Fraternité oblige

Fraternité oblige

Fraternité oblige

 

4 février 2025, journée mondiale de la fraternité.

Qu’est-ce que la fraternité ? Au sens strict, sont pleinement frères ou sœurs deux êtres qui ont les mêmes parents. S’il est de plus en plus admis – consentement aidant – que les parents se sont choisis, c’est tout l’inverse pour les membres d’une même fratrie : ils n’ont rien décidé pour eux-mêmes. « On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille », ni son lieu de naissance, ni sa date, ni son sexe, ni son prénom, ni son nom…

On ne choisit même pas de naitre au monde. Et l’on choisit encore moins ses frères et sœurs. Tous s’imposent : cadeau ! Recevoir un frère ou une sœur – qui a la même valeur inestimable que moi – c’est faire grandir la valeur… de la fraternité, ce lien qui nous unit.

Cette fraternité qu’on exalte tant vient simplement d’une « histoire commune », généalogique d’abord (parfois seulement : voire la belle histoire de fraternité du film En Fanfare), existentielle ensuite, par l’expérience commune. Dans l’enfance, sont donc frères ou sœurs ceux qui – en principe – vivent ensemble sans s’être choisis, parce qu’ils ont les mêmes parents. A la fraternité est associée le plus souvent l’idée d’un attachement viscéral, au point que des amis se diront frères pour manifester l’intensité de leurs liens.

Certains Indiens d’Amérique se rendaient frères de sang, en mêlant leurs saignements par deux blessures délibérées. Cette blessure partagée les rendaient solidaires « à la vie, à la mort ». La blessure va bien à la fraternité car toute fraternité risque la blessure : est-il possible de vivre en frères ou sœurs sans se heurter peu ou prou ? Il faut consentir aux différences ; dans l’enfance, il a fallu partager les parents, faire de la place à l’autre, subir les contraintes qu’il impose, supporter des incompatibilités d’humeur, caler son rythme sur celui du plus fragile – pas toujours le plus jeune – ce ralentisseur qui génère de la frustration.

La fraternité apprend l’altruisme et la tolérance, et contre la toute-puissance. Elle implique l’adaptation, le consentement à ce que l’on n’a ni choisi, ni prévu. La fraternité apporte son lot de tensions. Jalousie, colère, compétition, violence, maltraitance : plus qu’on ne se l’avoue, le fratricide et le fraternel coexistent dans le cœur de bien des frères et sœurs. Sentiments qui se réveillent, régressifs, à l’âge des héritages.

C’est dans ce contexte que la République a posé la fraternité au fronton des édifices publics. Pour que la fraternité solidaire s’étende du prochain au lointain. Fraternité oblige : fraternité familiale, villageoise, de « pays » (au sens de territoire) jusqu’à la nation toute entière, et au-delà. A chaque étage, la fraternité se situe toujours en tension entre le conflit – voire la guerre – et la paix. Une guerre civile est fratricide. La première guerre mondiale le fut aussi pour l’Europe.

Il ne faut pas oublier d’où l’on vient. La République a parfois pensé concurrencer la famille ; certains idéologues ont même rêvé de la remplacer. Prenons la présence du mot fraternité dans notre devise comme un hommage – conscient ou pas – qu’elle rend à la famille stable. La promotion de la fraternité qui nous relie, adoucit ce que la liberté et l’égalité peuvent avoir de froid et d’individualiste. Ce n’est que dans la famille stable que la fraternité trouve son origine et sa perpétuation.

Insistons : la fraternité républicaine incite les citoyens à se reconnaitre durablement enfants d’une même mère patrie, sous la sécurité des mêmes lois « paternelle » qui établissent – en principe – la limite et la justice.

Ainsi les citoyens aussi sont solidaires les uns des autres, du fait qu’ils vivent ensemble sans s’être choisis. Accueil de la différence et reconnaissance de ce que l’on a en commun vont de pair.

Avec la mondialisation, l’humanité sait de plus en plus qu’elle habite une (fragile) « maison commune ». La journée mondiale de la fraternité prend alors son sens : nous sommes automatiquement solidaires les uns des autres, au sens d’interdépendants par notre condition humaine, avec ses gènes afférant. Un même sang humain coule dans nos veines. Nous sommes responsables les uns des autres, et redevables. Nous avons des devoirs de fraternité vis-à-vis de ceux qui vivent dans la misère, endurent une catastrophe naturelle, manquent de ce qui est vital, sont endeuillés. Nous devons aussi, par devoir de fraternité, léguer aux générations futures la magnificence de cette « maison » (biodiversité, paysages, patrimoine, langues…).

La fraternité devient naturellement universelle ; elle ne cesse de s’étendre : vivre tous ensemble sans s’être choisis, passagers d’une même barque nommée planète ; chercher ensemble un cap commun, qui préserve autant la vie que les conditions de vie des frères humains et des écosystèmes ; se savoir tous responsables les uns des autres, membres d’une même famille humaine, passée, présente et à venir, avec un destin de plus en plus commun.

Que le « patrimoine de l’humanité » soit de plus en plus reconnu et protégé comme commun n’efface aucune des strates à partir desquelles la fraternité naît, s’étend, se généralise et se diversifie. Née de la famille, la fraternité mérite à la fois d’être célébrée et étendue. Mais attention : son origine – la famille donc – doit être reconnue et protégée si l’on veut que la fraternité devienne universelle sans se dénaturer.

fraternite oblige

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Le Choix d’Odette : ce que ne dit pas France 2 sur l’euthanasie au Canada

Le Choix d’Odette : ce que ne dit pas France 2 sur l’euthanasie au Canada

Le Choix d’Odette : ce que ne dit pas France 2 sur l’euthanasie au Canada

 

L’émission Envoyé Spécial diffusée par France 2 le jeudi 30 janvier 2025 sur l’euthanasie d’une Québécoise pose de sérieuses questions sur la partialité de ce reportage et la militance des journalistes.

 

Orchestration médiatique 

 

Filmée pendant les 5 jours qui précédent son euthanasie, masquée derrière l’expression « aide médicale à mourir » ou AMM, Odette, une femme de 64 ans atteinte d’un cancer devenu incurable, a une démarche qui se veut militante pour « démystifier » la mort programmée.

Annoncée depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, sur le JT de France 2 via un magazine spécial, information reprise par France Info notamment, la date de diffusion a été réfléchie pour coller au débat sur la fin de vie qui aurait éventuellement pu avoir lieu début février.

Invités en avant première de la projection, des promoteurs de l’euthanasie, tels que des membres du lobby ADMD, (association pour le droit de mourir dans la dignité),  le député Falorni, auteur d’une proposition de loi sur le sujet, ou encore la députée Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure de la loi fin de vie avant la dissolution, montrent combien la diversité des opinions n’est pas de mise.

L’émission se termine par un plaidoyer d’une journaliste pour changer la loi française.

Pas l’ombre d’une parole contradictoire, ou même de réflexion alors que les excès de la loi canadienne ont été l’objet de plusieurs études ou de témoignages dans les médias.

 

Une pratique pourtant controversée

 

Le Québec détient le record mondial du nombre d’euthanasies avec 7% des décès en 2023. Inquiète de ce nombre élevé, la Commission sur les soins de fin de vie a enjoint les médecins du Québec pratiquant l’euthanasie dénommée « aide médicale à mourir » (AMM) à suivre la loi avec plus de rigueur par un rappel à la loi. Plusieurs infractions ont ainsi été relevées : des pratiques d’euthanasies non conformes ou « administrées à la limite des conditions imposées », ou encore le manque de rigueur sur l’avis d’un second médecin et le « magasinage » autrement dit le fait de se retourner vers des médecins peu regardants. Elle rappelle également que le vieillissement n’est pas une maladie incurable et ne justifie pas l’AMM.

