Le grand tabou de la « détransition » de genre

Le grand tabou de la « détransition » de genre

Le grand tabou de la « détransition » de genre

 

Le phénomène de demande de « transition de genre » a explosé ces dernières années. L’académie de médecine parle d’un phénomène d’allure épidémique. Il ne concerne pas que les adultes, mais aussi les mineurs, les adolescents et parfois même des enfants. Ils sont en effet de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes à exprimer ce profond désarroi : avoir le sentiment d’appartenir à l’autre sexe que le sien, ou parfois à “aucun sexe”.

Entre 2013 et 2020, le nombre de demandes d’affection de longue durée (ALD) pour « transidentité» a été multiplié par 10. Les chiffres à l’échelle nationale concernant les mineurs n’existent pas, à ce jour, mais d’après la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), en 2020, 8952 personnes étaient titulaires de cette ALD dont 294 âgées de 17 ans et moins. Les mineurs représentent donc 3,3 % de ces titulaires, mais il faut savoir que tous les parents de mineurs ne la demandent pas toujours pour leurs enfants.

Plus méconnus encore à ce jour, ce sont les chiffres qui concernent les personnes qui regrettent d’être entrées dans ces démarches et d’avoir soumis leur corps à des traitements hormonaux ou des gestes médicaux, comme l’ablation des seins, du pénis, de l’utérus et des ovaires, comme la phalloplastie (pose d’un phallus) ou la vaginoplastie. L’absence de chiffres nationaux sur les demandes de transition pour les enfants et les adolescents (ou la minimisation de ceux-ci) contraste donc avec l’importance de ce sujet chez les adolescents, les parents et l’institution scolaire.

Le Figaro cette semaine a publié une enquête sur ceux qu’on nomme désormais les « détransitionneurs ». Elle précise que les diverses études parlent de taux allant de 0,3%… à un tiers des cas. Mais toutes ne définissent pas le terme de la même manière, les cohortes sont souvent réduites, la méthodologie diffère et le suivi des personnes ayant “changé de sexe” ne se fait pas forcément dans la durée. L’ampleur de ce phénomène de détransition est donc encore largement inconnue. Est-il faible ou plutôt sous-estimé, voire invisibilisé ?

 

Des associations se créent à l’étranger

 Dans plusieurs pays dont les USA, le Canada, le Royaume-Uni, la Belgique etc., il existe désormais des associations ou collectifs qui ont créé des sites de ressources en lignes de personnes détransitionneuses qui prodiguent des conseils et permettent de lutter contre les attaques dont elles font l’objet notamment sur les réseaux sociaux. Un forum international en langue anglaise, nommé subreddit / detransition rassemblait près de 51 500 abonnés fin 2023. Il en comptait 198 en octobre 2018, un an plus tard près de 7000.

Toutes ces personnes ne sont pas des détransitionneurs mais s’interrogent sur leur transition.

 

Censure et peur du mépris

 En France, la recherche universitaire sur la détransition est peu développée. D’après le Rapport sur « la transidentification des mineurs » du Sénat de Mars 2024, certains chercheurs estiment qu’elle est frappée de censure dès lors qu’ils questionnent le sujet.

Du coté des personnes qui vivent ce besoin de « détransition », elles déclarent souvent ressentir une perte de soutien de leurs amis et de la communauté LGBT. Pour une militante proche de ce milieu : « ce sont des personnes très fragiles qui souffrent beaucoup du mépris de leur ex-communauté. Elles se cachent et évitent de s’exprimer en public ».

 

Des témoignages poignants

Dans l’enquête du Figaro, plusieurs personnes témoignent. Dont Jade, qui avait suivi un parcours incluant hormones, mastectomie et phalloplastie et qui se sentait de plus en plus mal. Elle réalisera au bout de 5 ans qu’elle s’est trompée. Elle a depuis repris son identité féminine et confie : « Je regrette et je regretterai toujours ». C’est le cas aussi de Julie, devenue Joseph. Un jour de 2021, elle partage sa détresse sur un forum de la communauté LGBT.

« Je regrette depuis des années d’avoir fait la transition, j’en suis malheureux de ne plus vivre en femme ».

Et puisqu’elle ne souhaite pas se lancer dans une détransition car « le rendu ne me conviendra pas », elle se retrouve « bloqué dans la vie en homme », dit-elle. Avant de fustiger une « erreur de jeunesse », elle pointe du doigt le « psy » qui lui a « donné l’accord pour les hormones au premier rendez-vous ». Dans cette « euphorie d’être androgyne » liée à son homosexualité, elle dit être allé « trop loin », ne pas avoir imaginé les « conséquences » de la vie une fois le changement de sexe effectué.

Après une mastectomie et une hystérectomie (ablation de l’utérus), elle a constaté une « discrimination au quotidien en amour » en tant que trans. Une « vie de paria ». « J’ai l’impression d’avoir gâché ma vie », conclut-il.

Le rapport du Sénat contient également ce type de témoignage :

« Je suis née de sexe féminin, mais j’ai toujours été plutôt garçon manqué dans mon enfance. À l’adolescence j’ai commencé à me sentir mal avec mon corps et ma féminité, c’est à ce moment-là que j’ai découvert la transidentité grâce aux réseaux sociaux ; c’est un concept qui venait comme une solution et une explication à tous mes problèmes et à partir de ce moment je me suis considérée comme un garçon. (…)

Après 1 an de suivi j’ai pu commencer la prise de testostérone à 15 ans. J’ai par la suite eu une mastectomie 1 an plus tard, à 16 ans. Tout ce parcours m’a aidé un temps à soulager le mal-être que j’éprouvais vis à vis de mon corps féminin ; j’éprouvais cependant des doutes par moment (est ce que j’ai fait le bon choix ? Est-ce que je suis en train de détruire mon corps ?) mais que j’arrivais à faire taire.

À 18 ans, après 2 ans et demi de transition médicale j’ai réalisé que je regrettais cette transition et les changements apportés à mon corps. (…) Je regrette d’avoir réalisé une transition médicale aussi jeune ; j’ai eu la sensation de solutions « baguette magique » à mon mal-être ; mais aujourd’hui je me sens bien en tant que femme, et je suis reconnue par mon entourage comme telle. Je continue d’apprendre à accepter mon corps comme il a été modifié à l’adolescence.

 

Vigilance et patience sont de mise

En 2022, l’Académie de médecine appelait l’attention de la communauté médicale et demandait qu’”une grande prudence médicale soit de mise chez l’enfant et l’adolescent, compte tenu de la vulnérabilité, en particulier psychologique, de cette population et des nombreux effets indésirables, voire des complications graves, que peuvent provoquer certaines des thérapeutiques disponibles”.

S’adressant aux parents, elle recommande la vigilance face aux questions de leurs enfants sur la transidentité ou leur mal-être, en soulignant le caractère addictif de la consultation excessive des réseaux sociaux qui est néfaste au développement psychologique des jeunes et responsable d’une part très importante de la croissance du sentiment d’incongruence de genre.

 

Prendre le temps…

 En Grande-Bretagne, le rapport Cass (lien), commandé par le National Health Service (NHS) a conclu que « l’incongruité de genre ne persiste [généralement] pas à l’adolescence », qu’un «soutien psychologique» et une «approche vigilante» sont généralement recommandés au lieu d’une «transition sociale» en raison des «risques» qu’elle comporte.

 

Parents tenus à l’écart : la faute d’un proviseur reconnu

Peu de temps avant la rentrée scolaire 2021-2022, une jeune femme a demandé aux conseillers d’orientation de son lycée de changer son prénom par un prénom masculin tout au long de son année scolaire. Une requête que le proviseur du lycée a acceptée sur le champ, sans en avertir ses parents et en sachant qu’ils n’étaient pas au courant. Ses parents découvrent cela trois mois après la demande de leur fille et ont décidé de saisir la justice.

Le tribunal administratif de Paris a estimé le 3 juillet dernier que le chef d’établissement avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’État.

 

Une loi pour protéger les mineurs

Le 28 mai dernier, une proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre était adoptée. Suspendue par la dissolution de l’Assemblée nationale, on ignore si elle reviendra au Parlement dans le prochain gouvernement. Au cœur du dispositif prévu, ce texte visait à interdire la prescription aux mineurs de traitements hormonaux, la chirurgie de “réassignation de genre” et à imposer que les mineurs présentant une dysphorie de genre soient accueillis dans des centres de référence spécialisés.

Pour la prescription initiale de bloqueurs de puberté, le texte imposait un délai d’au moins 2 ans entre la première visite dans le centre de référence et la prescription. Par ailleurs, il imposait une pluridisciplinarité de décision incluant un pédopsychiatre et un endocrinologue pédiatrique.

