Nouvelles naissances par FIV 3 parents, les dessous d’une étude

Nouvelles naissances par FIV 3 parents, les dessous d’une étude

Nouvelles naissances par FIV 3 parents, les dessous d’une étude

Une étude publiée le 16 juillet 2025 dans le New England Journal of Medicine annonce les nouvelles naissances de plusieurs enfants conçus par une technique de procréation artificielle avec « don de mitochondries ». Cette technique est déjà connue sous le nom de « FIV 3 parents », car elle implique la création d’embryons humains à partir des gamètes de 3 personnes, deux femmes et un homme. À l’occasion de la publication de ces expériences menées en Grande Bretagne, cette technique a été fréquemment présentée comme « une avancée » ou une « expérience sans précédent » En réalité, la FIV 3 parents n’est pas récente, et reste très controversée dans le monde scientifique, pour des raisons éthiques et surtout, sanitaires. Ce point est peu évoqué, pourtant elle fait de chaque enfant le propre cobaye de cette manipulation à l’origine de sa vie. Il est important de rappeler que le « don de mitochondries » ne soigne personne, et n’empêche pas des bébés d’être « sauvés » de certaines maladies, comme on peut le lire dans la presse. En réalité, elle « créée » de toutes pièces de nouvelles personnes, dont le génome mitochondrial a été modifié, dans l’espoir d’éviter une maladie, mais en faisant d’elles des sujets d’expérimentation, en l’absence de tout consentement préalable possible.

Par ailleurs, l’étude confirme que le « don de mitochondries » n’empêche pas la transmission de mitochondries mutantes. La technique n’est ni sûre, ni efficace. Elle démontre également l’important taux d’échecs, et donc de fausses promesses faites aux parents, ainsi que l’immense quantité d’ovocytes mais aussi et surtout d’embryons humains (plusieurs centaines) « consommés » pour aboutir à la naissance de quelques enfants vivants, pour lesquels les éléments concernant leur santé future restent insuffisants pour être rassurants. Notamment, car ils sont encore très jeunes et qu’il n’y a pas de recul. 

La promotion de ces techniques de manipulation des embryons humains et leur mise en œuvre concrète révèlent une vision inquiétante de la procréation humaine : assumer qu’une volonté de transmettre ses gènes à tout prix à un enfant puisse conduire à créer des bébés sur mesure, quel qu’en soit le prix à payer pour lui ou pour les générations futures. Ces modifications génétiques seront héréditaires, si les petites filles ainsi nées deviennent elles-mêmes mères. Cet enjeu majeur n’est même pas évoqué dans l’étude. Quelles peuvent être ces conséquences ? Nul ne peut y répondre avec certitude aujourd’hui. On joue avec la vie.

Pourquoi parle-t-on désormais de « don de mitochondrie » ?

Cette dénomination est utilisée à dessein, même si elle est plus compliquée (pour ne pas dire incompréhensible pour le plus grand nombre) que FIV 3 parents. Cette dénomination rassure par son côté scientifique, tout est étant connoté positivement (par la présence du mot « don »).

Les mitochondries sont bien le cœur du sujet. Ce sont des petits corpuscules (organites) que l’on trouve dans presque toutes nos cellules, dans des proportions variables. Ce sont des petites « usines à énergie » qui produisent un « carburant » vital grâce à un système intégré très élaboré appelé « chaîne respiratoire ». Essentielles au bon fonctionnement des cellules et de l’organisme, les mitochondries ont aussi une particularité notable et fondamentale: elles possèdent leur propre ADN, dit ADN mitochondrial (ADNmt). Confiné à l’intérieur des mitochondries, ce génome est distinct de l’ADN contenu dans les chromosomes, mais représente néanmoins 1 % de l’ADN total d’une cellule. Chaque cellule d’un être humain contient donc deux génomes: le génome nucléaire (chromosomes, contenus dans le noyau) qui compte 22 000 gènes environ. Et le petit génome mitochondrial qui compte 37 gènes.

Ainsi, bien qu’elle ait son propre ADN, la mitochondrie ne fonctionne donc pas « en autonomie ». Les pièces qui constituent la mitochondrie, en particulier autour de la chaîne respiratoire, sont mises en place par une double commande, venant à la fois de l’ADNmt et de l’ADN nucléaire (à 98 %). Ainsi, la plupart des protéines nécessaires au fonctionnement de la mitochondrie sont produites dans le corps de la cellule, sous commandement de l’ADN nucléaire.

Qu’est-ce qu’une maladie mitochondriale ?

Si l’ADN ou l’ADNmt porte une anomalie, une mutation par exemple, le fonctionnement de la mitochondrie peut être altéré. Et si les mitochondries sont défectueuses, cela peut déclencher des maladies rares, mais parfois très graves, qu’on appelle « maladies mitochondriales », touchant toutes les tranches d’âge avec des symptômes extrêmement variés. Une personne peut donc être touchée par une maladie mitochondriale dont les causes sont dues à des mutations, héréditaires ou spontanées, de l’ADNmt ou de l’ADN. Il existe plus de 300 types connus de maladie mitochondriale. Les phénomènes liés au vieillissement peuvent aussi conduire au dysfonctionnement mitochondrial, au fur et à mesure des années.

Par ailleurs, dans ces maladies, il existe plusieurs cas de figure. Il faut savoir qu’au sein des cellules d’une personne porteuse d’une mutation peuvent coexister des mitochondries saines et d’autres mutantes. On appelle cela « l’hétéroplasmie ». Dans ce cas, un « niveau seuil » peut être requis en dessous duquel les symptômes de la maladie n’apparaissent pas. Ce seuil peut varier d’un type de mutation à un autre, d’un tissu à l’autre et d’un malade à l’autre. En dessous de ce seuil, une personne peut donc être porteuse sans être malade. Une femme qui serait dans ce cas de figure développera alors dans ses ovaires différents types d’ovocytes qui pourront être peu, pas du tout ou très « chargés » en mitochondries malades. Et selon la « charge initiale », ses enfants peuvent être porteurs sains, dans une « zone grise », ou malheureusement malades et présenter des symptômes.

Au contraire, on parle d’homoplasmie lorsque toutes les molécules d’ADN mitochondrial (ADNmt) portent une mutation ou lorsqu’elles sont toutes normales.

En quoi consiste cette technique de procréation artificielle ?

Elle consiste en la création d’embryon humain in vitro, à partir de 2 ovocytes et un spermatozoïde. La technique est promue dans deux situations : l’éviction d’une maladie mitochondriale liée à l’ADNmt d’un côté, un prétendu « rajeunissement des ovocytes » de l’autre. Dans l’étude publiée récemment, c’est le premier cas qui est concerné.

Ces manipulations consistent, pour faire simple, à « déplacer » le matériel génétique (noyau) maternel d’un ovocyte d’une femme dans l’ovocyte d’une autre femme, avant d’induire la fécondation par un spermatozoïde. Ou bien, et c’est le cas dans l’étude en question, à déplacer le matériel génétique maternel et paternel d’un ovocyte à un autre, juste après la fécondation. Puis, pour les embryons qui survivent et se développent, on procède à leur implantation dans l’utérus. 

Par des micromanipulations, le matériel génétique de la donneuse est retiré de son ovocyte. Deux techniques, détaillées plus loin, sont possibles pour remplacer le matériel génétique de l’ovocyte (D) de la donneuse par celui (M) de la femme souhaitant être mère, ou directement par le matériel génétique complet issu de la fécondation de l’ovocyte (M) avec le spermatozoïde de l’homme concerné (conjoint ou donneur).

Quand ces techniques ont commencé à émerger, on les nommait « FIV 3 parents », non seulement car elles impliquent que 3 personnes soient parties prenantes, mais aussi, car l’embryon ainsi conçu contient l’ADN de ces 3 personnes distinctes (l’ADN nucléaire du père et de la mère, et l’ADN mitochondrial de l’autre femme).

Par ailleurs, la technique implique pour chacune des femmes, celles qui souhaitent être mères génétiques comme celles qui seront donneuses d’ovocytes[1], de recourir à une stimulation ovarienne et au prélèvement chirurgical dans leurs ovaires, sous anesthésie générale. Une procédure qui n’est pas sans risque et pas toujours suivie de succès. Les ovules prélevés seront ensuite vitrifiés pour être conservés.

L’étude ici détaille que pour les 25 femmes donneuses impliquées, 38 procédures de stimulation ovarienne / prélèvement ont été réalisées, ce qui a abouti à la récolte de 736 ovocytes. Pour les femmes désirant être mères, quelle que soit la méthode utilisée par la suite, sur les 71 incluses, seules 53 ont été éligibles pour le prélèvement. Elles ont subi un à trois cycles de stimulation ovarienne / prélèvement pour aboutir à un « stock » suffisant d’ovocytes. L’étude rapporte que 1245 ovocytes ont ainsi été récoltés.

La technique implique aussi, nous le verrons, la création d’une très grande quantité d’embryons.

Comment se transmettent les mitochondries aux générations futures ?