Une étude scientifique parue en août 2023 intitulée Les réalités de l’aide médicale à mourir au Canada, alerte sur les graves lacunes du dispositif d’euthanasie. Les auteurs concluent que « Le régime canadien d’aide médicale à mourir ne dispose pas des mesures de protection, de la collecte de données et de la surveillance nécessaires pour protéger les Canadiens contre les décès prématurés. »

A noter que lors de la présentation du reportage une journaliste affirme qu’aucun médecin, aucun soignant n’a le droit de proposer l’aide à mourir » : cette affirmation, reprise par le médecin canadien lors du reportage est en réalité dénuée de tout fondement et s’avère mensongère.

Aucun texte dans la loi n’interdit de proposer l’euthanasie comme une option. L’acte létal est présenté comme « un soin » parmi d’autres. Plusieurs Canadiens ont témoigné avoir reçu cette proposition plutôt qu’un protocole de soins curatifs ou palliatifs. Comme cette femme atteinte de Spina Bifida qui en juillet 2024 témoignait avoir reçu plusieurs fois des propositions d’euthanasie alors qu’elle demandait seulement à être accompagnée et soignée correctement.

L’agence de presse AP News relayait en 2022 l’inquiétude d’experts de l’ONU qui s’alarmaient des conséquences de la loi canadienne sur l’euthanasie sur le droit des personnes handicapées. Dans un long dossier, plusieurs cas sont rapportés de personnes handicapées conduites à l’euthanasie, mais aussi de personnes qui y consentent par manque de moyens financiers.

 

Les grands absents de cet Envoyé Spécial 

 

Voici 10 ans que le Québec (avant qu’une loi soit votée au niveau fédéral) a légalisé l’euthanasie sous l’expression AMM.

Un podcast de Radio Canada intitulé « La mort libre : 10 ans d’aide médicale à mourir » fait le point dans son épisode 4 sur les craintes d’une pente glissante en donnant la parole à des avis et des expériences diverses.

Quelles sont les principales controverses ? Outre les chiffres très élevés, la modification ultra rapide de la loi avec depuis 2019 la possibilité d’euthanasie pour des personnes qui ne sont pas en fin de vie, affecte gravement les personnes handicapées dans un contexte de détérioration de l’accès aux soins. C’est ce que soulignent également deux auteurs qui dressent un état des lieux intitulé La normalisation troublante de la mort médicalement administrée au Québec et au Canada.

La mort programmée tend à devenir la nouvelle norme pour « réussir sa mort » et des considérations économiques ne manquent pas d’affleurer : une femme témoigne préférer accélérer sa mort pour que ses soins ne diminuent pas trop l’héritage de son fils.

 

Emotion et désinformation

La force du témoignage, au-delà de l’émotion suscitée, ne devrait pourtant pas empêcher l’élaboration d’une réflexion autour du sujet grave et délicat de la souffrance et de la fin de vie. Par les commentaires univoques et répétés des journalistes de France 2, on comprend que ce reportage visait en réalité à livrer un message aux politiques français pour qu’enfin ils légalisent l’euthanasie. Cette partialité est dangereuse en ce qu’elle n’offre aucun moyen au téléspectateur de réfléchir, ni de connaître la réalité canadienne. Plus qu’un reportage militant, on attend d’une chaîne publique du professionnalisme et de la responsabilité.

le choix d'odette envoyé spécial ce que ne dit pas france 2 sur l’euthanasie au canada

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Université de la vie 2025 – Deuxième soirée : « Être vulnérable »

Université de la vie 2025 – Deuxième soirée : « Être vulnérable »

Université de la vie 2025 – Deuxième soirée : « Être vulnérable »

 

Intitulée « Être vulnérable », la 2ème soirée de l’Université de la vie a montré que vulnérabilité et humanité sont intrinsèquement liées. Elle a rassemblé plus de 8000 participants.

 

Cécile Gandon, graphiste et auteur de Corps fragile, cœur vivant, a ouvert la séquence par une réflexion sur la fragilité et la différence ou comment passer de « Je suis un poids » à « J’ai du poids ». Changer de regard sur l’autre, souvent idéalisé et considéré comme plus que soi, le voir tel qu’il est, lui aussi vulnérable parce qu’humain, reconnaitre que le handicap permet aussi parfois de développer « une sensibilité et un sens de l’écoute que d’autres n’ont pas. » : autant de clés pour opérer cette conversion intérieure.

Avec Cécile on a découvert que la fécondité peut se nicher dans les moments où on se sent le plus inutile et que les contraintes révèlent le besoin qu’on a les uns des autres « et c’est justement ça qui fait qu’on forme une société vraiment humaine. »

« La grossesse nous rappelle que, pour rester humain demain, il est nécessaire de s’appuyer sur cette vulnérabilité, de la protéger, et de l’honorer comme la source même de la vie et des liens qui nous unissent. »

Pour Caroline, « Face à la complexité du désir d’enfant, la technique peut conduire à un engrenage auquel les personnes ont du mal à résister… » Tout un champ de recherche doit être exploré, sur les causes de l’infertilité, sur l’influence de nos modes de vie et sur la restauration de la fertilité pour préserver le plus possible la capacité des couples de pouvoir procréer de manière autonome.

Alors qu’environ 20% des personnes atteintes de bipolarité présentent le risque de se suicider au cours de leur vie, il y a urgence à sortir les maladies mentales du tabou qui les entoure. Pour lui, « une société sans vulnérabilité serait une société de forts et ça serait une société morte parce que la vulnérabilité crée du lien entre les gens et est un élément qui peut donner l’impulsion de la charité. »

L’Université de la vie continue ! Rendez-vous le 3 février autour du thème « Rester solidaire ».

université de la vie 2025 – deuxième soirée : « être vulnérable »

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Moindre mal et choix truqué

Moindre mal et choix truqué

Moindre mal et choix truqué

 

Depuis quelques années, le débat sur la fin de vie a pu se focaliser sur le choix entre la légalisation de l’euthanasie et celle du suicide assisté, ce dernier étant parfois promu comme un moindre mal. Danger !

Entre deux maux, il faut choisir le moindre. L’interprétation biaisée de ce proverbe de bon sens, répété à l’envie, s’apparente à la figure dialectique du « choix truqué ». Le choix truqué consiste à présenter une alternative (par exemple « C’est maintenant ou jamais ! ») en occultant ou niant l’existence d’autres possibilités. Le « choix » truqué est un choix dégradé. En elles-mêmes, les alternatives qui entendent forcer l’adhésion entre deux maux, comme s’il n’y avait pas d’autre issue, ont quelque chose de violent.

Elles sont par ailleurs manipulatrices quand il y a bien d’autres issues. Les parents utilisent efficacement le choix truqué quand ils tentent de canaliser un enfant : « Soit tu finis ton assiette, soit tu vas te coucher. » La force de l’alternative est hypnotique : elle fait oublier les autres possibilités, jusqu’au moment où le petit rebelle aura assez de présence d’esprit pour rétorquer à sa façon : « Je ne veux ni l’un, ni l’autre. ».

Nombre de sondages réalisés par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD, pro-euthanasie) utilisent ce stratagème. Quand elle demande aux sondés de choisir entre « subir des souffrances insupportables » et « le droit de mourir sans souffrir », la mort est présentée comme l’alternative supportable à la souffrance insupportable (littéralement « impossible à supporter »).

