Audition d’Alliance VITA à l’Assemblée nationale

Audition d’Alliance VITA à l’Assemblée nationale

Audition d’Alliance VITA à l’Assemblée nationale

sur la proposition de loi Falorni sur l’aide à mourir (suicide assisté et euthanasie)

Mardi 1er avril 2025 à 21h30, Alliance VITA était auditionnée à l’Assemblée nationale par la Commission des affaires sociales, à propos de deux propositions de loi, l’une sur la fin de vie (ayant comme objet de légaliser sous la terminologie d’aide à mourir, suicide assisté et euthanasie), l’autre sur les soins palliatifs. L’audition se déroulait sous la forme d’une table ronde de quatre associations, deux favorables à l’euthanasie (Association pour le droit de mourir dans la dignité et le Choix) et deux opposées (Fondation Jérôme Lejeune et Alliance VITA).

Chaque association avait quelques minutes pour expliciter sa position avant les questions des membres des députés. Nous reportons ci-après ces interventions liminaires de nos deux représentants, le docteur Olivier Trédan, conseiller médical d’Alliance VITA et Tugdual Derville, son porte-parole, qui se sont centrés sur la proposition de loi d’Olivier Falorni.

 

Tugdual Derville

Monsieur le président,

Monsieur le rapporteur général

Mesdames et messieurs les députés…

 

Merci de nous donner la parole. Pour Alliance VITA ce texte que vous nous demandez de commenter est dangereux dans son principe et plus encore dans ses modalités. Je laisse d’abord s’exprimer notre conseiller médical, le docteur Olivier Trédan, cancérologue, puis je complèterai son propos.

 

 

Dr Olivier Trédan, conseiller médical

 

En tant que médecin cancérologue, je ne peux pas accepter, comme nombreux de mes collègues, cette notion « d’aide à mourir », qui tente de légitimer le suicide assisté ou l’euthanasie. Notre mission, en ayant choisi d’accompagner quotidiennement des patients touchés par une maladie aussi difficile que le cancer, est de prendre soin de la vie de nos patients et non d’administrer la mort.

En tant que chef d’un département de cancérologie médicale, je suis également stupéfait par les changements radicaux que vous proposez car les critères retenus par votre texte conduiraient à perturber gravement notre travail et le dévouement des soignants. La fragile confiance réciproque qui s’instaure dans la relation soignants/soignés s’en trouverait dans bien des cas abimée voire ruinée.

 

D’abord, vous prévoyez qu’une personne malade qui demanderait la prescription d’un produit létal devrait « être atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ». Je vous confirme que l’annonce d’un cancer en phase avancée (typiquement avec des métastases évolutives) va de pair avec l’annonce d’un risque de mourir. Cependant, je tiens à souligner que, grâce aux progrès de la médecine et de la cancérologie en particulier, la plupart des cancers métastatiques peuvent être contrôlées pendant plusieurs années.

C’est le paradoxe de ces maladies graves, dont l’issue est souvent connue, mais dont la durée d’évolution est imprévisible. Le temps à vivre avec des métastases se compte fréquemment en années. Comment alors, dans ces conditions, pourrait-on répondre hâtivement à une demande de mourir alors que, justement, le temps à vivre pour la plupart des patients est si incertain ?

Nous touchons bien là au cœur de la relation soignant/soigné, basée sur un pacte de confiance : le malade se sait porteur d’une maladie incurable mais espère recevoir de notre part les traitements et les soins les plus adaptés à sa situation tout au long de son parcours. Vous avez que nos structures hospitalières souffrent aujourd’hui d’un grave manque de moyens, particulièrement humains ; des services fonctionnent en mode dégradé à cause d’une carence de soignants ou de médecins.

Beaucoup de professionnels expriment une souffrance au travail. Une loi de rupture donnant la capacité pour n’importe quel médecin, à tout moment du parcours, de suggérer puis mettre en œuvre une procédure visant à provoquer la mort, induirait inévitablement une méfiance chez les malades fragilisés par une maladie chronique, et un doute sur leur droit de vivre.

Ensuite, pour se procurer le produit létal votre texte prévoit « une souffrance réfractaire aux traitements ou insupportable selon la personne, lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ». La prise en charge globale des maladies chroniques incurables comme le cancer métastatique doit être précoce, pluridisciplinaire et multimodale. Tôt dans le parcours du patient, nous mettons en place de nombreux traitements médicamenteux ou non-médicamenteux.

Tout est mis en œuvre, à travers les soins de support, afin d’apaiser les souffrances physiques et les détresses morales. Dans ce cadre, le terme « insupportable » est entendu comme un signal incitant à l’utilisation d’indicateurs et d’échelles objectives pour permettre des évaluations reproductibles et réitérées. Les soignants prenant en charge des malades chroniques et graves savent que les souffrances sont éminemment fluctuantes dans le temps et nécessitent des réévaluations régulières. Une souffrance dite insupportable est tout sauf un critère objectif et tangible. L’utiliser comme critère de décision n’est pas acceptable et empêcherait toute évaluation pertinente des pratiques.

 

Enfin, selon votre texte, le processus de validation du suicide assisté ou de l’euthanasie repose en réalité sur un seul médecin décisionnaire. Et il peut être accéléré. Sans aucun recours des proches ou des soignants.

 

Avec une telle loi, un risque nouveau advient pour les patients fragiles : lorsque dans des périodes de détresse, ils demanderont à mourir, un processus rapide et implacable pourrait s’enclencher, qui aboutirait en quelques jours à une injection létale. Il y a là un risque d’abus de confiance par certains médecins volontaires qui administreraient la mort comme ils prescrivent des médicaments courants.

C’est exactement la situation de toute puissance médicale que nous rapportent nos collègues des Pays-Bas dont les patients sont brusquement happés par des filières spécialisées dans l’euthanasie. Je précise que ma position rejoint celle des centaines de soignants engagés dans notre association.

 

Tugdual Derville, porte-parole

 

Vous l’avez compris au travers des propos du docteur Trédan, lever l’interdit de donner la mort à un patient, élément-clé de toute déontologie médicale, serait d’autant plus injuste que notre système de santé traverse une crise multiforme qui nous fragilise tous.

 

Ce texte contredit à nos yeux la devise nationale dont il se revendique :

 

A/ Une liberté n’est authentique que quand elle s’exprime en connaissance de cause

Ce n’est pas le cas ici, car les patients concernés subissent trois types de pression qui dénaturent leur liberté :

  • D’abord, quel est le sens d’une liberté, sous la pression d’une souffrance mal prise en compte, faute d’accompagnement ou de soins, notamment palliatifs ?
  • Ensuite, quel est le sens d’une liberté sous pression de la peur de ce qui risque d’advenir mais qui n’est jamais totalement prévisible ?
  • Enfin, quel est le sens d’une liberté sous la pression d’une société qui vous juge inutile, pesant ou coûteux ? A laisser entendre que la vie des personnes malades n’a plus ni sens ni valeur, le droit à la prétendue « aide à mourir » finit par se retourner en « devoir de mourir ».

 

Il faut ajouter que la mort administrée s’imposerait aux proches, sans recours possible, aux pharmaciens et aux établissements de santé, sans clause de conscience. Et à toute l’équipe soignante, empêchée d’accompagner un patient. Pour eux tous, la « liberté » devient liberticide.

 

B/ L’égalité aussi est bafouée

En effet, pour des personnes vivant en situation d’isolement, de précarité sociale, dans des déserts médicaux, sans accès aux soins palliatifs, le suicide assisté ou l’euthanasie s’imposeraient par défaut de solidarité. Il faut être lucide sur ces discriminations avec en tête l’exemple canadien : des personnes souffrant de maladies évolutives demandent l’euthanasie faute de soutien approprié. Toujours au Canada, la majorité des personnes euthanasiées ont de faibles revenus.[1]

 

C/ C’est donc la fraternité qui en pâtit

L’universalité de la prévention du suicide, élément-clé de notre pacte social est un enjeu de fraternité. Priver des patients de cette prévention c’est rompre ce pacte de solidarité.

Le docteur Trédan a eu raison d’évoquer le cancer – à l’origine de la plus grande partie des euthanasies dans les pays l’ayant légalisé. Ce sont les patients psychiquement fragiles, isolés, démunis, âgés qui seraient les premiers à demander l’euthanasie.

Nous sommes particulièrement inquiets pour les personnes âgées : les plus de 75 ans connaissent le plus haut taux de suicide. Le Président de la MGEN, qui soutient la mort administrée, nous a glacé en affirmant : « Le taux de suicide des personnes âgées en France montre que la demande est déjà là ».

