Journée internationale des personnes âgées : Changeons nos regards pour changer sa vie !

Journée internationale des personnes âgées : Changeons nos regards pour changer sa vie !

Journée internationale des personnes âgées : Changeons nos regards pour changer sa vie !

 

Lancée par Alliance VITA au début de cette année, cette campagne est plus que jamais d’actualité en cette journée internationale des personnes âgées.

Dans une société où priment l’individualisme, la force, la performance et la rentabilité, la vulnérabilité des personnes âgées renvoie chacun à ses peurs : celle de se retrouver seul, de perdre sa liberté, de se sentir inutile, de peser sur ses proches, de susciter du dégoût, de la maltraitance, de trop souffrir. Or ces peurs, dès lors qu’elles sont ignorées et non prises en compte, expliquent la désespérance et les tentations de dérives éthiques qui peuvent survenir en fin de vie.

Pour contrer ces peurs et ces angoisses, les membres d’Alliance VITA sont allés à la rencontre des Français pour distribuer des dépliants proposant des réponses accessibles et ajustées aux peurs qui s’emparent de tous face au grand âge. Egalement déployée dans 7 grandes villes de France par voie d’affichage, cette campagne a pris la forme d’un appel humanitaire pour changer de regard sur ceux qui peuvent se sentir marginalisés et pour mobiliser le plus grand nombre possible auprès des personnes âgées.

En France, les personnes de plus de 75 ans se suicident deux fois plus que le reste de la population*et 530 000 personnes âgées sont en situation de « mort sociale. »**

Face à cette réalité qui n’est pas une fatalité, « changeons nos regards pour changer sa vie », est un appel durable à la mobilisation de tous auprès des personnes âgées pour inventer des façons de vivre qui relient les générations, font une place à tous, et en particulier aux plus fragiles.

Alors que le président de la République ouvre un débat à haut risque sur  l’euthanasie, Alliance VITA est plus que jamais mobilisée pour défendre la solidarité et l’entraide afin que chaque personne âgée soit bien-traitée, se sente considérée, puisse encore faire des choix et soit entourée.

3 grandes priorités doivent animer les pouvoirs publics :

  • Adopter la loi Grand âge et autonomie injustement reportée durant tout le précédent quinquennat.
  • Faire de l’humanisation des EHPAD une grande cause nationale impliquant toutes les générations.
  • Rendre les soins palliatifs accessibles aux personnes âgées vivant à domicile et en EHPAD.

Nous avons tous fait l’expérience de belles rencontres avec nos anciens, au sein de nos familles ou avec des voisins. Sachons cultiver ces relations pour garder intact chez nos aînés le goût de la vie, une sagesse qu’ils savent aussi nous transmettre.  

 

*Observatoire national du suicide 2020

** Selon la 2ème édition du baromètre sur la solitude et l’isolement des plus de 60 ans de l’association les Petits Frères des Pauvres.

action 2022 changeons nos regards pour changer sa vie campagne affichages

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L’état de santé en France : une photographie pour 2022

L’état de santé en France : une photographie pour 2022

L’état de santé en France : une photographie pour 2022

 

La DREES, Direction de la Recherche des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques, vient de publier un rapport annuel sur l’état de santé de la population en France. La synthèse présentée au début du dossier met en avant “une évolution contrastée parcourue par de fortes inégalités“.

Le vieillissement et son impact

Le premier constat du rapport porte sur le phénomène bien connu du vieillissement de la population. Les personnes âgées de plus de 75 ans représentent 9% de la population, contre 4.3% en 1960. Les projections démographiques situent ce pourcentage à 13% en 2032 et 16% en 2052. Ces personnes sont davantage sujettes à des pathologies chroniques ou des poly-pathologies. 91% de ces personnes ont au moins une pathologie ou un traitement chronique. La consommation de psychotropes est plus élevée : 27% de ces personnes y ont eu recours, contre 9% de la population générale.

Les maladies de type Alzheimer sont un sujet important de santé publique : 760.000 personnes ont été identifiées comme atteintes de MAAD (Maladie d’Alzheimer et autres démences), avec des difficultés à la fois pour elles et leur entourage.

Au total, le vieillissement de la population est donc source de besoins supplémentaires dans le système de soins, alors que celui-ci connait des tensions importantes.

 Ambiguïté de la notion d’”espérance de vie” sans incapacité

Le rapport consacre une page à l’espérance de vie (EV) et le concept d’espérance de vie sans incapacité (EVSI). L’espérance de vie à la naissance est en constante augmentation, mais sa progression est moins rapide ces dernières années. En 2021, elle atteint 85.4 ans pour les femmes et 79.3 ans pour les hommes, un écart qui a tendance à se réduire sur les dernières années.