Les mitochondries sont transmises par la mère, au moment de la fécondation, puisque c’est l’ovocyte maternel (plus grosse cellule du corps féminin) qui sert de première cellule au nouvel être humain (zygote), lorsqu’il y a eu fécondation. Après la fécondation, seules les mitochondries apportées par la mère sont présentes dans l’embryon et lui servent de « réserve » initiale, dont il a besoin pour vivre et se développer. 

Les mitochondries sont également nombreuses dans le spermatozoïde, en particulier dans la pièce intermédiaire qui relie sa tête et son flagelle, car il a besoin d’énergie pour se mouvoir. Mais dans le cas d’une fécondation naturelle, la plupart des organites apportés par le spermatozoïde, et notamment ses mitochondries, ne sont pas transmis à la descendance, car ils sont en quelque sorte « digérés » par la partie externe de l’ovocyte juste après la fécondation. Seul le noyau dans la tête du spermatozoïde, qui porte l’information génétique du père, pénètre dans le corps de l’ovocyte.

Comment se déroule un « don de mitochondries » ?

C’est plus complexe que ne le laisse entendre l’intitulé euphémisant de « don de mitochondries ». Il ne s’agit pas d’un simple prélèvement dans une cellule, avant une injection à un embryon in vitro, comme on ferait un « simple » don du sang.

Nous sommes ici dans des situations où une femme risque de transmettre une maladie à ses enfants. Ce risque est connu, soit parce qu’elle-même présente des symptômes et qu’un diagnostic est déjà posé, soit parce qu’elle a déjà mis au monde un enfant porteur d’une telle anomalie. Bien sûr, la seule cause de maladie mitochondriale à laquelle la « FIV-3 parents » prétend répondre est celle où la mère est porteuse de mitochondries dont l’ADNmt est anormal. Cette technique serait inopérante dans le cas où l’anomalie de fonctionnement des mitochondries serait liée à une mutation portée par un chromosome (ADN nucléaire).

La technique entend alors concevoir un enfant dont la cellule initiale, le zygote, serait le plus possible exempt de mitochondries malades. Pour cela, on utilise des ovocytes de donneuses non affectées par la maladie. Leurs mitochondries sont donc saines, fonctionnelles, et possèdent un ADNmt normal.

L’objectif de la méthode est d’abord d’énucléer (retirer le noyau, le matériel génétique) des ovocytes de donneuses puis d’y introduire l’autre patrimoine génétique, celui de la femme ou du couple qui souhaite avoir un enfant. On appelle cela un « transfert nucléaire ». Ces infimes manipulations sont réalisées à l’aide de micropipettes, sous microscope.

Deux méthodes sont possibles :

  • En pré-fécondation : transfert du fuseau maternel

Seul le matériel génétique (fuseau maternel en métaphase II présent dans l’ovocyte) de la femme qui souhaite être mère est transféré dans l’ovocyte de la donneuse. On se situe donc là avant la fécondation. Une fois que cet « échange » a eu lieu, la fécondation de l’ovocyte est provoquée par ICSI  (injection intracytoplasmique de spermatozoïdes) qui revient à forcer l’introduction d’un spermatozoïde à l’intérieur de l’ovocyte.

  • En post fécondation : transfert pronucléaire

C’est cette méthode qui a été privilégiée dans l’étude dont il est question.
Ici, on met en place une double fécondation, pour créer deux types de zygotes en parallèle. Les premiers zygotes sont issus des ovocytes (M) de la femme qui souhaite être mère, fécondés par ICSI par des spermatozoïdes de son conjoint ou d’un donneur.
Les seconds, créées en parallèle, le sont à partir de la fécondation d’ovocytes (D) d’une donneuse sélectionnée, également par ICSI, avec des spermatozoïdes du même homme. 

Suite à cela, pendant le laps de temps (quelques heures) où le matériel génétique paternel et maternel (pronoyaux) migrent l’un vers l’autre (pour « fusionner » et donner l’ADN complet de l’individu nouvellement conçu), on vient aspirer par micropipette ces deux pronoyaux de l’ovocyte.

Ceux présents dans les zygotes issus de la donneuse sont jetés.

Après une brève exposition à un agent de fusion (enveloppe de virus hémagglutinant du japon, précise l’étude) les deux pronoyaux prélevés dans les zygotes issus de la patiente sont transférés dans les zygotes de la donneuse, (auxquels on a donc au préalable retiré les deux pronoyaux)

Ainsi, on crée en parallèle deux types d’embryons pour chaque couple concerné : ceux issus du futur père (ou d’un donneur) et de la future mère, et en même temps d’autres issus du même père et des ovocytes d’une donneuse.

Mais attention : quelle que soit la méthode utilisée, le transfert concomitant de mitochondries maternelles anormales depuis l’ovocyte maternel jusqu’à l’ovocyte de donneuse est inévitable, étant donné leur présence autour des noyaux et les tailles microscopiques (de l’ordre du µm) de ces organites et des cellules dont on parle.

Il est donc impossible de transférer des noyaux d’un ovocyte à un autre sans transférer en même temps du cytoplasme (contenu d’une cellule) et donc des mitochondries.

Qu’annonce l’étude ?

Cette étude annonce la naissance de plusieurs enfants, issus de la technique de transfert des pronoyaux en post fécondation, mais également, en parallèle, la naissance d’enfants issus d’une autre, plus simple.

1ère méthode : FIV 3 parents, transfert en post fécondation

32 femmes patientes ont été admises dans l’étude. Puis seules 25 d’entre elles ont été retenues comme éligibles pour tenter la phase de stimulation ovarienne/prélèvement d’ovocytes. On a pu en récolter pour 22 d’entre elles. Parmi les ovocytes récoltés, 487 ovocytes du groupe des 22 femmes incluses dans la FIV 3 parents ont été vitrifiés et stockés.

Par la suite, on a réalisé une ICSI sur 357 ovocytes avec un spermatozoïde du conjoint (pour 21 femmes) ou d’un donneur (pour une femme). Un donneur a été requis dans un cas étant donné que la donneuse d’ovocyte retenue était génétiquement reliée au partenaire masculin de la patiente…

Sur les 22 femmes qui ont pu fournir des ovocytes, une fécondation par ICSI a été déclenchée sur leurs ovocytes. Pour 19 d’entre elles, le protocole de FIV 3 parents a continué en utilisant la technique de transfert pronucléaire dans les ovocytes de donneuses.

Dans le même temps, les ovocytes de 25 femmes donneuses ont été fécondés par ICSI, avec les mêmes pourvoyeurs de sperme. Au total, 572 ovules de donneurs et d’ovules correspondants de patientes ont été injectés avec des spermatozoïdes provenant de la même source.

Ensuite, pour ces 19 femmes concernées, des tentatives de transfert pronucléaire ont été mises en place sur 160 paires de zygotes. Soit 320 embryons, aux tous premiers stades de leur développement.

L’étude précise que « le remplacement des pronoyaux du zygote du donneur par les pronoyaux du zygote du patient a été couronné de succès dans 127 des 160 tentatives (79,4 %). Sur les 127 embryons issus de ces tentatives réussies, 122 (96,1 %) étaient intacts le lendemain ». Ces zygotes ont secondairement subi des tests pour quantifier le taux de cytoplasme passé d’un zygote à l’autre. Mais, étonnement, la réglementation du Royaume-Uni n’autorise pas le dosage de l’hétéroplasmie dans les embryons obtenus par transfert pronucléaire (HFEA Code of Practice, section 33, édition 9.4, octobre 2023).

Les embryons de 18 femmes ont survécu à ces manipulations et ont été retenus comme acceptables pour être congelés ou implantés dans leur utérus.

Tout cela a conduit à 8 grossesses sur 22 femmes au départ, (soit 36%) (une était encore en cours au moment de la publication). Aucune des femmes porteuses de certains variant de mutation ne sont tombées enceintes.

Aucune des patientes enceintes du groupe n’avait opté pour un diagnostic prénatal.

Ces grossesses ont abouti à la naissance de 8 bébés vivants. Après la naissance, des examens ont été réalisés.

Chez 5 des 8 bébés, le niveau d’hétéroplasmie était indétectable (inférieur à 3%). 3 présentaient des taux allant de 5 à 16%. Ces taux sont donc faibles, ce qui est rassurant.

2ème méthode : FIV « classique » sans donneuse suivie d’un DPI (diagnostic préimplantatoire)

Il a été proposé à 39 autres femmes, atteintes d’hétéroplasmie, d’avoir recours à un autre procédé. Pour elles, on a procédé à des fécondations in vitro « classiques », avec leurs propres ovocytes non manipulés, et donc sans recourir à des ovocytes de donneuses. A l’issue des FIV et après 3 jours de développement, les embryons qui ont survécu ont été testés par une technique de diagnostic préimplantatoire, pour évaluer le taux d’ADNmt mutant présent dans les mitochondries. Pour ce type d’examen, on prélève une cellule (un blastomère) de l’embryon en éprouvette et on en mesure la charge d’ADNmt mutant. A noter que ce prélèvement, aléatoire, donne une « photo » à un instant donné du taux d’ADNmt mutant d’une cellule, non représentative de l’embryon complet ou de l’enfant en devenir, étant donné la condition d’hétéroplasmie et l’évolution possible de son taux. Les blastomères chargés à moins de 30% en ADNmt maternel malade ont été utilisés pour l’implantation dans l’utérus des potentielles futures mères impliquées dans les protocoles.