 

Mais c’est l’offre de suicide assisté qui crée la demande. Au lieu de dire « On sera là pour prendre soin de vous jusqu’au bout, car votre vie a du prix ! » cette offre impose une question qui inverse le sens de la fraternité : « N’est-ce pas le moment de partir ? Vous avez fait votre temps. » Nous constatons déjà, à cause de ce débat, un effet Werther de contagion du suicide : notre service d’écoute sur la fin de vie, reçoit de plus en plus de demandes de suicide de personnes souffrant uniquement d’une maladie psychique. Ce débat leur a fait croire qu’un service public dédié pourrait les suicider.

 

Nous sommes aussi choqués qu’on désigne des catégories de patients éligibles au suicide ou à l’euthanasie (pour commencer ceux qui ont la maladie de Charcot, comme entendu de plusieurs leaders politiques). Le responsable mutualiste que j’ai cité milite pour supprimer toute condition de pronostic vital engagé, en évoquant les personnes ayant des maladies neurodégénératives.

Plusieurs membres de notre association atteints de Parkinson, SLA ou d’autres affections dégénératives disent leur effroi de se voir ainsi stigmatisés. C’est violent pour ces patients comme pour leurs proches et leurs soignants qui se battent à leurs côtés face au drame de la maladie. Les plus souffrants et leurs proches ont le plus besoin d’être protégés de la désespérance. Plutôt que de les orienter vers la mort, la fraternité consiste à les aider à vivre, en les soulageant, sans acharnement thérapeutique, ni euthanasie, ni incitation au suicide.

 

Nous sommes enfin inquiets pour les soins palliatifs, comme le Conseil d’État, qui écrivait en 2018 : « l’expression d’une demande d’aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d’un accès insuffisant à des soins palliatifs. L’accès à des soins palliatifs de qualité constitue (…) un préalable nécessaire à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie[1]. »

 

C’est pourquoi nous estimons que devrait être consensuelle une loi de programmation pour appliquer le plan décennal soins palliatifs, préalable à toute modification de la loi fin de vie. Alors que les gouvernements peinent à tenir leurs engagements, nous ne comprenons pas votre impatience à légaliser l’euthanasie. Votre proposition de loi, si elle était votée, pourrait entrer en vigueur dès la fin 2025 alors que la « stratégie décennale des soins d’accompagnement » s’étalera sur dix ans. L’urgence commande donc d’adopter une loi de programmation seule à même de garantir l’accès universel aux soins palliatifs.

 

Je signale pour finir qu’Alliance VITA met à votre disposition ce document de synthèse qui récapitule les retours d’expérience reçus de cinq pays ayant déjà légalisé suicide assisté ou euthanasie. Ces avis d’experts et témoignages corroborent toutes nos alertes.

Je vous remercie.

 

 

[1] 58% cf. https://theconversation.com/projet-de-loi-sur-laide-a-mourir-peut-on-ignorer-la-question-economique-248612

[1] Conseil d’Etat « Révision de la loi bioéthique : quelles options pour demain ? » Juin 2018.

https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/revision-de-la-loi-de-bioethique-quelles-options-pour-demain

audition d'alliance vita à l'assemblée nationale

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Hausse de la mortalité infantile en France : quelles explications ?

Hausse de la mortalité infantile en France : quelles explications ?

Hausse de la mortalité infantile en France : quelles explications ?

 
 
4,1 décès pour mille naissances, la France mauvaise élève de l’Union européenne en termes de mortalité infantile : c’est le constat alarmant que tentent de comprendre Anthony Cortes et Sébastien Leurquin dans leur livre-enquête. Alors que le taux de décès des bébés de moins d’un an diminue partout ailleurs chez nos voisins européens, et que notre natalité baisse, comment expliquer ce chiffre ?

Le taux de mortalité infantile en France en 2024 : un état des lieux

 
La mortalité infantile (enfants nés vivants et décédés à moins d’un an) se calcule en nombre d’enfants morts par rapport au total des naissances vivantes. Si ce taux a largement baissé tout au long du XXe siècle, passant d’un pic de 163 pour 1000 (en 1911, en raison de la canicule) et autour des 18 pour 1000 dans les années 1970 jusqu’à atteindre 3,5 pour 1000 en 2011, il est actuellement en augmentation (constante depuis 2020), passant de 3,9 en 2023 à 4,1 en 2024.
 
Pour mieux comprendre, il est intéressant de regarder quel est le taux de mortalité infantile actuel dans les autres pays européens. Alors que la France était dans le trio de tête entre 1996 et 2000, elle est aujourd’hui classée 23e sur 27, entre la Pologne et la Bulgarie et à égalité avec la Croatie, alors que ces pays sont moins riches que le nôtre.
Il est important aussi de remettre du concret derrière ce taux qui peut paraître froid : ce sont 2800 bébés nés vivants qui meurent chaque année en France avant d’avoir soufflé leur première bougie, et autant de familles endeuillées, dans un pays par ailleurs 7e puissance mondiale. Alors même que la natalité est en berne, et qu’Emmanuel Macron a parlé de « réarmement démographique », les familles rencontrées par les deux journalistes déplorent la manière dont sont pris en charge les nouveau-nés. 

Qu’est-ce qui explique l’augmentation du taux de mortalité infantile ?

 
Dans leur enquête (parue en mars 2025 aux éditions Buchet-Chastel), les auteurs sont allés interroger de nombreux acteurs : parents, sage-femmes, médecins et autres personnels médicaux, mais aussi responsables politiques. A plusieurs reprises, on leur a répondu que l’augmentation de la mortalité infantile était liée à de multiples facteurs, dont l’augmentation de l’âge des mères, le surpoids, le tabagisme, la précarité… Mais, interrogent-ils, comment se fait-il que l’on observe une différence avec de nombreux pays de l’Union européenne, quand les problématiques citées ne sont pas propres à la France ?
Quelles sont les spécificités du contexte français de l’accouchement et de la prise en charge des nouveau-nés qui pourraient expliquer le mauvais classement de notre pays en matière de mortalité infantile ? Les auteurs en identifient plusieurs :
  • La fermeture des petites maternités. Les trois quarts des maternités ont fermé en moins de 50 ans : de 1369 maternités en France en 1975, on est passé à 457 en 2019 ! Assumée comme une stratégie dans les années 1970, la fermeture des maternités réalisant moins de 300 accouchements par an avait pour objectif d’orienter les parturientes vers des maternités plus spécialisées, mieux à même de réagir en cas de complications. Le personnel des petites maternités, réalisant moins d’actes, était aussi considéré comme pas assez entraîné. Dans un premier temps, cette réorganisation a en effet permis de faire baisser la mortalité infantile.
Toutefois, à partir des années 1990, cette diminution drastique a eu deux conséquences :
  • La surcharge des maternités restantes. Mécaniquement, les grosses structures se sont retrouvées maternité de référence pour un très grand nombre de femmes, tout en subissant un manque de personnel. Le recours aux intérimaires, solution provisoire, entraînant à la fois des trous dans le budget (en raison de rémunération pouvant aller jusqu’à plus de 7000€ bruts par mois pour trois demi-journées de travail) et un manque de cohésion au sein des équipes médicales.
  • L’augmentation de la distance entre les femmes et les maternités. La distance moyenne entre les femmes en âge de procréer et les maternités ne cesse en effet de croître : plus de 900 000 de ces femmes vivent aujourd’hui à plus de 30 minutes de la première maternité, et la part de celles qui habitent à plus de 45 minutes a augmenté de 40% depuis 2000. Or, selon une étude menée en Bourgogne, le taux de mortalité infantile autour de l’accouchement est multiplié par deux avec un trajet de plus de 45 minutes. Si la classification des maternités en type 1 (accouchements sans complication), 2 (avec service de néonatologie) et 3 (avec service de réanimation néonatale) a permis de mieux prendre en charge les accouchements compliqués, elle a aussi pu éloigner certaines femmes des services de base.
  • Réduction des césariennes. Les auteurs évoquent aussi cette recommandation faite en 2012 par la Haute Autorité de santé, incitant les gynécologues obstétriciens à privilégier l’accouchement par voie basse dans quatre cas qui jusque-là donnaient plutôt lieu à des césariennes programmées (l’accouchement de jumeaux ; d’un gros bébé ; d’un bébé qui se présente en siège ; pour une maman qui a déjà subi une césarienne). S’il y a des complications lors d’un accouchement par voie basse, on procède alors à une césarienne d’urgence : or celle-ci multiplie par 6 ou 7 le risque de mortalité du bébé.
  • Dégradation du suivi des prématurés. Le manque de moyens et de personnel affecte également la prise en charge des nouveau-nés prématurés, augmentant leur vulnérabilité.
  • Manque de moyens pour la protection maternelle et infantile (PMI). Le suivi post-accouchement est lui aussi en crise. Les services de PMI ont vu leurs moyens diminuer. Or, c’est dans les premières semaines que de nombreuses pathologies ou vulnérabilités peuvent être détectées et prises en charge. Le manque de visites à domicile, de consultations pédiatriques ou de relais sociaux laisse des familles seules, parfois démunies, face à des signaux d’alerte.