 

Pour aller plus loin, trouver des appuis

Ypomoni Collectif rassemblant des parents concernés par l’explosion des transitions médicales et chirurgicales rapides et irréversibles des enfants, adolescents et jeunes adultes. Ils ont publié un Guide à l’intention des parents confrontés au questionnement de genre de leur enfant et proposent des groupes de parole entre parents.

le grand tabou de la « détransition » de genre

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Restrictions d’accès à l’IVG et augmentation de la mortalité infantile au Texas

Restrictions d’accès à l’IVG et augmentation de la mortalité infantile au Texas

Hausse de la mortalité infantile au Texas et restrictions d’accès à l’IVG

Voir la Notexpert

 

D’après une étude publiée en juin 2024 dans le Journal of American Medecine Association (JAMA), les restrictions d’accès à l’avortement instaurées au Texas par une loi de septembre 2021 (loi SB8) auraient fait augmenter la mortalité infantile (moins d’un an) et la mortalité néo-natale (jusqu’à 27 jours après la naissance) dans cet Etat. De nombreux médias français s’en sont fait l’écho, soutenant que loin de favoriser la vie, ces mesures de restriction ont au contraire eu des conséquences mortifères.

Les données du Center for Disease Control (CDC) montrent que la mortalité infantile est passée de 1985 à 2240 décès entre 2021 et 2022, soit un taux de mortalité qui a augmenté de 8.3%.

Si la hausse est bien avérée au Texas en 2022, peut-on pour autant l’attribuer aux restrictions d’accès à l’IVG résultant de la loi de septembre 2021 ?

Quelle est la méthodologie de l’étude ?

Pour valider l’hypothèse de causalité entre les restrictions de la loi et la hausse de la mortalité, les auteurs ont estimé le nombre de décès qu’il y aurait eu au Texas en l’absence de loi entre mars et décembre 2022. Ils ont ensuite comparé ces estimations aux statistiques mensuelles de la mortalité infantile sur cette même période. Or ces statistiques incluent potentiellement des enfants qui sont nés jusqu’à 1 an avant, soit avant la loi SB8 de septembre 2021… c’est déjà un premier biais venant parasiter la fiabilité des conclusions.

Par ailleurs, les facteurs retenus pour simuler la mortalité infantile (femmes de plus de 35 ans, à faibles revenus…) et la sélection des Etats américains similaires au Texas sans restriction ne sont pas justifiés.

Les résultats de la méthodologie valident-elles l’hypothèse de causalité ?

Selon le modèle de l’étude, 1697 nourrissons seraient morts dans un Texas sans restriction entre mars et décembre 2022. Dans la réalité, 1913 enfants sont morts au cours de cette période soit 216 décès « supposément » causés par la loi. Cependant l’estimation de 1697 décès comporte une très grande marge d’erreur : entre 1359 (donc potentiellement 554 décès supplémentaires suite à la loi SB8) et 2025 (donc potentiellement 122 décès en moins suite à la loi) décès estimés. La méthode ne concluant pas à une tendance haussière sur 9 mois, les auteurs ont alors focalisé leur analyse au mois le mois. Les résultats ne sont guère probants :

  1. Pour la mortalité infantile inférieure à un an, seuls 4 mois sur 9 montrent des chiffres de mortalité jugés significativement supérieurs.
  2. Pour la mortalité néo-natale de moins de 27 jours, seuls 2 mois sur 9 montrent des chiffres de mortalité significativement supérieurs.  

L’absence de tendance haussière sur la plupart des mois (5 mois sur 9 pour la mortalité infantile et 7 mois sur 9 pour la mortalité néo-natale) invalide l’hypothèse d’une causalité entre les restrictions à l’avortement et la mortalité infantile.

La méthodologie ne permettant pas d’établir de manière fiable un lien de causalité entre les restrictions d’accès à l’IVG et la hausse de la mortalité infantile, les auteurs de l’étude ont tenté de démontrer que la situation au Texas était significativement différente du reste des Etats-Unis.

 

Qu’en est-il de la mortalité infantile au Texas par rapport à aux autres Etats ?

Selon les auteurs, la mortalité infantile inférieure à un an a augmenté de 12,9% entre 2021 et 2022 au Texas contre une hausse moyenne de 1,8% pour les autres Etats.

Lorsqu’on compare le taux de mortalité infantile (inférieur à un an) du Texas à celui des autres Etats en 2021 comme en 2022, le Texas n’appartient pas aux Etats où le taux de mortalité infantile est le plus élevé.

On ne trouve pas non plus de correspondance entre le taux de mortalité infantile par Etat et les politiques plus ou moins restrictives d’accès à l’IVG dans chacun d’entre eux. Les dynamiques d’évolution de la mortalité infantile Etat par Etat selon le niveau de restriction d’accès à l’avortement, montrent que l’augmentation de la mortalité infantile relevée au Texas entre 2021 et 2022, ne l’est pas dans les mêmes proportions parmi les 14 Etats les plus restrictifs. Inversement, on constate une augmentation de la mortalité infantile parmi certains Etats américains les moins restrictifs (DC, Oregon, New Mexico…).

Enfin non seulement la forte augmentation de la mortalité infantile observée au Texas entre 2021 et 2022 ne se répète pas entre 2022 et 2023 mais on constate aussi une baisse globale de cette mortalité aux Etats-Unis au cours de cette période. Or la révocation de l’arrêt Roe vs Wade en juin 2022 a entrainé une série de restrictions à l’avortement dans plusieurs Etats.

 

Conclusions

Les analyses détaillées de la méthode et des résultats remettent fortement en cause les conclusions sur la relation de causalité entre une hausse de la mortalité infantile (<1 an et <27 jours) et l’instauration des restrictions à l’IVG au Texas en septembre 2021.

Dans les autres Etats américains ayant appliqué des restrictions à l’IVG, il n’y a pas de tendance à la hausse de la mortalité entre 2021 et 2022.

Par ailleurs, il y a de quoi s’interroger sur les liens pointés par les auteurs de l’étude entre les restrictions à l’IVG et les coûts de santé. Ils déplorent en effet que “les coûts associés à la prise en charge des nourrissons présentant une morbidité importante, et en particulier des anomalies congénitales, soient également significatifs”. Que penser de cet argument purement financier pour justifier l’interruption médicale de grossesse ?

les restrictions d’accès à l’ivg mises en œuvre au texas ont-elles causé une augmentation de la mortalité infantile ?

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Restrictions d’accès à l’IVG et augmentation de la mortalité infantile au Texas

Les restrictions d’accès à l’IVG au Texas ont-elles causé une augmentation de la mortalité infantile ?

Les restrictions d’accès à l’IVG ont-elles causé une augmentation de la mortalité infantile au Texas ?

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I – CONTEXTE

En septembre 2021, le Texas a adopté la loi Senate Bill 8 (SB8) qui vise à interdire tout recours à une interruption de grossesse (l’Interruption Volontaire de Grossesse et l’Interruption Médicale de Grossesse) dès la détection de l’activité cardiaque d’un embryon c’est-à-dire à partir de 6 semaines de grossesse.

Selon une récente étude publiée en juin 2024 dans le Journal of American Medecine Association (JAMA) [1], la mise en place de ces restrictions aurait fait augmenter la mortalité infantile au Texas (moins d’un an) et la mortalité néo-natale (jusqu’à 27 jours après la naissance) et notamment celle liée à des malformations congénitales. Les auteurs de l’étude déplorent que les femmes soient contraintes de poursuivre des grossesses qui auraient pu être interrompues lors d’un diagnostic de malformations ou d’anomalies génétiques.

Selon eux, cette hausse de la mortalité infantile impliquerait une plus forte prévalence de traumatismes pour les parents subissant cette perte avec des conséquences sociales en particulier pour les minorités raciales pauvres. Ils pointent aussi des coûts très significatifs relatifs aux traitements des malformations ou anomalies congénitales des enfants à travers notamment des opérations chirurgicales coûteuses.

De nombreux médias français (BFMTV, Slate, Le Monde) s’en sont fait l’écho pour montrer les conséquences « mortifères » des restrictions à l’IVG aux Etats Unis.

 

II – QUE DISENT LES DONNEES STATISTIQUES ?

Les données statistiques utilisées sont celles du Center for Disease Control (CDC) qui relève une hausse de la mortalité infantile (< 1an) au Texas, de 1985 décès en 2021 à 2240 décès en 2022, soit +12,9%. Ramené aux naissances vivantes, le taux de mortalité infantile annuel passe de 531 à 575 décès pour 100 000 naissances vivantes, soit une hausse de 8,3%.

Cette hausse avérée est à relativiser au regard des données des années précédentes. En effet, entre 2018 et 2021 (graphiques ci-dessous), les chiffres oscillent entre 1968 et 2083 décès soit un taux variant entre 531 et 550 décès /100000 naissances vivantes.

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Source CDC

En examinant la répartition par âge lors du décès (graphique ci-dessous), on observe qu’il y a plus de décès néo-natals (<27 jours) en 2022 qu’en 2021. La mortalité néo-natale représente les 2 tiers de la mortalité infantile entre 2018 et 2022.

