Demander l’euthanasie par anticipation désormais possible au Québec
Depuis le 30 octobre 2024, il est possible au Québec de demander l’aide médicale à mourir (AMM) c’est-à-dire l’euthanasie, de manière anticipée.
Cette disposition mise en œuvre au Québec s’inscrit dans une loi d’élargissement de l’AMM adoptée en juin 2023. Deux autres mesures de cette loi sont d’ores et déjà entrées en vigueur :
- l’obligation des maisons de soins palliatifs à offrir l’AMM depuis le début de l’année 2024 ;
- l’offre de l’AMM pour des cas de déficiences physiques graves au printemps 2024.
Que signifie concrètement une demande anticipée d’AMM ?
Il s’agit pour des personnes malades de formuler une demande pour consentir à l’avance à l’AMM. Elles pourront se la voir administrer lorsqu’elles seront devenues inaptes. Pour être éligible à cette demande anticipée, il faut avoir reçu un diagnostic de maladie grave et incurable, qui mène à l’inaptitude comme un trouble neurocognitif tel que la maladie d’Alzheimer ou la sclérose en plaques. Au moment où elle en fait la demande, de manière libre et éclairée, la personne doit être :
- majeure,
- en mesure de consentir au soin c’est-à-dire à l’AMM que la loi canadienne définit comme un soin,
- assurée au sens de la loi sur l’assurance maladie.
La loi québécoise est différente de la loi fédérale canadienne. Elle a cette particularité d’englober l’euthanasie dans « les soins de fin de vie », qui comprennent les soins palliatifs, l’AMM et des directives médicales anticipées distinctes de la demande anticipée d’AMM. Les directives médicales anticipées permettent par exemple de renoncer à obtenir certains soins à l’avenir mais elles ne peuvent servir à demander l’aide médicale à mourir.
Quelles sont les étapes de la demande anticipée d’AMM ?
- Etablissement d’un formulaire
Dans ce formulaire disponible auprès d’une ou d’un médecin ou d’une infirmière praticienne spécialisée, la personne décrit les manifestations cliniques liées à la maladie qui a été diagnostiquée et qui justifieront le déclenchement de la validation de l’AMM dès lors que la personne ne sera plus apte à consentir. Elle peut aussi désigner une ou deux personnes de confiance dont le rôle sera de veiller à ce que les volontés exprimées par la personne dans sa demande anticipée d’AMM puissent être connues et respectées.
Selon le réseau Vivre dans la dignité, « il n’y aura pas de listes de motifs inadmissibles. Le tout sera laissé au bon jugement des divers intervenants (patient avec un diagnostic de maladie neurodégénérative, un professionnel compétent, un tiers de confiance et, pour ceux qui le souhaiteront, un notaire). » La ministre québécoise déléguée à la Santé et aux Aînés, a listé des exemples de motifs qui seraient considérés comme acceptables :
« Quand je ne reconnaitrai plus, par exemple, mes enfants, quand je ne serai plus en mesure de m’alimenter seul, quand je ne serai plus capable de marcher seule, d’aller à la toilette, quand j’aurai des souffrances physiques, que je paraîtrai angoissée, alors à ce moment, je souhaiterais que l’on puisse m’évaluer pour recevoir l’aide médicale à mourir. »
- Examen de la personne qui a formulé une demande anticipée d’AMM
Cet examen devra être réalisé lorsqu’un tiers de confiance, ou toute autre personne dans certaines circonstances prévues par la loi, croira que la personne présente les manifestations cliniques liées à sa maladie et décrites dans sa demande ou éprouve des souffrances physiques ou psychiques persistantes et insupportables.
Le soignant chargé de l’évaluation du patient regarde les manifestations cliniques mentionnées dans le formulaire et vérifie que le patient éprouve des souffrances physiques ou psychiques persistantes et insupportables. Cette question de la souffrance a suscité des débats au Québec dans la mesure où des soignants considèrent que le déclin avancé d’une maladie comme Alzheimer induit automatiquement une souffrance psychique intolérable.
Selon eux, il n’y aurait pas de « démence heureuse », en ce sens que la maladie cache toujours une souffrance intrinsèque, une souffrance psychique qui lui est attachée. D’autres au contraire, plaident pour qu’en cas de « démence heureuse », l’AMM ne puisse être autorisée.
- Administration de l’AMM
Si la loi prévoit que l’expression d’un geste de refus stoppera l’administration de la mort, elle permet aussi d’anticiper ce refus éventuel dans le formulaire par la demande d’une sédation précédant l’euthanasie.
L’AMM, un élargissement sans fin ?
Au Québec, les sondages sont favorables à la demande anticipée. Des personnes atteintes d’Alzheimer précoces ont poussé à l’entrée en vigueur de la mesure. Néanmoins, les gériatres et les professionnels de santé qui œuvrent par exemple dans des résidences où vivent les personnes atteintes d’Alzheimer, sont plus réservés, conscients que les demandes seront difficiles à appliquer. Il faut savoir qu’il n’est pas nécessaire d’être spécialiste des troubles neurocognitifs pour accompagner la 1ère étape du formulaire listant les manifestations cliniques.
Le Québec rejoint les Pays-Bas, jusqu’alors seul pays à proposer la demande anticipée d’euthanasie pour des personnes inaptes à consentir mais toujours conscientes. Néanmoins des questions demeurent :
- Quels seront les protocoles d’’injection létale à des personne inaptes qui ne s’attendront pas à ce que l’on mette fin à leurs jours ?
- Y aura-t-il des études préalables sur les conséquences à prévoir sur les familles et le personnel soignant ?
- Quelles seront les prochaines frontières alors qu’on parle déjà d’’élargir à nouveau la loi d’euthanasie pour les mineurs matures et en cas de fatigue de vivre ?
En moins de 10 ans, la loi au Québec ne cesse de s’aggraver. La mise en œuvre d’une demande anticipée d’euthanasie est particulièrement alarmante. Pour le réseau citoyen Vivre dans la dignité : « C’est bien d’aide à vivre » dont les personnes ont besoin, « pas d’une aide médicale à mourir sous un vernis de compassion. »
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