La santé mentale, grande cause nationale 2025
La santé mentale en France est un sujet de préoccupation croissante, tant en raison de la prévalence des troubles mentaux que du manque de ressources disponibles pour y répondre. Véritable enjeu de santé publique, la santé mentale a été décrétée « grande cause » de l’année 2025 par le premier ministre Michel Barnier, lors de son discours de politique générale le 1er octobre devant les députés.
Santé mentale de quoi parle-t-on ?
Selon l’OMS, qui y consacre une journée mondiale le 10 octobre, la santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».
La santé mentale englobe :
- La santé mentale positive désignant le bien-être, l’épanouissement personnel, les ressources psychologiques et les capacités d’agir de l’individu dans ses rôles sociaux.
- La détresse psychologique réactionnelle qui n’est pas forcément révélatrice d’un trouble mental.
- Les troubles psychiatriques de durée variable, plus ou moins sévères et/ou handicapants.
Etat dégradé de la santé mentale en France
Selon des rapports et études récents de Santé publique France, environ un français sur cinq souffre d’un trouble mental chaque année, incluant des troubles dépressifs, anxieux, ou des troubles psychotiques.
La dépression est l’un des troubles les plus fréquents, touchant environ 10 % de la population à un moment donné dans la vie. L’anxiété est également un problème courant, particulièrement après des périodes de stress prolongé, comme la pandémie de COVID-19. Santé publique France a ainsi constaté une hausse des troubles anxieux, des états dépressifs, ainsi qu’une augmentation du stress post-traumatique après la pandémie.
Les jeunes (16-24 ans), les femmes, les personnes en situation précaire et les personnes âgées sont particulièrement vulnérables aux troubles mentaux.
Les jeunes particulièrement vulnérables
La dégradation de la santé mentale, observée depuis la crise sanitaire, concerne plus particulièrement les adolescents (11-17 ans) et les jeunes adultes (18-24 ans). Les recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires ont fortement augmenté en 2021 puis 2022, pour rester depuis à un niveau élevé. Chez les jeunes de 18-24 ans, la hausse s’est même poursuivie de façon marquée en 2023.
Face à ces chiffres et à cette situation, le Sénat a voté à l’unanimité en janvier l’inscription de la santé mentale des jeunes comme grande cause nationale.
Dans une interview à France Info en mars dernier, un chef de service psychiatrique d’un hôpital parisien estimait ainsi qu’il était temps de mettre les moyens, « beaucoup de moyens ». « Si on ne met pas le paquet maintenant, on aura affaire à une génération sacrifiée dans quelques années », redoutait-il.
Le mal-être des seniors
D’après une étude de l’INSEE, publiée en 2021, on constate qu’environ 1 million et demi de personnes âgées de plus de 75 ans en France souffrent d’isolement social sévère ou modéré, soit près de 12 % de cette population. Le baromètre « Solitude et isolement quand on a plus de 60 ans en France » des Petits Frères des Pauvres et datant de septembre 2021, dénonçait une aggravation alarmante de la situation d’isolement des aînés en affirmant que 530 000 personnes âgées de 60 ans et plus sont en situation de mort sociale.
Selon le rapport 2020 de l’observatoire national du suicide, les décès par suicide des personnes âgées de 75 ans ou plus représentent 20 % de l’ensemble des décès par suicide, alors que cette tranche d’âge ne constitue pourtant que 9 % de l’ensemble de la population. En février 2023, le bulletin de Santé publique France sur les conduites suicidaires dans les régions françaises pendant et à la suite de la crise sanitaire rappelait que les taux pour 100 000 habitants les plus élevés de suicide sont constatés chez les seniors.
Au-delà de la labellisation de la santé mentale comme « grande cause » de l’année 2025, quelles pistes d’amélioration ?
Un collectif très large regroupant une vingtaine d’acteurs de la santé mentale, de la psychiatrie et du secteur médico-social, représentant quelque trois mille organisations réclamait ce label « grande cause » soutenant qu’il permet d’obtenir des diffusions gratuites de messages sur les télévisions et radios publique.