Préconisation pour réduire la mortalité infantile en France

Les auteurs, tous deux journalistes, formulent des propositions concrètes pour réagir et faire à nouveau diminuer la mortalité infantile en France :
  • Réouverture ou création de maternités de proximité, même de petite taille.
  • Renforcement du suivi postnatal, notamment par les services de PMI.
  • Création d’un registre des naissances et de la mortalité infantile, pour un suivi scientifique rigoureux.
  • Revalorisation du rôle des sage-femmes, avec des parcours plus personnalisés et humains.
  • Investissement dans la prévention, plutôt que la réponse uniquement médicale aux complications.
hausse de la mortalité infantile en france : quelles explications ?

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L’ONU remet en cause l’euthanasie des personnes handicapées au Canada

L’ONU remet en cause l’euthanasie des personnes handicapées au Canada

L’ONU remet en cause l’euthanasie des personnes handicapées au Canada

 

Le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU a recommandé au Canada d’abroger la possibilité d’euthanasier des personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.

Ces observations finales ont été publiées dans le cadre de l’examen périodique du Canada sur l’application de la Convention relative au droit des personnes handicapées le 10 et 11 mars 2025.

 

Large extension des conditions d’accès à l’euthanasie en 2021

 

Moins de cinq ans après avoir dépénalisé l’euthanasie, le Canada a en effet modifié largement les conditions d’accès de l’« aide médicale à mourir » (AMM) qui comprend l’euthanasie et le suicide assisté, à toute personne atteinte d’une affection grave et incurable et qui souhaite mourir. Le critère de « mort raisonnablement prévisible » ayant été supprimé, ne subsiste que la condition liée à l’existence d’une maladie grave et incurable et au fait, pour le patient, d’éprouver des souffrances qu’il juge lui-même insupportables.

En pratique, cet élargissement signifie qu’une personne physiquement handicapée ou atteinte d’une maladie chronique est désormais éligible à l’euthanasie. Les associations de défense des personnes handicapées qui ont vivement critiqué ces dispositions peinent à être entendues par les autorités canadiennes.

Ce type d’euthanasie, désigné par la « Voie 2 » dans les statistiques, représentait 4,1% des cas (622 personnes) en 2023, en augmentation de 34% par rapport à l’année précédente. Parmi ces personnes, les problèmes de santé les plus fréquents sont pour moitié des troubles neurologiques et pour l’autre moitié ce qui est classé dans « autres ». Les problèmes de santé désignés dans cette seconde catégorie recouvrent le diabète, la fragilité, les maladies auto-immunes, les douleurs chroniques et les troubles mentaux.

Les auteurs du dernier rapport de Santé Canada  relèvent que « les praticiens ont parfois énuméré d’autres problèmes de santé comme les problèmes articulaires et musculaires, les problèmes auditifs et visuels et diverses maladies internes dans les domaines de déclaration. »

La même loi de 2021 exclut temporairement l’hypothèse de la maladie mentale, qui a fait l’objet d’un examen indépendant  par des experts portant sur les protocoles, les lignes directrices et les mesures de sauvegarde recommandés pour les demandes d’aide médicale à mourir de personnes atteintes de maladie mentale. Les conclusions prévues pour 2023 ont été repoussées à 2027, faute d’avoir réussi à définir un cadre.

 

Les recommandations des droits des personnes handicapées de l’ONU

 

Le réseau citoyen Vivre dans la Dignité engagé dans la solidarité avec les plus vulnérables a traduit les principales recommandations de la conclusion finale concernant l’Aide médicale à mourir (AMM)  dans un communiqué :

  •  Abroger la voie 2 de l’aide médicale à mourir, y compris en 2027 pour les personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale;
  • Ne pas soutenir les propositions d’élargissement de l’Aide médicale à mourir aux « mineurs matures » et aux demandes anticipées;
  • Investir de manière significative et mettre en œuvre des mesures globales, aux niveaux fédéral, provincial et territorial, pour s’assurer que les défaillances systémiques liées aux déterminants sociaux de la santé et du bien-être sont prises en compte;
  • Renforcer les processus de consultation communautaires fondés sur les distinctions avec les peuples autochtones;
  • Mettre en place et financer un mécanisme fédéral de surveillance indépendant pour contrôler, réglementer et traiter les plaintes relatives à l’AMM.

Vivre dans la Dignité invite tous les candidats et candidates à la prochaine élection fédérale à prendre position sur ces recommandations du comité de l’ONU.

 

Une alerte sur la radicalité de la proposition de la loi fin de vie pour la France

Alliance VITA appelle à la vigilance absolue et alerte sur le danger de la proposition de loi Falorni relative à la fin de vie qui contient des critères médicaux larges et invérifiables :

  •  être atteint « d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». Il suffit d’une maladie qui peut être mortelle et est déjà avancée. Cette formulation de délai « en phase avancée » ne peut être mesurée.
  • présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. »

La France légaliserait ainsi l’euthanasie et le suicide assisté accessibles sur des critères aussi larges qu’incontrôlables.

 

A lire : décryptage  de la proposition de loi sur la fin de vie

l’onu remet en cause l’euthanasie des personnes handicapées au canada

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Lutte contre le cancer : les patients ont besoin d’écoute

Lutte contre le cancer : les patients ont besoin d’écoute

Lutte contre le cancer : les patients ont besoin d’écoute

 

Dans la lutte contre le cancer, le besoin d’écoute des patients ne doit pas être occulté par les besoins de traitements adaptés et disponibles.

 

Des initiatives en mars contre le cancer

La mobilisation contre le cancer s’illustre en mars par plusieurs initiatives. La ligue contre le cancer annonce un « mars bleu » dans une campagne très directe, afin de sensibiliser le grand public au dépistage du cancer colorectal. Cette campagne reçoit l‘appui de l’Assurance maladie.

Celle-ci rappelle que le « deuxième cancer le plus mortel en France, entraine plus de 17 000 décès annuels. Ce cancer est le plus fréquent chez les hommes après celui de la prostate et du poumon et le deuxième chez les femmes, après le cancer du sein. Plus de 47 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année« . Pourtant, « lorsqu’il est détecté à un stade précoce, les chances d’en guérir sont de l’ordre de 95 % à 5 ans« .

De son côté, l’institut Curie mène sa campagne annuelle « une jonquille contre le cancer« . Avec cette fleur emblématique de l’arrivée du printemps, l’Institut entend mobiliser le public dans sa lutte contre le cancer.

 

Le besoin d’écoute des patients doit être entendu !

L’annonce d’un cancer, ou d’autres maladies graves, est source de questions, et peut être traumatisante.

Selon l’Institut National du cancer, l’annonce « constitue un choc psychologique important au cours duquel les émotions se bousculent. Il s’agit d’un moment particulièrement angoissant, séparant la vie en un « avant » et un « après » ».

Depuis le premier plan de lutte contre le cancer (2003-2007) un dispositif d’annonce s’est mis en place. Son objectif est de  » permettre au patient de bénéficier des meilleures conditions d’information, d’écoute et de soutien. Il constitue l’une des conditions de qualité auxquelles les établissements de santé se doivent de satisfaire afin d’être autorisés à traiter le cancer« . Plus précisément :

« Plusieurs temps de consultations, réalisés par des professionnels de santé, sont prévus pour vous accompagner lors de l’annonce de votre cancer. » Selon l’Institut « il constitue l’une des conditions de qualité auxquelles les établissements de santé se doivent de satisfaire afin d’être autorisés à traiter le cancer. »

Ce dispositif est structuré en plusieurs étapes, et inclut en principe des temps de soutien et d’accompagnement, ainsi qu’une évaluation des besoins en soins de support.

Ce dispositif intègre donc le besoin pour le patient – et ses proches – d’être écouté, de prendre le temps de mieux comprendre les informations médicales, d’intégrer ces informations…

Comme le dit Olivier Trédan, cancérologue et médecin référent pour le service Thadeo, lors de l’annonce ce sont deux humanités qui vont interagir et nouer une alliance thérapeutique.

« Ce partenariat vise à échanger, à nommer et donc à vivre ensemble les phases successives de rémission et de progression de la maladie. Cet accompagnement pleinement humain veillera à faire apprécier chaque instant même si la vie est en péril. »

Pourtant, dans la situation actuelle du système de santé, la réalité semble éloignée de ces objectifs.

 

A l’occasion de la récente journée mondiale contre le cancer, le Président de la ligue contre le Cancer, le docteur Philippe Bergerot, a publié un manifeste soulignant les carences dans la prise en charge actuelle.

Sous le titre « Garantir que chaque personne malade puisse bénéficier d’une consultation d’annonce spécifique, empathique et accompagnée« , le manifeste indique que « seules 2/3 des personnes malades ont reçu une consultation spécifique pour l’annonce de leur diagnostic« . Par ailleurs « 42 % ont déclaré que cela avait duré moins de 15 minutes« . Comment penser qu’en 15 minutes d’échange, le choc de l’annonce pourra être amorti ?