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II – CES HAUSSES SONT-ELLES POUR AUTANT ATTRIBUABLES A LA LOI SB8 RESTREIGNANT L’ACCES A L’AVORTEMENT AU TEXAS ?

 

Quelle est la méthodologie utilisée par les auteurs de l’étude ?

Afin de valider l’hypothèse de causalité entre les restrictions de la loi et la hausse de la mortalité, les auteurs ont utilisé la méthode d’“estimation contre factuelle” laquelle consiste à estimer le nombre de décès qu’il y aurait eu en l’absence de loi entre mars et décembre 2022. Considérant que 90% des avortements ont lieu au premier trimestre, la période retenue vise à exclure toutes les grossesses débutées entre le 1er juin 2021 et le 1er septembre 2021. En effet, le diagnostic prénatal non invasif est réalisé habituellement à la fin du premier trimestre et peut conduire à une interruption médicale de grossesse si une malformation ou une anomalie est détectée.

Une fois le nombre de décès estimé, on les compare avec les données statistiques officielles pour conclure sur la pertinence de l’hypothèse.

A cette fin, les chercheurs se sont basés sur les statistiques mensuelles publiques des décès d’enfants des mois de mars à décembre 2022. D’emblée un premier biais apparaît car les statistiques de mortalité infantile (<1an) incluent des décès d’enfants nés avant la loi SB8. En effet, les statistiques de mortalité infantile (<1 an) de mars à août 2022 incluent potentiellement des enfants qui sont nés jusqu’à 1 an avant, entre mars et août 2021, soit avant la promulgation de la loi SB8 en septembre 2021. Dès lors, ces données parasitent d’avance les conclusions. 

Est-ce que la méthodologie est fiable ?

La méthode suit 4 étapes :

  1. Premièrement, les auteurs sélectionnent les facteurs pouvant expliquer la mortalité infantile.
  2. Deuxièmement, ils prennent des Etats se comportant comme le Texas avant le passage de la loi de 2021.
  3. Troisièmement, ils simulent l’estimation du nombre de décès sur la période post loi SB8 sans l’application de la loi.
  4. Quatrièmement, ils comparent cette estimation avec les données statistiques du Texas.

 

  1. Sélection des facteurs

Pour estimer le nombre de décès infantiles qu’il y aurait eu en absence de loi, les auteurs retiennent 3 facteurs parmi les femmes ayant accouché :

  • La proportion de femmes de plus de 35 ans.
  • La proportion de femmes avec un diplôme universitaire.
  • La proportion de femmes bénéficiant de Medicaid (l’assurance santé universelle américaine).

Aucune référence n’est mentionnée dans l’article scientifique justifiant le choix de ces facteurs.

  1. Sélection des Etats

Afin de pouvoir faire des prédictions dans un Texas sans restriction, les auteurs observent ces facteurs dans des Etats américains sans restriction d’avortement. Pour la mortalité infantile de moins d’un an, parmi les 28 Etats sans restriction, ce sont le Missouri, l’Alabama, la Georgie, la Floride et l’Illinois qui reproduisent le mieux les données du Texas.  Les Etats américains retenus pour la mortalité de moins de 27 jours sont très différents de ceux sélectionnés pour la mortalité infantile (Illinois, Maryland, Tennessee et Pennsylvanie).

  1. Simulation sur la période post loi SB8

Après cette sélection, leur modèle produit des estimations (à voir sur les graphiques ci-dessous).  Les chercheurs simulent le nombre de décès (en bleu) si la loi n’avait pas été appliquée sur la période de mars à décembre 2022. Comme pour tout modèle mathématique, il y a une marge d’erreur encadrant cette estimation (courbe orange et grises).  Ici, elle est très importante puisqu’elle oscille entre – 30 et +30 autour d’une prédiction d’environ 170 décès < 1an par mois et d’environ 105 décès < 27 jours par mois.

image4image5

 Simulation de la mortalité infantile (<1 an) et néo-natale sur la période de Mars à Décembre 2022 au Texas sans la loi SB8

Les données statistiques du nombre de décès observés sont représentées par la courbe bleue.

  1. Comparaison de cette estimation avec les données statistiques du Texas

Les simulations produites sont alors comparées aux données statistiques du Texas (cf tableaux des différences ci-dessous).

image6

Ecarts entre les estimations et les chiffres de la mortalité infantile (<1an) et néo-natale (<27 jours) (source [1])

Selon le modèle de l’étude, 1697 nourrissons seraient morts dans un Texas sans restriction entre mars et décembre 2022. Dans la réalité, 1913 enfants sont morts au cours de cette période soit 216 décès « supposément » causés par la loi. Cependant l’estimation de 1697 décès comporte une très grande marge d’erreur : entre 1359 (donc potentiellement 554 décès supplémentaires suite à la loi SB8) et 2025 (donc potentiellement 122 décès en moins suite à la loi) décès estimés. La méthode ne concluant pas à une tendance haussière sur 9 mois, les auteurs ont alors focalisé leur analyse au mois le mois. Malheureusement les résultats ne sont guère probants :

  • Pour la mortalité infantile inférieure à un an, seuls 4 mois sur 9 montrent des chiffres de mortalité jugés significativement supérieurs.
  • Pour la mortalité néo-natale de moins de 27 jours, seuls 2 mois sur 9 montrent des chiffres de mortalités significativement supérieurs.

L’absence de tendance haussière sur la plupart des mois (5 mois sur 9 pour la mortalité infantile et 7 mois sur 9 pour la mortalité néonatale) invalide l‘hypothèse d’une causalité entre les restrictions à l’avortement et la mortalité infantile.

 

Comment se situe le Texas par rapport à l’ensemble des Etats américains pour la mortalité infantile ?

Selon les auteurs, au Texas, l’augmentation de la mortalité infantile inférieure à un an entre 2021 et 2022 est de 12,9%, alors qu’elle a augmenté en moyenne de 1,8% pour les autres Etats. Rappelons que les décès < 1an en 2022 incluent des naissances ayant eu lieu avant le passage de la loi en Septembre 2021 au Texas. Il est donc difficile de déduire un impact de cette loi sur ces chiffres de 2022.

Si on compare avec les taux de mortalité infantile < 1 an des autres Etats (cf cartes ci-dessous), le Texas, en 2021 comme en 2022, ne fait pas partie des Etats où il y a un fort taux de mortalité infantile. Il se situe dans le même groupe que :

  • Les Etats suivants en 2021: Nevada, Arizona, Nebraska, Kansas, Missouri, Illinois, Wisconsin, Pennsylvanie.
  • Les Etats suivants en 2022 : Wyoming, Nebraska, Kansas, Kentucky, Virginie, Floride, Maryland.

image7

Mortalité infantile (<1 an) aux Etats Unis en 2021 (source CDC )

image8

Mortalité infantile (<1 an) aux Etats Unis en 2022 (source CDC )

En outre si on superpose les taux de mortalité infantile dans les Etats avec les cartes des politiques concernant l’accès à l’avortement, on ne trouve pas de correspondance entre le taux de mortalité infantile par Etat et les politiques restrictives ou plus ouvertes.

image9

Niveaux de restrictions à l’accès à l’avortement par Etats Américains (source Guttmacher Institute)

En comparant les dynamiques d’évolution Etat par Etat (cf tableau ci-dessous) classé par le niveau de restriction d’accès à l’avortement, il apparait que :

  • L’augmentation de la mortalité infantile relevée au Texas entre 2021 et 2022, ne l’est pas dans les mêmes proportions dans les Etats les plus restrictifs (14). Voire, dans certains cas (Alabama, Arkansas, Kentucky), on observe une baisse de la mortalité infantile. Inversement, on constate une augmentation de la mortalité infantile parmi certains Etats américains les moins restrictifs (DC, Oregon, New Mexico…).
  • Entre 2022 et 2023, la forte augmentation observée au Texas ne se répète pas. Par ailleurs, la mortalité infantile a baissé (-453) aux Etats-Unis au global alors que le renversement de la jurisprudence Roe vs Wade en juin 2022 a entrainé une série de restrictions à l’avortement dans plusieurs Etats.

