Les personnes âgées moins touchées par la perte d’autonomie: une étude de la DREES
Comment mesure-t-on l’autonomie d’une personne ?
L’INSEE a calculé que 18 millions de personnes en France sont âgées de 60 ans ou plus, soit 27% de la population. Le degré d’autonomie de la personne est mesuré de plusieurs façons. On peut établir une échelle ou des groupes différents selon la capacité des personnes à réaliser des gestes de la vie quotidienne (repas, toilettes, se lever, sortir de chez soi…). Une des mesures les plus connues, l’indice GIR (groupe iso-ressources) est une mesure administrative.
Elle permet de déterminer l’éligibilité des personnes de 60 ans ou plus à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le niveau d’aide dont elles ont besoin pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne s’appuie sur des critères à la fois physiques et psychiques (la capacité à entretenir une conversation et réagir de façon logique). L’évaluation est faite par une équipe médico-sociale. L’échelle varie de 1 à 6, le degré 1 correspond aux personnes les plus atteintes dans leur autonomie mesurée par l’indice.
D’autres mesures sont possibles. Par exemple on posera la question “êtes-vous limité, depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé dans les activités que les gens font habituellement ?”. L’enquête dénombrera les personnes répondant “oui fortement” à cette question.
Combien de personnes sont-elles touchées par cette perte d’autonomie ?
Les chiffres varient en fonction des mesures établies. La DREES fournit de nombreux indicateurs dans cette étude. Par exemple, l’estimation des personnes en perte d’autonomie et vivant à domicile va de 3% à 8% (soit de 540 000 à 1,3 million), selon que l’on prend une approche « large » ou plus restrictive de la perte d’autonomie. Les personnes à domicile en perte d’autonomie sévère (indice GIR 1 et 2), sont autour de 200 000.
A la question d’une restriction sévère de l’activité quotidienne, 26% des personnes de plus de 60 ans répondent positivement, et 47% pour celles au-dessus de 75 ans. Les restrictions sur des activités comme faire ses courses, préparer ses repas, effectuer des démarches administratives sont les plus couramment citées.
Sous l’angle des “pertes fonctionnelles” (audition, vue, mobilité, mémoire…), 41% des seniors de plus de 60 ans sont touchés. Au-delà de 75 ans, ils sont 58%.
Les femmes sont un peu plus touchées que les hommes. Selon l’étude de la DREES, au-delà de 75 ans, elles sont 48% à être affectées par des restrictions “dans les activités instrumentales de la vie quotidienne” contre 33% des hommes. Les auteurs notent que la plus grande espérance de vie des femmes n’explique pas à elle-seule cet écart.
Une diminution des personnes en perte d’autonomie
L’enquête relève plusieurs indicateurs indiquant que les seniors sont moins touchés par cette perte en 2022, comparé à 2015, pour les personnes vivant à domicile. Ainsi, la perte d’autonomie des 75 ans et plus est passée de 20 à 15%. Les pertes d’autonomie modérée (mesurée par un indice GIR 3 ou 4) sont devenues moins courantes. Toujours pour cette catégorie de la population, “la proportion de personnes souffrant d’une maladie chronique a diminué, passant de 62 % en 2014 à 58 % en 2021. De même, en 2014, 21 % d’entre elles déclaraient avoir un mauvais (ou très mauvais) état de santé, alors que cette part est de 18 % en 2021“.
L’étude fournit également un calcul de l’espérance de vie à 60 ans sans perte d’autonomie.
- Pour les femmes, “en 2022, l’espérance de vie à 60 ans est de 27,3 ans, dont 4,2 ans en moyenne passés en situation de perte d’autonomie (2,9 années à domicile et 1,3 année en établissement“.
- Pour les hommes, cette espérance de vie est à 23 ans, dont “2,4 années en situation de perte d’autonomie (1,6 année à domicile et 0,7 année en établissement“.
Entre 2015 et 2022, l’espérance de vie est restée stable, mais “celle sans perte d’autonomie a augmenté (+0,5 an pour les hommes et +0,8 an pour les femmes), du fait de la moindre proportion de personnes en perte d’autonomie à domicile“.
Cependant, les auteurs apportent une note prudente à l’analyse de ces chiffres : “les causes de l’allongement de l’espérance de vie sans perte d’autonomie à domicile sont difficiles à établir“. Par exemple, la crise sanitaire liée à la COVID 19 a entrainé une surmortalité des seniors de 2020 à 2022, ce qui peut faire baisser le temps de vie en perte d’autonomie. Mais la COVID a pu aussi augmenter des pertes d’autonomie suite à une hospitalisation.
Prenant en compte les résultats positifs de l’enquête (moins de personnes en perte d’autonomie), les auteurs anticipent sur les projections de vieillissement dans les années à venir. “Ces nouvelles projections continueront de faire état d’une croissance tendancielle du nombre de personnes âgées dépendantes, mais à un rythme plus faible que celui qui était anticipé jusqu’à présent. Un des scénarios privilégiés par les modèles de projection tiendra compte du fait que la part de l’espérance de vie à 60 ans pendant laquelle les seniors sont confrontés à la perte d’autonomie tend à diminuer“.
Enfin, rappelons que le concept d’espérance de vie sans perte d’autonomie a des limites. En 1997, un directeur général de l’OMS, le Dr Hiroshi Nakajima, déclarait: « sans la qualité de la vie, une longévité accrue ne présente guère d’intérêt (…) l’espérance de santé est plus importante que l’espérance de vie”.
Cette conception négative d’une vie moins autonome fait une impasse totale sur la vie relationnelle, sur la sagesse des anciens, et leur apport à notre société par leur présence. L’humanité d’une personne ne se réduit pas à des coefficients de mobilité, ou à des échelles de difficultés à gérer sa vie quotidienne.
Lors de notre prochaine Université de la vie (lien pour l’inscription ici), nous aurons l’occasion d’explorer de nombreuses facettes de notre humanité.
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