 

L’écoute de la personne passe avant les procédures

Dans ce contexte, il est préoccupant de voir que la proposition de loi Falorni, légalisant le recours à l’euthanasie et le suicide assisté, comporte une information sur la possibilité de rédiger des Directives Anticipées.

L’article 14 du texte précise que « Lors de l’élaboration et des révisions du plan personnalisé d’accompagnement, le médecin ou un professionnel de santé de l’équipe de soins informe le patient de la possibilité de rédiger ou d’actualiser ses directives anticipées et de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l’article L. 1111‑6. » Face à l’annonce d’une maladie grave, est-il opportun de proposer au patient de désigner une personne de confiance et de rédiger ou modifier ses directives anticipées en prévision de sa fin de vie ? Cela peut au contraire constituer une forme de violence.

L’urgence est à l’accès aux soins et à l’écoute des patients. Les chiffres présentés par la Ligue contre le cancer indiquent des carences dans la prise en charge du temps d’annonce aux patients. Les difficultés du système de santé qui pèsent sur les soignants comme sur les patients sont la priorité que le gouvernement et le Parlement devraient adresser cette année.

lutte contre le cancer : les patients ont besoin d'écoute

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Décryptage : loi soins palliatifs et d’« accompagnement »

Décryptage : loi soins palliatifs et d’« accompagnement »

Décryptage : loi soins palliatifs et d’accompagnement

 

La proposition de loi n°1102 relative aux soins palliatifs et d’accompagnement est annoncée pour un examen en mai prochain, en discussion commune avec la loi n°1100 relative à « l’aide à mourir » par suicide assisté et euthanasie.

Elle sera portée par les députés Annie Vidal (Ensemble pour le République) et François Gernigon (Horizons) qui en seront les co-rapporteurs. Comme l’indique l’exposé des motifs « Cette proposition de loi reprend intégralement et scrupuleusement les dispositions du titre 1er relatif aux soins palliatifs et d’accompagnement ainsi qu’aux droits des personnes malades du projet de loi n° 2642, telles que votées par la commission spéciale à l’Assemblée nationale le 18 mai 2024. Elle contient également tous les amendements adoptés en séance sur ce titre avant l’interruption des débats en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. »

 

Que contient cette proposition de loi ?

Cette proposition a en partie pour objet de mettre en œuvre le plan décennal sur les soins palliatifs, présenté en 2024. Ce plan vise à atteindre un crédit de 1, 1 milliard d’euros d’ici 10 ans.

Cette loi introduit une nouvelle notion dans le cadre du code de la santé publique remplaçant la notion de soins palliatifs par l’expression de soins palliatifs et d’accompagnement. Cet ajout est controversé dans la mesure où cette dénomination ne correspond à aucun standard international lié à la médecine palliative, l’accompagnement fait partie intégrante de cette approche et n’en est pas séparé.

Pour étayer cette notion, est explicité à l’article 10, ce qui est présenté comme une « nouvelle catégorie d’établissement médico-social (ESMS) dénommée « maison d’accompagnement et de soins palliatifs ». Ces établissements sont en fait des lieux de vie intermédiaires entre l’hôpital et le domicile. S’ils correspondent à un besoin pour des soins palliatifs hors unités de soins palliatifs dédiées, des maisons de vie de ce style sont déjà expérimentées.

Elles ont « pour objet d’accueillir et d’accompagner des personnes en fin de vie et leurs proches ». Elles peuvent passer des conventions avec les unités et les équipes de soins palliatifs. Il est prévu par cette loi que l’Etat mette à l’étude la création de 101 établissements de ce type à l’horizon 2034.

 
décryptage  loi soins palliatifs et d’accompagnement

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Décryptage : la nouvelle proposition de loi fin de vie d’Olivier Falorni

Décryptage : la nouvelle proposition de loi fin de vie d’Olivier Falorni

Décryptage : la nouvelle proposition de loi fin de vie d’Olivier Falorni

 

Que comporte la nouvelle proposition de loi « relative à la fin de vie » présentée par le député Olivier Falorni et enregistrée le 6 mars 2025 à l’Assemblée nationale ?

 

La proposition de loi repart du texte radical voté avant la dissolution

L’initiateur du texte explicite sa démarche dans l’exposé des motifs : reprendre le texte que la dissolution présidentielle avait rendu caduc, c’est-à-dire le projet de loi du gouvernement, tel qu’il est ressorti, successivement amendé par la commission spéciale, puis par l’Assemblée nationale.

Notons d’emblée que, d’une part l’Assemblée nationale n’est plus celle du printemps 2024 et d’autre part, les travaux en commission puis dans l’hémicycle avaient supprimé la plupart des digues que le texte gouvernemental mettait en avant pour affirmer que son projet était équilibré et sécurisé. Nous sommes donc en présence d’un texte particulièrement radical.

Olivier Falorni pose par ailleurs la question de façon dialectique : « Que veut dire « vivre » quand vivre c’est souffrir, sans espoir de guérison ? ». Tout en affirmant l’exigence de l’humilité et de l’écoute sur ce sujet sensible, tout en présentant son « aide à mourir » comme « un ultime recours », au caractère exceptionnel, il prône, au nom de la liberté, « le droit de disposer de sa mort ». Et c’est effectivement cette radicalité qui s’exprime quand on examine la proposition de loi proprement dite.

 

Deux critères « médicaux » larges et largement invérifiables 

  • Une maladie « à un stade avancé » avec un « pronostic vital engagé »

Pour accéder à cette aide à mourir (qui articule suicide assisté et euthanasie selon que le patient est ou n’est pas « en mesure physiquement d’y procéder »), le texte précise qu’il faut être majeur, résider en France, être en capacité de s’exprimer en conscience et être atteint « d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». Dire que le pronostic vital est engagé signifie que la maladie peut conduire au décès.

Dans une note de cadrage réalisée à la demande du gouvernement à l’occasion du projet de loi débattu au printemps 2024, la Haute Autorité de Santé le précise : « Le pronostic peut être défini comme la probabilité qu’un patient développe un résultat particulier sur une période de temps spécifique. L’incertitude est inhérente au pronostic. Accepter cette incertitude est centrale pour utiliser une information sur le pronostic de façon appropriée dans la prise de décision clinique. » (Pronostic vital engagé à moyen terme/phase avancée, 12 décembre 2024).

Le projet de loi gouvernemental « dissous » au printemps 2024 prévoyait initialement parmi les conditions de l’euthanasie ou du suicide assisté un « pronostic vital engagé à moyen terme ». Alors qu’elle figurait parmi les « garanties » avancées par le gouvernement, cette condition était médicalement inopérante et a été supprimée par les députés. La proposition Falorni élimine toute idée de délais. Il suffit d’une maladie qui peut être mortelle et est déjà avancée. Deux termes peu objectifs et largement invérifiables.

  • Une souffrance (…) psychique (…) « insupportable selon la personne »

La radicalité se confirme avec le critère suivant : le patient doit « présenter une souffrance psychique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. » La prétendue « aide à mourir » ne serait aucunement réservée aux patients endurant une « souffrance réfractaire », c’est-à-dire que la médecine ne parvient pas à apaiser.

D’une part, il peut s’agir d’une souffrance exclusivement « psychologique ». Et si le patient affirme qu’il subit une souffrance psychologique insupportable justifiant sa demande, qui donc pourrait prétendre l’évaluer pour donner un avis différent ? La terminologie du texte offre un « sésame » pour le suicide assisté.

Par ailleurs, il suffit de refuser le traitement analgésique voire l’accompagnement psychologique et d’affirmer que l’on souffre dès lors de façon « insupportable » (physiquement ou moralement). Qui peut contester pareille auto-évaluation ? Le texte prend soin d’accoler au mot « insupportable » la précision : « selon la personne ». Ainsi, les soignants n’ont pas leur mot à dire sur cette souffrance, dans la logique assumée de l’autodétermination.

C’est l’autre sésame pour un suicide assisté ou une euthanasie. La porte serait donc grande ouverte. Il suffit de refuser un traitement vital (quel qu’il soit) ou un soin vital (comme l’alimentation). Ce refus fait incontestablement partie des droits de tout patient, s’il est correctement éclairé. En laissant la personne seul juge du bien-fondé de sa demande, l’accès au suicide assisté ou, à défaut, à l’euthanasie devient extrêmement facile.

 

Une procédure simple, voire expéditive, à la discrétion d’un seul médecin.

Certes, la procédure se dit « collégiale » avec la consultation imposée d’un confrère qui n’a pas forcément à examiner le patient, et d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant qui, lui, le connaît. Cependant, le médecin reste libre de sa décision qu’il notifie dans les 15 jours, l’euthanasie ou le suicide assisté pouvant alors être administrée sans délai, si à la demande de la personne, le médecin estime qu’il ne faut pas respecter les deux jours de principe prévus entre la notification et l’acte. Ce dernier est supervisé par un médecin ou un infirmier, mais il n’est pas obligatoire qu’il soit présent au moment d’un suicide assisté, après qu’il a fourni la substance létale. Le soignant doit toutefois se tenir « à une proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté ».

