Un référendum sur la fin de vie est peu probable
L’idée du référendum plane à nouveau sur 2025. Le procédé ressemble à certaines armes de dissuasion aux effets difficiles à contrôler : on en parle plus qu’on ne s’en sert. Lors de ses derniers vœux aux Français, le président de la République leur a donc fait entendre qu’il leur demanderait, dans l’année à venir, « de trancher certains de ces sujets déterminants. Car chacun d’entre vous aura un rôle à jouer ». Certains commentateurs ont alors pensé « convention citoyenne » mais la plupart ont compris : « référendum ».
L’idée est récurrente en macronie. A plusieurs reprises, une réforme du référendum a même été envisagée par le président de la République, toujours dans le sens de sa facilitation et de son extension, tant dans ses modalités de convocation que dans ses thèmes. Toutefois, ces intentions n’ont jamais abouti.
C’est l’article 11 de la Constitution qui détermine et encadre les conditions du référendum y compris les sujets qui peuvent être l’objet du vote : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement (…) peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent (…) » S’y ajoute la ratification d’un traité (on pense au référendum de 2005 sur le traité établissant une constitution pour l’Europe).
Si la procédure est simple, à la discrétion du président, l’article 11 proscrit toutefois un référendum sur des questions non mentionnées par cet article. On peut donc envisager un référendum sur la réforme des retraites (aussitôt demandé par LFI), mais pas sur l’immigration malgré le souhait exprimé par Bruno Retailleau : le Conseil constitutionnel a confirmé cette impossibilité en avril 2024. Tous les sujets de société sont en principe exclus, donc ceux liés à la fin de vie.
Interrogé par Public Sénat le 2 janvier, le professeur de Droit public Paul Cassia le confirme. Il estime non seulement que « la fin de vie ne rentre pas dans les différentes catégories [de l’article 11 de la constitution] mais encore qu’« on le fait sur une question précise, pas sur une question aussi complexe ».
Interrogée pour le même article, Anne-Charlène Bezzina, également enseignante en droit, s’est voulue moins affirmative : elle laisse entendre que la formulation de la question pourrait être « tournée depuis le point de vue de l’organisation des services publics » et qu’alors le Conseil constitutionnel « aurait du mal à aller contre la décision du président ». Cette appréciation alambiquée laisse entendre que l’on glisserait vers le politique au détriment du respect du texte constitutionnel. Mais surtout, quelle question alors ?
Celle d’un référendum sur la fin de vie avait déjà été écartée le 16 novembre 2023 sur la même chaîne par Agnès Firmin-Le Bodo. Celle qui était alors ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé – et à ce titre du débat législatif sur la fin de vie – affirmait : « Je ne suis pas contre le principe. La difficulté avec un sujet comme celui-là, c’est qu’on ne peut pas simplement répondre à la question : est-ce que vous voulez l’euthanasie ou le suicide assisté ». Elle avait reconnu la difficulté à trouver une question « qui permette de répondre vraiment à un sujet qui touche à l’intime et qui est très compliqué ».
Un autre type de référendum est toutefois prévu par la Constitution, dans son article 89, celui qui vise à réformer… la Constitution. Il fut utilisé avec succès par Jacques Chirac en l’an 2000, pour passer d’un mandat présidentiel de 7 ans au quinquennat. Dans le contexte politique chahuté que nous connaissons, l’exécutif prendrait-il le risque de provoquer deux référendums successifs ?
Le premier servirait à réviser l’article 11 pour étendre les sujets éligibles au référendum, et le suivant sur un de ces « nouveaux » sujets (fin de vie, immigration etc.), à supposer que l’un ou l’autre de ces sujets soit simplifiable en une question claire offrant l’alternative « oui ou non ». On peut douter d’une telle perspective. Ajoutons que les deux hypothèses immigration et fin de vie jouent l’une contre l’autre (en mobilisant des militants contrastés) tandis que le recours au référendum en lui-même, court-circuitant le parlement – est facilement suspecté de populisme.
Les observateurs pensent plutôt à un sujet « classique », par exemple un vote sur une réforme du mode de scrutin réintroduisant de la proportionnelle. Il reste que, quand un président très impopulaire pose une question, une partie importante des électeurs est tenté de répondre « non », simplement pour rejeter celui qui la pose sans même s’intéresser au sujet. Depuis le général de Gaulle et son référendum de 1969 sur « le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat » on sait que le référendum est surtout une arme dangereuse pour celui qui la manie.
Il reste deux hypothèses plus vraisemblables propres à conduire les Français dans les urnes : soit une nouvelle dissolution, à partir de juin, soit une démission du chef de l’Etat, sans passer par la case référendum.
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