« On compte 13 millions de personnes touchées par un trouble psychique chaque année, une personne sur quatre est concernée au cours de sa vie : ça nous paraît une justification suffisante pour qu’un gouvernement prenne le sujet à bras-le-corps », a souligné Jean-Philippe Cavroy, délégué général de Santé mentale France, membre-clé du collectif.
Dans un système de santé en crise, la psychiatrie fait figure de grand malade : 48% de postes de praticiens titulaires sont vacants à l’hôpital et en 25 ans on est passé de 1.1 million de personnes suivies à 2.5 millions alors que dans le même temps 88 000 lits de psychiatrie ont été fermés.
1. Selon les professionnels de ce secteur, les priorités seraient de :
- Former et recruter davantage de psychiatres, psychologues et autres intervenants en santé mentale pour réduire les délais d’attente et améliorer l’accès aux soins.
- Moderniser les établissements psychiatriques.
- Intégrer les soins de santé mentale dans les services de santé primaires ce qui permettrait une meilleure prise en charge dès les premiers symptômes, limitant ainsi les cas graves nécessitant des hospitalisations.
- Renforcer l’accès aux consultations psychologiques : depuis 2022, un dispositif « Mon Psy » permet de bénéficier de consultations avec un psychologue remboursées par la Sécurité sociale. Ce type d’initiative pourrait être élargi pour inclure plus de séances et plus de professionnels accrédités.
- Former davantage les médecins généralistes, qui sont souvent le premier contact des patients, à détecter les signes de détresse mentale et à orienter les patients vers des spécialistes.
Marie-José Cortes, présidente du Syndicat des psychiatres des hôpitaux a réagi ainsi à la déclaration de Michel Barnier : « Ce qui nous importe, c’est que la psychiatrie ne soit pas oubliée, dissoute, dans cette expression de santé mentale. Renforcer les moyens humains de la psychiatrie de secteur, renforcer le dépistage, renforcer la prise en charge des situations d’urgence et de crise, en évitant à tout prix les ruptures de parcours de soins : voilà les objectifs que le gouvernement doit prendre à bras-le-corps. »
Le collectif Printemps de la psychiatrie plaide quant à lui pour que la priorité soit donnée à des « conditions d’accueil et de soin dignes et attentionnées ».
2. Il faut aussi multiplier les actions de prévention pour réduire la stigmatisation et encourager les gens à consulter un professionnel dès les premiers signes de trouble mental.
Pour les jeunes, des actions spécifiques doivent être menées dans les écoles, comme la mise en place de cellules de soutien psychologique et des programmes de prévention. Pour les personnes âgées, Thierry Gallarda, chef du service de psychiatrie de l’adulte âgé au GHU psychiatrie et neurosciences de l’hôpital Sainte-Anne à Paris, préconise de remédier aux « préjugés liés à l’âge et à une confusion fréquente entre les symptômes du vieillissement et ceux de troubles mentaux, comme la dépression ou l’anxiété », par le développement de formations visant à reconnaître les signes spécifiques de cette détresse. Ces personnes pourraient également être mieux orientées vers un psychiatre compétent ou bénéficier de services de soutien psychologique à domicile.
3. Il faut mieux accompagner les familles et les proches
Quant aux familles et aux proches des personnes souffrant de troubles mentaux, elles jouent un rôle crucial, tout en étant confrontées à des défis considérables. Des programmes de soutien spécifiques pour les aidants pourraient être mis en place, avec un accès à des formations, à des ressources et à un accompagnement psychologique.
Prendre soin de la santé mentale, ce n’est pas seulement prendre soin d’une personne malade. Car à travers la maladie, c’est tout le réseau de relations qui est touché et qui bénéficie, ou pas, d’une prise en charge de la personne atteinte. Les répercussions pour l’ensemble de la société d’une dégradation de la santé mentale ne sauraient être minimisées. Une solidarité effective envers les personnes fragilisées dans leur santé mentale, et l’allocation de moyens importants, serait un signe de bonne santé de la société.