Prévenir le suicide, pas l’enjoliver

10/09/2024

Prévenir le suicide, pas l’enjoliver

 

Depuis 2003, le 10 septembre est la journée mondiale de la prévention du suicide, journée organisée par l’Association internationale pour la prévention du suicide (IASP) et coparrainée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
 
 
Il y a plus de vingt ans, le suicide était en effet reconnu comme problème de santé publique majeur nécessitant une vraie politique de prévention.
Hasard du calendrier, s’achevait il y a quelques jours la Mostra de Venise qui a sacré le réalisateur espagnol Almodóvar pour son film sur le suicide assisté, La Chambre d’à côté, qui a remporté le Lion d’Or.
 
 
Le long-métrage relate l’histoire d’une ancienne reporter de guerre habituée à défier la mort qui, lorsqu’elle est atteinte d’un cancer, décide de mettre fin à ses jours. En venant récupérer son prix, le réalisateur en a profité pour livrer un plaidoyer pour l’euthanasie, clamant que “dire adieu à ce monde dignement est un droit fondamental de tout être humain”.
 
 

Le suicide, un drame à un million de morts par an

 
Loin d’être une belle histoire, le suicide c’est en réalité de très nombreuses vies qui s’arrêtent chaque jour, davantage encore de tentatives de se donner la mort, des crises et des envies suicidaires qui se soignent en psychiatrie, et un enjeu majeur de santé publique tant ce drame nous touche tous.
 
 
A l’échelle mondiale, on compte 1 suicide toutes les 40 secondes environ, ainsi qu’une tentative toutes les 3 secondes, ce qui revient à 1 million de suicides chaque année dans le monde. C’est davantage que l’ensemble des personnes tuées par les guerres et les catastrophes naturelles !
 
 
Pour notre seul pays, les chiffres sont également alarmants (même si l’on constate une tendance à la baisse depuis vingt ans), puisque la France a un taux de suicide de 13,4 pour 100 000 habitants – l’un des plus hauts d’Europe, supérieur à la moyenne européenne de 11,3 (en 2017). On dénombre ainsi près de 9000 décès par suicide chaque année en France.
 
 
On compte également, toujours en France, 685 tentatives de suicide par jour : ces tentatives entraînent 100 000 hospitalisations par an, et environ 200 000 passages aux urgences. Les tentatives de suicide représentent donc vingt fois le nombre de suicides effectifs.

Impact sur l’entourage et contagion suicidaire

Acte intime par excellence, chaque suicide est pourtant bien plus qu’un drame « individuel » : endeuillant brutalement et de façon violente l’entourage d’une personne, il concerne toute la société. Selon Pierre Thomas, professeur de psychiatrie à l’Université de Lille :
 
« Chaque suicide est en effet une catastrophe, à l’origine de beaucoup de douleur et de traumatismes chez les proches, et il peut être l’un des évènements les plus pénibles auxquels sont confrontés les professionnels de santé.
On considère qu’un suicide endeuille en moyenne sept proches et impacte plus de 20 personnes. Or, il est démontré que le risque de suicide augmente significativement dans l’entourage d’une personne suicidée (famille, camarades de classe, collègues de travail, etc.), observation qui a conduit à développer l’idée de la contagion suicidaire et à mettre en œuvre des moyens pour lutter contre cette contagion. »
 
Lors de la Rencontre internationale sur la fin de vie organisée par Alliance VITA le 28 février 2024, Stève Bobillier, docteur en philosophie et sciences sociales et éthicien suisse l’a montré également : le suicide n’est pas un acte individuel, mais il a un impact conséquent sur les proches, les soignants et la société en général.
Et par effet de suicide mimétique ou effet Werther (phénomène mis en évidence en 1982 par le sociologue américain David Philipps, qui a étudié la hausse du nombre de suicides suivant la parution dans les médias d’un cas de suicide), la législation relative au suicide assisté mènerait à une banalisation dangereuse au détriment de sa prévention.
 
Que penser alors de la « publicité » donnée au suicide assisté par un film comme celui évoqué plus haut, quand on sait tout l’impact que de tels modèles peuvent avoir sur les personnes qui les regardent ? A tel point d’ailleurs que dans des recommandations adressées aux professionnels des médias, l’OMS, en partenariat avec l’IASP, préconise notamment d’éviter le langage qui sensationnalise et normalise le suicide ou qui le présente comme une solution aux problèmes.
 
Chaque suicide est un échec pour la société : il pourrait en être autrement, le suicide n’est pas une fatalité, comme le rappellent les professionnels de la prévention et tous ceux qui, après une tentative, reprennent goût à la vie.

Nécessité de la prévention de tout type de suicide

 
Légaliser le suicide assisté et l’euthanasie comme le prévoyait le projet de loi fin de vie (dont le processus législatif a été arrêté par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier) entraverait gravement les politiques de prévention. Il est irresponsable de présenter un suicide comme souhaitable et de prétendre que l’Etat doit l’organiser.
 
Alors que le secteur de la psychiatrie traverse une crise profonde, des spécialistes alertaient d’ailleurs dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 10 avril 2024 :
 
« Alors que nous considérons la mise en œuvre potentielle de l’aide à mourir, il est crucial de ne pas perdre de vue l’importance de la prévention du suicide, qui doit être une priorité de santé publique nécessitant des efforts continus : il faut identifier et soutenir ceux qui luttent contre des idées suicidaires.[…] La question n’est donc pas tant de savoir si la douleur psychologique est irréversible, mais plutôt de savoir si le système de santé est capable de dégager des moyens suffisants pour la traiter en proposant aux patients toutes les options possibles. »
 
Quel sens cela aurait-il de proposer d’un côté une écoute aux personnes tentées de mettre fin à leurs jours, avec le numéro gratuit 3114, et de proposer d’un autre côté un « service » de suicide assisté ?
 
Quelle logique y aurait-il à recontacter les personnes ayant fait une tentative de suicide via le dispositif VigilanS pour les accompagner et éviter leur passage à l’acte, mais à répondre positivement à la demande d’euthanasie d’autres personnes ?
 
 
Alliance VITA demande que personne ne soit exclu des politiques de prévention : quel que soit son âge, son état de santé, son handicap ou sa dépendance, nul ne peut être déclaré « éligible » au suicide. Aucune vie ne mérite d’être considérée comme vaine, inutile et sans valeur. Ce sont au contraire les personnes les plus fragiles qui ont le plus besoin d’être protégées contre le risque d’un passage à l’acte désespéré.
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