Journée des aidants : les aidants doivent être aidés !
A l’occasion de la 15e Journée nationale des aidants, ce dimanche 6 octobre 2024, trois études apportent un éclairage sur le profil des aidants, leurs difficultés et les solutions possibles pour les soutenir.
Avec le vieillissement de la population, l’augmentation des personnes dépendantes et les politiques publiques qui privilégient le maintien à domicile des personnes âgées, les proches « aidants » seront de plus en plus sollicités ces prochaines années. Prenant conscience de leur importance, l’Etat a mis en place des politiques de soutien aux aidants à travers les stratégies nationales successives « Agir pour les aidants » et l’instauration en octobre 2020 du premier congé de proche aidant rémunéré.
Mais quel est le profil de ces aidants qui représenteraient aujourd’hui entre 8 et 11 millions de personnes en France ? Quelles conséquences l’aide apportée à un proche a-t-elle sur leur activité professionnelle et sur leur santé ? Quelles solutions concrètes existe-t-il aujourd’hui pour les soutenir ? Une étude publiée le 2 octobre 2024 par la Drees (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques), le baromètre Aidant.es 2024 du Collectif Je t’Aide et l’étude 2024 de l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp) apportent des réponses complémentaires à ces questions.
Aidants : Qui sont-ils ?
L’étude menée en juin par le Collectif Je t’Aide sur un échantillon de 1005 Français donne quelques indications sur le profil des aidants : composés à 54 % de femmes, 72 % d’entre eux ont plus de 35 ans et 58 % d’entre eux sont actifs. L’étude Ocirp qui vise plus particulièrement les salariés aidants précise que l’âge moyen de ceux-ci s’établit à 42 ans, avec un âge moyen de 1e entrée dans l’aidance de 33 ans.
Fait notable, le baromètre Je t’Aide met en évidence que si un Français sur quatre est aidant, seuls les deux tiers (68 %) se perçoivent spontanément comme tels. L’étude de l’Ocirp constate également que 47 % des salariés qui se révèlent, au cours du questionnaire, être objectivement aidants, se déclaraient de prime abord « non concernés ».
Qui est la personne aidée ?
53 % des aidants interrogés par Je t’Aide aident un proche rendu dépendant par la vieillesse, 36 % un proche malade et 23 % un proche en situation de handicap. Ils sont 90 % à aider un membre de leur famille, dont 47 % qui aident l’un de leurs parents. Plus des deux tiers des aidants (68 %) estiment qu’ils le sont devenus principalement en raison du lien affectif les liant au proche aidé.
Des conséquences sur la santé plus liées à la cohabitation qu’au fait d’aider
L’étude de la Drees apporte une vision nuancée des conséquences sur la santé du fait d’être aidant. Parmi les 3,9 millions de personnes qui aident un proche de 60 ans ou plus à son domicile, 47 % déclarent au moins une conséquence de l’aide apportée sur leur santé : 19 % déclarent au moins une conséquence sur leur santé physique (fatigue physique, trouble du sommeil, problème de dos ou palpitations) et 37 % déclarent au moins une conséquence sur leur santé mentale (fatigue morale, solitude, se sentir dépressif, anxieux).
Ces conséquences sont plus fréquentes si la personne aidée est proche (conjoint ou enfants), si la personne aidée a des troubles cognitifs et s’ils cohabitent avec elle. Plus l’aidant effectue de tâches, plus les conséquences sur la santé sont nombreuses. Sont plus à risque d’éprouver des conséquences pour la santé les personnes qui aident seules, manquent de temps et auraient besoin de répit.
Néanmoins, en croisant ces résultats avec ceux de l’enquête Vie quotidienne et santé (VQS) réalisée par l’Insee en 2014, la Drees constate que les seniors aidants se déclarent en moyenne en meilleure santé que les personnes à âge et genre identiques. Selon la Drees, ce paradoxe pourrait s’expliquer par un effet de comparaison avec la personne aidée, mais aussi et surtout par un effet de sélection : les personnes en bonne santé sont plus susceptibles d’aider.
Enfin, l’étude de la Drees a voulu mieux comprendre le rôle de l’aide déclarée et de la cohabitation, en distinguant, parmi les personnes qui cohabitent avec une personne en situation de perte d’autonomie, ceux qui déclarent aider et ceux qui ne déclarent pas aider. Les résultats montrent que les seniors qui cohabitent avec une personne en perte d’autonomie, qu’ils déclarent ou non l’aider, ont une santé plus dégradée que les autres seniors.