Pas étonnant que 9 français sur 10 « choisissent » alors l’euthanasie. Il faut prendre assez de recul sur la question pour déjouer le piège : « Ni l’un ni l’autre, je ne souhaite ni le droit à l’euthanasie, ni qu’on force les gens à endurer des souffrances insupportables. Qu’ils soient plutôt soulagés de leurs souffrances, sans pour autant être tués. » Bien souvent, la justification d’un acte au nom du moindre mal résulte de ce genre de piège.

Et l’empire du mal s’étend insidieusement. Hannah Arendt le notait en analysant les compromissions des démocraties européennes et de certaines personnalités avec le régime nazi : « Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal. » L’adhésion au moindre mal s’effectue en effet souvent au prix de l’escamotage du bien, de la possibilité du bien. Le moindre mal se déguise en bien.

Nous avons constaté de multiples tentatives pour réduire le débat sur la fin de vie, en France, à un choix truqué entre euthanasie et suicide assisté. Un certain nombre de soignants ont pu croire que, « foutu pour foutu », pour éviter l’euthanasie, ils devaient se résoudre à accepter le suicide assisté.

Au moins ce dernier, affirmaient-ils, protège davantage les soignants. C’est très discutable : d’une part, des soignants seraient forcément impliqués dans le processus du suicide assisté (évaluation des patients, diagnostic les rendant éligibles ou pas à l’euthanasie, prescription et fourniture des produits létaux) ; d’autre part, d’après l’analyse du comité consultatif national d’éthique (CCNE) lui-même, la légalisation du suicide assisté conduirait ipso facto à celle de l’euthanasie, au nom du principe d’égalité, pour les patients incapables de s’administrer eux-mêmes la mort. Paradoxalement, le prétendu moindre mal devient alors le moyen imparable de glisser vers le pire des maux, qu’on prétendait éviter.

En somme, la théorie du moindre mal est souvent une façon de se donner bonne conscience en exonérant un mal de toute critique, une façon d’y consentir implicitement au lieu de tenter de l’éviter. Entre deux mots, il faudrait en principe ne pas avoir à choisir, pas plus qu’on ne devrait devoir choisir entre « Charybde et Scylla » ou la peste et le choléra.

Un tel choix forcé contredit la liberté véritable. Le proverbe qui introduit notre réflexion mérite quelques précisions : entre cent maux, il ne faudra choisir le moindre qu’à condition qu’aucune cent-unième issue, même plus exigeante et risquée, ne puisse être appelée « bien » ! Pour déjouer le piège du moindre mal, il faut penser davantage à la possibilité du choix du bien, car, note également Hannah Arendt : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal ».

moindre mal et choix truqué

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Où en sont les discussions sur la fin de vie ?

Où en sont les discussions sur la fin de vie ?

Où en sont les discussions sur la fin de vie ?

 

Débat législatif retardé ?

La promesse du précédent gouvernement d’inscrire la reprise des débats à l’Assemblée nationale début février s’est heurtée à la réalité budgétaire. La motion de censure votée, le temps de nomination et d’installation du nouveau gouvernement, et surtout l’impératif d’avoir une politique budgétaire compliquent la programmation du débat.

Pour autant, les partisans de l’euthanasie maintiennent une pression sans commune mesure avec les vraies priorités du pays. La proposition de loi déposée par Olivier Falorni le 17 septembre dernier a recueilli 236 signataires.

Lors de son discours de politique générale, le nouveau Premier ministre François Bayrou a remis ce débat législatif à l’initiative des députés : « Le Parlement a des prérogatives qui doivent être respectées. Je pense en particulier à son pouvoir d’initiative qu’il ne manquera pas d’exercer sur des sujets importants dans notre société, comme la fin de vie « . En clair, les députés peuvent examiner la proposition de loi Falorni lors d’une niche d’un groupe parlementaire ou lors d’une semaine dédiée. Les niches durent une journée. En 2021, lors de l’examen d’une proposition de loi, déjà initiée par Olivier Falorni, seul le premier article avait pu être adopté.

Ce renvoi à l’initiative parlementaire a déjà suscité le mécontentement du camp pro-euthanasie. La présidente de l’Assemblée nationale, fervente partisane de la mort provoquée, s’était alors dit déçue de l’absence d’engagement de François Bayrou

 

Sauver le soin, refuser la mort administrée

Cette semaine, l’entourage du Premier ministre a laissé filtrer une autre piste : reprendre le projet de loi, donc à l’initiative du gouvernement, en séparant le volet « soins palliatifs » du volet euthanasie et suicide assisté.

Des députés de tous bords avaient plaidé pour cette dissociation dans une tribune parue en septembre 2023 dans L’Express.

La proposition a un mérite : celui de distinguer le soin de la mort administrée. Il n’est pas acceptable de faire croire que l’euthanasie est un geste de compassion, ou relève du soin. Selon les mots de François Bayrou rapportés par la presse : les soins palliatifs relèvent « d’un devoir de la société à l’égard de ceux qui traversent cette épreuve ». En réalité, soins palliatifs et euthanasie ou suicide assisté sont incompatibles car leurs logiques sont radicalement différentes.

Les exemples des pays qui ont légalisé ces pratiques montrent qu’il est impossible de tenir un tout éthique et effectif pour les patients en conjuguant deux approches diamétralement opposées.

Au Canada, par exemple, la frontière entre ce qui relève des gestes soignants d’un côté et du geste létal de l’autre s’est progressivement effacée. Lors de la Rencontre internationale organisée par Alliance VITA en février 2024, un intervenant québécois rapportait qu’à l’hôpital où se pratique l’euthanasie, l’expression « Quand Madame va-t-elle recevoir son soin ? » signifiait tout simplement « quand a lieu son euthanasie ? ».

L’anecdote est révélatrice. Le soin est proprement  » une action ou un ensemble d’actions qu’une personne décide ou accomplit pour elle-même et pour autrui, afin d’entretenir la vie, de maintenir, restaurer et promouvoir la santé ». Entretenir la vie, il est clair que l’euthanasie ou le suicide assisté sont l’exact opposé.

Pour les partisans de l’euthanasie en revanche, cette séparation des deux volets mettrait « en péril la fin de vie » , comme l’a déclaré  Yaël Braun-Pivet lors de ses vœux à la presse le 23 janvier. Elle a aussi prévenu : « Si nous ne l’examinons pas rapidement, nous ne pourrons pas le terminer à la fin du quinquennat. »

 

Légaliser le suicide assisté et l’euthanasie : un projet contraire à la dignité et à la fraternité

Sur le fond, le projet de légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie reste profondément contraire à la dignité humaine et à la fraternité.

Lors de la mobilisation organisée par Alliance VITA pendant le débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi fin de vie, le professeur d’éthique de la santé et membre du Conseil de la Santé néerlandais, Theo Boer, lançait ce message en forme d’avertissement :

« la légalisation de l’euthanasie n’est pas la solution. Elle met en mouvement une dynamique qui change toute notre société. Que personne ne dise donc que l’euthanasie légale est une simple question de liberté individuelle : elle envoie un message selon lequel il vaut mieux que certaines personnes cessent d’exister. Le cynisme de cette liberté ne peut être sous-estimé. »

A l’heure où l’instabilité politique menace l’adoption d’un budget, à l’heure où les Français continuent de placer la santé en tête de leurs priorités, il est du devoir des pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour soulager les douleurs physiques, d’accompagner les souffrances psychiques des personnes en fin de vie et celles de leurs proches, de soutenir les personnes handicapées ou malades sans jamais rien céder sur la dignité de chacun.

où en sont les discussions sur la fin de vie

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Santé mentale : urgence pour une Grande cause !