Pour 31 femmes sur les 39, des embryons ont pu être congelés et réimplantés dans leur utérus. Une grossesse clinique a été confirmé pour 16 des 39 (soit 41%) femmes, 3 s’étant au préalable terminées en fausses couches. 18 bébés sont nés vivants.

L’un des enfants a présenté une anomalie cardiaque. Les autres semblent en bonne santé, mais la plupart des parents (11 sur 18) n’ont pas acceptés que des tests d’hétéroplasmie soient réalisés sur leurs bébés…

Questions éthiques et sanitaires

Il subsiste tant d’inconnues

Comme nous l’avons vu, la mitochondrie ne fonctionne pas en autonomie à partir du seul ADNmt. Une majorité des composants de la mitochondrie sont même produits grâce à l’ADN nucléaire. Les interactions entre les deux ADN sont majeures, on dit qu’ils « dialoguent ». Cette donnée essentielle met en lumière qu’interchanger un ovocyte par celui d’une donneuse n’est pas neutre. L’hypothèse que ce soit la raison pour laquelle les mitochondries mutantes aient parfois le dernier mot en décimant les mitochondries saines, pourtant plus nombreuses au départ, n’est pas à exclure.

Comment dialoguent l’ADNmt des mitochondries de la donneuse avec l’ADN nucléaire de la mère génétique, avec quelles conséquences lorsqu’ils ne sont pas issus du même patrimoine génétique ? Il y a là de nombreuses inconnues sur ce qui va se jouer dans l’entièreté des cellules du corps humain de ces enfants créées par ces méthodes.

Quelle sécurité pour la santé des enfants nés, à long terme ?

Finalement, quelle que soit la méthode utilisée (transfert pronucléaire ou diagnostic préimplantatoire), les informations données sur la santé des nouveau-nés sont très faibles et n’évoquent que pour certains d’entre les taux d’hétéroplasmie relevés à la naissance. Leur évolution ou leur stabilité n’est pas étudiée ou mentionnée. 

Les auteurs en conviennent eux-mêmes : « Étant donné le potentiel d’amplification de la petite fraction d’ADNmt maternel qui est co-transférée avec le génome nucléaire, le suivi des résultats sera essentiel pour déterminer si l’hétéroplasmie reste stable dans le temps et dans les différents types de tissus ». La question est : est-ce que ces faibles taux dont se félicitent les auteurs resteront stables, ou est-ce que l’évolution du nombre de mitochondries mutantes pourrait, à un moment donné, conduire à dépasser le seul critique de déclenchement des symptômes et de la maladie ? Nul ne le sait à ce jour…

Quelle que soit la méthode utilisée, Il est impossible de transférer des noyaux sans transférer en même temps quelques mitochondries. Or, nous savons que les mitochondries maternelles peuvent se multiplier et même venir jusqu’à remplacer celles de la donneuse. Comme le révèle l’étude qui cite d’autres publications antérieures « pour des raisons qui restent obscures, la petite quantité d’ADNmt maternel augmente jusqu’à des niveaux homoplasmiques dans environ 20 % des lignées de cellules souches embryonnaires dérivées d’embryons obtenus après une procédure de don mitochondrial ». Ce qu’il faut donc comprendre dans ce cas-là, c’est qu’on est face à un échec total de la procédure. La technique projette de limiter la présence de mitochondries mutantes, au sein d’un ensemble de mitochondries saines. Mais les mutantes, qu’on ne peut éliminer totalement, viennent, petit à petit, dans certains cas, remplacer les saines.

Ainsi, pour deux bébés nés sur les 8 nés après transfert pronucléaire, les auteurs ne s’expliquent pas pourquoi leurs taux étaient de 12 et 16%, ce qui est très élevé. Ils écrivent : « parmi les explications possibles, on peut citer un avantage réplicatif de l’ADNmt de la patiente par rapport à l’ADNmt de la donneuse d’ovules ou une distribution inégale de l’hétéroplasmie induite par le don de mitochondries qui entraînerait un enrichissement dans un sous-ensemble de cellules embryonnaires qui ségrégent ensuite dans la lignée de l’épiblaste ». Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que l’ADNmt de la donneuse serait moins capable de se répliquer, il serait comme désavantagé par rapport à celui de la mère. Est-ce lié au dialogue ADNmt / ADN nucléaire déjà évoqué ? Nul ne le sait. Par ailleurs, selon l’endroit où les pronoyaux sont déposés dans le zygote, les mitochondries mutantes se répartiraient en proportions différentes dans les cellules embryonnaires dans la suite du développement et des divisions cellulaires, et au cours de ce développement embryonnaire, certaines lignées cellulaires pourraient se retrouver « très chargés » ou au contraire « peu chargés » en ADNmt maternel.

Bref. Le devenir des mitochondries mutantes au sein de l’embryon puis du nouvel enfant est immaîtrisable, aussi bien pour leur localisation que pour leur nombre et leur évolution numérique.

Cela interroge sur la santé à long terme des enfants nés de ces techniques, dont finalement, ils sont les cobayes… à vie.

Et la donneuse dans tout ça ?

Les questions éthiques qui se posent sur cette pratique sont nombreuses et vertigineuses. Pour la première fois, on aboutit à la création d’un enfant à partir de l’ADN de trois personnes, par l’intervention d’une « contributrice génétique supplémentaire ». C’est une rupture dans le processus naturel de la procréation humaine.

Il serait malhonnête intellectuellement de considérer ce rôle de « contributrice génétique » comme secondaire ou minime, attendu que c’est précisément ce rôle qui a « justifié » toute la mise en place de cette procédure.

Par ailleurs, considérer l’ovocyte maternel comme un simple « sac à main » interchangeable entre la mère génétique d’un enfant et une autre femme n’est pas sérieux. La science n’a de cesse de découvrir la particularité de cette cellule et la « contribution maternelle » unique qu’elle joue dans les premiers jours de la vie embryonnaire. La FIV-3 parents balaye ce qui peut s’avérer absolument essentiel dans la construction embryonnaire et la santé future de l’enfant. Loin d’être anodine, la contribution maternelle des premiers jours est évincée, et pourtant, les ARNm présents dans le zygote de la mère biologique ont été fabriqués grâce au génome maternel, Ce sont les ARNm fournis par la mère qui sont la source de la fabrication des protéines essentielles à l’embryon aux premiers stades de son développement. Dans le cas de la FIV 3 parents, ce sont les ARNm de la donneuse qui devront interagir avec un génome embryonnaire avec lequel ils n’ont rien à voir.

Enfin, n’oublions pas que derrière ces expérimentations se tapit aussi le marché de la procréation artificielle et de l’infertilité liée à l’âge, véritable face cachée de la FIV 3 parents.  Nombre des publications citées en bibliographie de l’étude attestent du lien entre ces deux usages possibles. Celui de l’infertilité étant bien plus vaste.

Pour aller plus loin

La Fécondation In Vitro à 3 parents : défi ou délire biologique ? 03/02/2015

Bébés sur mesure – le monde des meilleurs – Blanche STREB avril 2018

[1] En Grande Bretagne, les donneuses d’ovocytes reçoivent en compensation minimum 985 livres (environ 1180 euros) par cycles.

nouvelles naissances par fiv 3 parents en angleterre

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Progresser en humanité, avec Tugdual Derville à l’Université de la vie

Progresser en humanité, avec Tugdual Derville à l’Université de la vie

Progresser en humanité, avec Tugdual Derville à l’Université de la vie

Selon le porte-parole d’Alliance VITA Tugdual Derville, nous sommes à l’aube d’une nouvelle époque, marquée par la fin de la modernité et qui nous invite à progresser en humanité. C’était déjà la thèse de Romano Guardini dans les années 50 : l’essayiste avait constaté que le scientisme exacerbé avait enfermé l’humanité dans une impasse autodestructrice. Première guerre mondiale, Shoah, usage de la bombe atomique : il n’était plus possible d’identifier les « progrès » techniques au bien de tous, ni au bonheur garanti pour l’humanité. La montée accélérée de de notre « puissance » technique s’était en effet accompagnée de notre impuissance à réguler son usage par l’éthique.

De quoi nous inciter à un changement de point de vue.

L’enjeu est de sortir du désenchantement du combo moderniste « matérialisme, individualisme, hédonisme » qui exclut les faibles en imposant à tous son rythme effréné. Comment y parvenir ? En complétant la science – certes précieuse – par la reconnaissance de la valeur de l’incalculable, qui n’en est pas moins réel : l’art, la poésie, l’amour, la transcendance… Les êtres humains se sentent alors appelés à reconnaître leur fragilité et leur interdépendance, et même à y déceler leur grandeur. L’humanité progressera ainsi par une forme d’Exode, en s’éloignant de la fascination pour la technologie, et de sa propension à servir le totalitarisme, pour travailler à l’extension de la solidarité entre ses membres, dans l’espace et le temps.