 

Contestation interdite, opposition muselée

Seule la personne ayant formulé une demande d’aide à mourir peut contester la décision du médecin. Les proches sont exclus de tous recours. En revanche, toute tentative d’obstruction à l’euthanasie est sévèrement punie. Un an de prison, c’est la peine prévue pour « Le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur [sic] l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégation ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir. »

Sont plus spécialement visés : le fait de perturber l’accès aux lieux pratiquant l’aide à mourir et le fait d’exercer des pressions morales ou autre type d’« intimidation » à l’encontre des patients cherchant à s’informer et des soignants pratiquant l’aide à mourir. Toute association de 5 ans d’âge dédiée au « droit des personnes à accéder à l’aide à mourir » peut se porter partie civile. Le texte signe la proximité de son auteur avec l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) et prétend museler ses opposants. Il établit le monopole et le contrôle de l’information par les pro-euthanasie et suicide assisté. Il ne manque plus qu’un ministère de la Vérité pour décréter ce qu’on peut dire ou pas, ce qui est vrai et ce qui est faux.

 

Clause de conscience limitée, liste de soignants acteurs de la prétendue « aide à mourir », contrôle a posteriori.

La clause de conscience des soignants est  reconnue, certes, mais aucunement celle des établissements qui sont tenus de laisser les professionnels de santé y pratiquer suicide assisté et euthanasie.

Par ailleurs tout médecin doit être en mesure d’informer le patient sur la loi et de l’orienter vers un praticien acceptant de la mettre en œuvre. La prévention universelle du suicide, fait place à une forme d’incitation au suicide, quasi obligatoire : bouleversement en vue de la relation soignant-soigné, alors que les familles et proches sont totalement exclus du dispositif.

Les pharmaciens impliqués dans la fourniture des produits létaux n’ont pas droit à une clause de conscience.

Un registre des professionnels acceptant d’y participer est constitué. Ils doivent se déclarer à une « commission de contrôle et d’évaluation » de la loi. Leurs noms sont accessibles aux seuls médecins. Comme dans les pays qui expérimentent l’euthanasie ou le suicide assisté, le contrôle de la validité des procédures est effectué a posteriori. Ce qui s’est révélé inopérant.

L’examen de cette proposition de loi et de celle dédiée aux soins palliatifs est annoncé les semaines des 12 et 19 mai prochain. Que le débat parte d’une telle base ne peut que confirmer l’état de vigilance absolue que cette perspective suggère : la France légaliserait d’emblée un combo euthanasie-suicide assisté facilement accessible sur des critères aussi larges qu’invérifiables, et par là même, sans qu’un système de contrôle soit en réalité possible.

 

décryptage : la nouvelle proposition de loi fin de vie d’olivier falorni

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Que penser des organoïdes, mini-organes fabriqués en labo ?

Que penser des organoïdes, mini-organes fabriqués en labo ?

Que penser des organoïdes, mini-organes fabriqués en laboratoire ?

 

Les scientifiques ont déjà réussi à obtenir des « organoïdes » de foie, intestin, rein, cœur, rétine, et même de cerveau. Mais de quoi s’agit-il ? Ce sont des petites structures biologiques en trois dimensions, créées en laboratoire, qui « imitent » certaines fonctions de certains organes. En réalité, ce ne sont pas des organes complets miniatures même s’ils sont dotés de certains fonctionnements qui y ressemblent beaucoup.

Pour obtenir ces organoïdes, les scientifiques utilisent comme point de départ des cellules souches pluripotentes, qui ont donc la capacité de se spécialiser dans tel ou tel type de cellules, et la capacité de se multiplier à l’infini. Cultivées dans certaines conditions in vitro, ces cellules vont être conduites à se spécialiser selon les « ordres » moléculaires fournis et vont s’auto-organiser grâce au milieu présent.

 

A partir de quelles cellules souches sont créés les organoïdes ?

2 types de cellules pluripotentes peuvent être utilisées : Les cellules souches pluripotentes induites (iPSC : induced pluripotent stem cells). Ce sont des cellules adultes prélevées (cellules sanguines, fibroblastes cutanés …) reprogrammées génétiquement, selon la technique découverte par le prix Nobel Yamanaka. Des cellules embryonnaires humaines. Ces cellules sont présentes aux tous premiers stades du développement de l’embryon, quelques jours après la fécondation. Ces cellules peuvent être prélevées sur des embryons congelés.

 

Pourquoi créer des organoïdes ?

Ces recherches sont très actives, et de nombreux pays investissent et misent sur l’utilité de ces nouveaux modèles. Au départ, l’objectif était d’étudier les processus de développement et l’organisation anatomique des tissus. La culture 3D permet de comprendre plus finement ces processus complexes. Puis, ces modèles ont commencé à servir en recherche biomédicale pour analyser les mécanismes physiologiques et les dérèglements pathologiques.

Désormais, ils servent aussi d’outils pour évaluer l’efficacité ou la toxicité de certains médicaments ou d’autres substances. Les politiques de réduction de l’utilisation des modèles animaux servent aussi de catalyseur pour ces recherches. Ces modèles pourraient aussi permettre de réduire les risques liés aux essais cliniques. Ces modèles permettent d’envisager d’immenses progrès des connaissances et ouvrent de larges perspectives de progrès thérapeutiques.

Nul doute que ces modèles prendront une place cruciale dans la recherche de demain. Par ailleurs, les organoïdes dérivés de cellules iPS permettent de prendre en compte la diversité génétique des patients et ouvrent à de nouvelles thérapies basées sur une médecine personnalisée. A noter que les « Organes et organoïdes sur puces » font l’objet d’un PEPR (programme et équipement prioritaire de recherche) dans le cadre du plan France 2030, à hauteur de 48 millions d’euros sur 6 ans.

 

Des pièces de rechange ?

Peut-on imaginer qu’un jour, il soit envisageable que ces organoïdes, créés en laboratoire, puissent servir de « pièces de rechange » en cas de défaillance d’un organe ? Pour le moment, cela reste impossible. Il subsiste des incertitudes sur leur microarchitecture et donc sur leurs capacités. Une grande difficulté réside dans l’obtention d’un réseau vasculaire qui permette la perfusion de la totalité des tissus.

Par ailleurs, ils sont trop petits, immatures, incomplets et difficilement reproductibles à l’identique. Et également, pas assez fiables. En revanche, en couplant ces technologies avec la bio-impression en 3D (l’impression en 3 dimensions de cellules et de tissus), l’hypothèse que leur fabrication soit améliorée est d’ores et déjà posée. Certains laboratoires, notamment français, y travaillent.

 

Les organoïdes sur puce

Les organoïdes sur puces sont en plein développement depuis une dizaine d’années. Ces travaux sont à la frontière de l’ingénierie microfluidique, de la microélectronique, de la biologie et de la médecine. Il s’agit de faire « pousser » ces mini-organoïdes dans des puces standardisées. Ces puces sont des dispositifs qui visent à reproduire des fonctions physiologiques et des conditions physiques − flux, pression, mouvements − rencontrées dans les organes réels, afin de modéliser différents tissus.

En multipliant ces dispositifs en série, il est possible de reconstituer aussi les interactions entre les différents organes pour tenter de se rapprocher le plus possible de ce qui se passe dans un organisme, sain ou malade. Certaines de ces puces microfluidiques s’accompagnent d’une couche de silicium, ce qui permet d’ajouter d’autres mesures physiques. On étudie ensuite les réactions des organoïdes sur puce en les mettant en présence de divers composés (médicament de référence, composé à l’étude etc).

L’intelligence artificielle (IA) est largement mise à contribution pour analyser toutes les données. Avec les paramètres étudiés, on crée les « signatures numériques spécifiques » des molécules ou médicaments testés.

 

Le cas particulier des « mini-cerveaux »

En laboratoire, des chercheurs sont parvenus à créer des structures tridimensionnelles d’organoïdes cérébraux. Les premiers essais remontent à 2013, par une équipe de Lancaster. Les travaux actuels montrent que les cellules composant l’organoïde sont capables de s’auto-organiser et de communiquer entre elles, mais aussi de se différencier en plusieurs types cellulaires dotés de marqueurs de fonctions spécifiques (par exemple, l’émission d’impulsions électriques ou la capacité d’organisation en réseau).