L’espérance de vie sans incapacité, aussi appelée espérance de vie en bonne santé, “évalue, à la naissance, le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne, compte tenu des conditions sanitaires du moment“.

En France, elle est estimée à 65.9 ans pour les femmes et 64.4 ans pour les hommes. Il est important de noter que si l’espérance de vie se calcule à partir de données démographiques sur l’ensemble de la population, l’espérance de vie en bonne santé est produite à partir d’une enquête sur la base des réponses données à la question : « Êtes-vous limité(e), depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé dans les activités que les gens font habituellement ?

Les réponses possibles sont :

  1. oui, fortement limité(e) ;
  2. oui, limité(e) mais pas fortement ;
  3. 3. non, pas limité(e) du tout ».

La méthodologie précise que “seules les personnes qui ne déclarent aucune limitation sont considérées comme en bonne santé”. Cet indicateur fait partie des indicateurs de richesse nationale de l’INSEE. La présentation cite un directeur général de l’OMS, le Dr Hiroshi Nakajima, qui déclarait en 1997: « sans la qualité de la vie, une longévité accrue ne présente guère d’intérêt (…) l’espérance de santé est plus importante que l’espérance de vie ».

Si l’importance d’une bonne santé est indéniable, il serait dommageable de ne regarder les difficultés liées au vieillissement que sous l’angle d’une incapacité. La sagesse des anciens et leur apport à notre société ne doivent pas être occultés par des indicateurs statistiques dont la construction est par ailleurs fragile, puisque dépendant de la notion subjective d’une limitation des activités.

 

Inégalités sociales et territoriales

Le rapport détaille de nombreux exemples de disparités et d’inégalités dans l’état de santé des Français. Ainsi, la mortalité pour les décès dus au cancer est plus forte dans le Nord et le Nord Est de la France. Le niveau de CSP (catégorie socio-professionnelle) a un impact sur l’espérance de vie : à partir de 35 ans, un cadre homme vit en moyenne 6 ans de plus qu’un ouvrier. Pour certaines maladies chroniques, type diabète, et les maladies psychiatriques, on observe des surrisques importants entre les catégories les moins aisées et les plus aisées.

Par exemple les 10% de la population les plus modestes sont 2.8 fois plus atteints de diabète que les 10% de la population les plus aisés.

Concernant la COVID 19, la proportion de personnes hospitalisées décroit avec le niveau de vie de ces personnes. Si la tendance à la sédentarité est générale dans la population, l’obésité concerne davantage les personnes à faible niveau de vie. Le rapport indique que “17 % des individus dont le niveau de vie est inférieur au premier quart de la distribution sont obèses contre 10 % pour ceux dont le niveau de vie appartient au quartile de niveau de vie supérieur”.

La participation aux dépistages présente aussi des écarts entre catégories sociales. Concernant l’avortement, le rapport confirme les données précédentes indiquant que les femmes au niveau de vie les plus faibles y ont davantage recours. Enfin, il faut noter que les Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM) sont particulièrement touchés par beaucoup des inégalités analysées dans le rapport.

Au total, cette photographie détaillée de la DREES de l’état de santé de la population française confirme la nécessité voire l’urgence d’améliorer le système de santé actuel pour une meilleure prise en charge de toute la population. En particulier, prévoir les besoins de soins des personnes âgées est majeur pour les années à venir, au rebours d’une logique de rationnement de soins.

 

état de santé en france

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[CP] – Pour une prévention de l’avortement

[CP] – Pour une prévention de l’avortement

Les nouveaux chiffres de l’avortement révèlent un fort taux d’avortement à 15,5 pour mille, plus du double que nos voisins allemands. 76% des IVG sont médicamenteuses contre 68% en 2019 et 31% en 2000 et parmi elles, 30% ont lieu à domicile. Ce type d’avortements qui se pratique avant 7 semaines de grossesse peut induire un sentiment de précipitation qui prive certaines femmes d’un temps de réflexion, spécialement quand elles subissent des pressions de leur environnement ou des violences conjugales.