 

Etats Américains

Politique délai IVG (Source Guttmacher institute)

Evolution des décès <1 an entre 2021 et 2022

Evolution des décès <1 an entre 2022 et 2023

Alabama

0 semaine

-58

58

Arkansas

-43

24

Idaho

0

-17

Indiana

37

-51

Kentucky

-23

41

Louisiana

-2

-14

Mississippi

-9

-13

Missouri

66

-68

North Dakota

16

1

Oklahoma

-3

3

South Dakota

18

-16

Tennessee

36

-5

Texas

258

13

West Virginia

6

-31

Florida

6 semaines

73

-5

Georgia

124

-42

South Carolina

-31

18

Nebraska

12 semaines

9

11

North Carolina

12

6

Arizona

15 semaines

57

-56

Iowa

18-23 semaines

45

-12

Kansas

14

-4

Ohio

1

-13

Utah

6

11

Wisconsin

15

3

California

24-26 semaines

-7

-65

Connecticut

-14

6

Delaware

-18

13

Hawaii

16

-18

Illinois

-28

16

Maine

17

-14

Massachusetts

-1

-14

Montana

-2

9

Nevada

-37

36

New Hampshire

-10

-6

New York

16

-59

Pennsylvania

23

-31

Rhode Island

-7

8

Virginia

20

-53

Washington

0

43

Wyoming

3

-13

Alaska

Aucun délai IVG

-8

4

Colorado

-29

-7

DC

25

-16

Maryland

7

-48

Michigan

-6

-48

Minnesota

-20

5

New Jersey

16

-6

New Mexico

21

-27

Oregon

23

-1

Vermont

9

-9

Total Etats Unis

633

-453

Conclusions

Les analyses détaillées de la méthode et des résultats s’avèrent non conclusifs sur le lien de causalité entre une hausse de la mortalité infantile (<1 an et <27 jours) et l’instauration des restrictions à l’IVG au Texas en septembre 2021.

De plus, aucune tendance générale de hausse de la mortalité infantile n’a été constatée dans les autres Etats américains ayant appliqués des restrictions entre 2021 et 2022.

Enfin, le renversement de l’arrêt Roe vs Wade en juin 2022 n’a eu aucun effet sur la mortalité infantile dans les statistiques officielles puisqu’elle a au contraire baissé aux Etats-Unis entre 2022 et 2023.

Au-delà des revendications pour un libre accès à l’avortement, les commentaires des auteurs sur les liens entre les restrictions d’accès à l’IVG et les coûts de santé posent question. Ils déplorent en effet que “les coûts associés à la prise en charge des nourrissons présentant une morbidité importante, et en particulier des anomalies congénitales, soient également significatifs”. Que penser de cet argument purement financier pour justifier l’interruption médicale de grossesse ?

 

Références

  1. Infant Deaths After Texas’ 2021 Ban on Abortion in Early Pregnancy, https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2819785
les restrictions d’accès à l’ivg mises en œuvre au texas ont-elles causé une augmentation de la mortalité infantile ?

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L’homme aux mille enfants : altruisme ou narcissisme sans limite ?

 

 

L’histoire derrière la série documentaire

Jonathan Meijer est un Néerlandais d’environ 40 ans. Se présentant comme un musicien, avec une allure de surfeur décontracté, cet homme a commencé les dons de sperme en 2007. Il a signalé l’avoir fait au départ car il était touché par l’infertilité d’un ami. A travers une douzaine de cliniques néerlandaises et des arrangements en direct avec des femmes, il a contourné le plafond fixé par la loi de son pays pour le nombre d’enfants maximum qu’un donneur peut avoir : 25.

Pour faciliter les rencontres de donneurs et de femmes, il existe en effet de nombreux sites qui fonctionnent comme des plateformes de rencontre directe. Aux Pays Bas, des sites comme « OneWish », ou « Groot Velrangen (Grand désir) » sont facilement accessibles et listent de nombreux conseils et adresses. « OneWish » précise sans hésiter sur sa page d’accueil : « Contactez directement les donneurs. Il n’y a pas de liste d’attente et vous économisez des milliers d’euros par rapport à une clinique».

C’est précisément la démarche qu’une Néerlandaise, Vanessa van Ewijk, a suivie. Elle a confié son témoignage à des journaux. En 2015, cette femme célibataire de 34 ans décide qu’elle veut un enfant. Elle choisit un profil de donneur sur le site « Désir d’un enfant ». Après quelques échanges, ils se rencontrent un mois plus tard et Jonathan Meijer fournit son échantillon de sperme contre 165 euros et le remboursement de ses frais de transports. Elle le recontactera en 2017 pour une deuxième grossesse. La même année, elle est entrée en contact avec d’autres femmes, mères par le même donneur. Deux de ces femmes se sont elles-mêmes rendu compte que leurs enfants se ressemblaient, suggérant un même père biologique.

Une enquête du Ministère de la Santé a révélé à l’époque que Jonathan Meijer avait probablement 102 enfants nés par dons de sperme faits dans 11 cliniques. Ce nombre ne comptait pas les enfants nés à partir de rencontres bilatérales, estimés à 80 à l’époque.

Dans un pays relativement petit comme les Pays Bas, la question de la consanguinité et des risques d’inceste par des adultes ne connaissant pas leurs ascendants est d’autant plus importante que le pays est plus petit et le territoire densément peuplé.

Jonathan Meijer a été condamné par un tribunal de La Haye en avril 2023 et interdit de poursuivre ses pratiques. Malgré une première interdiction de dons décidée par la société nationale d’obstétrique et de gynécologie en 2017, J Meijer avait continué ses pratiques, entre autres avec des cliniques étrangères, en Belgique, en Allemagne, en France, et au Danemark selon des médias. Le tribunal a évoqué une estimation totale entre 550 et 600 enfants, mais sans certitude.

 

Comment un tel scénario a pu se produire ?

La personnalité de ce donneur a été mise sous les projecteurs. Il a produit plusieurs vidéos accessibles sur YouTube sur des sujets variés (investissements, alimentation, musique…). Questionné sur ses motivations par le journal américain New York Times, il avait répondu « Mais ce qui me motive en tant que donateur, c’est de faire quelque chose de vraiment grand avec juste un peu d’aide, l’appréciation des bénéficiaires et les sentiments chaleureux et les souvenirs que je partage avec les enfants et les bénéficiaires ».

Son cas n’est d’ailleurs pas unique. Un britannique, Simon Watson, avait fait les titres des médias en 2016 avec une estimation de 800 enfants. Dans une émission TV, il a déclaré que « j’ai des enfants de l’Espagne à Taïwan, dans plein de pays. J’aimerais obtenir le record du monde de tous les temps, m’assurer que personne ne va le battre, en obtenir le plus possible ». Un professeur de mathématiques américain a également sa page Wikipédia avec comme sujet principal ses dons prolifiques.

L’absence de contrôle et de réglementation dans de nombreux pays est un facteur expliquant ces situations. Aux Pays Bas, aucun registre national n’était tenu jusqu’à cette affaire, ni en Belgique. Des banques de sperme internationales, comme Cryos, ne semblent pas mettre de plafond au nombre d’enfants qu’un donneur peut engendrer.

Des sites et des groupes sur les réseaux sociaux, pour des échanges de sperme en dehors du circuit médical, se sont aussi multipliés. Adam Hooper, un Australien père de deux enfants a développé un groupe Facebook pour encourager les dons de sperme « direct ». Son site propose de multiples podcasts, produits en vente et « communautés ». Le groupe Facebook compte 15000 membres.

La prolifération de ces sites rendra encore plus difficile une réglementation, aux niveaux national comme international. La logique d’offre et demande s’est emballée, avec une recherche de moindre coût, d’accès rapide et de choix du donneur.

Volonté de toute-puissance, « délire égotique », abus de confiance, mensonges, sont des qualificatifs utilisés par les personnes qui ont dénoncé ces pratiques.  Il faut citer aussi la dissociation introduite par la notion de « donneur de sperme », séparée de toutes autres considérations génétiques, émotionnelles, psychologiques de la paternité.

 

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Une campagne choc pour alerter sur la situation des personnes âgées

Une campagne choc pour alerter sur la situation des personnes âgées

Une campagne choc pour alerter sur la situation des personnes âgées

 

Depuis le 15 juillet, une trentaine de fausses annonces sont parues sur des sites comme « Leboncoin », « Paru-Vendu » ou « Indeed ». Cette campagne, lancée par la Fédération des établissements hospitaliers et d’Aide à la Personne Privés Non Lucratifs (FEHAP), a pour objectif de susciter une prise de conscience collective pour mieux accompagner nos aînés.

 

En se promenant sur le site « Leboncoin », les internautes peuvent tomber sur une annonce immobilière peu commune. Un hôtel particulier situé à Flers, dans l’Orne, est à vendre pour 500 000 euros. L’annonce précise que le bâtiment est « l’ancien Ehpad Jean-Baptiste Lecornu, rénové il y a un an ». Le bâtiment serait mis en vente car il n’aurait plus les moyens d’accueillir son public. En réalité, il s’agit d’une fausse annonce, renvoyant vers le site de la FEHAP, la fédération du secteur de la santé solidaire.

