Contre la douleur, quelle stratégie ?

18/10/2024

Contre la douleur, quelle stratégie ?

 

Jeudi 17 octobre 2024 se tient la 2ème journée mondiale de lutte contre la douleur. C’est l’occasion de mieux appréhender la relation de l’être humain avec la souffrance physique et ses répercussions.

Qu’est-ce que la douleur ?

« Une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes », selon l’association internationale pour l’étude de la douleur. La France, par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental de toute personne. Certes, en tant que telle, la douleur fait partie du fonctionnement normal du corps humain. La douleur est d’abord une alerte bénéfique voire une information vitale.

Si nécessaire, cette alerte provoque un mouvement réflexe d’urgence qui court-circuite la conscience, comme lorsque se retire vivement une main qui a touché un objet brûlant. La douleur incite à la prudence. Elle facilite aussi la prévention des maladies par les messages qu’elle envoie. Une personne partiellement insensibilisée à la suite d’un accident ou d’un problème de santé (ex. : spina-bifida) devra se surveiller davantage pour compenser ce défaut d’alerte.

Une douleur mérite d’être communiquée à ceux qui prennent soin (proches, soignants). Quand un patient est incapable de s’exprimer – certaines personnes polyhandicapées ou en fin de vie – ses soignants doivent déceler les signes d’une douleur qui ne peut s’exprimer par des mots (position fœtale, gémissements, grimaces et tout autre langage non verbal). En plus des grilles d’autoévaluation, qui reconnaissent le caractère subjectif et personnel de la perception douloureuse, une typologie des douleurs est utilisée par les soignants : douleur aigüe, douleur chronique et douleur liée aux soins.

L’appréhension de la douleur accompagne une double-évolution culturelle et technique : d’un côté, au moins dans les pays occidentaux, d’immenses progrès ont été faits pour lutter contre la douleur, grâce à des médicaments (pas seulement analgésiques, car certains anti-inflammatoires et antidépressifs agissent aussi sur la sensation douloureuse), grâce aussi à des interventions chirurgicales (par ex. chirurgie du rachis) mais également à l’aide de « stratégies » ni médicamenteuses, ni invasives (voir plus loin) ; d’un autre côté, la tolérance à cette douleur a progressivement baissé : elle apparait davantage comme un mal évitable, et de moins en moins comme une fatalité.

Inutile d’attendre pour traiter : la prévention de la douleur a progressivement pris sa place dans l’arsenal thérapeutique. Cependant, du fait de l’accessibilité aux antalgiques, il ne faudrait pas perdre la sagesse des méthodes analgésiques « naturelles ». D’autant qu’elles sont parfois contre-intuitives. D’où les efforts des autorités de santé pour, par exemple, encourager la mobilisation des membres souffrants. On sait qu’un mal de dos tend à tétaniser et à crisper alors que – de façon prudente et selon la situation clinique – c’est la mobilisation qui est plus souvent préconisée pour vaincre la douleur, car « le mouvement est antalgique ».

Il reste beaucoup à faire pour qu’une culture diversifiée et experte de lutte contre la douleur se généralise, certains soignants ne l’ayant pas encore pleinement intégrée à leur pratique. On trouve encore, à l’arrivée en soins palliatifs, des patients très douloureux n’ayant pas bénéficié de toute la panoplie utile : diagnostics pointus, grilles d’auto-évaluation, pompes à morphine et stratégie non médicamenteuse. Parmi ces stratégies figurent, la relaxation, la kinésithérapie, l’hypnose, l’écoute, la méditation…

La relation et l’affection elles-mêmes sont analgésiques : des soignants rapportent que, dans les services d’EHPAD où ils passent plus régulièrement dans les chambres pour s’enquérir de l’état des résidents, ces derniers consomment moins d’analgésiques. La douleur entre en effet chez l’être humain, qui se sait « mortel », en résonance avec la solitude, la peur de l’aggravation ou de la durée, le sentiment d’inutilité, d’indignité etc. La perception de la douleur a des composantes psychiques complexes à ne pas négliger.

A tous les stades de la vie s’impose un arbitrage avant de mettre en route ou de faire évoluer un traitement médicamenteux de la douleur. La douleur doit être combattue sans « complaisance », mais l’effacement total de toute douleur risque parfois de se faire au détriment de la santé et de la relation (effets secondaires : somnolence, constipation, nausées… jusqu’à la mort en cas de surdosage).

Les autorités sanitaires mettent en garde contre la hausse des prescriptions d’opioïdes, notamment de tramadol qui peut générer une dépendance, après le retrait du marché, il y a une  dizaine d’années, du Di-Antalvic et de tous ses génériques, à cause de leur dangerosité. La tentation d’éteindre toute plainte – qui est une façon de la fuir – doit aussi être régulée par le désir de conserver au maximum la capacité d’expression du patient, sa conscience et sa liberté. C’est pourquoi la sédation analgésique est en principe réversible. Elle permet de se reposer (par exemple la nuit), car la douleur épuise, pour pouvoir (le lendemain) communiquer. La sédation profonde ne sera décidée « continue jusqu’au décès » qu’en dernière extrémité, de façon exceptionnelle.

Une douleur intense ou chronique peut provoquer angoisse et abattement, induisant des souffrances morales. A l’occasion de le la journée de lutte contre la douleur, Alliance VITA rappelle l’existence de Centres anti-douleur, structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur chronique. L’association déplore les files d’attente imposées par le manque de moyens dans ces centres ; ils privent certains patients lourdement éprouvés du soulagement auxquels ils ont droit.

Par ailleurs, Alliance VITA relève que la « douleur » et ses souffrances induites sont encore largement invoquées à l’appui des revendications euthanasiques. Elles ont été largement promues par l’utilisation abusive de l’alternative piégée (ou choix truqué) : « souffrir atrocement ou mourir sans souffrir ? » En 2024, il serait particulièrement scandaleux que le défaut de soulagement de la douleur incite certains patients au suicide sous quelque forme que ce soit.

 

 

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