La mise en exergue d’un « droit à l’avortement » empêche toujours de regarder objectivement la réalité de l’IVG, de parler de ce que vivent les femmes et des soutiens qui pourraient leur être apportés pour l’éviter. Entretenu par un certain militantisme qui infantilise les femmes en leur faisant injonction de considérer toute IVG comme anodine, ce silence confine à la désinformation. En particulier, toutes les formes de violence que subissent les femmes confrontées à des grossesses inattendues, spécialement les pressions masculines, sont la grande injustice dont l’expression est interdite. L’absence d’information sur les échecs de contraception conduit par ailleurs à de graves malentendus entre les hommes et les femmes. C’est une grande illusion de croire que toutes les femmes avortent librement et par véritable choix.

En outre, dans un contexte de dégradation du pouvoir d’achat et d’érosion de la politique familiale, l’avortement ne devrait jamais s’imposer comme une fatalité à celles qui connaissent des difficultés économiques et financières. Or, on sait grâce à la Drees que ce sont les femmes aux revenus les plus faibles qui y ont davantage recours. Peut-on se satisfaire que l’avortement soit un marqueur d’inégalité sociale ?

Ces situations doivent nous mobiliser. Le tabou sur ces situations est une grave injustice alors qu’il s’agit d’un acte irréversible qui met des vies en jeu.

Que l’avortement soit considéré comme une liberté ou non – et même si les oppositions sur ce sujet demeurent irréductibles – cela ne doit pas empêcher notre société de protéger les femmes qui veulent éviter l’IVG.

A ce titre, selon un sondage IFOP réalisé en octobre 2020, 92% des Français estiment que “l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes et près de trois quart (73%) d’entre eux jugent également que “la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’Interruption Volontaire de Grossesse”.

Alliance VITA demande qu’une étude sur les causes, les conditions et les conséquences de l’avortement soit conduite qui aiderait à mettre en place une véritable politique de prévention qui respecte les femmes.

 

Contact presse 
contactpresse@alliancevita.org

Euthanasie : un sujet loin du consensus

Euthanasie : un sujet loin du consensus

“C’est le moment de faire, alors nous ferons”. Ces propos tenus ce mois-ci par Emmanuel Macron à Line Renaud sur l’euthanasie reflètent-ils un calcul sur l’opportunité d’une diversion quand d’autres sujets – les retraites, le pouvoir d’achat, l’énergie, le système de santé- secouent notre société ? Ou viennent-ils d’une impression qu’il y aurait consensus sur la fin de vie de sorte qu’une loi majoritairement approuvée par les Français s’inscrirait au crédit du pouvoir actuel ? Le choix du timing repose-t-il sur le pari de faire passer sans heurt un sujet assez éloigné des préoccupations principales des Français et qui risque au pire de susciter l’indifférence ?

Après une élection présidentielle marquée par une nouvelle poussée de l’abstention, premier parti de France selon l’expression des commentateurs, après une élection législative montrant un paysage politique plus morcelé, comment ont réagi les parties prenantes au débat qui s’annonce sur la fin de vie?

 

Donner la mort n’est pas un soin : de nombreux soignants réagissent à l’avis du CCNE

 

Au front du combat contre la souffrance, aux côtés des patients, les soignants sont nombreux à avoir réagi aux annonces simultanées du CCNE et de l’Elysée mardi 13 septembre. Ainsi, neuf sociétés savantes et associations, toutes impliquées dans la fin de vie et les soins, se sont exprimées dès la publication de l’avis du CCNE pour affirmer que “donner la mort n’est pas un soin”.  Le texte complet est disponible sur le site de la SFAP. Elles relèvent l’absence de consensus au sein du CCNE sur cet avis, et rappellent que “leurs pratiques soignantes actuelles sont ancrées dans une déontologie et une éthique médicale claire, caractérisée par une longue continuité historique“. En effet le serment d’Hippocrate date du IV° siècle avant JC et fait promettre à chaque médecin : “je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion“. Le président de l’Ordre National des Médecins, François Arnault s’est exprimé dans une interview au Quotidien du médecin pour redire que “l’Ordre n’est pas favorable à l’euthanasie“, et en cas de légalisation d’une forme de mort médicalement administrée, il a rappelé la nécessité de prévoir une clause de conscience spécifique. Il a également souligné le retard de la France dans le déploiement des soins palliatifs et “qu’il faut lutter contre ces inégalités d’accès aux soins palliatifs, par la formation, et déjà par l’application de la loi Leonetti Claeys“.

Un infirmier en soins palliatifs, Xavier, a témoigné sur France Info que La mort n’a jamais été et ne sera jamais une réponse digne à la souffrance”. Connu sous son nom de plume de l’homme étoilé, auteur dessinateur d’une bande dessinée à succès sur sa vie quotidienne auprès des malades, intitulée “à la vie”, il a jugé que la loi actuelle est “bien ficelée et cohérente”. Le soin est au cœur de sa vocation et il a ajouté : “je ne crois pas en une médecine dont le rôle tiendrait à déterminer qui est éligible ou non à mourir”.