Santé mentale : urgence pour une Grande cause !

Santé mentale : urgence pour une Grande cause !

Les objectifs de la Grande cause 2025

La santé mentale est la Grande cause nationale de cette année, une décision portée par l’ancien Premier ministre Michel Barnier et confirmée par le nouveau Premier ministre.

Le gouvernement avait présenté quatre objectifs prioritaires pour soutenir cette cause :

  1. Changer le regard des Français sur les troubles psychiques et mentaux.
  2. Développer la prévention et le repérage précoce.
  3. Améliorer l’accès aux soins.
  4. Accompagner les personnes touchées dans toutes les dimensions de leur vie quotidienne : emploi, logement, loisirs…

 

Santé mentale : de quoi parle-t-on ?

Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la santé mentale « correspond à un état de bien-être mental qui nous permet de faire face aux sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté. Elle a une valeur en soi et en tant que facteur favorable, et fait partie intégrante de notre bien-être« .

Le site Ameli précise quelques critères pour jauger de notre niveau de santé mentale :

Vous éprouvez un sentiment de bien-être mental si :

  • vous parvenez à exprimer vos talents et qualités ;
  • vous vous sentez capable de réaliser vos projets et de gérer votre vie ;
  • vous supportez les tensions normales de la vie et les tracas du quotidien ;
  • vous jouez un rôle actif au sein de votre famille, de vos amis, de votre communauté et dans votre travail (ou dans vos études).

 

Une situation préoccupante : l’état des lieux sur les états dépressifs publié par la DREES

Dans une étude publiée en début d’année, la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques) présente un panorama des états dépressifs. Un des intérêts de cette étude réside dans l’exercice de comparaison à l’échelle européenne :

« En 2019, juste avant la crise sanitaire, environ 6 % de la population européenne souffre de syndromes dépressifs, mais avec de fortes disparités selon les pays et les régions. C’est en Europe de l’Ouest et du Nord qu’on trouve les taux les plus élevés, notamment en France (11 %) et en Suède (10 %). Ces chiffres sont plus bas dans le Sud et l’Est, en particulier en Serbie ou à Chypre (2 %)« .

Derrière ces différences par pays, d’autres disparités existent : les femmes « risquent en moyenne davantage que les hommes de souffrir de dépression« .

Par ailleurs, le lien entre l’âge et le risque de dépression est différent selon les pays. Les auteurs notent qu’ « en Europe du Nord, c’est parmi les 15-24 ans que la dépression est la plus fréquente ; elle diminue au fur et à mesure que l’âge augmente, jusqu’à 70 ans« . En Europe de l’ouest, « elle est élevée pour toutes les tranches d’âge, avec un pic entre 45 et 59 ans, avant de diminuer légèrement autour de 60-69 ans – ce qui coïncide approximativement avec l’âge de départ à la retraite – jusqu’à 70 ans, où elle remonte un peu« .

Pour les personnes âgées (70 ans et plus), sans surprise malheureusement « les Européens âgés ayant un mauvais état de santé sont, de manière systématique, plus souvent sujets aux syndromes dépressifs que ceux en bonne santé ». Le niveau de soutien social est également un facteur déterminant. Le veuvage a aussi un impact, sauf en Europe du Nord. Les auteurs rappellent que : « ce résultat est cohérent avec la littérature scientifique, qui indique que le deuil constitue un facteur important de la dépression« .

Chez les jeunes (entre 15 et 24 ans), le rapport met en avant l’isolement social comme « un facteur significatif de dépression chez les jeunes ». Ainsi « de manière générale, les pays qui affichent les taux de dépression les plus élevés chez les jeunes sont aussi ceux où ces derniers quittent le foyer parental le plus tôt« . On retrouve l’importance du soutien social : « Les jeunes les plus entourés ont ainsi 12 points de pourcentage de risque en moins de souffrir de dépression, comparativement aux moins entourés, et même 36 points en Europe du Nord« .

Les auteurs rappellent qu’à la suite de la crise sanitaire de la COVID 19 « depuis 2020, une dégradation marquée et durable de la santé mentale des jeunes a été observée : en France, on observe une hausse notable des symptômes dépressifs et anxieux chez les jeunes adultes en 2020; des études portant sur d’autres pays européens confirment une tendance comparable, par exemple au Royaume-Uni« .

 

Un geste simple pour soutenir cette cause

La situation appelle de réels moyens pour inverser la tendance. Il appartient aux pouvoirs publics d’adresser la dégradation des soins psychiatriques dénoncée par de nombreux acteurs.

Chacun de nous peut aussi apporter son soutien concret. Dans d’autres pays, des campagnes d’affichage insistent sur les petits gestes. Au Royaume uni, des affiches proclament « le pouvoir du petit » parce qu’une « petite conversation sur la santé mentale a un grand pouvoir pour faire la différence« .

Garder ou reprendre le contact, un petit geste qui fait du bien. Nous sommes des êtres de liens, le début d’année est propice à poser cette question simple autour de nous : »comment ça va? ».

santé mentale : urgence pour une grande cause !

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Analyse des variations de la fécondité en France

Analyse des variations de la fécondité en France

Notexpert Analyse des variations de la fécondité en France

 

Les variations de la fécondité en France sont fréquentes et ont déjà eu lieu ces 30 dernières années. En effet, la baisse du taux de fécondité conjoncturel observée actuellement (-9% en tendance par rapport au niveau de 1,79 de 2022) nous ramène aux niveaux les plus bas observés il y a 30 ans (aux alentours de 1,6) au milieu des années 1990. Ce taux de fécondité était ensuite remonté jusqu’en 2007 pour atteindre et dépasser 2 enfants par femme avant de redescendre ensuite au niveau actuel. Analyser ces fortes variations annuelles implique d’adopter une vision à plus long terme sur plusieurs décennies.

Il convient également d’examiner les facteurs à l’origine de ces mouvements de balanciers et de fournir quelques indications sur la persistance de ces explications dans les années à venir.

Indicateurs de fécondité : comment mesurer la fécondité d’un pays ?

Il y a plusieurs moyens de mesurer la fécondité des femmes en France selon que l’on se place dans une perspective à court ou à long terme.

La première mesure est le taux de fécondité générale. Pour le calculer de manière simple, il suffit d’avoir le nombre de naissances (par exemple 722 000 en 2022) et le nombre de femmes en âge de procréer entre 15 et 50 ans en 2022 soit 14,418 millions. Ainsi, le taux de fécondité général est de 722000/14418000 soit 5 enfants pour 100 femmes en âge de procréer. Pour une femme de 15-50 ans, la probabilité annuelle de donner naissance est de 5% si l’on prend une femme de cette catégorie au hasard quel que soit son âge.

Afin de pouvoir produire un indicateur interprétable et accessible, les démographes ont préféré transformer cet indicateur en une projection sur le nombre d’enfants par femme à la fin de sa vie féconde. Ainsi, en première approximation, afin de pouvoir convertir cette probabilité annuelle à l’issue de sa vie féconde en probabilité finale d’avoir des enfants, on additionne ces probabilités sur les 35 ans de la vie féconde d’une femme soit dans le cas de 2022 : 5%*35=175% de chance d’avoir un enfant. Cette probabilité peut donc aussi se traduire en un nombre d’enfants par femme soit 1,75 enfants pour une femme à l’issue de sa vie féconde si le taux moyen de fécondité général est appliqué.