Cette fédération, qui regroupe des établissements privés solidaires issus du monde associatif, des fondations, de l’univers mutualiste ou du champ de la protection sociale, souhaite, à travers une campagne de fausses annonces, susciter « un réveil citoyen au profit d’un accompagnement digne du Grand Âge ». Sur son site internet,  la fédération précise ses intentions : « en imaginant tout brader de ses lieux, de son équipement et même de ses équipes pour interpeller, nous voulons faire en sorte que ces fausses petites annonces ne deviennent jamais réalité. »

La fédération a ainsi publié un manifeste qu’elle propose de partager sur les réseaux sociaux. Elle y déplore le manque de moyens dans les établissements et services ainsi que l’essoufflement du personnel. Confrontés à une inflation qui surpasse l’augmentation des tarifs de prise en charge, près de 73 % des Ehpad adhérents clôturent l’exercice 2023 avec un résultat déficitaire.

Cette situation touche tous les établissements, qu’ils soient publics ou privés, puisque le baromètre RH & Finances publié le 14 juin par la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (FNADEPA) révélait que, parmi ses adhérents, 65 % des Établissements et Services Médico-Sociaux (ESMS) sont déficitaires en 2023. 58 % d’entre eux manquent de personnel.

Depuis plusieurs années, les professionnels du secteur attendent une loi grand âge qui réponde aux besoins immenses de financement et au manque d’attractivité du secteur. Promise dès 2018 par le président Emmanuel Macron, cette loi a été maintes fois reportée. Lors de l’examen de la proposition de loi pour le « Bien vieillir » en novembre 2023, à la suite d’une annonce de la Première ministre Elisabeth Borne, le gouvernement a fait adopter un amendement qui prévoit l’adoption d’une loi de programmation financière du grand âge avant la fin de l’année 2024.

Cette promesse a ensuite été abandonnée par son successeur Gabriel Attal. En janvier, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin déclarait avoir saisi le Conseil d’Etat sur ce sujet. L’émoi avait été grand quand, au cours des débats sur la loi fin de vie en juin, la ministre a révélé que la saisine n’avait en réalité jamais été transmise.

Il y rappelle que 300 députés de tous bords avaient voté l’amendement imposant au gouvernement une date limite pour présenter une loi grand âge lors du premier examen de la proposition de loi « Bien vieillir » en avril 2023. Dans cet entretien, le député initialement favorable à une loi sur l’aide à mourir exprime son inquiétude qu’en l’absence de mesures politiques pour accompagner dignement les plus âgés, « on laisse entendre à ces derniers qu’il est possible d’utiliser le suicide assisté comme une échappatoire à des situations maltraitantes. »

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La « capsule à suicide » ou comment « glamouriser » le passage à l’acte

La « capsule à suicide » ou comment « glamouriser » le passage à l’acte

La « capsule à suicide » ou comment « glamouriser » le passage à l’acte

 

Alors qu’en France, la dissolution de l’Assemblée nationale a stoppé net le projet de loi fin de vie et avec lui l’éventuelle légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie, des « capsules à suicide » devaient être inaugurées en Suisse dans le courant du mois de juillet. Un concept qui en dit long…

 

Qu’est-ce qu’une « capsule à suicide » ?

Dispositif au look futuriste, baptisé « Sarco », pour « sarcophage », la capsule ovale en plastique violet a la taille d’un corps humain. Son rôle : provoquer la mort sur commande… Sa structure est inclinée, un peu comme une chaise longue. Pour les personnes valides, de l’azote y est libéré sur pression d’un simple bouton. Et pour les personnes paralysées, c’est le clignement des yeux qui active la machine.

La mort dans la capsule « Sarco » est présentée comme “sans douleur” ce qui est loin d’être avéré : le directeur du Death Penalty Information Center, Robert Dunham, indiquait dans une interview au journal Le Temps en 2018 qu’ « Il n’y a pas de preuves scientifiques permettant d’assurer que le recours à l’azote pour exécuter des prisonniers sera rapide et indolore. ». Pour son coté « écolo », les matériaux qui la composent étant biodégradables, « Sarco » peut aussi servir de cercueil. Ses concepteurs ont pensé à tout…

Derrière cette invention macabre : Philip Nitschke, médecin australien fondateur de l’association Exit International, organisation militant pour la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. En 2002, pour protester contre les lois australiennes qui assimilaient l’aide au suicide à un crime, les militants d’Exit Australia avaient organisé une distribution de « sacs de suicide » pour permettre à des malades en phase terminale de s’étouffer eux-mêmes. Selon Philip Nitschke, « Tous les adultes responsables de leurs actes devraient, selon lui, avoir le droit de se choisir une fin paisible, même s’ils sont encore en bonne santé. »

Celui qui se définit lui-même comme un pionnier humaniste militant pour la libéralisation du suicide assisté, fut le premier praticien au monde à procéder à des injections létales sur des patients en phase terminale. A son actif, des inventions donc le sac de suicide et aussi un livre publié en en 2019, sorte de guide pratique pour réussir son suicide grâce à des conseils sur les poisons et les gaz. Dernière lubie de ce militant plus que controversé du « libre choix », la capsule « Sarco » pourrait même, à terme, être fabriquée par les personnes voulant en finir grâce à une imprimante 3D.

Pourquoi choisir la Suisse ?

En Suisse, le suicide assisté est permis depuis 1937, avec comme seule limite imposée par l’article 115 du Code pénal, que celui qui porte assistance à l’acte ne soit pas motivé par un mobile égoïste. Le suicide assisté n’étant pas considéré comme un soin, ce sont des associations qui en gèrent la logistique et le médecin n’intervient que dans la prescription du produit létal.

La pratique de l’assistance au suicide y est encadrée selon des critères fixés par l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) : être majeur, disposer de sa capacité de discernement, pouvoir s’administrer soi-même la dose létale, et être atteint soit d’une maladie incurable, soit de souffrances intolérables, soit de polypathologies invalidantes liées à l’âge.

L’annonce par The Last Resort, organisation créée il y a quelques mois, de l’installation imminente de ces capsules a suscité la controverse et l’opposition des associations d’aide au suicide. Pour le coprésident de l’association Exit, Jean-Jacques Bise, dans une interview au journal Le Temps : « Affirmer qu’il s’agit du moyen le plus humain de s’en aller est complètement fou. Aucune association d’aide à mourir n’utilisera cette machine, la question ne se pose même pas.»

De son côté, Philip Nitschke l’assure : il a fait faire une expertise, et il est, selon lui, dans les clous. “Puisque son appareil n’est pas médical, il n’a pas besoin d’autorisation pour être utilisé en Suisse”.

Alors qu’un homme avait prévu de mettre fin à ses jours avec « Sarco » la semaine du 15 juillet, les autorités du canton du Valais ont interdit le dispositif sur le territoire. Cédric Dessimoz, médecin cantonal adjoint en Valais a expliqué « actuellement, avec les informations que nous avons eues, […] nous ne savons pas comment cette organisation procéderait pour un éventuel suicide assisté en Suisse ou en Valais ». Il a également rappelé le rôle nécessaire du médecin en Suisse, « notamment pour évaluer la capacité de discernement » alors que le dispositif « Sarco » veut démédicaliser le processus.

Un projet qui valide une culture de la toute-puissance 

Le buzz médiatique autour de cet objet aussi appelé « Tesla du suicide » révèle que tout cadre visant à limiter le recours au suicide assisté et de l’euthanasie dès lors qu‘ils sont légalisés, est vain.

À travers cette volonté de démédicaliser le suicide, l’Australien cherche en réalité à ouvrir le suicide aux personnes qui estiment avoir suffisamment vécu et balaye les critères de pronostic vital ou de maladie en phase terminale. Ils sont pourtant utilisés par les promoteurs de la légalisation pour donner des gages et rassurer ceux qui s’inquiéteraient de dérives éventuelles.

Cette installation pose plus encore la question de la prévention du suicide. Qu’il s’agisse de son design, de la simplicité d’utilisation, de la promesse de ne pas souffrir, tout est fait pour rendre le suicide attractif. Si les autorités suisses finissaient par l’autoriser, le risque serait grand de voir augmenter le nombre de passages à l’acte suicidaire.

Cette capsule isole totalement la personne qui souhaite en finir et l’enferme dans une bulle : cette image à elle seule est parlante.

Derrière le sensationnalisme de façade et le militantisme pro euthanasie émerge une vision de l’homme et de la société où comme le dit Philip Nitschke, « Chacun doit être le seul maître de son destin ». Seule compte l’autonomie de la personne qui confine à la toute-puissance, au mépris de la vulnérabilité et de la solidarité.

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PMA : enjeux de la “pénurie” du don de sperme

PMA : enjeux de la “pénurie” du don de sperme

PMA : enjeux de la “pénurie” du don de sperme

 

Le 1er juillet dernier s’est tenue la deuxième réunion du comité national de suivi du plan ministériel 2022-2026 pour la Procréation, l’Embryologie et la Génétique humaines (PEGh). À cette occasion, l’Agence de la biomédecine a dévoilé les derniers chiffres de son enquête de suivi de mise en œuvre de la loi de la bioéthique.