La technique occupe alors sa juste place : elle aide à prendre systématiquement soin du maillon le plus fragile de la chaîne humaine, c’est-à-dire à « faire preuve d’humanité.

Université de la vie 2025 : Être humain et le rester demain

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Fin de vie : retour sur les expériences étrangères au Sénat

Fin de vie : retour sur les expériences étrangères au Sénat

Fin de vie : retour sur les expériences étrangères au Sénat

 

En amont de l’examen des textes de loi relatifs à la fin de vie, la Commission des affaires sociales du Sénat a auditionné plusieurs experts pour entendre un retour sur les expériences étrangères de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.

Retour sur l’expérience néerlandaise

Le néerlandais Theo Boer est professeur d’éthique de la santé à la PTh Universiteit de Groningen. Il a été membre d’un comité de contrôle de l’euthanasie du gouvernement des Pays-Bas pendant 10 ans. Aujourd’hui, il alerte les Français sur les risques de la légalisation de l’euthanasie. Selon lui, les critères censés encadrer le recours à l’euthanasie ne tiendront pas. Il observe que dans son pays, après vingt ans de légalisation, toutes les personnes finissent par se poser la question :

« Au début, on PEUT faire un choix, et, après quelques décennies, on DOIT faire ce choix. On est libre, mais, en définitive, on doit faire un choix… »

Retour sur l’expérience canadienne

Pierre Deschamps est québécois. Avocat et éthicien, il est membre de la commission de contrôle des soins de fin de vie du Québec. Au Canada, l’euthanasie est légale depuis 2016. Il le constate : les soins palliatifs demandent des moyens et du temps, alors que la demande d’« aide médicale à mourir » (nom de l’euthanasie au Canada) peut obtenir une réponse rapide. Attention, dans un système de santé défaillant, l’euthanasie pourrait devenir une réponse faute d’accès aux soins appropriés. Il alerte également sur le risque de confusion inhérent à ce genre de lois :

« L’aide médicale à mourir est une technique. Ce n’est pas un soin. Une nouvelle dynamique est en cours, et il faut en être conscient, dès la conception de la loi. »

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Natalité en France : un déclin sous microscope.

Natalité en France : un déclin sous microscope.

Natalité en France : un déclin sous microscope

La natalité en France décline, et cette tendance est passée sous le microscope de l’Académie Nationale de médecine et de l’INED, qui viennent chacun de publier un rapport sur cette question.

Que disent les chiffres sur la natalité ?

La baisse enregistrée peut s’analyser avec plusieurs données. Le nombre total de naissance est en baisse continue depuis 2010 en France métropolitaine. A cette date, le nombre atteignait 832 000 naissances. En 2024, un plus bas historique est atteint avec 663 000 bébés. Pour situer ces chiffres, le record après-guerre est en 1971 avec 916 000 naissances. Ces chiffres bruts doivent être aussi comparés à la taille de la population. En effet, la taille du pays a un lien évident avec le total des naissances. L’INSEE définit le taux de natalité comme le nombre de naissances d’une année rapportée à la population totale moyenne de l’année. Ce taux est en baisse à peu près continue depuis plusieurs décennies. De 14.8 en 1982, il est passé à 9.9 en 2023.

L’analyse serait incomplète sans l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF). Cet indice rapporte le nombre de naissances annuelles au nombre de femmes d’une classe d’âge, pour obtenir un indice synthétique. Selon l’INSEE, on peut l’interpréter comme  » le nombre moyen d’enfants qu’aurait une génération fictive de femmes qui connaîtraient, tout au long de leur vie féconde, les taux de fécondité par âge observés cette année-là. Il est exprimé en nombre d’enfants par femme« . Il s’agit d’une photographie de la situation de l’année, sans pouvoir prédictif sur l’avenir (cf notre analyse approfondie disponible ici). Les démographes considèrent classiquement que le seuil de 2.05 correspond au niveau qui permet à la population de ne pas baisser à terme, si on ne tient pas compte des flux migratoires vers ou en dehors du pays. Cet indice est également en baisse continue depuis 2010 et s’établit à 1.6 enfants par femme en 2024. Il revient à un niveau un peu en dessous du niveau atteint en 1994 (1.7), après un temps de remontée dans les années 2000. A titre de comparaison, le niveau moyen européen est à 1.4 et la France reste le pays avec l’ICF le plus élevé. A l’échelle mondiale, cet indice est estimé à 2.3. Pour les deux pays les plus nombreux, l’Inde et la Chine, les indices sont à 2 et 1.1 respectivement.

La baisse de la natalité, une tendance de fond aux multiples facteurs.

Sur les dernières décennies, la tendance généralisée dans le monde et plus encore dans les pays occidentaux est donc une baisse de la fécondité.

De nombreuses analyses ont été proposées pour éclairer ce phénomène. Parmi les facteurs explicatifs, le statut social et professionnel des femmes est important. Les femmes mènent des études plus longues, et une proportion bien plus grande de femmes ont un emploi salarié. Ce facteur est structurel. En corollaire, l’âge des mères qui accouchent à tendance à augmenter : « les femmes qui accouchaient il y a 50 ans avaient 26,5 ans en moyenne, aujourd’hui, elles en ont 31. L’âge à l’accouchement du premier enfant est passé de 24 ans à 29 ans« .

Les pays permettant aux femmes de mener de front une vie professionnelle et une vie familiale ont eu souvent une meilleure fécondité. C’était le cas de la France comparé à d’autres pays européens dans les décennies précédentes.

Les facteurs économiques ont également un rôle : chômage, incertitude sur l’avenir, hausse continue du prix des logements qui rend plus difficile l’accession à un logement agrandi pour accueillir un enfant supplémentaire.

La question du soutien par une politique familiale a aussi son importance. Les opinions des sociologues et des démographes divergent sur cette question. Cependant, une étude du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age (HCFEA) rapporte un lien statistique entre taux de natalité et niveau des dépenses publiques pour les familles (mesurés en pourcentage du PIB, Produit Intérieur Brut). Selon une mission de l’IGAS reprise par l’Académie de médecine :  » La France consacrait 3,6 % de son PIB aux familles en 2017, le taux le plus élevé de l’OCDE. Cependant, en 2021, ce chiffre est tombé à 2,2 %, en dessous de la moyenne de l’Union Européenne (2,4 %) « .

L’éco-anxiété, et plus généralement le climat d’incertitude et d’anxiété lié à la géopolitique et à l’avenir de la démocratie sont des facteurs de baisse de la fécondité cités dans les deux rapports. L’INED note un lien entre cette anxiété -globale- et les projections sur le nombre d’enfant souhaité. « À caractéristiques égales, 35 % des personnes de 25-39 ans très inquiètes des perspectives pour les générations futures comptent « probablement » ou « certainement » avoir un enfant (ou un enfant supplémentaire) contre 46 % des personnes moins inquiètes. Elles souhaitent aussi 0,11 enfant de moins« .

La question des facteurs biologiques et médicaux est approfondie dans le rapport de l’Académie de Médecine. L’entrée plus tardive dans la maternité a une incidence car la fécondité baisse avec l’âge. « Le risque d’infertilité passe d’un couple sur cinq à l’âge de 30 ans à un sur trois à 35 ans, et à un sur deux à 40 ans. De plus, la qualité des ovocytes diminue avec l’âge, augmentant les risques de fausses couches. Au total, le modèle de simulation qui fait référence montre qu’environ 75% des femmes essayant de concevoir à l’âge de 30 ans auront une conception se terminant par une naissance dans l’année, contre seulement 66% à 35 ans et 44% à 40 ans« .

Les facteurs environnementaux et comportementaux, ou des maladies comme l’obésité, ont aussi des impacts. « La concentration de spermatozoïdes dans le sperme a diminué de plus de 50% en moins de quarante ans (1973 -2011) chez les hommes occidentaux. La liste des substances chimiques soupçonnées d’avoir un effet sur la spermatogenèse est longue« .

Un écart persistant entre désir et réalisation.

Le rapport de l’INED publié cette semaine se concentre sur la question du désir d’enfant. Les médias ont souvent rapporté une facette du rapport résumé dans le titre choisi par l’INED : « les Français veulent moins d’enfant ». De fait, l’étude constate que : « La baisse des intentions de fécondité est beaucoup plus marquée pour les jeunes adultes de moins de 30 ans : le nombre total d’enfants souhaités a diminué de 0,6 enfant en moyenne en 20 ans. Il est passé de 2,5 à 1,9 enfant souhaité pour les femmes et de 2,3 à 1,8 pour les hommes. Comme pour ­l’ensemble des adultes, la moitié des jeunes de 18 à 29 ans envisagent d’avoir exactement 2 enfants, mais les réponses « 0 ou 1 » dépassent désormais les réponses « 3 ou plus », ce qui était l’inverse en 2005″.