Les organoïdes cérébraux sont utilisés pour améliorer notre capacité à modéliser le développement neurologique humain et les maladies qui l’affectent. Parmi les maladies particulièrement scrutées grâce à ces modèles, on retrouve les maladies neurodéveloppementales et neurodégénératives, telles que la microcéphalie liée au virus Zika, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, les troubles du spectre autistique, la schizophrénie et les troubles bipolaires…

Pour étudier la connectivité entre différentes régions du cerveau, il est désormais également possible de constituer des « assembloïdes » associant des organoïdes simulant différentes régions cérébrales grâce à la diversité des cellules qui les composent (divers types de neurones, astrocytes, cellules de la microglie ou de vaisseaux…). Récemment, des chercheurs de l’université Johns Hopkins dans le Maryland ont annoncé avoir réussi à créer des organoïdes cérébraux particuliers, en fusionnant plusieurs organoïdes humains.

D’après eux, ces nouveaux modèles contiendraient 80 % des types de cellules cérébrales, qu’on peut estimer correspondre au stade d’un embryon de 40 jours. Ces agrégats cellulaires cultivés en laboratoire, bien que petits en taille (de quelques centaines de microns à quelques millimètres pour les plus gros), reproduisent certaines caractéristiques importantes des cerveaux humains fœtaux pouvant présenter des caractéristiques développementales, cellulaires et moléculaires essentielles.

Mais pour le moment, il n’est pour le moment pas possible d’obtenir un modèle « complet » de cerveau adulte mature. Ces cérébroïdes sont limités en taille et surtout en complexité. Il manque certains types cellulaires, les cellules meurent facilement, la vascularisation manque…

Pour autant, les questions éthiques ne manquent pas, elles, face à ces modèles. Relevons qu’en France, la recherche sur les cérébroïdes ne dispose pas d’encadrement à l’heure actuelle. Ils sont juridiquement considérés comme des cultures de cellules souches humaines et donc, seulement soumis à déclaration à l’Agence de la biomédecine ou dans certains cas à autorisation.

 

Questions éthiques

Des questions se poseront de plus en plus, à mesure qu’avanceront les recherches, notamment sur les cérébroïdes ou la création des organes reproducteurs humains. Nul doute que ces modèles feront l’objet de discussions lors de la prochaine révision de la loi bioéthique. Il n’existe pas encore de réglementation internationale sur ces modèles. L’Union européenne finance le projet Hybrrida, qui entend élaborer des lignes directrices et un code de conduite éthique en matière de recherche sur les organoïdes.

Les enjeux sont nombreux. En premier lieu, relevons celui de l’instrumentalisation de l’embryon humain, lorsque c’est lui qui sert de point de départ pour fournir les organoïdes. Il va de soi que cette recherche ne va pas dans son intérêt, attendu qu’il sera détruit. Même si cela entre dans le cadre de la loi bioéthique, et concerne des embryons qu’on dit « surnuméraires » – c’est-dire des embryons légués à la recherche par les parents à l’origine de leur création en cycle de PMA – peut-on se satisfaire que certaines vies soient utilisées au motif de progrès des connaissances ou de progrès thérapeutiques ?

Nous sommes ici dans une vision utilitariste de la vie humaine. Ensuite, la question du statut à donner à ces artéfacts produits par l’ingénierie biologique se pose. Il s’agit d’une « nouveauté éthique ». Ce ne sont pas de simples objets créés par l’homme. Ils sont créés à partir de cellules et tissus humains. Ces entités sont « humaines » sans être des personnes, et cela brouille nos frontières morales, car sous l’influence du droit romain, nous nous sommes habitués à diviser le monde en personnes (êtres humains) ou en choses. Devons-nous leur accorder le statut moral de l’entité qu’ils miment même partiellement ?

Par ailleurs, comme pour les embryoïdes, se pose la question, déjà, du consentement et de l’information des donneurs d’embryons ou de cellules utilisés ensuite pour ces expérimentations ou comme cellules souches IPS. La protection des données génétiques, des données de santé des donneurs et des éventuels profits tirés de ces modèles pose également d’importants enjeux. Au moment du don, la majorité des donneurs ne savaient pas dans quel cadre allaient être utilisées leurs cellules.

Certaines possibilités, dont celles-ci, n’existant pas encore. On peut raisonnablement penser que certains donneurs auraient pu s’opposer à l’utilisation de leurs cellules pour la formation de cellules neuronales, de cérébroïdes ou de chimères (mélange de cellules humaines dans des animaux) si le projet de recherche leur avait été exposé. Enfin, des questions vertigineuses se posent lorsque les organoïdes cérébraux sont implantés dans des modèles animaux.

Des expérimentations ont déjà été menées. Des cérébroïdes humains ont été transplantés dans le cerveau de souris, de rats et de macaques. Certaines de ces études ont démontré que ces greffons arrivaient à maturité, communiquaient avec d’autres régions du cerveau, et pouvaient entrainer une modification comportementale de l’animal transplanté.

 

Questions éthiques spécifiques aux organoïdes de cerveau

Pour l’Académie de médecine, les organoïdes cérébraux ne sont pas des « mini-cerveaux ». Les activités cellulaires observées ne peuvent être assimilées aux processus cognitifs, sensoriels ou moteurs propres au cerveau humain. Les présenter comme étant doués de sensibilité ou d’une conscience minimale « relève d’une interprétation abusive et déformante des objectifs et des résultats de ces travaux ».

Pourtant, dans sa lettre de juillet 2024, intitulée « Questions éthiques spécifiques aux organoïdes de cerveau » l’Agence de la biomédecine mentionne que dans un avenir plus ou moins lointain, les cérébroïdes pourraient être dotés du statut d’« entités humaines sensibles ». Sensibles, car on ne peut exclure que ces modèles possèdent un jour « la capacité d’éprouver de la douleur ou une forme de conscience de base, à savoir la conscience de ressenti (ce que cela fait de se trouver dans tel ou tel état). Ces assembloïdes seraient alors doués de sensibilité (sentience) ». La possibilité d’un ressenti et d’une altération de la conscience est souvent évoquée comme une question particulièrement préoccupante.

Par ailleurs, la création de chimères homme-animal pourrait conduire à une modification de l’animal hôte qui acquerrait un comportement qui n’est pas propre à son espèce. Il pourrait par exemple développer une capacité plus importante à résoudre des problèmes, des interactions sociales plus complexes. Même si cette éventualité n’est pas d’actualité, il convient de l’envisager.

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Loi de bioéthique 2021 : le sort des embryons a été tranché

Loi de bioéthique 2021 : le sort des embryons a été tranché

Loi de bioéthique 2021 : le sort des embryons a été tranché

La loi de bioéthique votée en 2021 a introduit une modification majeure. Le principe de l’anonymat des donneurs pour les gamètes a été remplacé par le principe de l’accès aux données non identifiantes pour l’enfant issu de ce don, à sa majorité et à sa demande.

La levée de l’anonymat, nouveau principe dans les procédures de PMA.

La levée de l’anonymat était demandée par des associations d’adultes issus de procédure de PMA (procréation médicalement assisté). Ces demandes s’appuient sur le droit à connaître ses origines « dans la mesure du possible » qui est reconnu à l’enfant par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations-Unies, une convention ratifiée par la France.

Les personnes nées de PMA peuvent donc, à leur majorité et à leur demande, faire une requête d’accès à l’identité du donneur (le nom de naissance, les prénoms, le sexe, la date et le lieu de naissance) ainsi qu’à ses données non identifiantes. Une Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD) a été créée pour répondre aux demandes. Des précisions sur ces données sont dans notre article sur la loi de 2021.

Cette modification importante du cadre légal a provoqué un hiatus entre les dons de gamètes avant la loi, et ceux régis après. Concrètement, le législateur a conservé une période de moratoire pendant laquelle des gamètes recueillis avant 2021 ont été utilisés. En effet, les Centres de PMA faisaient face à une pénurie alors que les demandes ont sensiblement augmenté.

Un décret « fixe la date à compter de laquelle les seuls gamètes et embryons pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité pourront être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation« . Autrement dit, les gamètes recueillis avant la loi de 2021 et dont les donneurs n’ont pas répondu sur leur consentement à la transmission de leurs données doivent être détruits. Le texte indique une date butoir au 31 mars 2025.

Quel sort pour les embryons congelés procréés à partir d’un don anonyme ?

La question se pose également pour les embryons obtenus à partir d’un gamète de donneur extérieur au couple. En effet, le décret les inclut dans sa portée :  » ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don« .

Si un embryon congelé fait l’objet d’une implantation ultérieure au 31 mars prochain, il n’est pas certain que l’enfant issu de cette PMA pourra avoir accès à ses origines, ce qui institue une rupture d’égalité de traitement. Ou bien faut-il considérer que cet embryon est la propriété des parents et qu’il faut faire un traitement particulier contraire aux stipulations du décret ?

Des spécialistes de la PMA se sont insurgés contre une possible destruction. Interrogé dans le Monde, le Pr Hamamah estime que «  Ces couples ont droit d’y recourir jusqu’à la veille de la 45année de la femme ; on n’a pas le droit de changer les règles du jeu en cours de route. ». Le même article interroge la présidente de PMAnonyme qui précise que « Nous comprenons que ces couples veuillent conserver ces embryons, mais la loi doit être appliquée, et l’accès aux origines doit être garanti pour les enfants à naître ».

