Décryptage : la nouvelle proposition de loi fin de vie d’Olivier Falorni
Que comporte la nouvelle proposition de loi « relative à la fin de vie » présentée par le député Olivier Falorni et enregistrée le 6 mars 2025 à l’Assemblée nationale ?
La proposition de loi repart du texte radical voté avant la dissolution
L’initiateur du texte explicite sa démarche dans l’exposé des motifs : reprendre le texte que la dissolution présidentielle avait rendu caduc, c’est-à-dire le projet de loi du gouvernement, tel qu’il est ressorti, successivement amendé par la commission spéciale, puis par l’Assemblée nationale.
Notons d’emblée que, d’une part l’Assemblée nationale n’est plus celle du printemps 2024 et d’autre part, les travaux en commission puis dans l’hémicycle avaient supprimé la plupart des digues que le texte gouvernemental mettait en avant pour affirmer que son projet était équilibré et sécurisé. Nous sommes donc en présence d’un texte particulièrement radical.
Olivier Falorni pose par ailleurs la question de façon dialectique : « Que veut dire « vivre » quand vivre c’est souffrir, sans espoir de guérison ? ». Tout en affirmant l’exigence de l’humilité et de l’écoute sur ce sujet sensible, tout en présentant son « aide à mourir » comme « un ultime recours », au caractère exceptionnel, il prône, au nom de la liberté, « le droit de disposer de sa mort ». Et c’est effectivement cette radicalité qui s’exprime quand on examine la proposition de loi proprement dite.
Deux critères « médicaux » larges et largement invérifiables
- Une maladie « à un stade avancé » avec un « pronostic vital engagé »
Pour accéder à cette aide à mourir (qui articule suicide assisté et euthanasie selon que le patient est ou n’est pas « en mesure physiquement d’y procéder »), le texte précise qu’il faut être majeur, résider en France, être en capacité de s’exprimer en conscience et être atteint « d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». Dire que le pronostic vital est engagé signifie que la maladie peut conduire au décès. Dans une note de cadrage réalisée à la demande du gouvernement à l’occasion du projet de loi débattu au printemps 2024, la Haute Autorité de Santé le précise : « Le pronostic peut être défini comme la probabilité qu’un patient développe un résultat particulier sur une période de temps spécifique. L’incertitude est inhérente au pronostic. Accepter cette incertitude est centrale pour utiliser une information sur le pronostic de façon appropriée dans la prise de décision clinique. » (Pronostic vital engagé à moyen terme/phase avancée, 12 décembre 2024). Le projet de loi gouvernemental « dissous » au printemps 2024 prévoyait initialement parmi les conditions de l’euthanasie ou du suicide assisté un « pronostic vital engagé à moyen terme ». Alors qu’elle figurait parmi les « garanties » avancées par le gouvernement, cette condition était médicalement inopérante et a été supprimée par les députés. La proposition Falorni élimine toute idée de délais. Il suffit d’une maladie qui peut être mortelle et est déjà avancée. Deux termes peu objectifs et largement invérifiables.
- Une souffrance (…) psychique (…) « insupportable selon la personne »
La radicalité se confirme avec le critère suivant : le patient doit « présenter une souffrance psychique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. » La prétendue « aide à mourir » ne serait aucunement réservée aux patients endurant une « souffrance réfractaire », c’est-à-dire que la médecine ne parvient pas à apaiser.
D’une part, il peut s’agir d’une souffrance exclusivement « psychologique ». Et si le patient affirme qu’il subit une souffrance psychologique insupportable justifiant sa demande, qui donc pourrait prétendre l’évaluer pour donner un avis différent ? La terminologie du texte offre un « sésame » pour le suicide assisté.