Ces chiffres sont en opposition avec la vision de l’académie de médecine qui, dans son rapport, avance que : « La génération née entre 2000 et 2012, issue d’un mini-rebond de natalité représente un espoir de redressement. À l’horizon 2030 2040, elle représentera une cohorte nombreuse d’individus en âge de procréer. Si les conditions sont réunies – emploi stable, logement accessible, égalité femmes-hommes réelle, soutien à la parentalité, prise en compte de l’éco-anxiété – cette génération pourrait inverser la tendance« .

Un autre indice du changement de mentalité rapporté par l’étude est le « nombre d’enfant idéal pour une famille ». Ce chiffre peut être indépendant du nombre souhaité, ou réel, que les adultes ont. Le modèle dominant est largement celui d’une famille avec deux enfants. « Le modèle de la famille à 2 enfants se diffuse : tous âges confondus entre 18 et 49 ans, deux tiers (65 %) des femmes et des hommes considèrent 2 comme le nombre idéal d’enfants dans une famille, contre moins de la moitié (47 %) en 1998. Les réponses « 3 ou plus » deviennent minoritaires (29 % en 2024, contre 50 % en 1998) ».

L’enquête mené par l’INED pointe aussi le rôle d’une conception dite « égalitaire » sur une moindre intention de fécondité. « En 2024, les répondants, quel que soit leur sexe, qui ont une conception égalitaire des rôles des femmes et des hommes dans la société ont des intentions de fécondité plus faibles, alors que cette opinion n’avait aucun effet en 2005« . Il faut souligner qu’il s’agit d’intentions. Si elles ont un poids, elles ne déterminent cependant pas toute la trajectoire de vie des personnes.

Ces tendances sociales de baisse de la fécondité s’accompagnent d’une constante : il demeure un écart persistant entre désir d’enfant et nombre réel d’enfant que les familles élèvent. De nombreuses associations en France pointent depuis longtemps cet écart entre souhait et réalité. L’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la Population l’a également cité dans son rapport sur la fécondité (notre analyse ici). En 1998, l’ICF se situait à 1.78 alors que le nombre d’enfants souhaités était à 2.7 enfants. En 2024, cet indicateur s’établit à 1.6 alors que le nombre d’enfants souhaités est à 2.3 en moyenne.

Les deux rapports récents, Académie de Médecine et INED diffèrent dans leur conclusion. L’INED constate de nouvelles normes sur le nombre d’enfant souhaité qui accompagne la tendance à la baisse de la fécondité. L’académie de médecine, plus volontariste, affirme que la tendance peut s’inverser. La liste pour que la tendance s’inverse ressemble à des souhaits dans un conte de fées : « logement accessible, égalité femmes-hommes réelle, soutien à la parentalité, prise en compte de l’éco anxiété ».

Les deux rapports ont aussi un point commun : l’angle mort de la question des grossesses interrompues volontairement. Pourtant, une politique de prévention de l’avortement pourrait avoir une incidence sur la natalité, et aussi sur le regard porté sur l’enfant, cadeau plutôt que fardeau à porter.

 

natalité en france un déclin sous microscope

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IA et santé mentale

IA et santé mentale

IA et santé mentale

L’intelligence artificielle (IA) transforme de nombreux domaines, y compris celui de la santé mentale. Les outils conversationnels virtuels, comme ChatGPT, sont-ils en passe de devenir les nouveaux « psys » ? Les témoignages de personnes qui cherchent du soutien psychologique auprès de ces robots conversationnels se multiplient dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Disponibles à toute heure du jour et de la nuit, rapides, infatigables, gratuits, peu contrariants, sans jugement… les atouts de ces « confidents » virtuels sont-ils sans danger pour ceux qui les utilisent ? Dans le contexte que nous connaissons, où la santé mentale est devenue un enjeu de premier plan, où les besoins de soins sont loin d’être couverts, que penser de ces béquilles virtuelles ?

Nous avons posé toutes ces questions au docteur Grégoire Hinzelin, médecin neurologue chargé du numérique pour l’Institut cancérologique de l’Ouest.

  • Nous savons que le fait d’écrire ses émotions, ses difficultés, peut être bénéfique, même sur un clavier. L’IA, utilisée de manière ponctuelle, peut donc représenter un intérêt pour ceux qui ont besoin d’un peu d’attention ?

Dr. Hinzelin : Oui si cela permet de formuler ses pensées, mais non si la personne met en place une projection affective sur la machine – et c’est évidemment le risque si le contact est prolongé. En réalité, le bénéfice n’existe que dans un contact ponctuel.

  • Il arrive que les IA conseillent aux utilisateurs de prendre rendez-vous avec un professionnel de santé. L’IA devient alors une porte d’entrée vers le soin : cela offre-t-il une forme de sécurité ? Est-ce que cela encourage ceux qui n’osent pas aller consulter à le faire ?

Dr. Hinzelin : Il ne faut pas oublier que les machines ont des biais, y compris financiers de remboursement, et des erreurs ou « hallucinations », ce qui peut entraîner des retards et des erreurs de prise en charge. De plus, la machine ne tient pas compte des données incarnées du corps. Il ne s’agit donc que d’un appui, et il faut faire attention à ce que les pauvres ou les « illettrés » numériques ne soient pas tenus en dehors de l’accès au soin.

  • Dans un contexte où les ressources en psychiatrie sont insuffisantes face aux besoins croissants, on peut imaginer que l’IA vienne pallier des manques. Cette technologie peut-elle jouer un rôle dans le soutien aux patients souffrant de maladies chroniques, ou même dans la détection précoce de signes d’aggravation des symptômes ?

Dr. Hinzelin : Oui pour la détection des symptômes si le médecin ou le soignant peut relire rapidement les textes mais ceci nécessite de la disponibilité chez des soignants déjà très occupés. Il faut donc que la technologie soit développée en appui et non en première ligne.

  • L’IA simule l’écoute, mais ne peut pas l’incarner. La machine peut-elle remplacer la présence humaine ?

Dr. Hinzelin : Non mais elle peut « refroidir » les demandes semi-urgentes. L’IA n’est qu’une machine. L’absence d’observation physique de l’autre, de son corps, de son langage et de ses intonations est un facteur limitant important de la machine. Toutefois, elle est à sa place en appui court, mais reste « un miroir » qui ne répond pas vraiment aux questions en particulier existentielles, et parfois même les élargit. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’IA comme ChatGPT est conçue pour « répondre », et donc elle « valide » en général les propos de celui qui la questionne. C’est ça, l’effet miroir dont on parle. Au contraire, un thérapeute, un soignant, un ami n’ira pas toujours dans le même sens que celui qui se questionne ou qui va mal. C’est dans cette altérité, ce véritable échange que l’on peut trouver de nouvelles réponses, se laisser bousculer pour sortir de son mal-être, et commencer un chemin de soins. 

  • Notre société est celle de l’instantanéité, de l’immédiateté. On veut des réponses à tout, tout de suite. Ce phénomène joue-t-il dans le « succès » des chatbots ?

Dr. Hinzelin : Oui, mais cela crée en contrepartie une solitude importante qui accentue l’impatience et donc risque de conduire à une forme de violence envers soi ou les autres. L’empathie nécessite du contact et du temps.

  • Dans La Provence, un jeune homme de 24 ans, chargé de recrutement à Marseille, témoigne : « un an que je l’utilise, je ne peux plus m’en passer. C’est un outil simple, rapide, qui ne me juge pas ». Pensez-vous que le risque de dépendance existe, y a-t-il un caractère addictif à ces divers outils numériques ?

Dr. Hinzelin : Très clairement et des procès existent déjà aux Etats-Unis, comme par exemple celui de ce jeune qui avait été encouragé au suicide par l’IA de Character AI avec qui il discutait.

  • Vous évoquez la tragédie de ce jeune Américain de 14 ans qui s’est suicidé en 2024. Sa mère a porté plainte contre la start-up commercialisant le chatbot dont il était devenu terriblement accro, s’isolant soudainement du monde réel, en passant de plus en plus de temps à « converser » avec un avatar doté de traits de personnalité copiés sur une héroïne de série. Quand des troubles anxieux se sont installés chez lui, les réponses de la « machine » l’ont comme « validés » dans son passage à l’acte. En 2023, un chercheur belge s’est donné la mort, au terme d’échanges intensifs avec le chatbot « Eliza ». Leurs « discussions » sur le réchauffement climatique auraient créé chez le jeune homme une intense éco-anxiété l’ayant conduit à passer à l’acte, d’après son épouse endeuillée. Qu’en est-il pour certaines maladies psychiatriques, comme la schizophrénie, ou des troubles qui créent un problème d’altération avec la réalité. Son usage est-il déconseillé ?

Dr. Hinzelin : C’est évident. La machine est plutôt un élément temporaire de réassurance, mais pas un élément stabilisant, en particulier dans les troubles dissociés de la personnalité où elle dissocie plus encore.