Des logiques contraires difficiles à concilier.

Le ministère de la Santé fait face à un conflit entre la loi applicable et les contraintes spécifiques aux parcours de certains couples et leur désir d’enfant.

Ces contraintes illustrent des difficultés qui sont spécifiques à cette technique d’assistance à la procréation. Parmi les différentes ruptures introduites par cette procédure, le recours à un tiers donneur génère un conflit entre l’intérêt de l’enfant à connaître ses origines et la volonté de préserver une filiation établie juridiquement par la PMA.

De plus, les parents, et aussi l’Etat en fonction des règles de droit qu’il établit, se trouvent investis d’un droit de vie ou de mort pour les embryons congelés.  L’assistance à la procréation ouvre ainsi des questions abyssales sur le rapport à la vie humaine commençante.

Les embryons issus de dons de gamètes anonymes resteront congelés après le 31 mars

Le ministère de la Santé a tranché suite aux débats concernant les embryons issus de dons de gamètes anonymes. Le décret prévoyait leur destruction au 31 mars prochain. Dans un communiqué de presse confirmant la destruction des gamètes issus de dons anonymes, le ministère a précisé que : « Les embryons issus d’une FIV impliquant un tiers donneur et réalisée avant cette date ne sont pas concernés par la fin de la période transitoire. Leur utilisation pourrait cependant limiter l’exercice du droit d’accès aux origines. C’est pourquoi les centres d’AMP informeront pleinement les bénéficiaires sur le statut de ces embryons. Avant toute utilisation, un document attestant de cette information leur sera soumis pour signature ».

Si des enfants naissent de ces embryons, ils n’auront donc pas accès à leurs origines, contrairement aux enfants qui seront nés grâce à des dons postérieurs à 2021. C’est la date où la loi de bioéthique a instauré le droit d’accès aux origines.

Ce traitement différencié jette une lumière sur les inégalités générées par la PMA. Dans ce parcours, les intérêts de l’enfant qui naîtra, ceux des donneurs, ceux des potentiels parents se trouvent dissociés. Le ministère de la Santé s’est trouvé placé devant un dilemme : maintenir la destruction planifiée ou la reporter, qui ne pouvait se résoudre sans créer une autre complication. Le parcours de la PMA s’apparente à un labyrinthe dont il est difficile de sortir de façon satisfaisante.

La presse s’est fait l’écho du dilemme éthique profond enclenché par ces parcours. Dans un article dédié à ce sujet, une femme ayant récemment accouché d’un bébé né à partir d’un don de gamète anonyme a réagi à l’éventualité de la destruction par ces mots rapportés par le Parisien : « C’est extrêmement violent ! On parle d’êtres humains en devenir ! ». Et elle avait ajouté : « J’ai l’impression qu’on va tuer les frères et sœurs potentiels de mon bébé ».

« Etre en humains en devenir », « potentiels frères et sœurs », ces expressions spontanées témoignent que les embryons humains ne sont pas des « choses biologiques » dont on peut disposer. Ils nécessitent une protection qui leur est actuellement déniée ?

loi de bioéthique 2021 : le sort des embryons en suspens ?

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Rapport quinquennal : l’euthanasie au Québec n’est plus un « soin » d’exception

Rapport quinquennal : l’euthanasie au Québec n’est plus un « soin » d’exception

Rapport quinquennal : l’euthanasie au Québec n’est plus un « soin » d’exception 

 

Un rapport sur la situation des soins de fin de vie entre 2018 et 2023 au Québec, montre la place importante qu’occupe désormais l’aide médicale à mourir (AMM), c’est-à-dire l’euthanasie, dans la société québécoise. La Commission à l’origine de ce travail fait ainsi le constat que « bien que l’AMM demeure, dans la majorité des cas, un soin de dernier recours, ce n’est plus un soin d’exception, mais plutôt une option considérée parmi les soins de fin de vie ».

 

Le cadre légal de l’AMM n’a cessé de s’élargir en 10 ans

 

Le Québec a adopté en 2014 la Loi concernant les soins de fin de vie (LCSFV) qui autorise l’euthanasie sous le vocable « aide médicale à mourir » plus couramment nommée AMM. Initialement, pour accéder à l’AMM, il fallait être majeur et apte à consentir aux soins, être en fin de vie à la suite d’une maladie grave et incurable et éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et inapaisables. En moins de 10 ans, les critères d’éligibilité à l’AMM n’ont cessé d’être élargis :

  • suppression du critère de fin de vie ou de la mort naturelle raisonnablement prévisible,
  • accès élargi aux personnes atteintes d’une maladie grave et incurable menant à l’inaptitude en 2021 et aux personnes atteintes de déficiences physiques graves au printemps 2024,
  • possibilité de demander l’AMM de manière anticipée depuis octobre 2024.

En outre les maisons de soins palliatifs ne peuvent plus se soustraire à la pratique de l’euthanasie en leur sein depuis décembre 2023.

Néanmoins les données de ce rapport quinquennal ne prennent pas en compte les modifications légales intervenues après mars 2023.

 

Augmentation du nombre de morts par AMM

 

14 417 personnes ont reçu l’AMM entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2023. Le nombre de personnes qui ont reçu l’AMM est en croissance depuis l’entrée en vigueur de la Loi. L’augmentation annuelle a été en moyenne de 41 %. En 2022-2023, le nombre d’AMM administrées est près de dix fois celui de 2016-2017. Les décès par AMM représentent 6,2 % de l’ensemble des décès en 2022.

La proportion des personnes avec un pronostic vital supérieur à 6 mois a augmenté entre 2018 et 2023. En effet, le nombre de personnes avec un pronostic estimé à un an ou moins a augmenté graduellement, passant de 3,6 % en 2018-2019 à 8,5 % en 2022-2023.

Parmi les incapacités et les souffrances rapportées, la perte de capacité à effectuer les activités qui donnaient du sens à la vie ou les activités de la vie quotidienne, menant à une dépendance à autrui, arrive en tête ; le sentiment de perte de dignité est également très fréquent.

Au Québec, le taux de décès par AMM n’en fait plus un soin d’exception. L’AMM fait maintenant partie du continuum des soins de fin de vie.

 

Un raccourcissement des délais entre la demande et l’administration de l’AMM

 

45,7 % des personnes ont reçu l’AMM moins de 10 jours après avoir signé le formulaire de demande. Au Québec, la loi ne précise pas la durée du délai entre la demande et l’administration de l’AMM. Pour autant les membres de la Commission estiment que « la décision doit être mûrie, réfléchie et faire l’objet d’entretiens espacés avec le médecin. ». Pour eux l’AMM ne peut être un soin d’urgence effectué dans la précipitation, or le délai d’un jour ou moins entre la demande et l’administration de l’AMM est rare, mais il existe : il a été rapporté dans 3,6 % (514/14 417) des formulaires des AMM administrées entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2023.

 

Le pourcentage de décès par l’AMM est le plus élevé au monde

 

Par rapport à la Belgique et aux Pays-Bas dont les critères d‘admissibilité à l’euthanasie sont similaires, la croissance annuelle du nombre d’euthanasies par million de population est beaucoup plus élevée au Québec et au Canada (30 % à 50 %) qu’en Belgique et aux Pays-Bas (10 % à 20%).

Pour l’année 2022, la proportion de décès par euthanasie était de 5,4 % aux Pays-Bas, 3,1 % en Belgique, et 4,1 % dans l’ensemble du Canada (incluant le Québec). La Commission fait le constat du taux élevé d’AMM au Québec sans pouvoir l’expliquer.

 

Des données qui ne permettent pas d’évaluer l’accès et la qualité des soins palliatifs

Face au manque de données permettant de mesurer et d’évaluer l’accès et la qualité des soins palliatifs, la Commission a consulté des organismes et experts spécialisés et un sondage a été soumis aux participants du congrès annuel de l’Association québécoise des soins palliatifs en 2023. Il en ressort les enseignements suivants :

  • Une disparité de l’offre de soins et de services selon la région et un référencement tardif.
  • Des difficultés dans les trajectoires de soins et de services.
  • Un manque de médecins disponibles pour dispenser des soins palliatifs à domicile dans plusieurs régions du Québec.
  • Un nombre de médecins exerçant en soins palliatifs insuffisant pour répondre aux besoins.
  • Des intervenants et des équipes de soins insuffisamment formés pour offrir des soins palliatifs de base de qualité ou pour le repérage précoce des personnes qui pourraient en bénéficier.
  • Un manque d’information accessible à la population.

 

Le manque de données, qu’elle constate et déplore, n’empêche pas la Commission de signaler sans embarras que la grande majorité des personnes ayant reçu l’AMM bénéficiaient de soins palliatifs.