Cet indicateur s’appelle l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) qui représente une photo annuelle. Afin de raffiner cet indicateur, la réalité de la fécondité étant très différente selon les classes d’âge, le calcul de l’ICF est construit en additionnant les probabilités par classe d’âge. Ainsi, dans le tableau ci-dessous, en 2022, la décomposition par catégorie d’âge montre que la probabilité de donner naissance peut être beaucoup plus importante que 5% avec des taux oscillant entre 7,2 % et 12,4% pour les femmes âgées de 25 à 39 ans ou beaucoup plus faibles (entre 1 et 2%) pour les 15-24 ans et les 40-50 ans.

En considérant que les taux sont stables au sein des tranches d’âge (par exemple, le taux de 2% de naissances par femme est stable pour les 10 années de 15 à 24 ans), le calcul de l’ICF basé sur les classes d’âge en 2022 donne 2*10+10,1*5+12,4*5+7,2*5+1*10=178,5 naissances pour 100 femmes soit 1,785 enfants/femme.

figure 1 analyse de la baisse de la natalité

Lorsque la granularité des données est disponible par âge (et non plus par classe d’âge), l’indicateur conjoncturel de fécondité d’une année donnée peut être encore affiné en se basant sur le nombre d’enfants qu’ont eus les femmes de cet âge dans l’année. On additionne ensuite les taux observés à chaque âge de 15 à 50 ans. L’indicateur ainsi obtenu agrège en une valeur unique les comportements féconds relatifs à 35 générations différentes observés lors d’une année donnée.

Il indique le nombre total d’enfants qu’aurait un groupe de femmes ayant à chaque âge au fil de leur existence les taux observés cette année-là. Selon la définition de l’INSEE, l’indicateur conjoncturel de féconditésert donc uniquement à caractériser d’une façon synthétique la situation démographique au cours d’une année donnée, sans qu’on puisse en tirer des conclusions certaines sur l’avenir de la population.

A l’inverse, un indicateur structurel de la fécondité appelé aussi la descendance finale, ne s’applique pas à une année de calendrier, mais à une génération de femmes. La descendance finale de celles nées en 1969 (qui ont fêté leur 50e anniversaire en 2019), soit 2,00 enfants, est le nombre moyen d’enfants qu’elles ont eus au cours de leur existence féconde. Contrairement à l’indicateur conjoncturel de fécondité qui fait référence à une génération fictive, cette mesure s’applique à des femmes bien réelles. Elle a cependant l’inconvénient de ne pouvoir être mesurée que pour des générations ayant atteint ou dépassé l’âge de 50 ans.

figure 2 analyse des variations de la fécondité

Lorsqu’on observe l’historique de ces indicateurs sur le dernier siècle (cf. figure ci-dessus issue de [1]), on notera que l’ICF est bien plus fluctuant (car correspondant à une photo annuelle) que la descendance finale qui suit “des tendances de long terme de choix du nombre total d’enfants par femme à la fin de sa vie reproductive qui reste stable vers deux pour le moment (projection fiable pour les femmes nées en 1980). » [1]

 

Les signaux donnés par l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité sont des signaux court terme qui sont à compléter et à mettre en perspective avec des tendances de long terme observables avec la descendance finale de nombreuses années après sur plusieurs décennies.  

Explication des évolutions de l’ICF sur les 30 dernières années

analyse des variations de la fécondité en france

Source : INSEE Bilan démographique 2022 provisoire  +  Âge moyen de la mère à l’accouchement Données annuelles de 1994 à 2022, Janvier 2023

 

Lors des 30 dernières années, le niveau de l’ICF, relativement bas au milieu des années 1990 (1,66), venait d’un mouvement de retard des maternités selon G. Pinson et S. Dauphin [1]:

les femmes des générations les plus âgées avaient déjà eu leurs enfants et elles n’en mettaient plus au monde et les générations plus jeunes attendaient pour avoir les leurs (le nombre de descendance finale étant le même que la génération précédente)”.

Il en a résulté un nombre de naissances relativement faible durant cette période. Ce mouvement de retard des maternités a été ensuite rattrapé par les générations de femmes qui avaient différé leur projet de naissance entraînant une hausse de l’indicateur conjoncturel de fécondité au-dessus de 2 entre les années 2007 et 2011. On observe ce mouvement de rattrapage de 1994 à 2012 sur la figure ci-dessous du taux de fécondité par classe d’âge.

Entre 1994 et 2012, les augmentations majeures concernent les mères âgées de 30-34 ans (+39%) concomitamment aux 35-39 ans (+74%) tandis que le taux reste élevé chez les 25-29 ans.

 

figure 4 analyse des variations de la fécondité en france

Sources : INSEE La situation démographique en 2012 État civil et estimations de population – Insee Résultats-Juin 2014 + Bilan démographique 2022 provisoire (Janvier 2023)

 

Ensuite, sur la période 2012-2022, alors que les taux de fécondité entre 30 et 39 ans se sont stabilisés (respectivement autour de 13 chez les 30-34 ans et de 7 chez les 35-39 ans), celui des 15-24 est passé de 3 à 2 (-33%). Le taux de fécondité des 25-29 ans n’a fait que descendre de 12,5 à 10 enfants par femme (-25%) de cette tranche d’âge.

Cette baisse significative d’un des moteurs principaux de la fécondité (les femmes âgées de 25 à 29 ans) en France n’a pas pu être compensée par la hausse des 40-50 ans : si cette hausse, en valeur relative, est significative (+25%), elle n’est que très faible en contribution absolue avec 1 enfant par femme pour cette tranche d’âge.

D’après les démographes Gilles Pinson et Sandrine Dauphin [1], la baisse débutée en 2012 est liée à la montée du chômage qui a rendu le futur plus incertain.

Ce mouvement a perduré même la crise passée, signe qu’une nouvelle tendance non liée à la conjoncture économique est peut-être également à l’œuvre. Il reste en effet à savoir si les jeunes générations, qui ont aujourd’hui moins de 30 ans, suivront le même schéma et rattraperont elles-aussi leur retard, ou adopteront un autre chemin avec une descendance finale nettement moindre, comme on l’observe dans beaucoup d’autres pays développés ?”

En effet, comme l’indique la figure ci-dessous issue de l’OCDE représentant l’évolution de la descendance finale (Completed Cohort fertility en anglais), la France n’a pas subi de baisse de sa descendance finale à l’instar de la Suède, la Norvège, la Finlande, les Etats Unis pour les femmes nées en 1950, 60 et 70. A l’inverse les autres pays développés ont tous observé une baisse plus ou moins forte de cette descendance finale. Par exemple, les descendances finales des pays comme l’Espagne, l’Italie, le Japon ou l’Allemagne ont chuté à des niveaux très bas aux alentours de 1,4 / 1,5.

analyse des variations de la fécondité en france

Evolution de la descendance finale pour les pays de l’OCDE (source OCDE) 

 

Cette analyse permet de comprendre les dynamiques expliquant la hausse de l’ICF entre 1994 et 2012 principalement liée à une entrée en maternité plus tardive comprise entre 30 et 40 ans tout en maintenant un flux de naissance significatif pour les mères de 25 à 29 ans.

La baisse des dix dernières années 2012-2022 provient principalement de la baisse significative de la fécondité des moins de 30 ans.

Est-ce que la descendance finale de cette génération née entre 1983 et 1997 se maintiendra à 2 ou baissera comme dans de nombreux pays ? Nous ne pourrons le savoir qu’entre 2023 et 2037 au plus tôt une fois qu’elles auront atteint leurs 40 ans.

Naissance et fécondité : à quoi s’attendre demain ?