Un médecin en soins palliatifs à l’Institut Curie, Alexis Burnod dans une interview à Paris Match témoigne du chemin positif fait par les patients lorsqu’ils sont accompagnés et leur douleur prise en charge. Sur la question du cadre législatif, il note les dérives des pays qui ont légalisé l’euthanasie et souligne que “dès lors qu’une loi est adoptée, il est difficile d’éviter qu’elle se transforme en encouragement au suicide.

Jean Leonetti, auteur de la loi de 2005 et co-auteur de celle de 2016 rappelle que “La vie humaine est la valeur suprême” et qu’il faut “avancer avec prudence” sur “la transgression majeure de donner la mort à quelqu’un.”

 

Dans la presse

 

Une tribune de Jeanne-Emmanuelle Hutin dans Ouest France rappelle les paroles fortes tenues en 2008 par Robert Badinter, Garde des Sceaux ayant fait voter l’abolition de la peine de mort en 1982:  “L’État a-t-il le pouvoir et le droit de dire : « Puisque vous voulez mourir je vais vous tuer ? » […] La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie. Il y a ce principe que l’État doit respecter“. Une autre tribune dans le Figaro aborde la question de l’enfermement dans des scénarios où seule la performance et l’apparence compteraient, dans l’hypothèse où une loi légaliserait l’euthanasie. Dans un article d’analyse politique, deux journalistes du Monde soulignent l’importance pour E. Macron “d’éviter de donner l’impression qu’il aurait en tête un scénario déjà écrit“. Parmi les écueils d’une légalisation, elles mettent en avant la difficulté de “définir des exceptions sans qu’elles ne puissent être jugées arbitraires ?

 

Les représentants des religions en faveur du mieux vivre

 

De nombreux représentants des cultes ont affirmé leur soutien aux soins palliatifs et à l’urgence d’un accès équitable sur tout le territoire français. Le grand Rabbin de France, Haïm Korsia, a estimé “qu’il n’y a nul besoin d’aller plus loin que la loi actuelle“. Il considère une légalisation comme une “rupture anthropologique classique” qui “frise l’eugénisme“. La Fédération protestante de France (FPF) a dit sa crainte qu’un changement de la législation soit motivé par des “motifs économiques ou idéologiques“. Interrogé dans l’avion le ramenant du Kazakhstan, le Pape François a eu une réponse lapidaire : « Tuer, ce n’est pas humain. Point. Si tu tues avec des motivations, tu finiras par tuer de nouveau. Ce n’est pas humain.” Dans une tribune du Monde, les évêques français ont rappelé la mobilisation nationale au moment de la crise de la Covid 19 et interrogent la contradiction avec une légalisation de l’euthanasie : “Comment comprendre que, quelques mois seulement après cette grande mobilisation nationale, soit donnée l’impression que la société ne verrait pas d’autre issue à l’épreuve de la fragilité ou de la fin de vie que l’aide active à mourir, qu’un suicide assisté ?

L’euthanasie reflète une collectivité qui manque de solidarité“. Cet extrait du livre le promeneur immobile de Philippe Pozzo ramasse en peu de mots un enjeu fort du débat qui s’ouvre. 

L’effet Werther ou la contagion suicidaire

L’effet Werther ou la contagion suicidaire

L’effet Werther ou la contagion suicidaire

 

En 1774 parut le roman de Goethe Les Souffrances du jeune Werther. Il s’achève par le suicide du jeune homme. On découvrit que de nombreux jeunes lecteurs mettaient fin à leurs jours de la même façon que le héros du livre, au point que ce dernier fut frappé d’interdiction. L’effet Werther, décrit en 1982 par le sociologue américain David Philipps, est régulièrement vérifié lors des suicides de personnalités emblématiques.

 

Dans les semaines qui ont suivi celui de la chanteuse Dalida (1987), on a déploré près de 25% de hausses des suicides chez les femmes de 45-59 ans. Le phénomène a aussi été constaté après la mort de l’ancien Premier ministre Pierre Bérégovoy (1992), ou celle du chanteur Kurt Cobain (1994) : à chaque fois, dans les semaines qui suivirent, de nombreuses personnes de la même tranche d’âge, en général du même sexe, ont mis fin à leurs jours, attestant un lien de cause à effet entre leur passage à l’acte et l’information qu’ils avaient reçue du suicide de la célébrité. Tout se passe comme si l’exemple avait cassé le fil qui retenait ces personnes à la vie.