Le réseau citoyen Vivre dans la dignité s’interroge à juste titre : « quelle proportion de ces personnes a eu accès à des soins palliatifs complets au bon moment et avec une approche interdisciplinaire à la fois bio, psycho, socio et spirituelle ? Une approche uniquement pharmacologique (telle que la simple administration de morphine) pourrait être qualifiée de soins palliatifs alors qu’elle est fort réductrice. Pour un réel choix en fin de vie, les Québécoises et les Québécois doivent avoir accès à des soins palliatifs dignes de ce nom qui répondent adéquatement aux souffrances physiques, psychologiques et existentielles. »

D’ailleurs certains experts et répondants au sondage ont exprimé la crainte que des difficultés d’accès aux soins palliatifs pourraient inciter certaines personnes à demander l’AMM pour soulager une souffrance qui aurait pu être apaisée avec ces soins.

 

Le constat d’une banalisation de la mort provoquée

 

10 ans après l’autorisation de l’aide médicale à mourir, voulue alors comme un soin exceptionnel, les critères ont été élargis si bien qu’aujourd’hui, le pourcentage des morts par euthanasie au Québec est le plus élevé au monde.

La Loi concernant les soins de fin de vie adoptée en 2015 a fait le choix d’englober soins palliatifs et mort provoquée dans un continuum de soins conduisant à la banalisation de l’AMM désormais perçue comme un soin comme un autre en fin de vie. D’élargissement en élargissement, l’AMM pourrait à terme devenir un « soin » à la demande sans d’autre critère que la volonté de la personne.

Dans un addendum consacré à l’éthique de l’AMM au Québec, Eugene Bereza et Véronique Fraser (membres ancien et actuelle de la Commission) se demandent s’il est « éthiquement acceptable que la pauvreté, l’isolement social, le refus d’aller à un CHSLD (Centre d’hébergement et de soins de longue durée) ou le manque d’accès aux soins soient des facteurs qui contribuent de manière significative à l’expérience subjective de souffrance intolérable d’une personne et conduisent à la demande d’AMM ? ».

Cependant, les deux auteurs semblent aussi penser que les principes éthiques fondés sur des règles sont relatifs face à la souffrance. Ethique et souffrance ne devraient pourtant jamais être opposées. Il s’agit bien au contraire de prendre en charge et d’accompagner la souffrance dans le respect des principes d’humanité et de fraternité indissociables de l’interdit de tuer.

 

A l’heure où les discussions autour d’une possible légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté en France pourraient reprendre en mai à l’Assemblée nationale, l’exemple québécois nous montre combien les critères présentés comme des garde-fous sont illusoires. Il révèle aussi que faire de l’euthanasie une option de soin comme une autre, banalise la mort provoquée et dénature les soins palliatifs.

rapport quinquennal sur les soins de fin de vie au québec

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Trouble sur un dossier de l’Observatoire national du suicide

Trouble sur un dossier de l’Observatoire national du suicide

Trouble sur un dossier de l’Observatoire national du suicide

 

Dans son 6ème rapport publié fin février 2025, l’Observatoire national du suicide (ONS), outre le volet statistique, consacre un dossier entier à la « mort assistée » remettant insidieusement en cause les alertes des professionnels sur l’incompatibilité des pratiques de suicide assisté avec la prévention du suicide.

 

L’ONS est une instance consultative créée par décret en 2018. Il a pour objectif « d’éclairer les acteurs par des analyses statistiques, des travaux de recherches et une veille documentaire stratégique, pour renforcer la prévention du suicide ». C’est dans ce cadre que l’observatoire publie tous les deux ans un rapport qui présente les données statistiques et des dossiers thématiques.

 

Le taux de suicide pourrait atteindre son niveau plancher

D’un point de vue statistique, les auteurs relèvent qu’après une baisse des suicides depuis 1980, il semble que le taux pourrait avoir atteint un niveau plancher. Cependant avec 9 200 décès par suicide en 2022, le taux de suicide atteint 13,3 décès pour 100 000 habitants en France, un niveau supérieur au taux moyen (10,2) constaté dans l’Union européenne.

Si le taux de suicide des jeunes est peu élevé (2,7 pour 100 000 chez les moins de 25 ans), on observe que le taux de suicide des jeunes femmes, pourtant le plus faible, a augmenté de 40% entre 2020 et 2022 (passant de 1,15 à 1,6 pour 100 000). S’il s’agit de signaux faibles, cette hausse inédite nécessite des investigations. Des effets sociaux restent en effet à explorer, « tels ceux de l’écoanxiété, le poids grandissant de la socialisation médiatisée en général ».

Un dossier esquisse plusieurs pistes d’investigation sur ce sujet afin d’adapter la politique de prévention alors qu’en 2025 la santé mentale est la grande cause nationale du gouvernement.  « Les comportements suicidaires constituent en effet l’une des manifestations les plus graves des problèmes de santé mentale, et les comprendre est essentiel pour concevoir des politiques de prévention efficaces ».

L’ONS pointe l’augmentation des taux de suicide avec l’âge, phénomène qui se retrouve dans tous les pays d’Europe. Les hommes âgés de 85 à 94 ans demeurent la population la plus à risque avec un taux de 35,2 pour 100 000. Les auteurs se sont interrogés sur le « tabou » du suicide des personnes âgées et « sur le mal-être de nos aînés, dans un contexte de vieillissement de la population« .

Les résultats de l’enquête Malâge montrent une différence entre les comportements des hommes et des femmes : « chez les hommes, les comportements suicidaires surviendraient à l’occasion de changements de nature « bifurcative » : des transformations nettes, comme l’entrée en Ehpad, marquant une perte de pouvoir décisionnel à la fois sur leur épouse et sur leur quotidien ».

Le mal-être des femmes âgées ayant des comportements suicidaires serait « accumulé sur un temps long, dans lequel le rôle du travail de care serait central : certaines y adhèrent au point de vouloir accompagner leur conjoint dans la mort, quand d’autres expliquent leurs tentatives de suicide par l’épuisement provoqué par les attentes de leurs proches et une charge de travail domestique et familial insupportable, à un moment de la vie où les soutiens économiques et sociaux se fragilisent. » Dans ce contexte on aurait pu s’attendre à un dossier d’approfondissement pour mieux accompagner et appréhender le grand âge.

 

Un surprenant dossier sur la « mort assistée »

Les conclusions du dossier sur « la mort assistée » proposées par l’ONS sont pour le moins surprenantes. Sous le titre « Mal-être, suicide et mort assistée : mieux comprendre les enjeux multiples de la fin de vie », ce dossier englobe une réflexion large autour du grand âge « sur les représentations de la fin de vie, les conséquences de polypathologies invalidantes et la perte d’indépendance ; des dimensions fondamentales qui émergent de l’analyse de la littérature internationale portant sur l’aide active à mourir (AAM) ».

En effet la population des personnes âgées est la plus concernée par les demandes de suicide assisté et/ou d’euthanasie dans les pays qui ont légalisé ces pratiques. L’objectif affiché est de « donner des repères et des clés de lecture face au débat complexe suscité par le débat français sur l’euthanasie – « sans prendre position » par rapport à celui-ci tout en élaborant un inventaire de connaissances disponibles et marquantes. »

Derrière l’interrogation qui vient en conclusion du dossier, à savoir si l’assistance à mourir (euthanasie/suicide assisté) pourrait inspirer de nouvelles approches de la prévention du suicide, la réflexion est inquiétante. Ces demandes d’euthanasie ou de suicide assisté « pourraient ainsi être envisagées dans une optique proche de celles des politiques de prévention du suicide, plutôt qu’y être totalement opposées. ».

Autrement dit la demande d’euthanasie, si la pratique est autorisée, peut aussi permettre aux patients de « se projeter dans un avenir où ils seraient soulagés de la souffrance et de l’anxiété» et ce faisant ouvrirait un espace de négociation avec les professionnels de santé qui « contribue à rendre moins pressante la volonté des patients de mourir ». Cette approche est source de confusion. En effet les expressions de « demande d’en finir », de vouloir mourir, constituent un enjeu humanitaire sensible.

En France, les professionnels sont invités à considérer ce qui sous-tend ces demandes pour y répondre de la façon la plus humaine possible. Quand il existe une légalisation de la mort provoquée, il devient difficile de remettre en question la demande d’en finir si les conditions admises par la législation sont remplies. D’autant que dans tous les pays concernés ces conditions se sont étendues aux souffrances psychiques et à des personnes dont le pronostic vital n’est pas engagé.

 

Dans le cadre de la prévention du suicide, cette hypothèse est troublante dans un rapport qui rend hommage au Pr. Michel Debout, psychiatre et membre de l’Observatoire national du suicide, mort en décembre 2024 et qui déclarait en septembre 2023 : « Avec une loi qui autorise le suicide assisté, on prend le risque que certaines personnes en souffrance l’envisagent comme une issue. » 

trouble sur un dossier de l’observatoire national du suicide

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