  • Près d’un Français sur deux a recours à l’IA pour effectuer des recherches. Parmi les usages principaux, 27% s’en servent pour « discuter pour régler un problème » relevait l’Ipsos, dans une étude de février 2025. Est-ce risqué de confier toute sa vie, y compris sa vie intime, à ces outils ?

Dr. Hinzelin : Alors il ne faut pas oublier les 20% d’erreur de la machine, et donc une confiance qui, si elle est aveugle, entraîne une augmentation des situations difficiles. Comme par exemple cette femme qui a divorcé parce qu’elle faisait plus confiance à ce que lui disait ChatGPT en décrivant une infidélité de son mari qui en fait n’existait pas, et ce malgré les dénégations fondées de son mari. De plus ces machines aspirent nos données intimes pour nous accompagner et nous enfermer dans une image de nous-même qui n’est que parcellaire, avec un risque de racornissement réel.

  • Chez un utilisateur en souffrance psychologique qui n’a pas de proche à qui se confier, cette pratique risque de l’isoler davantage. Or, l’isolement est un facteur très aggravant pour la santé mentale. Quelles seraient les modes de prévention à mettre en place, de quelle éducation, information, le grand public, en particulier les plus jeunes, auraient besoin ?

Dr. Hinzelin : Être seul ne permet pas d’être empathique, donc évacue la gentillesse spontanée, donc la miséricorde et on risque de ne générer que des êtres d’impulsion. Il faut créer des endroits ou des temps en commun sans soutien numérique (famille, repas, banquets, soirées, etc.)

Pour aller plus loin

VIDEO – L’intelligence artificielle et le cerveau – Dr. Grégoire Hinzelin. Université de la vie 2022

L’humain au défi de ChatGPT. Opportunités et dangers. VIDEO. Webinaire avec 3 experts qui décryptent les mythes et les réalités de ChatGPT : Le chercheur Bertrand Thirion, responsable d’une équipe de recherche de l’institut de recherche Inria Saclay. Le docteur Grégoire Hinzelin​​​​​​​, médecin neurologue chargé du numérique pour l’Institut cancérologique de l’Ouest. Le professeur Paulo Rodrigues​​​​​​​, doyen de la Faculté de théologie de l’Université Catholique de  Lille.

 

 

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Face à l’infertilité, l’importance de l’écoute avec Caroline Roux à l’Université de la vie

Face à l’infertilité, l’importance de l’écoute avec Caroline Roux à l’Université de la vie

Face à l’infertilité, l’importance de l’écoute avec Caroline Roux à l’Université de la vie

Comment en parler, écouter les couples, quels sont les enjeux, les pistes de prévention et d’accompagnement ? Voici les questions auxquelles s’est attelée Caroline Roux, spécialisée dans l’écoute des personnes en difficulté, à l’Université de la vie 2025 d’Alliance VITA, sur le thème «Être humain, et le rester demain », lors de la deuxième séquence « Être vulnérable ».

Directrice générale adjointe d’Alliance VITA, elle explique qu’au sein de l’association,

« nous faisons un travail d’écoute avec ces femmes, ces hommes, ces couples pour qu’ils puissent exprimer ces sentiments, sortir de cette culpabilité, prendre le temps de faire le point sur leurs attentes profondes et s’ouvrir à leur propre chemin de couple. »

Être confronté à l’infertilité fragilise les personnes et peut faire basculer progressivement vers une situation de vulnérabilité. Il est nécessaire de bien saisir les souffrances qui se cachent derrière : d’où l’importance de l’écoute pour entendre les émotions ressenties par les deux membres du couple, ainsi que leurs valeurs et désirs profonds. Les propositions médicales, spécialement celles de procréation artificielle, surviennent dans ce contexte douloureux et fragilisant.

Quelles questions éthiques et humaines se poser pour ne pas dépasser des limites qui affecteraient le couple et l’enfant ? Comment gagner en humanité dans notre rapport à la procréation, personnellement et collectivement ? Il serait réducteur de l’aborder par le seul palliatif technique qui ne traite pas l’infertilité.

Tout accompagnement doit englober le souci de la dignité de la procréation et des personnes. Tout un champ de recherche mérite d’être développé sur les causes de l’infertilité, sur l’influence de nos modes de vie et sur la restauration de la fertilité pour préserver le plus possible la capacité des couples de pouvoir procréer de manière autonome.

 

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Crise de la fécondité : l’UNFPA publie un rapport

Crise de la fécondité : l’UNFPA publie un rapport

Crise de la fécondité : l’UNFPA publie un rapport

L’UNFPA (United Nations Population Fund) a récemment publié un rapport intitulé  » la vrai crise de la fécondité ». Organisme dépendant de l’ONU, il émet régulièrement des rapports et des recommandations qui ont une influence sur les politiques publiques de nombreux pays. Alliance VITA a décrypté en profondeur le rapport publié en 2022 sur la question des « grossesses non intentionnelles ».

La base du récent rapport est une enquête auprès de 14000 personnes dans 14 pays, conduite par le sondeur YouGov. Le sous-titre donne la thèse du Fond sur la question de la fécondité. Il s’agit d’assurer « l’autonomie reproductive dans un monde qui change ».

Fécondité : un monde qui change.

En 1968, un universitaire américain, Paul Ehrlich, publiait un livre « La Bombe P » (The population bomb) pour alerter sur ce qu’il prétendait être le premier danger : des famines à venir liées à la « surpopulation ».  De fait, la population mondiale a plus que triplé depuis 1950 : de 2.5 à 8 milliards. Deux grands facteurs ont contribué à cette hausse : une espérance de vie en forte hausse, avec une fécondité qui restait au-dessus du seuil dit « de remplacement » (seul estimé classiquement à 2.1 par les démographes). L’espérance de vie à la naissance n’a cessé d’augmenter, atteignant 73 ans en 2019. Elle était à 46 ans en 1950. L’indice conjoncturel de fécondité, sur la même période, est passé de 5 à 2.3 environ. Comme le note justement le rapport, les prévisions alarmistes et la mentalité malthusienne ont longtemps prévalu dans les politiques familiales de nombreux pays. On connait les mesures liberticides prises en Chine, en Inde, et ailleurs pour imposer par la force un plafond aux naissances (stérilisation forcée, avortement …).

Cependant, de la peur de la « bombe population », l’attention est passée dans de nombreux pays à la peur d’un effondrement démographique. L’expression « hiver démographique » semble bien s’appliquer à des pays où l’indice de fécondité reste bas malgré des mesures d’incitation à la natalité. Le retournement de politique en Chine est sans doute un des exemples les plus frappants.

Les projections démographiques sont sujettes à beaucoup d’incertitude. Aux dernières projections, l’ONU prévoit un pic de 10 milliards vers 2080. Un rapport de l’Organisation publié en 1992 anticipait ce niveau de population pour 2050.

Des instituts privés ont fait des projections plus basses. L’IHME (Institute of Health Metrics and Evaluation) un Institut en partie financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, annonçait en 2020 un pic de population en 2064 à 9.7 milliards avec un déclin ensuite à 8.8 milliards en 2100. La différence de projections réside essentiellement dans l’estimation de l’indice de fécondité: 1.66 pour l’IHME et 1.84 pour l’ONU. 

Il n’y a pas de consensus sur la trajectoire de la population mondiale, et rien ne permet d’assurer qu’une situation d’indice bas peut se retourner durablement.

Nombre d’enfants désirés : écart dommageable entre le souhait et la réalité.

Le rapport de l’UNFPA prend donc en compte cette nouvelle donne : un indice de fécondité qui pourrait rester durablement bas et sous le seuil de remplacement dans de nombreux pays occidentaux, asiatiques etc.  Les auteurs notent qu’ « une personne sur quatre vit actuellement dans un pays où la taille de la population est estimée avoir déjà atteint son pic. Le résultat sera des sociétés telles que nous ne les avons jamais vues auparavant : des communautés avec une proportion plus importante de personnes âgées, des parts plus petites de jeunes et, peut-être, des effectifs réduits« .

Logiquement, l’enquête a donc cherché à mieux percevoir si les adultes avaient le nombre d’enfants qu’ils souhaitaient. Le sondage apporte des éclairages à la fois pour les personnes en âge de procréer et pour les générations précédentes. Dans le groupe des personnes de plus de 50 ans, sur l’ensemble des 14 pays, 31% ont déclaré avoir moins d’enfants que ce qu’ils auraient idéalement choisi, et 12% ont déclaré en avoir plus. Ils sont 38% à déclarer avoir eu le nombre désiré, et 19% à ne pas se prononcer. Pour les générations en âge de procréer, 18% pensent qu’ils ne pourront pas avoir le nombre d’enfant désiré : 11% pensant qu’ils en auront moins, et 7% qu’ils en auront plus. Un tableau complet (page 16) sur les « barrières » qui conduisent à avoir moins d’enfants donnent des informations détaillées par pays. Les raisons économiques devancent largement les raisons de santé. 39% des sondés ont cité les « limitations financières » et 21% le chômage ou l’insécurité dans son emploi. L’infertilité ou des difficultés à concevoir est citée à hauteur de 12%. Ces pourcentages varient peu par pays : les pays aisés (Etats Unis, Suède…) comme les pays plus pauvres  (Inde, Maroc). L’UNFPA propose donc son diagnostic : l’incapacité des individus à réaliser leurs objectifs de fertilité souhaités est la véritable crise de la fertilité – non pas la surpopulation ou la sous-population.