Leur avait donné le  « courage » du passage à l’acte. On a constaté, a contrario, que si la présentation d’un suicide est accompagnée d’évaluations négatives, l’effet de contagion est très réduit ou annulé. De nombreux dirigeants des établissements scolaires et universitaires ont, par expérience dramatique, l’intuition du caractère contagieux des suicides des jeunes. Le « suicide mimétique » est la grande crainte de ceux qui accompagnent les camarades endeuillés.

Les spécialistes de la prévention du suicide demandent donc que le suicide ne soit jamais présenté positivement, comme la solution à la souffrance et à la désespérance et encore moins comme un acte courageux.

 

En 2014, Philippe Pozzo di Borgo, Tugdual Derville et le professeur Jean-Louis Terra – psychiatre, spécialiste de la prévention du suicide – ont co-signé une tribune, publiée dans Le Figaro, où ils attestaient aussi qu’il est difficile de distinguer crise suicidaire et demande d’euthanasie. Extrait :

 

« Suicide assisté? Cette notion accole deux mots antinomiques ; elle remet en cause tout le travail des acteurs de la prévention du suicide. Elle démobilise ceux qui agissent au nom de la solidarité contre ce fléau qui frappe, particulièrement, les personnes âgées les plus isolées.

Chaque suicide sans exception constitue un échec, une grande violence pour les proches et toute la société. Selon quels critères d’âge, de handicap, de maladie notre société se permettrait-elle d’étiqueter une catégorie de la population « apte au suicide » ? À l’heure où un premier rapport d’activité de l’Observatoire national du suicide vient d’être remis au ministre de la Santé, la mobilisation contre la souffrance, physique et psychique, ne doit pas être freinée par une ambiguïté au plus haut niveau de l’État.

Notre pays s’honore d’une politique de prévention du suicide qui n’exclut aucune catégorie de citoyens. Cette politique se concentre sur la «crise suicidaire», ce moment à hauts risques qu’il faut tenter de déceler, où la désespérance menace de faire basculer un destin, irrémédiablement. Il n’est pas évident de distinguer la crise suicidaire d’une demande d’euthanasie : schématiquement, dans la crise suicidaire, le centre de gravité de la souffrance est le moral, tandis que le corps est souvent préservé. Dans la demande d’euthanasie, ce serait l’inverse : le corps, sous l’agression de la maladie, fait perdre l’espoir. En réalité, dans les affections physiques sévères, la «psyché» et le «soma» sont intriqués au point qu’une authentique dépression n’est pas facile à déceler. »

 

La phase de la « crise suicidaire » passe souvent inaperçue. Ce qui retient alors à la vie est une forme d’interdit, un message constant porté par la société, notamment parce qu’elle secourt et tente de sauver les suicidés : aucune vie ne mérite d’être considérée comme vaine, sans valeur et inutile. La répression de la provocation au suicide porte la même intention. En 1982, l’éditeur Alain Moreau avait fait scandale avec la sortie de Suicide mode d’emploi. L’ouvrage divulguait ses « recettes médicamenteuses », autrement dit la liste des poisons pour « ne pas se rater ». Profitant de la polémique, l’ouvrage s’est vendu à cent mille exemplaires avant son interdiction neuf mois après sa parution.

 

Dans son avis 139, du 13 septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique se permet de lever les objections éthiques à ce qu’il nomme « l’aide active à mourir », expression où il inclut principalement le « suicide assisté » sans écarter l’euthanasie, au nom de l’égalité, pour ceux qui n’auraient plus la capacité physique de s’auto-administrer le produit létal. L’annexe 6 de cet avis, titrée « La sémantique du suicide », discute de l’opportunité de renommer le « suicide médicalement assisté » par un sigle, SMA, pour le distinguer du suicide, jugé péjorativement. Cette note s’achève en préconisant la maintien du mot suicide.

Explication : « La neutralité du terme suicide, qui est sans doute son aspect le plus problématique, devrait s’établir au fur et à mesure que l’on portera davantage notre attention sur les véritables points de débat, sur ce qu’il désigne, et moins sur les aprioris qu’on lui assigne parfois sans même s’en rendre compte. »

 

A l’encontre de toute la prévention d’un tel drame, la perspective de prétendre vouloir rendre « neutre » le suicide méconnait gravement l’effet Werther.

Retrouvez tous nos articles sur la prévention du suicide.

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