 

Hausse des demandes, baisse des dons de sperme 

Concernant l’Assistance médicale à la procréation (AMP), elle révèle deux choses importantes, qui étaient totalement prévisibles :

  • L’augmentation du nombre de demandes de consultations pour don de spermatozoïdes, selon le simple effet de l’offre qui créée la demande, générée par l’ouverture de la PMA aux femmes seules ou en couple. « On fait face à un tsunami de demandes » constate Catherine Guillemain, présidente de la Fédération des centres d’étude et de conservation du sperme humain (Cécos).
  • Le nombre insuffisants de donneurs pour répondre à cette demande, voire, un nombre de donneurs qui diminue : en 2023, 676 hommes ont donné leurs gamètes, contre 714 en 2022. A noter que si les dons sont rares, cela démontre que ce n’est pas rien, de donner ses gamètes. Cela reste pour les hommes la possibilité d’être père biologique d’un ou plusieurs enfants. Il faut savoir que les dons d’un même donneur de sperme peuvent aboutir à la naissance de 10 enfants, selon les règles en vigueur. Par ailleurs, depuis le 1er septembre 2022, tout donneur doit obligatoirement accepter que son identité ainsi que des données non-identifiantes le concernant puissent être révélées aux enfants nés de leur don, s’ils en font la demande, à leur majorité. Sachant que la loi a prévu qu’aucun « lien de filiation ne puisse être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation ».

 

Le changement de regard et de mentalité sur la procréation humaine : vers le droit à l’enfant, le droit d’être parent

La loi bioéthique de 2021 a profondément transformé le cadre de l’assistance médicale à la procréation. Auparavant, elle visait à restaurer ou pallier une infertilité ou une stérilité médicale touchant un couple homme-femme, en âge de procréer. En ouvrant notamment l’accès à l’AMP aux femmes seules ou en couple de femmes et en autorisant l’accès à l’autoconservation des gamètes sans raisons médicales, le gouvernement a contribué à modifier les mentalités et le regard porté par la société sur la procréation humaine.

On a quitté le domaine du soin pour entrer dans une forme de prestation de service, intégralement prise en charge par l’assurance maladie dans la limite de six inséminations et quatre tentatives de fécondation in vitro.

 

Des millions d’euros dépensés dans des campagnes de pub

Désormais, l’AMP a tendance à être considérée comme un ensemble de techniques qui doit permettre à chacun d’accomplir son projet personnel, qu’il soit seul ou en couple. C’est d’ailleurs l’axe choisi par la dernière campagne de promotion du don de gamètes orchestrée par l’Agence de la biomédecine.

En 2023, son « message est désormais centré sur l’importance du don pour permettre à toute personne qui le souhaite de “devenir parent” », comme le décrit le dernier rapport de la Cour des comptes de janvier 2024 sur « les missions de l’agence de la biomédecine après la dernière loi de bioéthique ». Depuis 2021, le budget alloué à cette campagne de publicité par le ministère de la santé a été multiplié par cinq par rapport aux autres années pour atteindre la somme de 3,8 millions d’euros en 2021 et 3,5 millions en 2023.

 

Une pénurie de sperme prévisible

Cette pénurie était prévisible. Nombre d’observateurs, experts et députés l’avaient évoquée avant le vote de cette loi. Lors de son audition par la mission d’information sur la révision de la loi de bioéthique en octobre 2018, la Fédération des centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cécos) envisageait une multiplication des demandes par deux ou trois. Cette estimation s’avère, pour l’instant, en-deçà de la réalité.

En effet, alors que le nombre de demandes d’assistance médicale à la procréation avec don de spermatozoïdes s’élevait en moyenne à 2 000 par an, l’agence a recensé près de 23 000 demandes de premières consultations et 11 800 premières consultations provenant des nouveaux publics entre août 2021 et décembre 2022. Ces dernières ont représenté environ 90 % du total des consultations réalisées en 2022.

 

Vers la marchandisation du corps et la libéralisation du marché de la procréation

Le problème de la rareté des gamètes s’accompagne d’un risque évident de marchandisation. Dans son avis de juin 2017, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pointait déjà du doigt ce grave enjeu. Evidemment, pour encourager les donneurs, quoi de plus efficace que de les rémunérer, comme cela existe dans quelques pays étrangers ? Mais la rémunération des donneurs poserait des problèmes considérables au regard des principes gouvernant l’ensemble des dons d’éléments et produits du corps humain.

Une fois le principe de la gratuité rompu sur les gamètes, on voit mal ce qui empêcherait de faire la même chose pour les autres produits et éléments du corps humain, y compris les organes. En outre, parmi les inconvénients de ces rémunérations, le plus important est sans doute l’absence de traçabilité des « donneurs » de sperme, qui peuvent trouver un avantage à multiplier les prélèvements et les centres auxquels ils s’adressent, puisque chaque don représente une source de revenus.

Le risque de libéralisation du marché de la procréation est bien réel. Sur le sujet connexe de l’autoconservation des ovocytes, rendue difficile par l’afflux des demandes, le président de la République, Emmanuel Macron, a lui-même proposé d’« ouvrir aux centres privés l’autoconservation ovocytaire, jusqu’ici réservée aux établissements hospitaliers », dans un entretien à Elle, début mai…

L’augmentation du recours à l’AMP à l’étranger…

Dès 2021, 2 247 femmes ont bénéficié d’une première consultation en vue d’une AMP. Ce chiffre a quadruplé en 2022 (4 560 couples de femmes et 4 959 femmes seules). Ce nouveau public représente désormais 90 % des consultations réalisées dans ce cadre. La constitution d’une liste d’attente ainsi que l’allongement des délais résultant de ce surcroît d’activité a conduit à l’inverse de ce qui était recherché : une augmentation du nombre de demandeuses se tournant vers l’étranger.

C’est ce que dévoile la Cour des comptes : l’ouverture à de nouveaux publics pourrait conduire à un accroissement du nombre de demandes d’assistance médicale à la procréation à l’étranger ainsi que semblent en témoigner les dernières données disponibles du Centre national des soins à l’étranger (+ 26 % depuis 2021). En 2022, le nombre d’avis favorables donnés par le Centre national des soins à l’étranger était passé à 2032, contre 1507 en 2018.

Cela ne concerne pas les chiffres des personnes, bien plus nombreuses, qui ont toujours recours au don de sperme à l’étranger, « en dehors des radars ».

 

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Loi de bioéthique 2021 : Le diagnostic prénatal

Loi de bioéthique 2021 : Le diagnostic prénatal

Le diagnostic prénatal ou DPN est l’ensemble des pratiques médicales permettant de déceler les anomalies ou les malformations d’un bébé au stade fœtal ou embryonnaire. Selon l’article L2131-1 du code de la santé, « le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité. »

 

Le diagnostic prénatal affiche un triple objectif :

  • améliorer la prise en charge médicale des enfants nés avec un problème de santé,
  • préparer les parents sur les plans social et psychologique à l’arrivée de ce bébé au parcours singulier, mais aussi, parfois,
  • attester la gravité de certaines pathologies afin d’engager une interruption médicale de grossesse (IMG), autorisée en France jusqu’au terme de la grossesse.

Lorsqu’une anomalie fœtale est détectée, elle doit être attestée par l’un des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN), eux-mêmes encadrés et agréés par l’Agence de la biomédecine (ABM).

I. Diagnostic et dépistage, quelle différence ?

Le diagnostic prénatal repose sur des examens d’imagerie et des dosages biologiques, mais aussi sur des examens plus invasifs (type amniocentèse). Les premiers tests effectués au cours de la grossesse sont généralement des tests de DEPISTAGE (échographie, dosages sanguins à partir d’une prise de sang de la mère), et orientent vers la nécessité ou non de réaliser un DIAGNOSTIC, en général via une amniocentèse ou un prélèvement de villosités choriales, examens qui comportent un risque non négligeable de provoquer une fausse couche (de 0,5% à 1%).

Introduit en France en 2013, le dépistage prénatal non invasif (DPNI) est une technique de dépistage prénatal, qui permet de détecter précocement des anomalies des chromosomes chez le fœtus et en particulier des formes de la trisomie 21, trisomie 13 et 18. A partir d’une simple prise de sang chez la femme enceinte, le test DPNI permet d’analyser des fragments de l’ADN du fœtus, qui circulent dans le sang maternel pendant la grossesse.

Remboursé depuis 2018, ce test est effectué par beaucoup de femmes qui ignorent qu’il n’est pas obligatoire. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande l’intégration de l’analyse de l’ADN libre circulant dans le sang maternel du chromosome 21 lorsque le risque de trisomie 21 fœtale est estimé au regard de l’âge maternel, du dosage des marqueurs sériques (PAPP-A, ß-HCG) ou de la mesure échographique de la clarté nucale.

