Le Choix d’Odette : ce que ne dit pas France 2 sur l’euthanasie au Canada
L’émission Envoyé Spécial diffusée par France 2 le jeudi 30 janvier 2025 sur l’euthanasie d’une Québécoise pose de sérieuses questions sur la partialité de ce reportage et la militance des journalistes.
Orchestration médiatique
Filmée pendant les 5 jours qui précédent son euthanasie, masquée derrière l’expression « aide médicale à mourir » ou AMM, Odette, une femme de 64 ans atteinte d’un cancer devenu incurable, a une démarche qui se veut militante pour « démystifier » la mort programmée.
Annoncée depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, sur le JT de France 2 via un magazine spécial, information reprise par France Info notamment, la date de diffusion a été réfléchie pour coller au débat sur la fin de vie qui aurait éventuellement pu avoir lieu début février.
Invités en avant première de la projection, des promoteurs de l’euthanasie, tels que des membres du lobby ADMD, (association pour le droit de mourir dans la dignité), le député Falorni, auteur d’une proposition de loi sur le sujet, ou encore la députée Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure de la loi fin de vie avant la dissolution, montrent combien la diversité des opinions n’est pas de mise.
L’émission se termine par un plaidoyer d’une journaliste pour changer la loi française.
Pas l’ombre d’une parole contradictoire, ou même de réflexion alors que les excès de la loi canadienne ont été l’objet de plusieurs études ou de témoignages dans les médias.
Une pratique pourtant controversée
Le Québec détient le record mondial du nombre d’euthanasies avec 7% des décès en 2023. Inquiète de ce nombre élevé, la Commission sur les soins de fin de vie a enjoint les médecins du Québec pratiquant l’euthanasie dénommée « aide médicale à mourir » (AMM) à suivre la loi avec plus de rigueur par un rappel à la loi. Plusieurs infractions ont ainsi été relevées : des pratiques d’euthanasies non conformes ou « administrées à la limite des conditions imposées », ou encore le manque de rigueur sur l’avis d’un second médecin et le « magasinage » autrement dit le fait de se retourner vers des médecins peu regardants. Elle rappelle également que le vieillissement n’est pas une maladie incurable et ne justifie pas l’AMM.
Une étude scientifique parue en août 2023 intitulée Les réalités de l’aide médicale à mourir au Canada, alerte sur les graves lacunes du dispositif d’euthanasie. Les auteurs concluent que « Le régime canadien d’aide médicale à mourir ne dispose pas des mesures de protection, de la collecte de données et de la surveillance nécessaires pour protéger les Canadiens contre les décès prématurés. »
A noter que lors de la présentation du reportage une journaliste affirme qu’aucun médecin, aucun soignant n’a le droit de proposer l’aide à mourir » : cette affirmation, reprise par le médecin canadien lors du reportage est en réalité dénuée de tout fondement et s’avère mensongère.
Aucun texte dans la loi n’interdit de proposer l’euthanasie comme une option. L’acte létal est présenté comme « un soin » parmi d’autres. Plusieurs Canadiens ont témoigné avoir reçu cette proposition plutôt qu’un protocole de soins curatifs ou palliatifs. Comme cette femme atteinte de Spina Bifida qui en juillet 2024 témoignait avoir reçu plusieurs fois des propositions d’euthanasie alors qu’elle demandait seulement à être accompagnée et soignée correctement.
L’agence de presse AP News relayait en 2022 l’inquiétude d’experts de l’ONU qui s’alarmaient des conséquences de la loi canadienne sur l’euthanasie sur le droit des personnes handicapées. Dans un long dossier, plusieurs cas sont rapportés de personnes handicapées conduites à l’euthanasie, mais aussi de personnes qui y consentent par manque de moyens financiers.
Les grands absents de cet Envoyé Spécial
Voici 10 ans que le Québec (avant qu’une loi soit votée au niveau fédéral) a légalisé l’euthanasie sous l’expression AMM.
Un podcast de Radio Canada intitulé « La mort libre : 10 ans d’aide médicale à mourir » fait le point dans son épisode 4 sur les craintes d’une pente glissante en donnant la parole à des avis et des expériences diverses.
Quelles sont les principales controverses ? Outre les chiffres très élevés, la modification ultra rapide de la loi avec depuis 2019 la possibilité d’euthanasie pour des personnes qui ne sont pas en fin de vie, affecte gravement les personnes handicapées dans un contexte de détérioration de l’accès aux soins. C’est ce que soulignent également deux auteurs qui dressent un état des lieux intitulé La normalisation troublante de la mort médicalement administrée au Québec et au Canada.
La mort programmée tend à devenir la nouvelle norme pour « réussir sa mort » et des considérations économiques ne manquent pas d’affleurer : une femme témoigne préférer accélérer sa mort pour que ses soins ne diminuent pas trop l’héritage de son fils.
Emotion et désinformation
La force du témoignage, au-delà de l’émotion suscitée, ne devrait pourtant pas empêcher l’élaboration d’une réflexion autour du sujet grave et délicat de la souffrance et de la fin de vie. Par les commentaires univoques et répétés des journalistes de France 2, on comprend que ce reportage visait en réalité à livrer un message aux politiques français pour qu’enfin ils légalisent l’euthanasie. Cette partialité est dangereuse en ce qu’elle n’offre aucun moyen au téléspectateur de réfléchir, ni de connaître la réalité canadienne. Plus qu’un reportage militant, on attend d’une chaîne publique du professionnalisme et de la responsabilité.
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