Sites pornographiques et âge légal, quelles réalités ?

21/01/2025

Sites pornographiques et âge légal, quelles réalités ?

 

Sites pornographiques et âge légal

La pornographie est un fléau. Tant dans l’étendue de son usage que dans ses méfaits. Personnes exploitées par un marché sordide et colossal, impact psychologique sur les consommateurs, en particulier sur les plus jeunes, phénomènes d’addictions, image dégradée de la femme et de la sexualité, augmentation de la violence, détérioration des relations humaines… Les impacts sont nombreux. Et touchent toute la société. La pornographie est une industrie qui a « fait de l’exploitation et la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes un business à l’échelle mondiale ».

Un rapport d’information cosigné par 4 sénatrices de différents partis publié en septembre 2022 sous le titre choc de « l’enfer du décor » mettait en lumière l’emprise de l’industrie pornographique et ses impacts néfastes. Il y a urgence à mener une lutte contre ce fléau. Celle-ci passe par des interdictions et de la prévention. L’un des enjeux prioritaires est celui de la protection des mineurs. Les chiffres sont effarants. L’Arcom a publié une étude en mai 2023 sur la consommation des mineurs : 51% des garçons de 12 ans se rendent sur un site pornographique chaque mois, 65% des garçons de 16 ans également.

Pour limiter l’accès de ces contenus aux mineurs, des tentatives de réglementation émergent. Un changement est intervenu le 11 janvier 2025. Depuis cette date, des règles émanant d’un référentiel de l’Arcom sont entrées en vigueur. Les sites doivent désormais vérifier que leurs utilisateurs ont bien l’âge de la majorité légale, en utilisant un système d’authentification. Un groupe de travail vient d’être créer pour suivre la mise en conformité des sites pornographiques avec la réglementation. Les sites qui ne respecteraient pas cela pourraient se voir menacer d’être bloqués.

 

Comment l’âge est-il vérifié ?

Le rapport préconise d’encadrer ce contrôle de l’âge des utilisateurs tout en respectant leur vie privée. Cela ne concerne donc pas l’identité ni les documents légaux. Il a donc été retenu un principe de « double anonymat ». D’un côté, l’utilisateur partage « quelque chose » qui peut attester de sa majorité à « un tiers », ce tiers étant une application ou un site dédié à ce type de contrôle, et, de l’autre, la plateforme de contenus pour adultes reçoit, via ce tiers, l’information concernant l’âge du visiteur. Depuis la publication de référentiel en octobre dernier, de nombreuses start-up (près d’une dizaine rien qu’en France) ont développé des solutions pour répondre à cette problématique de double anonymat. C’est un nouveau marché qui s’est ouvert.

 

Quel est l’impact de cette vérification ?

Cette disposition est un premier pas. Exprimer par la réglementation que cet accès n’est pas disponible pour les mineurs permet de rappeler la loi. Celle-ci n’est pas qu’un interdit mais a une valeur expressive et symbolique : celle de la protection des mineurs. L’accès à la pornographie pour un mineur est en effet interdit. Le code pénal stipule que la diffusion de contenu pornographique à des mineurs est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Abandonner la lutte contre cet accès reviendrait, de fait, à l’autoriser. Sur ce sujet, comme celui de la consommation de drogue, l’accès aux réseaux sociaux pour les très jeunes, le téléphone portable à l’école…les arguments pour maintenir l’interdiction et la rendre plus effective s’appuient sur les impacts pour les jeunes et leur santé, mentale et physique.

Mais des questions subsistent sur les résultats qui peuvent en être attendus.

Pour commencer, la vérification en elle-même n’est pas très exigeante. Pour prouver son âge, un simple compte email, l’envoi d’un selfie vidéo, ou la preuve d’une transaction unique sur une application peut suffire. D’après Clara Chappaz, ministre du Numérique :

« les acteurs (de ce contrôle, ndlr), ça peut être une utilisation à base d’intelligence artificielle qui identifie les traits du visages, il peut s’agir de solutions qui identifient les mouvements de la main, il y a tout un tas de solutions sur le marché qui existent. Ce n’est pas à nous de dire au site Internet laquelle ils peuvent utiliser »

Autre problème, les sites les plus visités ne sont pas domiciliés en France, ils ne sont donc pas concernés. L’Europe n’est pas dotée de ce type de protection. L’objectif de la France, annoncée par la ministre, est d’encourager l’Europe à emboiter ce pas. Clara Chappa a saisi l’Europe sur cette question et affirme que d’ici quelques mois, les sites basés dans l’Union européenne auront à suivre cette régulation.

Par ailleurs, il est possible de contourner le système. Le contrôle ne s’appliquant que pour les visiteurs français, il suffira de faire croire qu’on est un internaute à l’étranger pour y échapper. Cela est notamment rendu possible par l’emploi d’un réseau privé virtuel (VPN) qui rend la connexion anonyme et masque la localisation de l’internaute en changeant son adresse IP. Il peut alors prétendre être dans un autre pays et contourner les règles françaises.

Il est vraisemblable qu’ « une partie du trafic va se tourner vers les VPN », pronostique déjà Jacky Lamraoui, patron de la start-up française IdxLab, qui fournit une solution de vérification d’âge à une vingtaine de sites X. D’après le site spécialisé DataReportal, 28 % des internautes âgés de 16 à 64 ans utilisaient un VPN en 2022, un chiffre en forte progression ces dernières années.

Enfin, les procédures de blocage sont complexes, et peuvent prendre plusieurs mois. Par exemple, en octobre la Cour d’appel de Paris avait ordonné le blocage de quatre sites X. 4 mois plus tard, ils sont encore accessibles.

Par ailleurs, la ministre chargée du numérique ne semble pas vouloir s’attaquer au problème de la pornographie de manière globale. Dans son entretien, elle insiste à deux reprises sur le fait que cette réglementation « ne doit pas empiéter sur le droit des adultes » et elle précise bien : « je veux rassurer les adultes qui sont dans leur plus grande liberté de consommer ces contenus… ».

Pour Alliance VITA, la pornographie est contraire à la dignité humaine et au respect du corps humain. Elle entretient également la traite des êtres humains et la prostitution. Renforcer, par tous les moyens, la protection des mineurs est prioritaire. Mais c’est un plan d’action ambitieux et global que mérite ce sujet.

 

Pour aller plus loin

La pornographie : un poison pour la dignité – Sophie Ascarino. Université de la vie 2021. Vidéo disponible ici

Pornographie : le Sénat alerte sur l’enfer du décor – Pornographie et Prostitution – Octobre 2022

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