 

Le retard des maternités va-t-il se poursuivre ?

L’âge moyen à la maternité continue de croître régulièrement : il atteint pour le premier enfant 31 ans en 2022, alors qu’il était de 30,7 ans en 2019, de 29,3 ans vingt ans plus tôt et de 24-25 ans en 1977. Le report de l’âge des maternités continue de progresser. D’après l’INED [1], il n’est pas exclu que l’âge moyen à la maternité atteigne voire dépasse 32 ans, comme c’est déjà le cas en Espagne (32,2 ans en 2018). Mais il est peu probable qu’il augmente jusqu’à 35 ou 40 ans. La raison en est d’abord biologique :

À trop attendre pour devenir mères, les femmes risquent de ne plus pouvoir enfanter quand elles le décident.”

Par ailleurs, le taux d’infertilité naturel augmente vite avec l’âge : 4 % à 20 ans, 14 % à 35 ans, 35 % à 40 ans et près de 80 % à 45 ans selon le site de la sécurité sociale :

De plus, selon ce même site, l’âge de la mère n’est pas le seul facteur de la baisse de la fécondité :  l’âge du père et du couple sont aussi des facteurs déterminants.

En effet, d’une part, “le génome des spermatozoïdes s’altère avec l’âge par fragmentation de son ADN, source de plus de difficulté à concevoir, augmentation des fausses couches, des risques génétiques dans la descendance”, d’autre part, “il existe un effet cumulatif de l’âge des deux partenaires : par exemple, la fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes n’est plus réparable par les facteurs ovocytaires de la femme âgée et le taux de fausses couches est multiplié par 6,7 si l’homme a plus de 40 ans et la femme plus de 35 ans.”.

La figure ci-dessous illustre la hausse continue de l’âge des pères à la naissance de leurs enfants.

figure 6 baisse de la natalité fécondité en france

Source : INSEE La situation démographique en 2021 État civil et estimations de population – Insee Résultats – Juin 2023

L’aide médicale à la procréation (AMP) s’est beaucoup développée récemment. Selon l’agence de la biomédecine, en France, en 2021, 27 609 enfants sont nés suite à une AMP réalisée en soit près d’un enfant sur 27. Selon l’INED [1], elle laisse espérer une solution aux couples qui ont des difficultés de conception.

Toutefois la médecine reste souvent impuissante après 40 ans. Les enfants nés de mère de 40 ans ou plus ne représentent qu’une fraction minime des naissances (5 % en France en 2019). Même en hausse, elles ne devraient pas représenter une part importante des naissances, sauf à utiliser d’autres moyens de procréation comme la Gestation Par Autrui ou des innovations technologiques telles que les greffes d’utérus, l’ectogenèse (dit utérus artificiel…), une perspective qui relève pour l’instant de la “démographie-fiction” selon les démographes Gilles Pinson et Sandrine Dauphin [1].

 

Les couples auront-ils le nombre d’enfants souhaités ?

 

Selon des enquêtes menées par l’UNAF sur plusieurs années, le nombre souhaité d’enfants est de manière persistante à 2,39 enfants soit 0,56 au-dessus de l’ICF 2020 (année de l’enquête). Les raisons invoquées pour renoncer à ce nombre d’enfants sont principalement :  avoir un logement adapté pour accueillir un enfant (60%) et qu’un des membres du couple (36%) ou les deux (43%) bénéficie(nt) d’un travail stable.

Un sondage récent de 2023 pour l’IFOP précise et confirme ces raisons économiques en demandant aux personnes qui ont renoncé à avoir un enfant ou un enfant supplémentaire : 44% des répondants mentionnent en effet des difficultés financières ou d’emploi, 27% le coût des modes de garde et 21% des difficultés à loger cet enfant.

D’après G. Pinson, et S. Dauphin [1], “les situations de précarité professionnelle conduisent à abandonner le projet d’enfant.” Le projet initial peut être revu à la baisse pour différentes raisons : âge, problèmes de fertilité, situation de couple, nombre d’enfants déjà nés, mais aussi situation professionnelle des conjoints.

Le projet de fécondité a d’autant plus de chances d’avoir été concrétisé que la femme occupe un emploi stable. A l’inverse, une situation de chômage – particulièrement des femmes – compromet la réalisation des projets initiaux de fécondité et peut conduire à un report de naissance, voire à un renoncement.”

En effet, le report des naissances ne réduit pas seulement le nombre désiré d’enfants mais également la probabilité d’avoir les enfants souhaités. Ainsi, à partir de 35 ans, la majorité des intentions non réalisées se soldent par un renoncement.

 

Les politiques familiales influencent-elles les comportements en matière de fécondité ?

 

Il existe trois leviers de politiques familiales liées à la natalité :

  • L’octroi de congé lié à une naissance,
  • Les prestations financières (incluant le quotient familial)
  • L’offre de services pour la petite enfance.

Toutes les formes d’aide exercent un effet positif sur la fécondité, toutes choses étant égales par ailleurs, suggérant ainsi qu’une combinaison de ces aides est susceptible de favoriser la fécondité. Toutefois, selon l’INED [1], l’effet de la durée du congé et des dépenses associées apparaît, en moyenne, particulièrement faible par rapport à l’effet du taux de couverture des services d’accueil pour les enfants de moins de 3 ans. Ainsi, les études existantes tendent à montrer que l’impact des incitations financières est très limité tandis que l’existence de services d’accueil de la petite enfance facilite la possibilité pour les couples d’avoir le nombre d’enfants souhaités.

La durabilité de ces structures d’accueil permet aux futurs parents de se projeter pour accueillir un enfant.

Paradoxalement, les mesures introduites avec un objectif explicite de soutien à la fécondité ont un effet assez limité, alors que celles qui soutiennent la “conciliation entre travail et vie familiale ou qui améliorent les conditions de vie – sans faire du soutien à la fécondité leur objectif premier – semblent avoir un effet plus tangible sur la fécondité.”

 

La tendance lourde de recul de l’âge de la maternité (alimenté notamment par l’insécurité matérielle, économique et par manque de structures d’accueil de l’enfant) atteint une limite biologique qui ne pourra pas être surmontée par les promesses des technologies de procréation. Cette confrontation au “mur biologique” pour les femmes (combiné au recul de l’âge de la paternité et des couples) entrainera probablement des renoncements aux projets d’enfants qui auront un impact à la baisse sur la natalité.

 

 

Conclusions et Perspectives

La remontée de l’indice conjoncturel de fécondité du début des années 2000 avait été imputable à un rattrapage du mouvement de retard observé sur la période précédente pour atteindre une descendance finale de 2 pour les générations de femmes concernées. Cette nouvelle baisse initiée depuis 2012 sera-t-elle uniquement conjoncturelle ou plus structurelle ? Plusieurs facteurs déjà identifiés dans le passé vont continuer à jouer un rôle dans l’évolution de la fécondité :

  • Les normes procréatives (l’arrivée d’un enfant est soumise à des critères comme le fait d’être installé dans la vie, avec des diplômes, un emploi stable, un logement et une vie de couple stable) ont joué un rôle conjoncturel très important dans le recul de l’âge pour procréer. Dans le futur, elles pourraient avoir un rôle structurel accru sur la descendance finale des femmes car la capacité à étendre l’âge de la procréation est limitée par les contraintes biologiques au risque de renoncer aux projets d’enfants.
  • Les conditions matérielles et économiques dégradées, en particulier la précarité des emplois des femmes ont et auront un impact direct réduisant la concrétisation des projets d’enfants.
  • L’axe de la politique familiale visant à étendre la couverture de services d’accueil de la petite enfance jouera un rôle essentiel sur la décision des couples d’avoir le nombre d’enfants souhaités (plus important que les aides financières et les congés natalité). Il s’agit d’inscrire l’accueil de l’enfant au centre du projet de la société française.
 