Selon le rapport d’activité annuel de DPN 2022 de l’ABM, le dépistage des aneuploïdies (anomalies chromosomiques), dont la trisomie 21, reste le plus fréquent selon des méthodes variées :

  • Le dépistage de la trisomie 21 par les marqueurs sériques maternels (618 027 femmes testées en 2022, soit 85,5 % des naissances, contre 629 688 femmes dépistées en 2021),
  • Le DPNI dont le nombre a lui augmenté par rapport à 2021, pour atteindre 129 804 en 2022
  • Le diagnostic des aneuploïdies par caryotype fœtal, examen invasif qui consiste en un prélèvement pour confirmer le diagnostic de l’anomalie dépistée. Le nombre en baisse en 2022 est lié notamment à la hausse du DPNI et du diagnostic par ACPA (analyse chromosomique par puce à ADN), présenté comme plus précis qu’un caryotype.

II. Quels changements ont été apportés par la loi de bioéthique de 2021 ?

  1. L’extension du DPN à une enquête génétique chez les parents en cas de découvertes fortuites lors des examens habituels :

Lorsque des informations génétiques sont découvertes à l’occasion d’un test sans avoir été spécialement recherchées, elles sont utilisées dans le cadre de la « médecine fœtale », anciennement diagnostic prénatal. Selon l’article L. 2131-1, VI 

« La femme enceinte est également informée que certains examens de biologie médicale à visée diagnostique […] peuvent révéler des caractéristiques génétiques fœtales sans relation certaine avec l’indication initiale de l’examen et que, dans ce cas, des investigations supplémentaires, notamment des examens des caractéristiques génétiques de chaque parent, peuvent être réalisées dans les conditions du dispositif prévu à l’article L. 1131-1.

2. Les changements apportés par la loi de bioéthique sur l’IMG

La loi ne modifie pas substantiellement l’IMG mais y apporte tout de même des changements significatifs tant dans les conditions de fond que de forme.

  • L’interruption volontaire partielle de grossesse multiple

La « réduction embryonnaire » est le terme utilisé pour décrire la pratique qui consiste à éliminer un ou plusieurs fœtus dans le cadre d’une grossesse multiple, même s’ils sont en bonne santé. La loi de bioéthique d’août 2021 précise qu’une « réduction embryonnaire » peut être pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse si elle « permet de réduire les risques d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril la santé de la femme, des embryons ou des fœtus » (art. L. 2213-1, II).

Les conditions sont plus souples qu’une IMG classique en ce que le « péril », qui est susceptible d’affecter la santé de la mère mais aussi des embryons ou des fœtus selon l’âge de la grossesse, ne doit pas nécessairement être grave.

  • IMG pour les mineures non émancipées

La loi applique à l’IMG les dispositions existantes en matière d’IVG pour les femmes mineures. Même en cas de refus des parents ou d’un éventuel tuteur, une IMG peut être pratiquée sur une mineure à condition qu’elle se fasse accompagner par une personne majeure de son choix, comme pour une IVG.

  • Obligation d’information du médecin en cas de refus de pratiquer une IMG

La loi de bioéthique de 2021 ajoute un article L. 2213-4 disposant qu’« un médecin qui refuse de pratiquer une IMG doit informer sans délai l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement les noms de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ».

  • Suppression du délai de réflexion

La loi supprime enfin l’obligation de proposer à la femme un délai de réflexion d’au moins une semaine avant d’interrompre sa grossesse en cas de forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

III. DPN et questions éthiques

Dans ce domaine du diagnostic prénatal, les avancées fulgurantes permettent une meilleure anticipation de l’éventuelle nécessité d’une prise en charge de l’enfant à la naissance, voire in utéro, en cours de grossesse. Néanmoins, lorsque le diagnostic d’une anomalie de l’enfant à naitre est le plus souvent suivi d’une interruption de grossesse (IMG), il y a lieu de s’interroger.

Progressivement le DPN assorti de proposition d’avortement médical s’est imposé comme une « bonne pratique » médicale. La trisomie est devenue emblématique : la France détient le record mondial du dépistage.

En cas d’anomalie chromosomique, ni traitement, ni prise en charge ne sont proposés. En 2021, 1 861 « attestations de particulière gravité » ont ainsi été délivrées après le diagnostic d’une trisomie 21. D’après le rapport de l’ABM, en 2021, 97% des femmes qui avaient reçu une attestation des CPDPN en vue d’une IMG pour motif fœtal y ont eu recours.

En 2021, le Comité pour les droits des personnes handicapées des Nations unies a reproché à la France sa politique de dépistage prénatal systématique de la trisomie 21, dévalorisant les personnes atteintes de handicap.

La technicisation de la grossesse crée un cercle vicieux dans lequel :

  • le corps médical se sent comme redevable de dépister les anomalies in utero en améliorant toujours plus les outils de DPN ;
  • les parents attendent beaucoup de la technique pour avoir un enfant avec le moins de défauts possibles.

Parmi les progrès attendus, notons celui de la nécessité de garantir aux futurs parents un consentement réellement libre en développant toutes les mesures nécessaires pouvant faciliter l’accueil d’un enfant pour lequel une maladie ou un handicap a été détecté, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Lors des débats de la loi bioéthique de 2021, des experts et parlementaires ont dénoncé l’eugénisme des pratiques du DPN en France. Dans un Avis rendu en 2022, le Comité consultatif national d’éthique a insisté sur la nécessité d’une « éthique de l’annonce », incluant trois critères :

  • D’abord, la pluralité des options (une information a une réelle valeur éthique quand elle éclaire, sans les dicter, un choix qui reste ouvert sur plusieurs possibilités d’action).
  • Puis la neutralité (appelant à la plus grande précaution oratoire lors de l’évocation de la possibilité d’une IMG, : « le simple fait d’envisager l’éventualité d’un arrêt de la grossesse peut produire un effet incitatif dans la mesure où, tacitement, le médecin juge la situation préoccupante »).
  • Enfin, la temporalité (le temps participe aux conditions d’une réflexion non contrainte).

 

Conclusion 

Le diagnostic prénatal devrait avoir pour seule finalité la prise en charge médicale des anomalies détectées. Toute politique en faveur du soutien des personnes handicapées et de recherche médicale ne peut aujourd’hui faire l’économie de la réflexion sur la tentation d’eugénisme qui traverse notre société.

 

Pour aller plus loin :

Loi de bioéthique 2021 : quelles nouveautés pour le don d’organes ?

Loi de bioéthique 2021 : quelles nouveautés pour le don d’organes ?

I. 3 grands principes régissent le don d’organes en France :

  • Principe du « consentement présumé » : en France, la loi indique que nous sommes tous donneurs d’organes et de tissus, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus de donner (en s’inscrivant sur le registre national des refus, possible dès 13 ans, ou si un proche de la personne décédée fait valoir le refus de prélèvement d’organes que cette personne a manifesté expressément de son vivant). Les enfants mineurs peuvent être donneurs d’organes. Toutefois, la loi en France indique que le don d’organes et de tissus ne peut avoir lieu qu’à la condition du consentement des titulaires de l’autorité parentale.

 

  • Gratuité : le don d’organes est un acte de générosité et de solidarité. La loi interdit toute rémunération en contrepartie de ce don.

 

  • Anonymat : le nom du donneur ne peut être communiqué au receveur, et réciproquement. La famille du donneur peut cependant être informée des organes et tissus prélevés ainsi que du résultat des greffes, si elle le demande.

La loi de bioéthique votée en aout 2021, dont les modalités d’application ont été fixées par décrets (n° 2021-1627 et n° 2021-1626 du 10 décembre 2021), introduit quelques nouveautés sur le don d’organes, en particulier le « don croisé ».

II. Qu’est-ce que le don croisé ?

La loi de 2011 qui comportait déjà cette innovation. Le don croisé est une organisation spécifique pour les greffes rénales avec donneur vivant. L’une des principales difficultés dans le domaine de la greffe est celle de la « compatibilité » entre donneur et receveur. Comme il est possible de vivre avec un seul rein, il arrive que des proches d’une personne en attente de greffe souhaitent donner un de leur rein, mais ne sont pas « compatibles ».

C’est là qu’intervient l’idée de « don croisé » : il permet, lorsque le don n’est pas possible au sein d’une même famille, de regrouper deux couples de receveurs-donneurs présentant entre eux une compatibilité afin d’échanger les donneurs respectifs. Il s’agit donc d’une incitation à trouver des donneurs vivants dans l’entourage des personnes en attente de greffe pour pouvoir procéder à « l’échange » de greffons avec d’autres familles.