Par ailleurs, il suffit de refuser le traitement analgésique voire l’accompagnement psychologique et d’affirmer que l’on souffre dès lors de façon « insupportable » (physiquement ou moralement). Qui peut contester pareille auto-évaluation ? Le texte prend soin d’accoler au mot « insupportable » la précision : « selon la personne ». Ainsi, les soignants n’ont pas leur mot à dire sur cette souffrance, dans la logique assumée de l’autodétermination. C’est l’autre sésame pour un suicide assisté ou une euthanasie. La porte serait donc grande ouverte. Il suffit de refuser un traitement vital (quel qu’il soit) ou un soin vital (comme l’alimentation). Ce refus fait incontestablement partie des droits de tout patient, s’il est correctement éclairé. En laissant la personne seul juge du bien-fondé de sa demande, l’accès au suicide assisté ou, à défaut, à l’euthanasie devient extrêmement facile.
Une procédure simple, voire expéditive, à la discrétion d’un seul médecin.
Certes, la procédure se dit « collégiale » avec la consultation imposée d’un confrère qui n’a pas forcément à examiner le patient, et d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant qui, lui, le connaît. Cependant, le médecin reste libre de sa décision qu’il notifie dans les 15 jours, l’euthanasie ou le suicide assisté pouvant alors être administrée sans délai, si à la demande de la personne, le médecin estime qu’il ne faut pas respecter les deux jours de principe prévus entre la notification et l’acte. Ce dernier est supervisé par un médecin ou un infirmier, mais il n’est pas obligatoire qu’il soit présent au moment d’un suicide assisté, après qu’il a fourni la substance létale. Le soignant doit toutefois se tenir « à une proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté ».
Contestation interdite, opposition muselée
Seule la personne ayant formulé une demande d’aide à mourir peut contester la décision du médecin. Les proches sont exclus de tous recours. En revanche, toute tentative d’obstruction à l’euthanasie est sévèrement punie. Un an de prison, c’est la peine prévue pour « Le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur [sic] l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégation ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir. » Sont plus spécialement visés : le fait de perturber l’accès aux lieux pratiquant l’aide à mourir et le fait d’exercer des pressions morales ou autre type d’« intimidation » à l’encontre des patients cherchant à s’informer et des soignants pratiquant l’aide à mourir. Toute association de 5 ans d’âge dédiée au « droit des personnes à accéder à l’aide à mourir » peut se porter partie civile. Le texte signe la proximité de son auteur avec l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) et prétend museler ses opposants. Il établit le monopole et le contrôle de l’information par les pro-euthanasie et suicide assisté. Il ne manque plus qu’un ministère de la Vérité pour décréter ce qu’on peut dire ou pas, ce qui est vrai et ce qui est faux.
Clause de conscience limitée, liste de soignants acteurs de la prétendue « aide à mourir », contrôle a posteriori.
La clause de conscience des soignants est reconnue, certes, mais aucunement celle des établissements qui sont tenus de laisser les professionnels de santé y pratiquer suicide assisté et euthanasie.
Par ailleurs tout médecin doit être en mesure d’informer le patient sur la loi et de l’orienter vers un praticien acceptant de la mettre en œuvre. La prévention universelle du suicide, fait place à une forme d’incitation au suicide, quasi obligatoire : bouleversement en vue de la relation soignant-soigné, alors que les familles et proches sont totalement exclus du dispositif.
Les pharmaciens impliqués dans la fourniture des produits létaux n’ont pas droit à une clause de conscience.
Un registre des professionnels acceptant d’y participer est constitué. Ils doivent se déclarer à une « commission de contrôle et d’évaluation » de la loi. Leurs noms sont accessibles aux seuls médecins. Comme dans les pays qui expérimentent l’euthanasie ou le suicide assisté, le contrôle de la validité des procédures est effectué a posteriori. Ce qui s’est révélé inopérant.
L’examen de cette proposition de loi et de celle dédiée aux soins palliatifs est annoncé les semaines des 12 et 19 mai prochain. Que le débat parte d’une telle base ne peut que confirmer l’état de vigilance absolue que cette perspective suggère : la France légaliserait d’emblée un combo euthanasie-suicide assisté facilement accessible sur des critères aussi larges qu’invérifiables, et par là même, sans qu’un système de contrôle soit en réalité possible.