De nouvelles tendances sociétales pourraient avoir un impact (sans pouvoir en estimer la prévalence) telles que :

  • L’éco-anxiété qui pousse les jeunes générations et plus particulièrement les “child free” à remettre en question l’arrivée d’êtres humains supplémentaires sur la planète.
  • Certains sondages évoquent aussi les difficultés d’engagement durable dans une société qui privilégie la liberté, l’épanouissement personnel et le non-attachement.
  • Les évolutions des normes, exigences et injonctions parentales / éducatives qui pèsent sur les potentiels parents.
  • Les promesses des technologies de procréations (congélation des gamètes, stimulation ovarienne…)

 

Pour Alliance VITA, toutes ces analyses soulignent les efforts indispensables pour donner la pleine capacité aux familles d’accueillir des enfants.

 

 

Référence principale

[1] Gilles Pison et Sandrine Dauphin, Enjeux et perspectives démographiques en France 2020-2050. Un état des connaissances, Paris, INED, Document de travail, 259, Novembre 2020 https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/30829/dt.259.2020.projections.demographiques.france2.fr.pd

Baisse de la natalité en France : tendance conjoncturelle ou structurelle ?

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Baisse de la natalité en France : tendance conjoncturelle ou structurelle ?

D’après les données de l’INSEE, la natalité ne cesse de baisser : en 2024, 663 000 bébés sont nés soit 2,2% de moins qu’en 2023 et 21,5% de moins qu’en 2010. Le taux de fécondité (ou nombre d’enfants par femme), est passé de 1,66 en 2023 à 1,62 en 2024. Selon la Drees« Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, cet indicateur n’a jamais été aussi bas. »Ces chiffres reflètent-ils des phénomènes conjoncturels ou s’inscrivent-ils au contraire dans des tendances plus durables ? Quels sont les facteurs de cette baisse de la natalité ?

 

Comment mesurer la fécondité d’un pays ?

Il y a plusieurs moyens de mesurer la fécondité des femmes en France selon que l’on se place dans une perspective à court ou à long terme.

Selon la définition de l’INSEE, l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité (ICF) “sert donc uniquement à caractériser d’une façon synthétique la situation démographique au cours d’une année donnée, sans qu’on puisse en tirer des conclusions certaines sur l’avenir de la population.

A l’inverse, un indicateur structurel de la fécondité, appelé aussi la descendance finale, ne s’applique pas à une année de calendrier, mais à une génération de femmes.

Les signaux donnés par l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité sont des signaux court terme qui sont à compléter et à mettre en perspective avec des tendances de long terme observables avec la descendance finale de nombreuses années après sur plusieurs décennies.

Lors des 30 dernières années, le niveau de l’ICF, relativement bas au milieu des années 1990 (1,66), venait d’un mouvement de retard des maternités selon une étude de l’Ined de 2020 [1] : “ les femmes des générations les plus âgées avaient déjà eu leurs enfants et elles n’en mettaient plus au monde et les générations plus jeunes attendaient pour avoir les leurs (le nombre de descendance finale étant le même que la génération précédente)”.

Ce mouvement de retard des maternités a été ensuite rattrapé par les générations de femmes qui avaient différé leur projet de naissance entraînant une hausse de l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité au-dessus de 2 entre les années 2007 et 2011.

La diminution observée depuis 2012 provient principalement de la baisse significative de la fécondité des moins de 30 ans.

Pour autant ce n’est qu’entre 2024 et 2037 que la descendance finale de la génération née entre 1983 et 1997 sera connue. Reste à savoir si elle se maintiendra à 2 ou baissera comme dans de nombreux pays.

 

Naissance et fécondité : à quoi s’attendre demain ?

Plusieurs facteurs déjà identifiés dans le passé vont continuer à jouer un rôle dans l’évolution de la fécondité :

  • Les normes procréatives (l’arrivée d’un enfant est soumise à des critères comme le fait d’être installé dans la vie, avec des diplômes, un emploi stable, un logement et une vie de couple stable) ont joué un rôle conjoncturel très important dans le recul de l’âge pour procréer. Dans le futur, elles pourraient avoir un rôle structurel accru sur la descendance finale des femmes car la capacité à étendre l’âge de la procréation est limitée par les contraintes biologiques au risque de renoncer au projet d’avoir un enfant.
  • Les conditions matérielles et économiques dégradées, en particulier la précarité des emplois des femmes ont et auront un impact direct réduisant la concrétisation des projets d’avoir un enfant.
  • L’axe de la politique familiale visant à étendre la couverture de services d’accueil de la petite enfance jouera un rôle essentiel sur la décision des couples d’avoir le nombre d’enfants souhaités (plus important que les aides financières et les congés natalité qui restent cependant des facteurs qui comptent). Il s’agit d’inscrire l’accueil de l’enfant au centre du projet de la société française.

De nouvelles tendances sociétales pourraient avoir un impact sans qu’il soit possible d’en estimer la prévalence :

  • L’éco-anxiété qui pousse les jeunes générations et plus particulièrement les “child free” à remettre en question l’arrivée d’êtres humains supplémentaires sur la planète.
  • Certains sondages évoquent aussi les difficultés d’engagement durable dans une société qui privilégie la liberté, l’épanouissement personnel et le non-attachement.
  • Les évolutions des normes, exigences et injonctions parentales / éducatives qui pèsent sur les potentiels parents.
  • Les promesses des technologies de procréations (congélation des gamètes, stimulation ovarienne…)

 

Pour Alliance VITA, toutes ces analyses soulignent les efforts indispensables pour donner la pleine capacité aux familles d’accueillir des enfants.

 

[1] Gilles Pison et Sandrine Dauphin, Enjeux et perspectives démographiques en France 2020-2050. Un état des connaissances, Paris, INED, Document de travail, 259, Novembre 2020 https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/30829/dt.259.2020.projections.demographiques.france2.fr.pdf

baisse de la natalité en france : tendance conjoncturelle ou structurelle ?

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Université de la vie 2025 – Première soirée : « Être en lien »

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Première séquence : « Être en lien »

« Nous rentrons en relation entre humains alors que nous sommes en interaction avec les machines. […] Notre intelligence est plus que performante : elle est infinie, elle est en perpétuelle évolution et relation. Elle est puissante. »

 

Blanche Streb, directrice de la formation d’Alliance VITA, emmène ensuite les participants au cœur de l’épigénétique. Explorant comment des marques chimiques influencent l’expression des gènes, cette récente discipline scientifique montre que nos expériences, notre environnement et notre mode de vie peuvent modeler notre biologie de manière réversible ou durable. Tout en dépassant le déterminisme génétique, elle explique la transmission intergénérationnelle de traumatismes ou d’effets environnementaux, et ouvre également des perspectives thérapeutiques. En révélant la plasticité et la complexité du vivant, elle nous invite à admirer les liens profonds entre ce que nous sommes et ce que nous vivons.