Ils ont deux fois plus de chance de se déclarer en mauvaise ou en très mauvaise santé que les autres seniors (24 % contre 12 %). Ils ont également des scores de santé mentale nettement inférieurs aux autres seniors et consomment plus d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs. La Drees en conclut qu’avoir un proche en perte d’autonomie « ne touche donc pas que les aidants, mais semble avoir des conséquences sur les membres du ménage, ce même s’ils ne déclarent pas apporter une aide. Le périmètre considéré autour de la personne en perte d’autonomie par les politiques publiques doit donc être construit minutieusement. »
Des conséquences sur l’activité professionnelle, en particulier pour les jeunes aidants
L’étude menée par Viavoice pour l’Ocirp révèle que 30 % des aidants actifs se sentent mis en difficulté professionnellement (organisation, efficacité, quantité et qualité du travail). Ce chiffre atteint 40 % chez les aidants de moins de 30 ans. Or seulement 29 % des salariés aidants informent leur employeur de leur situation. Cela s’explique par la perception de l’employeur : 65 % des DRH pensent qu’être aidant constitue un frein important à son évolution professionnelle et pour sa carrière dans son entreprise.
Des femmes plus impliquées mais aussi plus fragilisées par l’aide à un proche
Le baromètre Je t’aide montre que les femmes aidantes accomplissent plus de tâches que les hommes aidants. Elles sont ainsi 63 % à apporter un soutien moral à leur proche, contre 53 % chez les hommes aidants. Elles sont également plus nombreuses à accompagner leur proche dans ses déplacements (57 % contre 52 %), à aider pour le suivi des comptes et les formalités administratives (53 % versus 46 %) et à l’organisation des relations avec les professionnels de santé (49 % versus 36 %).
Plus impliquées, les femmes aidantes sont aussi plus susceptibles de subir des conséquences pour leur santé, selon l’étude de la Drees, sans qu’une raison ne puisse être avancée. Elles vont moins souvent chez le médecin généraliste que les femmes du même âge, ce qui n’est pas le cas des hommes. Au contraire, le fait d’aider semble être associé à un meilleur état de santé pour les hommes.
Des dispositifs de soutien méconnus
Les dispositifs publics mis en place depuis plusieurs années pour soutenir les aidants sont en général insuffisamment connus. Selon le baromètre Je t’aide, le congé de proche aidant, rémunéré depuis 2020, est connu par 55 % des aidants. 51 % des aidants ont également entendu parler des formations pour aidants, proposées notamment par l’Association Française des aidants. Ils ne sont que 48 % à avoir entendu parler des solutions de répit. Seuls 36 % ont entendu parler des plateformes de répit.
En entreprise, des solutions de soutien qui fonctionnent
Depuis quelques années, les entreprises ont pris conscience des conséquences pour les actifs de l’aide qu’ils apportent à un proche. Selon l’étude de l’Ocirp, un salarié sur quatre sera concerné en 2030. Ainsi, l’étude présente dix façons de soutenir les salariés aidants, parmi lesquelles la labellisation « salariés aidants », l’inscription du soutien aux salariés aidants dans la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) ou la création d’une plateforme d’information et d’orientation personnalisée sur les droits et services disponibles localement.
L’Ocirp suggère aussi de nommer un « référent aidant » dans l’entreprise, solution approuvée par 77 % des partenaires sociaux. Parmi les aménagements des horaires et de l’organisation du travail, les salariés aidants plébiscitent la possibilité d’aménager leurs horaires, solution jugée efficace par 65 % d’entre eux. Les partenaires sociaux privilégient l’allègement de la charge de travail, jugé efficace par 81 % d’entre eux. Pour 56 % des partenaires sociaux, le télétravail est une solution importante mais pas suffisante.
En conclusion, ces trois études montrent que même si les aidants ne s’identifient pas toujours comme tels, ils représentent une partie importante de la population. Leur nombre devrait considérablement augmenter encore ces prochaines années du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation des personnes dépendantes. Dans ce contexte, il est prioritaire que les politiques publiques les prennent en compte dans une politique globale de prise en charge du grand âge et de la dépendance.
Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre, Michel Barnier, n’a pas du tout évoqué la question du grand âge, alors qu’une loi de programmation sur le grand âge et l’autonomie est très attendue par les professionnels du secteur. Si l’on veut éviter l’épuisement des aidants, cette réforme ne peut plus attendre.
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