L’ABM (Agence de Bio Médecine) décrit le processus sur son site :

“Un donneur D1 souhaite donner à son proche, le receveur R1, mais n’est pas compatible avec lui. Par ailleurs, un donneur D2 souhaite également donner à son proche, le receveur R2, mais n’est pas compatible avec lui. Si le donneur D1 est compatible avec le receveur R2 et que le donneur D2 est compatible avec le receveur R1, une greffe peut être envisagée entre le donneur D1 et le receveur R2 et une autre entre le donneur D2 et le receveur R1. C’est cela que l’on appelle le don croisé.”

Dans les dispositions de la loi, le don croisé reste anonyme. Chaque donneur accepte qu’un receveur anonyme soit greffé de son rein pour que son proche accède aussi à une greffe. Ce système contourne une incompatibilité entre le patient en attente d’une greffe et un proche souhaitant donner un rein. Selon l’ABM, cette procédure a aussi des avantages médicaux : accès à un nombre plus élevé de greffons, accès plus rapide à la greffe, programmation de l’intervention, et faible temps où l’organe donné est conservé au froid avant la transplantation.

Or, les données montrent que les risques de rejet de greffe augmentent avec la durée de cette conservation avant transplantation.

La loi de 2021 a assouplit le système de don croisé. Au départ, le don croisé concerne 2 paires de donneurs et receveurs. Entre donneurs vivants, la loi de 2021 autorise désormais le nombre de donneurs et receveurs consécutifs de passer de deux à six. Il ouvre aussi la possibilité d’intégrer à une procédure de dons croisés le recours à un organe prélevé sur une personne décédée.

En pratique, une chaine de dons est initiée par un donneur seul (vivant ou décédé) n’ayant pas de patient spécifique à qui faire un don. Cette première greffe permet d’amorcer une suite de dons parmi des paires patient/donneur incompatibles. Le donneur vivant associé au patient recevant le rein du donneur décédé peut alors à son tour donner son rein qui va bénéficier à une deuxième paire patient/donneur, et ainsi de suite.

Les opérations de prélèvement et de greffe, qui devaient auparavant être réalisées dans le même temps afin de préserver l’égalité des chances, se déroulent désormais dans un délai maximal de vingt-quatre heures.

III. Quelques chiffres sur les greffes de rein

L’ABM a mené une campagne d’information et de sensibilisation à l’automne 2021 “don de rein à un proche, la solution est en nous tous”. En 2020, année perturbée par la crise sanitaire (Covid 19) 2595 greffes ont été réalisées, dont 390 (15%) grâce à un don venant d’un vivant. Un peu plus de 42000 personnes vivent avec un rein greffé.

IV. Quels sont les autres changements apportés par la loi de bioéthique de 2021 ?

  • Elle a étendu le devoir d’information à toute personne âgée de plus de 16 ans. Elle impose en particulier aux médecins traitants (art. R.1211-50) de s’assurer que tout patient est informé de la possibilité du don d’organes et de ses modalités, et demande aux médecins de l’éducation nationale et de médecine préventive des établissements d’enseignement supérieur (art. R.1211-51) d’apporter leurs concours à l’action d’information des élèves et des étudiants âgés d’au moins seize ans sur le don d’organes à fins de greffe et les modalités de consentement.
  • Elle a modifié les modalités d’organisation des comités d’experts chargés d’autoriser les prélèvements par l’Agence de la biomédecine et leurs conditions de fonctionnement (art. R.1231-5 à R.1231-8 CSP).
  • Elle est venue modifier les conditions de prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur mineur ou sur majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, au bénéfice des père et mère. C’est ce qu’on appelle « les greffes de moelle osseuse ». Les cellules souches hématopoïétiques sont fabriquées par la moelle osseuse et sont à l’origine des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes. Elles sont donc prélevées aux fins de greffes pour lutter contre les maladies du sang. Jusqu’à présent, un tel prélèvement était autorisé sur mineur ou sur majeur protégé, en l’absence de solution thérapeutique, au seul bénéfice des frères et sœurs ou, à « titre exceptionnel », au bénéfice des cousins/cousines, oncles/tantes, neveux/nièces. La loi du 2 août 2021 ouvre désormais la possibilité de pratiquer un tel prélèvement au profit des parents du donneur sous certaines conditions. Compte tenu de la vulnérabilité du mineur ou du majeur protégé et afin de prévenir tout conflit d’intérêts, le décret organise la désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter le mineur (art. R.1241-13 CSP) ou le majeur protégé (art. R.1241-8).

L’augmentation du nombre de dons aujourd’hui insuffisant au regard du nombre de receveurs potentiels est souhaitable, mais ces nouvelles mesures invitent à rester vigilant, notamment sur la délicate question du recueil du consentement.

Législatives 2024 : quels sont les programmes des candidats sur la fin de vie et le grand âge ?

Législatives 2024 : quels sont les programmes des candidats sur la fin de vie et le grand âge ?

Législatives 2024 : quels sont les programmes des candidats sur la fin de vie et le grand âge ?

Excepté pour la majorité présidentielle qui voudrait faire de l’examen du projet de loi sur la fin de vie une priorité, ce sujet n’est pas au cœur des programmes des différents camps politiques pour les élections législatives qui auront lieu le 30 juin et le 7 juillet 2024. Quant au grand âge, c’est le grand oublié de ces législatives.

La dissolution annoncée le 9 juin par le président de la République a mis un coup d’arrêt au projet de loi sur la fin de vie dont l’examen en séance publique à l’Assemblée nationale avait commencé le 27 mai. Les candidats aux législatives sont partagés sur l’importance à accorder à ce sujet dans leurs programmes.

Une priorité pour la majorité présidentielle

En cas de victoire du camp présidentiel sous l’étiquette « Ensemble pour la République », Gabriel Attal a annoncé que le texte sur la fin de vie autorisant une « aide à mourir » serait remis à l’ordre du jour de la nouvelle Assemblée dès le mois de juillet, avant les Jeux Olympiques. Interrogée sur France Inter lundi 24 juin, l’ancienne présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a affirmé qu’elle remettrait le texte sur la fin de vie à l’ouvrage en priorité, car c’est un texte « très attendu par nos compatriotes ».

Absence dans les autres programmes

Néanmoins, cette position est isolée dans les débats pour les législatives. La fin de vie ne figure pas dans le programme du Nouveau Front Populaire, même si plusieurs voix au sein de l’alliance de gauche se sont exprimées en faveur d’un projet de loi pour l’euthanasie ou le suicide assisté. Fabien Roussel, secrétaire national du Parti Communiste Français (PCF), a appelé à la reprise du débat parlementaire. De son côté, le député sortant LFI Hadrien Clouet, candidat à sa réélection, s’est engagé à redéposer le projet de loi s’il est élu.

Les programmes des Républicains (LR) et du Rassemblement National (RN) sont muets sur la question. Au sein de ces partis, les candidats sont eux-mêmes divisés. Certains ont exprimé leur souhait de développer les soins palliatifs. Ce qui ressort, c’est que la fin de vie n’est pas un sujet de campagne pour ces législatives.

Le grand âge, le grand oublié de ces législatives

 Au vu des défis immenses soulevés par le vieillissement de la population française et de la crise que connaît le secteur du grand âge, on aurait pu s’attendre à ce que ce sujet soit traité par les différentes formations politiques. Une loi grand âge avait été annoncée dès 2018 par Emmanuel Macron et promise encore en novembre 2023 par la Première ministre Elisabeth Borne. Or, il faut croire que le grand âge ne fait pas recette.

Sur ce sujet, on trouve à peine deux lignes dans le programme du Nouveau Front Populaire, qui propose de « lancer un plan Grand âge en rénovant les EHPAD, en augmentant et en formant les professionnels du grand âge ». Le programme de douze pages d’Ensemble pour la République ne contient absolument aucune proposition sur le sujet. Le Rassemblement National (RN) propose à la rubrique santé de « renforcer le soutien aux proches-aidants » sans préciser comment.

Les candidats aux législatives seraient bien avisés de se pencher sur le baromètre Ifop/Synerpa 2024 sur le grand âge et les enjeux du vieillissement publié ce lundi 24 juin. Selon ce baromètre, près de 7 Français sur 10 estiment que les pouvoirs publics n’ont pas pris de mesures suffisantes pour améliorer la situation en EHPAD (69 %). Ils pourraient également s’intéresser aux résultats du baromètre RH & Finances publiés le 14 juin par la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (FNADEPA).

Celui-ci montre une nouvelle dégradation de la situation financière des établissements et services pour personnes âgées, quel que soit leur statut, public comme privé. Selon cette enquête menée auprès des 1 500 adhérents de la FNADEPA, 65 % des ESMS sont déficitaires en 2023 et 58 % d’entre eux manquent de personnel.

 

Dans ce contexte, Alliance VITA rappelle, que, parmi ses 5 voies prioritaires pour ces législatives, figurent en première place l’urgence de voter une loi solidaire pour les aînés et la nécessité de garantir de l’accès à des soins palliatifs pour tous. Ces questions ne pourront être éludées par le prochain gouvernement.

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