 2013/2 n° 88, p. 69-78.

Euthanasie et suicide assisté :  vigilance sur la sémantique

Euthanasie et suicide assisté : vigilance sur la sémantique

Euthanasie et suicide assisté : vigilance sur la sémantique

 

Selon Le Figaro, l’académicien Erik Orsenna a été mandaté pour expliquer le vocabulaire de la fin de vie avec publication des premiers éléments dès début décembre 2022 au moment du démarrage de la convention citoyenne.

Alors que la consultation citoyenne sur la fin de vie s’installe progressivement, le débat apparait dans sa complexité. Sédation, acte à double effet, traitements curatifs ou soins palliatifs autant de mots qui nécessitent des explications pour des non-initiés.

Gare aux mots « paravents » pour cacher la réalité de l’euthanasie et du suicide assisté

Le président de la République dit souhaiter un débat apaisé : « Pour ne pas crisper, les macronistes ont donc peu à peu banni le mot « euthanasie » pour l’expression « fin de vie »  souligne le quotidien Le Monde. Lors de son entrevue à Rome avec le pape, Emmanuel Macron a déclaré lui avoir dit qu’il n’aimait pas le mot euthanasie. Mais récuser le mot, sans exclure le geste serait inoculer de la confusion dans le débat.

Le Comité consultatif national d’éthique, de son côté, dans son avis n°139 a parlé d’aide active à mourir englobant le suicide assisté et l’euthanasie. En 2012, François Hollande alors candidat à l’élection présidentielle, avait inclus dans sa mesure 21 la mention « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. » Cette expression floue, qui entretenait l’ambiguïté, a abouti au vote de la loi Claeys Leonetti qui ne pouvait que générer des interprétations divergentes. En revanche l’expression n’a pas été retenue par la loi.

Les législateurs au Canada ont quant à eux tenté d’aseptiser le mot euthanasie avec le sigle AMM pour aide médicale à mourir. La mise en pratique ne trompe malheureusement pas dans ce pays qui connait une pente glissante  en matière d’euthanasie. Depuis la légalisation en 2016, les critères d’éligibilité se sont élargis pour englober les personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie. Des défenseurs de personnes handicapées et des droits de l’homme alertent sur l’ «impact discriminatoire» de cette mesure. Au point que des personnes souffrant de maladie ou de handicap demandent l’euthanasie comme alternative à la pauvreté, car elles ne peuvent pas subvenir à leurs besoins.

Du glissement sémantique à la manipulation, il n’y a qu’un pas. Vigilance donc sur toute éventualité de manipulation des mots qui nuirait à la compréhension des enjeux par les citoyens. Les défis à prendre en compte sont multiples. Ils concernent notamment l’accompagnement du vieillissement et de la fin de vie, la finalisation d’une loi grand âge et autonomie, la lutte contre la mort sociale des personnes âgées ou dépendantes, l’accessibilité des soins palliatifs partout en France, ou encore le lien et la solidarité entre générations. Il est enfin crucial de ne pas occulter les conséquences délétères de la suppression de l’interdit de tuer pour la dignité humaine et la relation entre soignants et soignés.