Maman adoptante de deux enfants de 11 et 7 ans, Sabine Blanchard a livré un témoignage bouleversant sur les ravages que cette séparation dramatique avec leur mère de naissance a pu causer à ses enfants. Ce point de départ douloureux, elle le voit comme un mystère dans la vie de ses enfants, une blessure qu’elle et son mari s’efforcent d’accompagner avec humilité, « en cultivant, en famille, la gratitude pour la vie ». Pour elle « l’adoption, c’est réparer ensemble cet accident. »

« Être, c’est dire oui à ce monde qui est le nôtre et à cette condition qui est la mienne. Mais pas un oui résigné ; un oui qui va de l’avant. »

Spécialiste des questions bioéthiques, il est revenu sur la difficulté de la société à accepter ses propres limites et à accueillir l’imprévu. Face aux tentatives de maîtriser la vie à son début ou à sa fin, il y a quelque chose de radicalement insaisissable. Affirmant que « les sources d’espérance naissent des rencontres et des échanges en profondeur », il ajoute que selon lui, « l’humanité c’est à la fois de vrais individus à part entière et des individus en relation les uns avec les autres. »

Dans de très nombreuses villes de France et de l’étranger, les soirées se sont conclues par des témoignages locaux : de médecins, soignants, de bénévoles, d’écoutants, de parents…

Prochaine soirée le 27 janvier autour du thème « Être vulnérable ».

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Sites pornographiques et âge légal, quelles réalités ?

Sites pornographiques et âge légal, quelles réalités ?

Sites pornographiques et âge légal, quelles réalités ?

 

Sites pornographiques et âge légal

La pornographie est un fléau. Tant dans l’étendue de son usage que dans ses méfaits. Personnes exploitées par un marché sordide et colossal, impact psychologique sur les consommateurs, en particulier sur les plus jeunes, phénomènes d’addictions, image dégradée de la femme et de la sexualité, augmentation de la violence, détérioration des relations humaines… Les impacts sont nombreux. Et touchent toute la société. La pornographie est une industrie qui a « fait de l’exploitation et la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes un business à l’échelle mondiale ».

Un rapport d’information cosigné par 4 sénatrices de différents partis publié en septembre 2022 sous le titre choc de « l’enfer du décor » mettait en lumière l’emprise de l’industrie pornographique et ses impacts néfastes. Il y a urgence à mener une lutte contre ce fléau. Celle-ci passe par des interdictions et de la prévention. L’un des enjeux prioritaires est celui de la protection des mineurs. Les chiffres sont effarants. L’Arcom a publié une étude en mai 2023 sur la consommation des mineurs : 51% des garçons de 12 ans se rendent sur un site pornographique chaque mois, 65% des garçons de 16 ans également.

Pour limiter l’accès de ces contenus aux mineurs, des tentatives de réglementation émergent. Un changement est intervenu le 11 janvier 2025. Depuis cette date, des règles émanant d’un référentiel de l’Arcom sont entrées en vigueur. Les sites doivent désormais vérifier que leurs utilisateurs ont bien l’âge de la majorité légale, en utilisant un système d’authentification. Un groupe de travail vient d’être créer pour suivre la mise en conformité des sites pornographiques avec la réglementation. Les sites qui ne respecteraient pas cela pourraient se voir menacer d’être bloqués.

 

Comment l’âge est-il vérifié ?

Le rapport préconise d’encadrer ce contrôle de l’âge des utilisateurs tout en respectant leur vie privée. Cela ne concerne donc pas l’identité ni les documents légaux. Il a donc été retenu un principe de « double anonymat ». D’un côté, l’utilisateur partage « quelque chose » qui peut attester de sa majorité à « un tiers », ce tiers étant une application ou un site dédié à ce type de contrôle, et, de l’autre, la plateforme de contenus pour adultes reçoit, via ce tiers, l’information concernant l’âge du visiteur. Depuis la publication de référentiel en octobre dernier, de nombreuses start-up (près d’une dizaine rien qu’en France) ont développé des solutions pour répondre à cette problématique de double anonymat. C’est un nouveau marché qui s’est ouvert.

 

Quel est l’impact de cette vérification ?

Cette disposition est un premier pas. Exprimer par la réglementation que cet accès n’est pas disponible pour les mineurs permet de rappeler la loi. Celle-ci n’est pas qu’un interdit mais a une valeur expressive et symbolique : celle de la protection des mineurs. L’accès à la pornographie pour un mineur est en effet interdit. Le code pénal stipule que la diffusion de contenu pornographique à des mineurs est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Abandonner la lutte contre cet accès reviendrait, de fait, à l’autoriser. Sur ce sujet, comme celui de la consommation de drogue, l’accès aux réseaux sociaux pour les très jeunes, le téléphone portable à l’école…les arguments pour maintenir l’interdiction et la rendre plus effective s’appuient sur les impacts pour les jeunes et leur santé, mentale et physique.

Mais des questions subsistent sur les résultats qui peuvent en être attendus.

Pour commencer, la vérification en elle-même n’est pas très exigeante. Pour prouver son âge, un simple compte email, l’envoi d’un selfie vidéo, ou la preuve d’une transaction unique sur une application peut suffire. D’après Clara Chappaz, ministre du Numérique :

« les acteurs (de ce contrôle, ndlr), ça peut être une utilisation à base d’intelligence artificielle qui identifie les traits du visages, il peut s’agir de solutions qui identifient les mouvements de la main, il y a tout un tas de solutions sur le marché qui existent. Ce n’est pas à nous de dire au site Internet laquelle ils peuvent utiliser »

Autre problème, les sites les plus visités ne sont pas domiciliés en France, ils ne sont donc pas concernés. L’Europe n’est pas dotée de ce type de protection. L’objectif de la France, annoncée par la ministre, est d’encourager l’Europe à emboiter ce pas. Clara Chappa a saisi l’Europe sur cette question et affirme que d’ici quelques mois, les sites basés dans l’Union européenne auront à suivre cette régulation.

Par ailleurs, il est possible de contourner le système. Le contrôle ne s’appliquant que pour les visiteurs français, il suffira de faire croire qu’on est un internaute à l’étranger pour y échapper. Cela est notamment rendu possible par l’emploi d’un réseau privé virtuel (VPN) qui rend la connexion anonyme et masque la localisation de l’internaute en changeant son adresse IP. Il peut alors prétendre être dans un autre pays et contourner les règles françaises.

Il est vraisemblable qu’ « une partie du trafic va se tourner vers les VPN », pronostique déjà Jacky Lamraoui, patron de la start-up française IdxLab, qui fournit une solution de vérification d’âge à une vingtaine de sites X. D’après le site spécialisé DataReportal, 28 % des internautes âgés de 16 à 64 ans utilisaient un VPN en 2022, un chiffre en forte progression ces dernières années.

Enfin, les procédures de blocage sont complexes, et peuvent prendre plusieurs mois. Par exemple, en octobre la Cour d’appel de Paris avait ordonné le blocage de quatre sites X. 4 mois plus tard, ils sont encore accessibles.

Par ailleurs, la ministre chargée du numérique ne semble pas vouloir s’attaquer au problème de la pornographie de manière globale. Dans son entretien, elle insiste à deux reprises sur le fait que cette réglementation « ne doit pas empiéter sur le droit des adultes » et elle précise bien : « je veux rassurer les adultes qui sont dans leur plus grande liberté de consommer ces contenus… ».

Pour Alliance VITA, la pornographie est contraire à la dignité humaine et au respect du corps humain. Elle entretient également la traite des êtres humains et la prostitution. Renforcer, par tous les moyens, la protection des mineurs est prioritaire. Mais c’est un plan d’action ambitieux et global que mérite ce sujet.

 

Pour aller plus loin

La pornographie : un poison pour la dignité – Sophie Ascarino. Université de la vie 2021. Vidéo disponible ici

Pornographie : le Sénat alerte sur l’enfer du décor – Pornographie et Prostitution – Octobre 2022

sites pornographiques et âge légal, quelles réalités ?

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