Une approche individualiste de la procréation.

Face à ce constat, que préconise le rapport ?

Selon ses auteurs, la solution réside dans le renforcement de l’autonomie individuelle pour les choix de procréation. Il s’agit de placer les choix des individus comme priorité pour les Etats : « Cette crise n’est pas enracinée dans des décisions reproductives individuelles qui ne correspondent pas aux besoins d’un État ou d’une économie. Au contraire, c’est une crise enracinée dans des environnements et des choix politiques qui ne s’alignent pas sur les désirs des individus« . L’importance de la liberté individuelle pour les choix les plus intimes ne fait pas de doute. L’UNFPA liste au long du rapport les besoins d’informations et de soins qui restent largement insuffisants dans tous les pays, à des degrés divers. De même, un meilleur équilibre dans le partage des tâches entre hommes et femmes, partage qui doit rester une décision de couple, est un facteur qui compte pour l’accueil d’un enfant.

Le rapport souffre cependant d’angles morts importants dans son analyse.

Le premier réside dans le choix de faire de la procréation une question individuelle et non une question de couples. La procréation n’est pas une activité au même titre que les autres. D’une part, l’accueil d’un nouvel être humain dépasse le cadre de toute analyse politique ou économique. D’autre part, la procréation se vit à deux, dans l’exercice de la sexualité femme/homme.

D’autres choix de l’UNFPA sont largement contestables : sous l’appellation générale « droit reproductif », la PMA sans restrictions, l’avortement sans délais sont inclus au même titre que l’information sur la sexualité, les soins nécessaires pour les femmes etc.

L’UNFPA appelle donc de ses vœux une nouvelle stratégie d’autonomie procréative, centré sur l’individu. Cette approche pose une question de fond : cette culture individualiste pourra-t-elle favoriser l’accueil d’un enfant, qui demande nécessairement de renoncer à des activités individuelles pour lui faire la place qu’il mérite ?

 

crise de la fécondité  l'unfpa publie un rapport

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[CP] – Besoin de soin, pas d’euthanasie

[CP] – Besoin de soin, pas d’euthanasie

COMMUNIQUE DE PRESSE – 3 juillet 2025

Besoin de soin, pas d’euthanasie
Défendons la solidarité

Après le vote en 1ère lecture à l’Assemblée nationale de la loi instaurant une prétendue « aide à mourir » et avant son examen au Sénat, Alliance VITA lance une grande campagne pour résister au rouleau compresseur de l’euthanasie et défendre la solidarité : les Français ont besoin de soin, pas d’euthanasie ! Alerter, Interpeller, Argumenter : 3 balises pour une opération qui se déploiera jusqu’à la fin de l’année.

Cette campagne s’ouvre en format numérique avec des visages et des mots, nombreux, qui vont se déployer dès aujourd’hui et pendant la durée des débats sur les réseaux sociaux et sur le site internet d’Alliance VITA.

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Tous concernés ! Personnes malades, âgées ou porteuses de handicap ; proches aidants ; soignants ; citoyens inquiets… pour défendre une société qui prend soin des plus fragiles et refuser une société qui les abandonne en ouvrant la porte à l’euthanasie.

Face à la souffrance, nous devons poursuivre les progrès déjà accomplis dans la lutte contre la douleur et renforcer des réponses humaines et solidaires, pas des réponses qui isolent et divisent.

Toutes les informations sur cette campagne sont à retrouver sur le site d’Alliance VITA.

 

besoin de soin pas d'euthanasie

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Procès de Bourg-en-Bresse : peut-on tuer par amour ?

Procès de Bourg-en-Bresse : peut-on tuer par amour ?

Procès de Bourg-en-Bresse : peut-on tuer par amour ? 

Le procès à Bourg en Bresse d’une jeune femme accusée d’avoir tué son grand-père pose une question grave : peut-on tuer par amour ?

Mercredi 25 juin 2025, près de cinq ans après les faits, la cour d’assises de l’Ain a condamné en appel à cinq ans de prison dont un ferme une jeune femme qui avait assassiné en août 2020 son grand-père grabataire de 95 ans, en mettant le feu à son lit médicalisé préalablement arrosé d’essence. Après avoir nié toute implication, l’accusée avait été confondue par les caméras de surveillance de la ville qui l’ont filmée en train de transporter le bidon d’essence du crime.

En première instance, la cour d’assises de Lyon avait condamné l’accusée à cinq années de prison avec sursis. Le parquet, qui avait requis une peine de quinze ans de prison ferme, avait logiquement fait appel. Le président de la cour d’appel a précisé que l’année de prison ferme à laquelle elle a finalement été condamnée sera toutefois transformée en port d’un bracelet électronique. La jeune femme, psychiquement fragile, avait comparu libre.

La grande dépendance suspendrait-elle le droit à la protection de la vie ?

Le premier enjeu de ce procès touche à la valeur de la vie d’une personne âgée dépendante. L’absence de prison ferme, pour un assassinat, reviendrait à dédouaner presque totalement un proche de son passage à l’acte, comme si la grande dépendance faisait perdre le droit à la protection de la vie. L’affaire rappelle celle de Lydie Debaine qui avait mis fin aux jours de sa fille lourdement handicapée, en 2005, dans un moment d’épuisement. Cette femme avait été acquittée en première instance puis condamnée en appel à une peine symbolique, par une autre cour d’assises. Entre temps, des associations de défense des personnes handicapées avaient protesté contre cet acquittement (cf. Tugdual Derville, La Bataille de l’euthanasie / Enquête sur les 7 affaires qui ont bouleversé la France, Salvator, 2012).

Le moyen justifierait-il la fin ?

Le second enjeu du procès en appel, dans le contexte de la discussion d’une loi légalisant le suicide assisté ou l’euthanasie sous le vocable « aide à mourir », tient à la façon dont sont évaluées les circonstances du drame.

Pour relativiser la gravité du passage à l’acte, l’avocat de l’accusée a estimé qu’il n’aurait pas eu lieu si une telle loi avait été en vigueur. Il a présenté le geste de mort comme un acte d’amour désespéré de la petite-fille du vieillard. Affirmant que ce dernier réclamait la mort, il a insisté sur le caractère « indigne » de ses conditions de vie : état grabataire, incontinence, couches souillées.

Pour expliquer sa demande d’une condamnation plus ferme, le parquet, de son côté, a plaidé la différence entre l’euthanasie et cet assassinat, en pointant notamment le moyen utilisé (le feu, jugé atroce), et en insistant sur la vie personnelle de l’accusée, marquée par plusieurs échecs professionnels et qui semble être passée à l’acte alors que son mari venait de lui révéler un adultère et un projet de séparation.

En filigrane se profile l’idée d’un « bon » assassinat, bien réfléchi, qui mériterait l’appellation d’euthanasie, et un mauvais, impulsif, qui s’en distinguerait. On doit relever l’insistance avec laquelle les propos du père de l’accusée (beau-père de la victime qu’il hébergeait) sont rapportés. Le témoin évoque l’état de délabrement de la santé du vieil homme, qui est, en réalité, conforme à celui de nombreuses personnes âgées dépendantes. Pour conclure à l’indignité et à la fin de vie, il parle de « couches », de « fuites » urinaires, d’« excréments récurrents ». N’est-ce pas le quotidien – certes difficile – des auxiliaires de vie, des aides-soignants, des infirmiers et de nombre de proches aidants qui se dévouent auprès de personnes âgées redevenues incontinentes ? L’incontinence en fin de vie, pendant une période plus ou moins longue, est en effet courante et ne saurait être un passeport pour l’euthanasie, sauf à affirmer que les personnes âgées grabataires incontinentes ne sont plus dignes d’être soignées et aimées.

L’amour discuté comme alibi

Pourrait-on légitimement tuer par amour ? Est-ce l’avis qui commence à se répandre dans la société ? Le père de l’accusée a lui-même défendu sa fille en invoquant l’amour comme mobile de l’assassinat, en recourant à une injonction paradoxale : « Oui, c’est mal, mais elle l’a fait par amour » et même « Si ma fille a fait ça, c’est parce qu’elle l’aimait plus que moi ». C’est donc le moyen seul que la jeune femme semble regretter : « le feu c’est atroce, c’est inhumain ». Son avocat, maître Thibaud Claus, plaidera à son tour un « geste d’amour » que l’accusée a réalisé « par amour pour son grand-père ». Tout en répétant que le vieil homme appelait la mort.

Face à ces assertions, le président de la cour d’assises Raphaël Vincent a pointé des faits « d’une extrême gravité », et qui ne sont « nullement une démarche raisonnée d’euthanasie ». Laisse-t-il entendre qu’avec d’autres moyens, le crime – l’euthanasie – aurait été acceptable ? Même tonalité du représentant du ministère public qui avait fait appel du premier verdict : « Il n’est pas mort en douceur, ce n’est pas un geste d’amour ». Dans ses réquisitions, jugeant la peine initiale (prison avec sursis) « totalement incompréhensible », l’avocat général Eric Mazaud a aussi insisté sur le moyen utilisé : « Quand on aime, on ne brûle pas ».

Par contraste, cette valorisation implicite de l’euthanasie par injection létale est contestable et dangereuse. On aurait aimé que le parquet et la présidence de la cour d’assises s’en tiennent à la formule qui a fleuri sur les murs, dans l’élan du mouvement MeToo : « On ne tue jamais par amour ». Quels que soient les moyens utilisés, tuer n’a rien de « doux ». Et devrait rester inacceptable.

procès de bourg-en-bresse peut-on tuer par amour

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Fin de vie : le Sénat démarre ses auditions

Fin de vie : le Sénat démarre ses auditions

Fin de vie : le Sénat démarre ses auditions

La commission des affaires sociales du Sénat a inauguré ses auditions sur les propositions de loi relatives aux soins palliatifs et à « l’aide à mourir » en recevant les rapporteurs des précédentes lois de 2005 et 2016, révélant des divergences profondes.

Jean Leonetti, connu pour être l’auteur de la loi la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 et Alain Claeys co-auteurs de la loi « Claeys Leonetti » de 2016 ont été reçus séparément pour des contraintes d’agenda.

Se dégagent de leurs auditions les points de tension qui les avaient opposés lors de l’élaboration de la loi de 2016 entre les notions d’autonomie et de solidarité.

 Jean Leonetti:« Si j’étais parlementaire, je ne voterais pas cette loi ».

Durant son audition le 12 juin dernier, Jean Leonetti a clairement affirmé son opposition à la proposition de la loi relative au droit à l’aide à mourir.  

De l’esprit des lois

Dressant un panorama des précédentes lois, l’ancien député des Alpes maritimes a insisté sur l’interdiction de l’acharnement thérapeutique déjà présente dans le code de déontologie.

«  La loi de 2005 constitue un triptyque qui proclame : « Je ne t’abandonnerai pas, je ne te laisserai pas souffrir, je ne prolongerai pas ta vie de manière anormale ».

Concernant la loi de 2016, l’objectif était de soulager la souffrance : « nous avons introduit la sédation profonde et continue jusqu’au décès, à la demande du malade, une pratique alors déjà existante dans les soins palliatifs. Il ne s’agit pas d’une invention législative : la sédation peut être temporaire ou profonde, légère ou continue. Les sédatifs constituent, avec les antalgiques, un élément majeur dans les problématiques de souffrance en fin de vie. »

On a fait des lois pour ceux qui vont mourir, mais ce qui se profile est une loi pour ceux qui « veulent » mourir. Il s’agit d’une rupture médicale, juridique et d’une trangression antropologique.

«  Que l’on croie au ciel ou que le ciel soit vide, un principe demeure : un homme ne donne pas la mort à un autre ».

Donner le goût de la vie

Il a souligné le conflit de valeurs, source de tension entre autonomie et solidarité collective, en reprenant la devise de la France : Liberté, égalité, fraternité

Quelle est la part de liberté pour celui à qui la société déclare que certains peuvent mourir ? . « Se suicide-t-on par liberté ou par désespoir ? »  Il a notamment fustigé tous ceux qui stigmatisent la maladie de Charcot ou SLA et les maladies neurodégénératives. Pour lui, une société fraternelle se doit de porter le message inverse : « Ta dignité est intacte. Forts de notre solidarité, de notre fraternité, nous continuerons à te donner le goût de la vie»

Quelle est la part d’égalité alors que l’offre de soins palliatifs est inégale sur le territoire ? La loi sur les soins palliatifs n’est pas appliquée et il faut s’en donner les moyens.

Trois objections majeures

  • Aucun garde-fou n’est pérenne comme le montrent les exemples étrangers.  « Tous finissent par voler en éclat ».
  • Le « délit d’entrave » : « Comment pourrait-on m’accuser d’entraver la liberté d’autrui lorsque j’affirme que sa vie vaut la peine d’être vécue ? Mon devoir d’homme est là, et non dans l’acceptation passive de son choix»
  • La temporalité du  pronostic vital engagé : reprenant l’avis de la Haute Autorité de Santé sur les notions de moyen terme ou phase avancée, M. Leonetti a souligné que « Cette notion vague ouvre la porte à toute personne souffrant d’une maladie que l’on ne peut pas guérir, ce qui reste fréquent ». Entre le respect de la volonté du patient et le délit d’entrave, il deviendrait impossible de s’opposer à une demande de mort, « même pour des personnes ayant peut-être encore plusieurs années à vivre. »

La prévention du suicide en question

Le véritable problème réside dans la distinction que nous créerions entre les bons et les mauvais suicides. « De manière générale, une société doit sécréter l’espérance, et non accompagner le désespoir. »

Alain Claeys : « D’un point de vue éthique, peut-on appliquer une aide active à mourir ? Nous avons répondu favorablement (..) »

Lors de son audition, l’ex-député de la Vienne, Alain Claeys, a pris sa casquette de membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et co-rapporteur de l’avis n°139 sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie.

Il a souligné que la proposition de loi n°661 relative à « l’aide à mourir » reprend l’avis du CCNE qui se disait favorable à un encadrement de l’aide active à mourir sous réserve de cinq conditions qui sont reprises par la proposition de loi. Il a rappelé que cet avis n’était d’ailleurs pas consensuel et que huit membres avaient émis des avis divergents.

Opposé au choix du gouvernement de séparer le palliatif et l’aide à mourir »

Les deux notions autonomie et solidarité résument pour lui ce qui a guidé les précédentes lois concernant la fin de vie de la loi sur les soins palliatifs à la loi de 2016. Point de divergence avec Jean Leonetti, la sédation profonde et continue jusqu’au décès constitue pour lui déjà une « aide à mourir » alors que pour l’auteur de la loi de 2005, il s’agit de soulager la souffrance pour des personnes qui sont en situation terminale de fin de vie. Fort de ce positionnement, Alain Claeys était favorable à une seule loi qui aurait englobé développement des soins palliatifs et « aide active à mourir » dans une sorte de continuité conjuguant solidarité et autonomie.

Sauf que dans le cas de la proposition de loi en cours d’examen, on utilise un produit létal pour provoquer la mort du patient, ce qui correspond au suicide assisté et à l’euthanasie.

Ne pas dire « Suicide assisté et euthanasie »

« Je ne suis pas favorable à ce qu’on utilise ces termes. Ce n’est pas un suicide assisté ni une euthanasie, ce n’est pas un choix entre la vie et la mort » a-t-il affirmé. Il s’est appuyé sur un échange avec un philosophe membre du CCNE, Frédéric Worms, directeur de l’École normale supérieure, qui lui a dit que : « La mort, elle est là. La question, pour cette dernière partie de la vie, c’est quel est le chemin le moins mauvais ? ».

Alain Claeys s’est dit choqué de la distinction faite entre des personnes qui « vont mourir » et celles qui « veulent mourir ». Pour lui tous vont mourir. Les douleurs réfractaires et le processus d’irréversibilité seraient « des garanties suffisantes » pour assumer de provoquer la mort.

On peut s’interroger sur cette conception de l’autonomie qui nécessite qu’un tiers donne la mort soit en fournissant des produits létaux, soit les injectant à celui qui justement n’est pas encore mort.

Il a enfin jugé simplificateur d’avancer l’idée qu’une telle loi porterait atteinte à la prévention du suicide, sans pour autant expliquer son raisonnement.

Enfin M. Claeys a reconnu que la question du délit d’entrave devait être réinterrogée et qu’il pouvait entendre les inquiétudes des médecins.

Deux cultures s’affrontent

Les deux ex-députés s’entendent sur la nécessité de développer les soins palliatifs. Cependant cette proposition de loi d’ « aide à mourir » par suicide assisté et euthanasie signe une divergence irréductible sur une conception de l’autonomie qui s’oppose à la solidarité.

Avant d’être un affrontement politique, le suicide assisté ou l’euthanasie résultent d’un affrontement entre deux cultures : une culture de la toute-puissance qui va jusqu’à provoquer la mort et une culture de la vulnérabilité qui accompagne et soulage jusqu’au bout sans s’acharner.

Des prochaines auditions

La commission des affaires sociales a désigné deux co-rapporteurs pour chacune des propositions de loi : Mme Christine BONFANTI-DOSSAT (LR  Lot et Garonne) et  M. Alain Milon (LR, Vaucluse) pour la proposition de loi n°661 relative au droit à l’aide à mourir ; Mme Jocelyne GUIDEZ (Union Centriste, Essonne) et Mme Florence Lassarade (LR, Gironde) pour la loi n° 662 relative aux soins palliatifs

D’autres auditions sont programmées d’ici la fin de la session extraordinaire qui se termine le 11 juillet. De nouvelles auditions devraient également avoir lieu à la rentrée de septembre.